
INTRODUCTION
Il existe un mouvement d’opinion, parmi les économistes mondialistes, suivant lequel tout ce
qui contribue à réglementer les marchés et à infléchir les flux financiers dans un sens
politique, serait-ce dans l’intérêt commun, perturbe l’ordre naturel des choses. Les tenants de
cette idéologie sont généralement très critiques avec les pouvoirs publics; on reproche à ceux-
ci d’être volontiers centralisateurs, plénipotentiaires et fortement susceptibles d’investir les
fonds publics dans des programmes sociaux qui se révèlent souvent très coûteux.
Bien sûr, les gouvernements ont tenté de diverses manières de répondre à ces critiques, surtout
lorsque la situation politique et économique s’était à ce point détériorée que des mesures
concrètes devaient absolument être prises pour redresser la situation. Dans ce contexte, la
mesure la plus connue et la plus radicale qu’un gouvernement puisse prendre est certes la
privatisation des institutions publiques.
Ce rapport vise à examiner les divers problèmes qui se posent lors des dénationalisations,
ainsi que quelques-unes des tendances lourdes que l’on peut observer dans ce domaine à
l’aube du troisième millénaire.
Un retour attentif sur les événements du vingtième siècle permet de réaliser que la
privatisation des entreprises étatiques, qui a marqué les décennies 1980 et 1990, est en fait un
retour de balancier. La nationalisation de l’économie fut en effet, dans plusieurs pays, le
précurseur historique et le facteur déclenchant de la privatisation : les économistes s’accordent
à reconnaître que la Grande Dépression des années 1930 et les deux guerres mondiales du
vingtième siècle ont eu pour conséquence d’accentuer grandement l’implication de l’État dans
l’économie et d’orienter celle-ci dans un sens qui était étroitement lié à ses politiques du
moment.
On a assisté par la suite au développement de bureaucraties de plus en plus centralisées. Cette
centralisation des pouvoirs a permis, dans plusieurs pays, de redresser une économie
défaillante. Les gouvernements mirent du temps à prendre conscience des limites de ce
contrôle étatiques. Ce n’est que graduellement et de façon ponctuelle que certains en vinrent à
envisager l’idée de réduire la taille des structures gouvernementales en redonnant au secteur
privé le contrôle effectif d’un certain nombre d’entreprises d’État ainsi que le pouvoir
d’influer sur les marchés et bien sûr, par la même occasion, de réaliser des profits.
Ces deux systèmes - la centralisation de pouvoirs en matière de commerce et d’économie au
niveau du gouvernement et la remise au secteur privé de leviers décisionnels dans ces
domaines - se sont toujours partagés, depuis l’Antiquité, quoique à des degrés divers et
suivant des modèles souvent très changeants, les moyens de production et l’activité
commerciale de tous les pays. C’est seulement au vingtième siècle que l’une et l’autre, la
privatisation répondant en quelque sorte à la nationalisation, furent considérées sinon comme
des panacées idéologiques, du moins comme des approches susceptibles, si on les appliquait
de façon systématique, de corriger les problèmes liés aux opérations courantes du marché et
de générer la richesse et le progrès au sein des sociétés.
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