ACTA ARITHMETICA
LXXXIII.3 (1998)
Applications des entiers `a diviseurs denses
par
Eric Saias (Paris)
A la m´emoire de Paul Eros
1. Introduction
1a. R´esultats relatifs aux entiers `a diviseurs denses. D´esignons par
P(n) le plus petit facteur premier de l’entier n2 et posons
F(n) = 1 (n= 1),
max{dP (d) : d|n, d > 1}(n2).
Nous appelons entiers `a diviseurs t-denses les entiers nv´erifiant F(n)nt.
Nous avons choisi cette d´enomination en raison de l’identit´e
F(n)
n= max
1i<τ(n)
di+1(n)
di(n)(n2),
o`u 1 = d1(n)< . . . < dτ(n)=nesigne la suite croissante de tous les
diviseurs de n(voir le Lemme 2.2 de [9]).
L’objet du pr´esent travail est d’´etudier deux probl`emes distincts, le pre-
mier relatif au petit crible d’Erd˝os et Ruzsa et le second au graphe divisoriel.
Pour cela, nous sommes amen´es `a utiliser les ordres de grandeur exacts de
fonctions de r´epartition li´ees aux entiers `a diviseurs denses, que nous allons
donner maintenant.
Posons
A(x) = card{n:F(n)x}.
Les premiers `a ´etudier cette fonction ont ´et´e Schinzel et Szekeres qui ont
montr´e dans [8] que l’on a
A(x) = o(x) quand xtend vers +.
Ce r´esultat a ´et´e depuis pr´ecis´e dans un premier temps par Ruzsa [4] qui a
´etabli l’existence d’une constante c > 0 pour laquelle
1991 Mathematics Subject Classification: 11N25, 05C38, 20B99.
[225]
226 E. Saias
A(x)x
logcx,
puis par Tenenbaum dont les travaux [9] et [10] montrent que pour ε > 0,
x
(log x)(log log x)5/3+εεA(x)x
log xlog log x.
Enfin il r´esulte facilement de notre travail [7] que l’on a en fait (1)
(1) A(x)x
log x.
Pour les applications, nous sommes amen´es `a consid´erer des fonctions de
r´epartition plus g´en´erales. Posons
D(x, t) = card{nx:F(n)nt},
D0(x, t) = card{nx:F(n)nt et nest sans facteur carr´e}
et
A(x, t) = card A(x, t) avec A(x, t) = {nx:F(n)xt}.
Posons de plus
B(x) = card B(x)
avec
B(x) = {nx:n6∈ A(x, 1) et [(d|net d<n)d∈ A(x, 1)]}.
Il r´esulte facilement des r´esultats de [7] que l’on a (2)
(2) D0(x, 2t)D(x, 2t)A(x, t)xlog 2t
log 2xpour xt1.
Par ailleurs, nous montrons au Lemme 6 du pr´esent travail que l’on a
(3) B(x)x
log x.
1b. Petit crible d’Eros et Ruzsa. Soit Eun ensemble d’entiers stricte-
ment positifs. On d´esigne par F(x, E) le nombre d’entiers strictement posi-
tifs xqui n’ont aucun diviseur dans E. Nous nous int´eressons ici au
probl`eme soulev´e par Erd˝os et Ruzsa de l’estimation asymptotique de la
quantit´e
H(x) = min F(x, E)
(1) Pour une preuve compl`ete de cette estimation, voir la note (2) o`u la formule plus
g´en´erale (2) est ´etablie.
(2) Les estimations de A(x, t) pour xt2 et de D(x, 2t) et D0(x, 2t) pour x
2t2 r´esultent directement du Th´eor`eme 1 de [7]. De plus, quand x4 et 1 t < 2,
on estime A(x, t) en se ramenant au cas g´en´eral par l’interm´ediaire de l’encadrement
A(x/2,2t)A(x, t)A(x, 2t). Par ailleurs, quand x2 et 1 tx < 2t, on
estime D(x, t) et D0(x, t) en se ramenant au cas g´en´eral par l’interm´ediaire des formules
D(x, 2t) = D(x, x) et D0(x, 2t) = D0(x, x). Enfin, les estimations annonc´ees sont triviales
quand xreste born´e.
