communiquer 05’ Alexandre Pasche Directeur Eco&co, agence conseil en communication environnement et R.S.E, Vice-président de l’Association pour une communication plus responsable GREENWASHING, FAIRWASHING, FRENCHWASHING INVESTIGATION À LA TV : UN DÉFI POUR LES ENTREPRISES Le marketing et la publicité ont longtemps refusé de lutter efficacement contre les promesses écologiques, sociales et les appellations d’origine induisant les consommateurs en erreur. Résultat : marketing et communication sont cloués au pilori par les médias et une partie des politiques. 30 Décisions durables n° 12 _ septembre - octobre 12 L’hallali est sonné contre les entreprises ou agences de pub pratiquant le greenwashing 1 , le fairwashing2 ou plus récemment le frenchwashing3. Les récentes émissions Cash Investigation sur France 2 et Spécial investigation sur Canal + en sont l’illustration. Les entreprises et les agences doivent réagir pour mettre fin à la montée de la publiphobie. Il s’agit de réformer nos pratiques pour évoluer vers une communication responsable. Agitations dans la Com’ Cash Investigation, présentée par Elise Lucet - en particulier les éditions du 4 et du 18 mai 2012 sur les postures faussement écologiques et sociales de grandes marques ou entreprises - sont à voir absolument. Fondée sur un gros travail d’enquête, la première présente des cas de greenwashing troublants : la pseudo-bouteille végétale de Volvic (100 % plastique non-biodégradable), le film « Épopée de l’énergie » d’Areva présentant implicitement le nucléaire comme une énergie propre4. Ébranlements dans la mode et le Made in France Spécial Investigation traite, de son côté, de la mode avec le titre accusateur : « Toxic fringues ». Elle montre, preuves à l’appui, que des enseignes telles que Zara, H&M ou Monoprix font produire des vêtements au Bangladesh par des ateliers employant jusqu’à 50 enfants de moins de 16 ans. Ces enfants sont enfermés dans des locaux insalubres de 8 heures à 20 heures. Ils ne vont pas à l’école, ne jouent pas, ne voient quasiment pas la lumière du soleil. Ils travaillent six jours sur sept, pour moins d’un euro par jour. La confrontation avec les responsables des marques Monoprix ou du groupe Inditex (Zara) est édifiante. Ces derniers sont surpris par les résultats de l’enquête, en contradiction avec leurs proclamations « éthiques », « sociales », « équitables » ou « durables », celles que l’on trouve dans leurs publicités, leurs rapports annuels ou leurs communiqués de presse. Le 11 juin sur Canal+, le constat sur les appellations d’origine noncontrôlées est consternant : le « savon de Marseille à l’huile SPÉCIAL INVESTI GATION d’olive » est à base de graisses animales et provient de Tunisie, les « saucissons corses » sont faits à partir d’animaux élevés en batterie et importés congelés d’Amérique latine, les « couteaux Laguiole » vendus au Salon de l’agriculture sont fabriqués en Chine sans aucune exigence de qualité et de sécurité pour les ouvriers. Menaces pour les marques et les entreprises Faute de véritables contrôles et de véritables labels, les enseignes et les consommateurs sont dans le flou : l’opacité règne au détriment de l’environnement, des ouvriers asiatiques et des couteliers de l’Aveyron. Pour les journalistes de ces émissions - comme pour une large partie de l’opinion - on ne peut pas se revendiquer « vert » ou « éthique » lorsque l’on a une activité manifestement polluante ou contraire aux droits sociaux. De même, il est inacceptable que les produits régionaux ne… le soient plus. En regardant ces émissions, on se dit : 1. que de véritables organismes indépendants régulateurs de la nettoyage You, lancée par Monoprix, les papiers éco-certifiés Arjowiggins ou Rey, la campagne Sécurité routière « Gilet Jaune » (avec Karl Lagerfeld), la campagne « Changeons d’étiquette » de Max Havelaar, « Il est mortel ce jean » d’Éthique sur l’étiquette, ou des communications d’appellation d’origine contrôlée qui ont fait leurs preuves comme celle du beurre Charente-Poitou. Des émissions comme Cash investigation ou Special investigation sont désagréables 6 ? Pourtant, elles sont globalement salutaires, car elles placent la barre de l’exigence écologique et éthique au niveau souhaité par l’opinion. À nous de relever le défi ! 1 Ou « Imposture écologique ». Attitude tendant à valoriser un produit ou un service par des qualités vertes, sans évaluation réelle. 2 Ou « imposture sociale », sur le même principe que le greenwashing. 3 Ou « imposture sur l’origine française », plus récente et qui va se développant depuis que le discours politique de la campagne présidentielle 2012 s’en est saisi. 4 Affirmation en contradiction avec les dégâts écologiques et sanitaires de cette activité, en particulier dans l’exploitation d’uranium au Gabon. Lire aussi dans le DD10, page 35-36. 5 http://collectifcomresponsable.fr/wp-content/ uploads/2011/09/Manifeste-com.responsable-2011.pdf 6 Cash Investigation tombe parfois dans des amalgames excessifs : elle met dans le même sac les campagnes greenwashing du Crédit Agricole, d’Areva, et des associations comme WWF et Novethic qui ont été facteurs indéniables de progrès. Elise Lucet, sollicitée par notre rédaction, nous a fait savoir qu’elle n’avait pas le temps de nous répondre avant son départ en vacances. 31 commercialisation et de la communication sont indispensables (ils n’existent pas) ; 2. que seuls les labels sérieux, officiels, indépendants comme AB, l’Ecolabel européen, ISO 14001, Max Havelaar, ISO 8000, Origine France Garantie… devraient avoir le droit de cité. C’est la position que défend l’Association pour une communication plus responsable. Pour elle, les impostures écologiques, sociales ou sur l’origine française sont une menace. Elles décrédibilisent la publicité, les marques et les entreprises. L’association souhaite un programme radical de réformes et la promotion des produits et campagnes exemplaires5. Il en existe déjà : la gamme de produits de Décisions durables n° 12 _ septembre - octobre 12 Faute de véritables contrôles et de véritables labels, les enseignes et les consommateurs »