Applications des entiers `a diviseurs denses 227
o`u le minimum porte sur les ensembles Ev´erifiant les conditions
X
e∈E
1
e1 et 1 6∈ E.
Dans [4], Ruzsa montre comment d´eduire de mani`ere ´el´ementaire du
th´eor`eme des nombres premiers la minoration
(4) H(x)x/log x.
Le travail de Ruzsa permet ´egalement de majorer H(x) en fonction de A(x)
par l’interm´ediaire de la formule suivante (3) :
(5) H(x)A(x)(1 + 3 log(2x/A(x))) + x.
Ruzsa conjecture de plus que l’on peut am´eliorer un certain lemme (voir
dans [4] le Lemme 2.8 et la conjecture juste avant le Lemme 2.10) de telle
mani`ere `a obtenir H(x)A(x) au lieu de (5), ce qui ´etablirait avec (1) et
(4) que
(6) H(x)x
log x.
Nous ne savons pas d´emontrer ou infirmer la conjecture de Ruzsa. Cepen-
dant, nous montrons ici que l’on a bien (6). En effet, `a l’aide d’une variante
de l’argumentation qui m`ene `a (5), on obtient (voir le Lemme 10)
H(x)max(A(x), B(x) + x),
les estimations (1), (3) et (4) permettant alors de conclure. On a donc le
Th´
eor`
eme 1. Il existe deux constantes strictement positives c1et c2
telles que pour x2, on ait
c1
x
log xH(x)c2
x
log x.
Nous concluons ce chapitre par deux remarques.
Remarque 1. Signalons qu’il r´esulte facilement du pr´esent travail que
X
b∈B(x)
1
b= 1 + O1
log x.
Cela ´etant, on ne sait pas si pour tout x2 on a Pb∈B(x)1/b < 1, comme
semble l’indiquer les calculs effectifs des ensembles B(x) pour les petits x.
Il est `a noter qu’en cas de r´eponse positive `a cette derni`ere question, la
(3) Montrons la formule (5). Si Pb∈B(x)1/b 1, on a directement H(x)F(x, B(x))
=A(x). Sinon on note B0(x) une partie maximale de B(x) telle que Pb∈B0(x)1/b 1.
On a alors H(x)F(x, B0(x)) F(x, B(x)) + xPb∈B(x)\B0(x)1/b =A(x) + SS0
avec S:= xPb∈B(x)1/b x+ 3A(x) log(2x/A(x)) d’apr`es le Lemme 7.1 de [9], et S0:=
xPb∈B0(x)1/b > x xcar tous les entiers de B(x) sont >x.
228 E. Saias
d´emonstration de la majoration de H(x) du Th´eor`eme 1 s’obtiendrait alors
encore plus simplement en ´ecrivant
H(x)F(x, B(x)) = A(x)x/log x.
Remarque 2. On s’int´eresse ici au probl`eme d’obtenir rapidement une
minoration de A(x). En interpr´etant la formule (5) comme une minoration
de A(x) en fonction de H(x), on obtient en combinant (5) et (4) la formule
A(x)x
(log x) log log x,
qui est de qualit´e l´eg`erement inf´erieure `a ce que l’on a obtenu dans [7] (voir
la formule (1) ci-dessus). Cependant, il est int´eressant de noter que l’on
obtient ainsi une minoration de A(x) qui `a un facteur log log xpr`es est
optimale, et cela diff´eremment et plus rapidement que dans [10] ou [7].
1c. Etude du graphe divisoriel . Soit f(x) le nombre maximum d’entiers
strictement positifs n1, . . . , nf(x)deux `a deux distincts, inf´erieurs `a xet
tels que pour tout i,nidivise ni+1 ou ni+1 divise ni. Soit g(x) le nombre
maximum d’entiers strictement positifs n1, . . . , ng(x)deux `a deux distincts,
inf´erieurs `a xet v´erifiant [ni, ni+1]xpour tout i. On note que l’on a
trivialement f(x)g(x).
Le premier r´esultat concernant la fonction g(x) est dˆu `a Erd˝os, Freud
et Hegyv´ari. Dans [1] (Theorem 3 et d´emonstration du Theorem 4), ils ont
d´emontr´e implicitement que l’on a pour une certaine constante c > 0,
x
exp(clog xlog log x)g(x)(1 log 2 + o(1))x(x+).
En r´epondant ainsi `a une question de Hegyv´ari, Pomerance [3] a am´elior´e
la majoration en
g(x) = o(x) (x+).
Pour sa part, Pollington [2] a ´etabli la minoration
f(x)x
exp((2 + o(1))p(log x) log log x)(x+).
Dans [10], Tenenbaum ´eclaire d’un jour nouveau le probl`eme de l’estima-
tion asymptotique des fonctions f(x) et g(x) en montrant le lien qui existe
entre celui-ci et la r´epartition des entiers `a diviseurs denses. Plus pr´ecis´e-
ment, il montre que pour xassez grand, on a
(7) D0(x/4,2) f(x)g(x)2D(x, log5x).
En utilisant (2), on en d´eduit que
x
log xf(x)g(x)x
log xlog log x.
Applications des entiers `a diviseurs denses 229
Dans [5], nous nous sommes int´eress´es `a la variante suivante de la fonc-
tion f(x). Soit f(x) le nombre maximum d’entiers deux `a deux distincts
de l’intervalle [x, x], n1, . . . , nf(x), tels que pour tout i,nidivise ni+1 ou
ni+1 divise ni. (Notons que l’on a trivialement f(x)f(x).) En combi-
nant le r´esultat d´emontr´e `a la Proposition de [5] et la formule (2) du pr´esent
travail, on obtient
(8) f(x)x
log x.
Nous montrons ici que l’ordre de grandeur exact des trois fonctions f(x),
f(x) et g(x) est x/log x.
Th´
eor`
eme 2. Il existe deux constantes strictement positives c3et c4
telles que pour x2, on ait
(9) c3
x
log xf(x)f(x)g(x)c4
x
log x.
Donnons la d´emarche g´en´erale des d´emonstrations des majorations de
(7) et (9). esignons par (ni) une suite d’entiers x, deux `a deux dis-
tincts et v´erifiant [ni, ni+1]x. Dans [10], Tenenbaum montre que si t
est suffisamment grand, il y a tr`es peu d’entiers niqui n’appartiennent pas
`a A(x, t). De mani`ere quantitative, on obtient rapidement en suivant sa
m´ethode (cf. Lemme 12)
card{i:ni6∈ A(x, t)}  x(log x)/t,
d’o`u, en choisissant t= log2x,
g(x)A(x, log2x) + x/log x,
ce qui est essentiellement ´equivalent `a la majoration de (7).
Notre contribution est ici de montrer que par une analyse plus appro-
fondie de la structure des suites (ni), on obtient
card{i:ni6∈ A(x, 1)}  x/log x,
d’o`u
g(x)A(x, 1) + x/log xx/log x.
La motivation initiale d’Erd˝os, Freud et Hegyv´ari [1] est l’´etude du com-
portement asymptotique du p.p.c.m. de aiet ai+1 o`u (ai)i1est une per-
mutation de N. En effet, les deux probl`emes sont li´es par l’interm´ediaire
de la formule
g( max
1ij[ai, ai+1]) j+ 1.
La majoration de g(x) du Th´eor`eme 2 nous permet donc d’en d´eduire le
r´esultat suivant, qui pr´ecise la minoration d’Erd˝os, Freud et Hegyv´ari cor-
respondante ([1], Theorem 4).
1 / 16 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !