europe revue littéraire mensuelle JEAN-LUC LAGARCE janvier-février 2010 Jean-Luc Lagarce (1957-1995) est aujourd’hui l’auteur contemporain le plus joué dans nos théâtres. Méconnue de son vivant, son œuvre est désormais traduite en plus de vingt langues et connaît un rayonnement international. Il y a chez Lagarce, dans l’écriture comme dans l’amour, une nécessité artistique et existentielle de n’accéder à ce qu’on appelle la réussite qu’à travers une longue et profonde expérience de l’échec. Et si, de tentative en tentative, l’échec de l’art se transformait en un art de l’échec ? Entendons : en une mise en échec, en un travail de démolition de toutes les règles du bien-écrire pour le théâtre. « Échouer mieux », pour reprendre le mot de Beckett… Lagarce n’hésite pas à frôler le précipice de l’informe. Écrivain-rhapsode, il pratique la vivisection dans la chair du drame. Il coupe et découpe, puis recoud. La profonde originalité de ses pièces tient pour une large part à cette continuitédiscontinuité. De la situation dramatique classique telle qu’elle structure une scène, au sens traditionnel, et permet le développement d’un conflit, l’art tout en évitement et en détours de Lagarce nous déporte vers ce que Roland Barthes appelle une « situation de langage ». La parole itérative, tout en repentirs, rétractations et autocorrections des personnages de Lagarce, couvre tout le prisme, très large, de son théâtre. Un autre caractéristique majeure de son art tient au point de vue qu’il adopte sur l’action dramatique : « Être déjà mort et regarder le monde avec douceur ». Si le drame traditionnel est un art du présent, d’un présent qui fuit en avant vers la catastrophe, et si le roman est un art du passé, le drame lagarcien, où la narration a barre sur l’action, fait constamment remonter le passé dans le présent. Ici, « mort déjà » signifie plus-que-présent, libre d’évoluer entre présent, passé et futur. Dans sa mise en tension de l’intime et du politique, ce théâtre est ouvert à la Multitude. « Oser chercher dans son esprit, dans son corps, les traces de tous les autres hommes. » Telle est la réussite du théâtre de Lagarce que l’échec personnel à vaincre la séparation et à trouver l’amour fusionnel s’y résout in extremis en amour transpersonnel de l’humanité dans son ensemble. Amour sans mièvrerie ni complaisance. Juste ce qu’Aristote désignait comme la vocation de la poésie dramatique : dégager et exalter « le sens de l’humain ». ÉTUDES ET TEXTES DE Jean-Pierre Sarrazac, Christiane Cohendy, Elizabeth Mazev, Micheline Attoun, Lucien Attoun, Marie Hélène Boblet, Christophe Bident, Christina Mirjol, Jean-Pierre Han, François Rancillac, Fabrice Nicot, Jean-Pierre Thibaudat, Céline Hersant, François Berreur, Ariane Martinez, Claudio Longhi, Jean-Pierre Vincent, Armelle Talbot, Marion Chénetier, Jean-Claude Fall, Joël Jouanneau, Joseph Danan, Michel Raskine, Christine Hamon-Siréjols, Hervé Pierre, Catherine Naugrette, Hélène Kuntz, Alexandra Moreira da Silva, Jorge Silva Melo. Jean-Luc Lagarce : « Atteindre le centre » et autres textes inédits. ÉCRIVAINS DE TURQUIE KARL KROLOW CHRONIQUES G G G 88e année — N° 969-970 / Janvier-Février 2010 SOMMAIRE JEAN-LUC LAGARCE Jean-Pierre SARRAZAC Christiane COHENDY Elizabeth MAZEV Micheline et Lucien ATTOUN 3 16 24 35 Jean-Luc Lagarce, le sens de l’humain. Ceux qui restent ont-ils un nom ? Rejouer Lagarce. Journal d’une Bonne. Au quêteur malicieux. L’espace autobiographique Marie-Hélène BOBLET Christophe BIDENT Christina MIRJOL Jean-Pierre HAN François RANCILLAC 39 53 63 77 81 Écriture et souci de soi. L’expérience du personnage. L’oublié, tous les oubliés. L’effet « Journal ». Un infini Pays lointain. L’intime / Le politique Jean-Pierre THIBAUDAT Céline HERSANT François BERREUR Claudio LONGHI 97 107 115 121 Jean-Pierre VINCENT Marion CHÉNETIER-ALEV 128 134 Lagarce, de Clytemnestre à Ulysse. Nomades et sédentaires. De l’infiniment petit à l’infiniment grand. Pour une critique postmoderne de la notion de postmodernité. Des textes où souffle le vent. L’écho sans fin de la guerre. Textes inédits Jean-Luc LAGARCE Jean-Luc LAGARCE 145 151 Jean-Luc LAGARCE Jean-Luc LAGARCE Jean-Luc LAGARCE Jean-Luc LAGARCE 153 154 157 163 Atteindre le centre. Projet pour une performance au Festival de Saint-Herblain. Les Adieux. Première ébauche de Juste la fin du monde. Présentation du Pays lointain. Écrits sur le cinéma. Un théâtre de la parole Jean-Claude FALL Joël JOUANNEAU Michel RASKINE Hervé PIERRE Catherine NAUGRETTE Hélène KUNTZ Alexandra MOREIRA DA SILVA et Jorge SILVA MELO 167 172 179 188 193 197 209 Le voyage immobile. L’espace du sensible. « C’est de théâtre qu’il s’agit ». « Tout être qui a vécu l’aventure humaine est moi ». Lagarce palimpseste. Compagnons de langage également faillibles. La réception de Lagarce au Portugal. KARL KROLOW Anne GAUZÉ Karl KROLOW 219 223 Une aventure du regard. Gravé dans le cuivre. JEUNES ÉCRIVAINS DE TURQUIE Timour MUHIDINE Murat GÜLSOY Niyazi ZORLU Sema KAYGUSUZ Faruk DUMAN Ayfer TUNÇ Menekşe TOPRAK 230 233 244 251 256 260 267 Éclats et bouleversements. Volez ce livre ! L’amour voyou. Odeur d’abîme. Quarante. Fehime. La rencontre. CHRONIQUES La machine à écrire Jacques LÈBRE 277 Un récit baroque ? Les 4 vents de la poésie Charles DOBZYNSKI 284 Tous les frissons de la réalité. Le théâtre Karim HAOUADEG Jeanne SIGÉE 291 295 Les vivants et les morts. Un grand répertoire classique hors l’Europe. Le cinéma Raphaël BASSAN 308 Scènes de chasse en famille. La musique Béatrice DIDIER 311 Opérettes et parodies. Les arts Jean-Baptiste PARA Jacques BODY André UGHETTO 315 318 322 La marée des masques. Famille des arts, famille d’artistes. Matières et mémoire. NOTES DE LECTURE 324 Laurent ALBARRACIN, Max ALHAU, Gabrielle ALTHEN, Marie-Claire BANCQUART, Roger BOZZETTO, Jordi Pere CERDA, Blanche CERQUIGLINI, Muriel DÉTRIE, Alain FREIXE, Monique GOSSELIN-NOAT, Kathleen GYSSELS, Françoise HÀN, Tristan HORDÉ, Marc KOBER, François LALLIER, Jacques LÈBRE, Ariane LÜTHI, Jean-Pol MADOU, Roxane MARTIN, Victor MARTINEZ, Gaston MARTY, Michel MÉNACHÉ, Florence OLLIVRY, Angèle PAOLI, Luisa PALAZZO, Anne ROCHE, Thierry ROMAGNÉ, Paul Louis ROSSI, Claire TORREILLES, Alain VIRMAUX. JEAN-LUC LAGARCE, LE SENS DE L’HUMAIN Cette histoire… l’histoire qu’il fallait raconter, tout compte fait, malgré tout… je me suis levé et j’ai rendu feuille blanche… rien d’autre en guise de première partie, rien d’autre, passez votre chemin !… Une série de monologues inégaux mis bout à bout… rien d’autre et l’impuissance à dépasser cela, à écrire un mot de plus. J.-L. LAGARCE, Ici ou ailleurs. L’échec, tant dans l’écriture que dans l’amour, est un motif récurrent, presque le leitmotiv (« mon éternel échec ») du Journal de Lagarce. L’auteur y met en scène son attente insatisfaite de l’amour fusionnel avec certains de ses amants ou avec sa sœur, son père, sa mère. Mais, que l’on ne s’y trompe pas, l’échec n’est ici qu’apparent et dissimule mal une quête ardente, que Jean-Luc Lagarce poursuivra jusqu’à l’extrême limite de ses forces. À quelques jours de sa mort et alors que tout désir sexuel semble l’avoir déserté, il est encore sur le point de tomber profondément amoureux de ce Christophe qu’il vient de rencontrer… Sous des apparences désabusées et sous le masque du « Juif errant de l’amour », Jean-Luc Lagarce n’aura jamais cessé d’aimer sans limites, qu’il s’agisse de ses parents — particulièrement de ce père ouvrier qui s’est tué au travail, de ce père qu’il prive de parole, qu’il retranche, comme pour le punir, de certaines de ses pièces autobiographiques, mais qu’il avoue dans le Journal aimer comme son propre enfant —, de Gary, qui deviendra « L’Amant, mort déjà » du Pays lointain (1995), de François, l’ami hétéro, de quelques autres. L’envers de l’échec, le déni de l’impuissance, ce n’est évidemment pas à Lagarce de le proclamer, même dans le plus intime de ses écrits, mais bien à nous, ses lecteurs, ses spectateurs, de le découvrir dans le filigrane de son œuvre. Quant à l’écriture — tout se passe comme si ses succès dans la mise en scène ne faisaient qu’exacerber son sentiment d’échec dans ce domaine —, Jean-Luc Lagarce ne cesse d’exprimer des doutes sur son propre talent. Et sur son accès même au statut d’écrivain. Dans Ici ou ailleurs (1981), 4 JEAN-LUC LAGARCE, LE SENS DE L’HUMAIN pièce de commande écrite à partir d’improvisations des comédiens, il se met lui-même en scène parmi ses personnages. Et c’est essentiellement pour s’auto-dénigrer publiquement en se déclarant incapable de bâtir une histoire et de proposer de véritables personnages en train de dialoguer. Pareil à une créature de Kafka, Lagarce plaide coupable au tribunal de la dramaturgie comme à celui de l’amour : Alors, les responsables m’ont dit … c’était bientôt la fin, le temps de conclure… ils m’ont dit : « Où en êtes-vous ? »… « Qu’avez-vous en fin de compte à nous proposer ? »… Je n’avais rien écrit… ou si peu de chose… quelques projets de débuts et quelques conclusions hâtives… rien de bien passionnant, j’en conviens… Et toujours cette forme qui leur convenait si peu… Ces monologues plus ou moins longs, associés les uns aux autres, mis côte à côte… pas une véritable scène, des répliques percutantes, quelques grands moments de violence inouïe… Alors les responsables m’ont demandé ce que je faisais là, à quoi est-ce que je servais… J’ai rendu feuille blanche… 1 Et lorsqu’un de ses personnages vient à la barre, c’est encore pour témoigner — à charge, bien sûr — de l’impéritie de l’auteur : « Pas l’ombre d’une histoire qu’on me donnait à jouer… rien, le vide le plus total… rien d’autre que ici ou là, une partition solitaire. 2 » « FANTÔMES DE PIÈCES » Échec de l’art ? Beaucoup y ont cru (peut-être Lagarce lui-même). Je dis bien « peut-être », parce qu’il me semble qu’au-delà de toute coquetterie ou fausse modestie, il y a chez Lagarce, dans l’écriture comme dans l’amour, une nécessité artistique, philosophique, existentielle de passer par l’échec, de rechercher opiniâtrement une certaine forme d’échec, de n’accéder à ce qu’on appelle la réussite qu’à travers une longue et profonde expérience de l’échec. Dans le Journal, un autre mot revient fréquemment, qui peut nous mettre sur une piste. C’est le mot « tentative ». Chaque pièce de Lagarce, y compris Le Pays lointain, son œuvre la plus testamentaire avec le Journal, se présente comme une « tentative ». Et si, de tentative en tentative, l’échec de l’art se transformait en un art de l’échec ? Entendons : en une mise en échec, en un travail de démolition de toutes les règles du bien-écrire pour le théâtre. « Échouer mieux », pour reprendre le mot de Beckett… « Une série de monologues inégaux mis bout à bout », « cette forme qui leur convenait si peu… Ces monologues plus ou moins longs, associés JEAN-PIERRE SARRAZAC 5 les uns aux autres, mis côte à côte »… Sous le pseudo-aveu d’impuissance, c’est en fait un véritable art poétique qui est en train de se décliner. Art poétique résolument moderne, c’est-à-dire en mineur. Sur la totalité des pièces de Lagarce, on est tenté de reporter le « compliment » — évidemment involontaire — qu’un George Steiner, nostalgique d’une dramaturgie bien tangible, bien solide, avec personnages, situations et dialogues en majeur, adresse à Strindberg : ses « pièces-fantômes sont des fantômes de pièces 3 ». Au fil du temps, les fantômes peuplent — ou « dépeuplent » (au sens du « dépeupleur » de Beckett) — de plus en plus les pièces de Lagarce. Dans Le Pays lointain, œuvre ultime, ils ont pratiquement gagné la partie : sous le masque du « Père, mort déjà », de « L’Amant, mort déjà », de « Le Guerrier, tous les guerriers » ou sous les traits de Louis, le protagoniste de la pièce, qui s’adresse à nous depuis le seuil de sa propre mort, ils ont définitivement infiltré le monde des vivants. Quant au caractère fantomatique, évanescent de la (dé-)composition dramatique, l’auteur est le premier à le mettre en avant. De la déliaison entre les différents moments, les différentes parties de ses pièces, Lagarce fait même le principe de sa dramaturgie. Les fameux points de suspension entre parenthèses — (…) — vont s’imposer, à partir de Vagues souvenirs de l’année de la peste (1982), comme l’emblème, la signature de son écriture. Or, qu’indiquent-ils sinon l’arbitraire de la mise bout à bout des différents segments — monologues ou fragments de dialogues — et, plus profondément, une sorte de lâcherprise dans la construction dramatique ? C’en est fini de l’enchaînement chronologique et causal, de la concaténation des actions et des répliques : Lagarce sème nonchalamment ses (…) à travers la pièce et, ainsi, sans tapage, il brise la syntaxe dramatique et impose le savant désordre de la parataxe. Pour atteindre la forme qu’il veut donner à J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne (1994) — pièce aujourd’hui reconnue comme un chef-d’œuvre —, l’auteur frôle le précipice de l’informe, sans jamais être certain de ne pas y tomber : « Ai avancé sérieusement sur J’étais dans ma maison… Devais il est vrai rendre le texte le 27 mai (!). Cela a avancé, oui, mais on peut se demander ce que c’est. Dans des délais moins imbéciles, aurais pu écrire une belle et bonne chose, et là, ce sera juste un texte assez bien mené (j’espère) mais pas une pièce. Plus une sorte de succession de textes… On verra. 4 » Lagarce a la hantise de la dispersion et du décousu et, cependant, il s’y précipite, il se range sous leur loi — autant dans l’écriture que dans l’amour et la sexualité : « À peine rassemblés, au début, les personnages sont dispersés sur un territoire immense, comme projetés un peu partout 6 JEAN-LUC LAGARCE, LE SENS DE L’HUMAIN dans l’infini » ; « C’est décousu, cela ne mène pas loin mais cela s’écrit. 5 » Chaque œuvre se présente comme un corps morcelé. Écrivain-rhapsode par excellence, Lagarce — usage sublimé de la violence dont il se sait habité — pratique la vivisection dans la chair du drame. Il coupe et découpe, puis recoud (rhaptein, en grec ancien, signifie coudre). Et les coutures bien visibles de ses pièces, ce sont tous ces (…) qui, à l’opposé des sutures invisibles dans l’action du drame classique, marquent non point une avancée ou une progression de l’action mais bien, selon l’expression de Lagarce luimême, une simple « succession ». La profonde originalité des pièces de Lagarce tient pour une large part, à cette continuité-discontinuité introduite par des (…) qui sont autant de gestes par lesquels l’écrivain-rhapsode en découd avec le corps du drame. Incontestablement, la dramaturgie de Lagarce est œuvre de montage. Mais un montage particulier, qui ne serait pas, contrairement au montage brechtien, à l’opposé du développement organique : un montage, précisément, dans l’organique. Le dramaturge coupe et monte dans le vif de la relation langagière entre les personnages. Entre deux (…), il n’y a pas à proprement parler de « scène ». L’auteur déconstruit la pièce en commençant par la scène. Très loin de la « pièce bien faite », où la « scène à faire » était une partie d’un tout nommé « acte » et l’acte une partie d’un tout nommé « pièce », le mot d’ordre, c’est plutôt la scène à défaire, voire la scène à omettre. Dans Le Pays lointain (1995), le personnage « Un Garçon, tous les garçons » — un groupe à lui seul — essaie de se souvenir de tous les rôles qu’il doit jouer et, particulièrement, d’un « garçon » désigné par Louis, le protagoniste de la pièce — celui qui retrace sa propre vie — comme un « gigolo efficace » : « UN GARÇON, TOUS LES GARÇONS. On fera la scène sans argent. / LOUIS. Je ne suis pas certain qu’on fera la scène. / UN GARÇON, TOUS LES GARÇONS. Je raconte. » De fait, plutôt que laisser la scène se jouer, plutôt que d’écrire la scène selon les principes sacrosaints de la mimésis théâtrale, Lagarce bascule dans la diegèsis. « Un garçon, tous les garçons » déroule son récit : Tu te méfies, il te propose d’aller chez lui, tu te méfies, c’est de là que vient l’idée de l’argent, de l’argent tu n’en as pas et s’il s’en aperçoit, on se fait égorger pour moins, des histoires que tu as lues, tu as entendu ça, souvent on égorge assez facilement, vaudrait mieux avoir des billets de banque, on s’en tirerait à meilleur compte. 6 Et Louis clôt l’épisode d’un « On dit que la scène est faite » qui sonne comme « On dira… » ou « On dirait… ». De la situation dramatique classique telle qu’elle structure une scène, au sens traditionnel, et permet le JEAN-PIERRE SARRAZAC 7 développement d’un conflit, l’art tout en évitement et en détours de Lagarce nous déporte vers ce que Roland Barthes appelle une « situation de langage », cette « réalité dramatique qu’il faudra bien finir par admettre à côté du vieil arsenal des intrigues, actions, personnages, conflits et autres éléments du théâtre classique 7 » — ici, en l’occurrence, l’évocation des dangers mortels liés à la drague homosexuelle. Le drame au premier degré, avec son enchaînement causal et fatal de scènes et d’actes, est définitivement congédié ; il laisse la place à un drame au second degré, un métadrame qui se résume à une collection de situations de langage, que rien ne saurait arrêter, sauf l’arbitraire de l’auteur-rhapsode, et dont chaque moment est un authentique recommencement. Derniers remords avant l’oubli (1987) se présente comme une Cerisaie du pauvre : Pierre, Paul et Hélène, trois quadragénaires, qui ont jadis, aux temps des utopies communautaires, acheté et habité ensemble une maison à la campagne se sont dispersés et perdus de vue. Ils se retrouvent avec conjoints et enfant pour solder le passé et prendre une décision au sujet de la maison. Or, de (…) en (…), la pièce ne fait qu’égrener — entre retrouvailles et adieux, mais sans souci de continuité dramatique — un chapelet de situations de langage : se dire bonjour (« PIERRE. Je suis content. Tu vas bien ? Vous allez bien ? Est-ce que vous allez bien ? »), prendre congé (« LISE. Ce fut une journée formidable. La campagne, l’air de la campagne, le jardin, les petits oiseaux, vivifiante, une journée très vivifiante »), faire connaissance (« ANTOINE. Eh bien, je vous dis au revoir et j’ai été heureux de vous rencontrer, faire votre connaissance »), demander des nouvelles (« LISE. Vous me demandiez si ça allait ? / PAUL. Oui. Exactement. C’est ce que j’ai dit. Ça va ? Je veux dire : vous, tu vas bien ? / LISE. Ça va très bien, je te, je vous remercie »), évoquer — ou liquider — le passé (« HÉLÈNE [à Pierre et Paul]. Vous ne cessiez de m’interroger, me demander des nouvelles de mon corps, ma tête, est-ce que je vous aimais, et chacun plus que l’autre, cela n’en finissait pas. / M’enfuir. Fuir. Cela aurait pu être une solution, vous abandonner »), parler affaires (« PIERRE. Le mieux est que vous m’exposiez votre idée. Vous avez bien une idée sur la question ? J’ai cru comprendre que tu voulais vendre ? Elle veut vendre, tu as compris comme moi, elle souhaite que nous partagions en trois tout ceci, c’est cela, j’ai saisi l’essentiel ? Vendons et n’en parlons plus. Vendons. C’est cher ? »), etc. De la situation de langage, Barthes nous dit encore qu’elle s’affranchit de la psychologie, qu’elle n’est pas sans rapport, du moins pour la distance, avec la parodie, qu’elle se situe « un peu en deçà de la caricature » et, 8 JEAN-LUC LAGARCE, LE SENS DE L’HUMAIN surtout, qu’elle correspond à une parole « vitrifiée ». La splendide ironie de Lagarce répond parfaitement à ce contrat, qui met en scène un langage que Barthes eût dit « tissé de menus lieux communs, de truismes partiels, de stéréotypes à peine discernables, jetés avec la force de l’espoir — ou du désespoir — comme les parcelles d’un mouvement brownien… 8 » La parole des personnages de Lagarce, précautionneuse, itérative, voire bégayante, tout en repentirs, rétractations et autocorrections, couvre tout le prisme, très large, de son théâtre. Elle prolifère aussi bien dans le registre comique et satirique de Les Prétendants (1989) que dans celui, plus pathétique de J’étais dans ma maison…, Juste la fin du monde (1990) et Le Pays lointain, où les membres de la famille se trouvent confrontés à la tentative (avortée) de retour du Fils prodigue. Coté « public » et politique (à l’échelle d’une petite ville de préfecture) — Les Prétendants retrace la soirée d’adieu d’un directeur d’institution culturelle et de présentation de son successeur —, la comédie du langage donne corps à des personnages dignes de Labiche. Par exemple Solange Poitiers, « représentant la municipalité » : Monsieur Später, mais ce n’est pas un secret… mais ce n’est plus un secret pour personne… Monsieur Später — et c’est d’un commun accord que la municipalité que je représente, et le ministère… n’est-ce pas, Monsieur Mariani ?… n’est-ce pas ? — Monsieur Später, donc, d’un commun accord, et ce choix ne pouvait qu’être une évidence, Monsieur Später remplacera Monsieur Raout. Et je suis très heureuse de pouvoir ; dès aujourd’hui, je suis très heureuse de pouvoir l’annoncer. Vous le présenter — pour ceux qui ne le connaissent pas — l’introniser, et le présenter, pouvoir le présenter comme tel… oui… bon… comme tel à ceux qui ne l’imaginaient pas sous ce jour. 9 Côté « privé » et intime, au ridicule de la vanité langagière se substitue, par exemple dans Juste la fin du monde, le rapport d’intimidation, d’empêchement de gens simples face à un représentant d’un monde plus cultivé, ce représentant fût-il, véritable Fils prodigue, leur enfant ou leur frère. Ainsi de Suzanne s’adressant à Louis, son frère, au début de la pièce : Parfois tu nous envoyais des lettres, / parfois tu nous envoies des lettres, / ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ? / de petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases, / rien, comment est-ce qu’on dit ? / elliptiques. / « Parfois, tu nous envoyais des lettres elliptiques. » / Je pensais, lorsque tu es parti / (ce que j’ai pensé lorsque tu es parti), / lorsque j’étais enfant et lorsque tu nous as faussé compagnie (là que ça commence), / je pensais que ton métier, ce que tu faisais ou allais faire JEAN-PIERRE SARRAZAC dans la vie, / ce que tu souhaitais faire dans la vie, / je pensais que ton métier était d’écrire (serait d’écrire) / ou que, de toute façon / et nous éprouvons les uns les autres, ici, tu le sais, tu ne peux pas ne pas le savoir, une certaine forme d’admiration, c’est le terme exact, une certaine forme d’admiration pour toi à cause de ça… 10 Encore une fois, c’est l’échec — cette parole qui bute, qui trébuche sur elle-même — qui est au principe même de l’éclatante réussite de la langue théâtrale de Lagarce et qui confère aux pièces de cet auteur leur étonnante théâtralité… « Devenir-mineur », au sens deleuzien : d’un défaut de construction de la pièce et de la phrase, l’écriture lagarcienne tire toute sa force. Nul doute que l’auteur de J’étais dans ma maison… aurait pu revendiquer la définition que donne le Littrédu verbe « rhapsoder » : « mal raccommoder, mal arranger ». Ses pièces font penser aux « monstres dramatiques », de la fin du XIXe siècle ; et c’est en cela précisément qu’elles sont modernes : Me suis lancé dans un étrange projet — moins une pièce que des plages de texte, une sorte de poème, allez le mot est lancé, une logorrhée… Ai relu donc J’étais dans ma maison… Eh bien, ce n’est pas la catastrophe accablante que j’imaginais. Cela se tient dans son procédé, et il y a là peut-être une ou deux pages pas mal du tout. J’étais surpris qu’on s’y retrouve et que les personnages, dans une chose aussi peu bâtie, que les personnages existent… 11 Fantôme de langage, fantôme de communication entre les personnages, fantômes de pièces : nous n’avons pas fini d’être hantés par le théâtre de Lagarce. DÉJÀ MORT De cette construction erratique, qui procure effectivement à ses pièces la même qualité et la même liberté qu’un « poème », l’écrivainrhapsode fait une des deux caractéristiques principales de son art singulier. La seconde tient au point de vue qu’il adopte sur l’action dramatique — ou ce qui en tient lieu : « Être déjà mort et regarder le monde avec douceur ». Lagarce s’inscrit dans une lignée de la modernité, qui commence, au tournant du XXe siècle, avec John Gabriel Borkman et Quand nous nous réveillons d’entre les morts d’Ibsen, L’Île des morts et La Grand Route de Strindberg. Dans ces œuvres, l’action du drame, au lieu d’être toute progression, devient toute rétrospection (il faudrait également citer, jalon capital, les dramaticules de Beckett, Lagarce ayant mis en scène Pas et Pas moi en 1979). Comme Strindberg et comme Beckett, Lagarce place certains 10 JEAN-LUC LAGARCE, LE SENS DE L’HUMAIN de ses personnages au seuil de la mort. C’est du moins depuis ce lieu que Louis, le protagoniste de Juste la fin du monde et du Pays lointain, s’exprime et considère son monde dès les premiers mots de la pièce : Plus tard, l’année d’après / — j’allais mourir à mon tour — / j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai, / L’année d’après […] je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur mes traces et faire le voyage, / pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision / — ce que je crois — / lentement, calmement, d’une manière posée / — et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux, tout précisément, n’ai-je pas été un homme posé ?, / pour annoncer, / dire ; / seulement dire, / ma mort prochaine et irrémédiable, / l’annoncer moi-même, en être l’unique messager Ici, encore une fois, la réussite arrive portée par l’échec, mot dont on sait que l’étymologie arabo-persane — shâh mat — est liée à la mort du roi. Échec du projet de Louis d’annoncer sa mort prochaine. Échec, lié au mythe personnel de l’écrivain Lagarce, du retour du Fils prodigue. Retour sans aucune prodigalité : les autres personnages de Juste la fin du monde — Suzanne, la sœur, Antoine, le frère, Catherine, femme d’Antoine, La Mère — traitent Louis avec un mélange de respect, de timide affection et de sourde suspicion. Bref, de distance ; cette distance aux autres, à l’autre qui, d’ailleurs, est consubstantielle de Lagarce et de tous ses protagonistes plus ou moins autobiographiques : « Cette distance infranchissable entre eux et moi 12 » ; « Je suis ici, avec vous, parce que je suis né au beau milieu de vous mais rien ne me lie et rien ne m’importe. 13 » Mais, ce que ses personnages autobiographiques perdent, Lagarce le regagne au centuple en tant que rhapsode, que narrateur. Lui qui est entré en écriture théâtrale par le portique le plus large, celui de l’Odyssée (Elles disent…, 1978) ne peut que participer très largement de ce devenir épique qui caractérise le drame moderne. C’est ainsi que ses pièces bénéficient d’une profondeur de champ exceptionnelle : dans leur apparente dislocation, elles embrassent non pas un simple drame-dans-la-vie, contraint par les unités de temps, d’espace, d’action, mais tout le drame-de-la-vie 14. Encore une fois, un certain type d’échec — celui de l’écriture romanesque 15 — permet à Lagarce d’affirmer son esthétique personnelle en matière de théâtre. Si le drame traditionnel est un art du présent, d’un présent qui fuit en avant vers la catastrophe, et si le roman est un art du passé, le drame lagarcien, où la narration a barre sur l’action, fait constamment remonter le passé dans le présent. Le présent n’est ici qu’une instance de convocation et de reformulation du passé : JEAN-PIERRE SARRAZAC 11 LE PREMIER HOMME. « Histoire d’amour », cela sera le récit de ce qu’ont été nos vies, / comme je les vois aujourd’hui, / avec le recul, LE DEUXIÈME HOMME. Quelqu’un, l’un d’entre nous, quelqu’un dit, demande, / Où sont passées toutes ces années. / Je ne les ai pas vues disparaître. 16 Chez Lagarce, comme chez un grand nombre d’auteurs majeurs depuis la fin du XIXe siècle, le drame, c’est la grande rétrospection. Ou, pour reprendre une expression de La Femme dans Histoire d’amour (Derniers chapitres), c’est « jouer à avant » : « Jouons à ce jeu que je n’aime pas : jouons à “avant” / Avant, donc. 17 » Thématiquement et formellement, l’œuvre de Lagarce se place entièrement sous le signe du retour — toujours l’Odyssée. Mais, cette fois, c’est l’impossible retour : retour du Fils prodigue aussitôt sanctionné par un nouvel exil, définitif cette fois ; retour sur un drame de l’origine qui est un drame de la séparation. À cet égard, Lagarce pourrait s’associer à l’« Aveu » d’Adamov : « Tout ce que je sais de moi, c’est que je souffre. Et si je souffre c’est qu’à l’origine de moi-même il y a mutilation, séparation. / Je suis séparé. Ce dont je suis séparé, je ne sais pas le nommer. Mais je suis séparé. 18 » « Mais qui est moi ? Mais qu’est-ce que moi ? », ce moi insaisissable et incertain dont fait état Adamov, en écho à Strindberg, se fait également entendre dans le théâtre de Lagarce : moi en souffrance, égaré par son propre désir contradictoire d’éloignement et d’appartenance — de retour au « pays lointain ». D’où cet espace-temps vacillant d’une errance sans fin. Et d’où ce dimanche mythique où les personnages lagarciens viennent prendre la mesure d’une vie vouée à l’échec : « LA PLUS VIEILLE. Toutes ces années, nous les avons passées ainsi, nous les avons perdues ainsi… 19 ». À travers ce dimanche mythique où Louis revient visiter sa famille — « dimanche obligatoire » évoqué par le Journal —, c’est tout « le vide de nos existences » que Lagarce — en cela, dans la lignée de Tchekhov — nous donne à éprouver. D’ailleurs, on peut se demander si les (…) qui creusent ses textes ne sont pas là pour signifier cette part essentielle du vide dans l’univers de ses pièces. Cependant, toujours comme chez Tchekhov, l’effet que produit sur nous, lecteur ou spectateur, le drame lagarcien ne saurait s’arrêter à un tel constat de vacuité. Au contraire, une sorte de courant utopique — ou, plutôt uchronique — parcourt ce théâtre. Car la remontée dans le passé, à contresens, à contre-vie — « jouer à avant » — s’accompagne toujours d’un défi aux faits, aux événements, à la mort. Bref, d’un inventaire des 12 JEAN-LUC LAGARCE, LE SENS DE L’HUMAIN possibles, même forclos, où l’auteur signale des bifurcations inattendues du cours de l’existence. Lagarce ne sème pas que des (…), il y a aussi ses « peutêtre » ; et avec eux tout une dramaturgie au conditionnel 20. « Vous l’auriez abandonnée, je vous aurais peut-être suivi, comment peut-on savoir ? Vous voudriez connaître les deux fins d’une même histoire, sans rien décider. Ce n’est pas la règle, la vie, c’est juste un tour 21 » assène Mme Tschissik à Raban dans Nous, les héros (1993). Mais le théâtre de Lagarce est justement un appel à un second tour, un appel à ce que ça puisse tourner autrement, même si une telle espérance risque de paraître peu philosophique : Une idée idiote mais comme elle revient tout le temps, qu’elle réapparaît à chaque détour et qu’elle passe parfois dans les rêves, admettons. / L’idée toute simple — mais très apaisante, très joyeuse, c’est ça que je veux dire, très joyeuse, oui — l’idée que je reviendrai, que j’aurai une autre vie après celle-là où je serai le même, où j’aurai plus de charme, où je marcherai dans les rues la nuit avec plus d’assurance encore que par le passé, où je serai un homme très libre et très heureux. L’idée souvent, machinale : « je ferai ça quand je reviendrai… ». / C’est bête. Bien peu philosophique. Très joyeux, très apaisant — mais je ne suis pas agité — et c’est parfaitement ancré dans mon esprit. 22 Peu philosophique ?… Voire. Le retour dans toute sa puissance et dans toute son extension : l’Éternel retour. « LOUIS. — Le voyage d’un homme jeune à l’heure de sa mort, regardant tout ce que fut sa vie 23 » : revoir la vie à défaut de la revivre. Ou : pour la revivre. Lagarce rouvre littéralement le passé. Dans son théâtre, « mort déjà » signifie plus-que-présent, libre d’évoluer entre présent, passé et futur. Présent et présence ne font plus qu’un, de même que présence et revenance. Les pièces de Lagarce baignent toutes dans cette utopie et cette uchronie intimes. Particulièrement Le Pays lointain, la dernière et la plus testamentaire, où s’effectue la réunion, elle aussi utopique et uchronique, des différentes familles de l’auteur — la famille naturelle, la famille théâtrale, celle des amours et des rencontres sexuelles — et, à travers elles, des vivants et des morts. Mais encore audelà, jusqu’à « ces gens qu’on ne rencontre jamais et qui font partie de nos vies ». Théâtre ouvert à la Multitude. « Oser chercher dans son esprit, dans son corps, les traces de tous les autres hommes ». Telle est la réussite du théâtre de Lagarce que l’échec personnel à vaincre la séparation et à trouver l’amour fusionnel s’y résout in extremis, à travers la Multitude, en amour impersonnel, transpersonnel de l’humanité dans son ensemble. Amour sans mièvrerie ni complaisance. Juste ce qu’Aristote désignait JEAN-PIERRE SARRAZAC 13 comme la vocation de la poésie dramatique : dégager et exalter « le sens de l’humain 24 ». « QUAND JE REVIENDRAI… » Pour Jean-Luc Lagarce, le « sens de l’humain » se décline au singulier / pluriel. Entendons que, profondément subjectif, son théâtre se présente, dans la lignée de celui de Strindberg, comme « une mosaïque de [sa] propre vie et de la vie des autres ». Témoigner de soi-même et témoigner du monde, telle est la dialectique d’un écrivain qui avoue n’avoir qu’une ambition : « Raconter le Monde, ma part misérable et infime du Monde, la part qui me revient, l’écrire et la mettre en scène… 25 ». Aussi, l’espace autobiographique dans lequel s’inscrit l’œuvre de Lagarce se situe-t-il, très loin de l’autofiction aujourd’hui à la mode, dans ce no man’s land entre le moi et le monde, l’individu et la multitude, le personnel et l’impersonnel, la réalité et la légende, la vie et la mort, — où viennent frayer toutes les grandes dramaturgies modernes et contemporaines, de Tchekhov à Jon Fosse, en passant par Beckett et par Duras. La présente publication entend rendre compte de ce va-et-vient incessant, de ce permanent mouvement d’enveloppement mutuel qui, dans le théâtre de Lagarce, met en tension l’intime et le politique. Auteur et metteur en scène — metteur en scène aussi à l’intérieur de ses propres textes —, Jean-Luc Lagarce écrit ses pièces en homme de théâtre, en dramaturge soucieux de la théâtralité de chacune de ses œuvres, ce dont viennent attester ici quelques-uns de ses interprètes, comédiens et metteurs en scène. Théâtralité très particulière, très actuelle d’un théâtre de la parole, qui — à l’instar de celui de Novarina, de Vinaver, de tant d’autres aujourd’hui — s’adresse prioritairement à l’oreille du spectateur. Outre des inédits de Lagarce, le lecteur trouvera ici un mixte d’essais critiques sur le théâtre de Lagarce et de propos de comédiens, metteurs en scène, directeurs de théâtre qui ont accompagné de son vivant la carrière de l’auteur-metteur en scène ou bien œuvrent aujourd’hui à son très spectaculaire retour sur les scènes françaises et étrangères. « L’idée que je reviendrai […] L’idée souvent, machinale, presque dite à voix haute “Je ferai ça quand je reviendrai…” ». « Quand je reviendrai… » : la présente publication n’a pas d’autre but que de constituer un jalon de ce retour, aujourd’hui évident, de Jean-Luc Lagarce et de son théâtre. Jean-Pierre SARRAZAC 14 JEAN-LUC LAGARCE, LE SENS DE L’HUMAIN 1. Jean-Luc Lagarce, Ici ou ailleurs, Théâtre complet, I, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2000, p. 174. 2. Ibid., p. 171. 3. George Steiner, La Mort de la tragédie, Folio essais n° 224, Gallimard, p. 294. 4. Jean-Luc Lagarce, Journal, II, 1990-1995, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2008, p. 370. C’est moi J.-P. S. qui souligne. 5. Première citation, Karl in Jean-Luc Lagarce, Nous, les héros (version sans le père), Théâtre complet, IV, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2002, p. 197-198. Seconde citation : à propos de Nous, les héros in Journal, II, p. 250. 6. Jean-Luc Lagarce, Le Pays lointain in Théâtre complet, IV, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2002, p. 315-317. 7. Roland Barthes, Mythologies in Œuvres complètes, t. 1, Seuil, 1993, p. 616. 8. Ibid. 9. Jean-Luc Lagarce, Les Prétendants, Théâtre complet, III, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 1999, p. 174. 10. Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde in Théâtre complet, III, op. cit., p. 219. 11. Jean-Luc Lagarce, Journal, II, op. cit., p. 378 et p. 389-390. C’est moi J.-P. S. qui souligne. 12. Jean-Luc Lagarce, Journal, II, op. cit., p. 84. 13. Karl, in Jean-Luc Lagarce, Nous, les héros (version sans le père), op. cit., p. 173. 14. Sur le drame-de-la-vie dans l’œuvre de Lagarce, voir Jean-Pierre Sarrazac, « De la parabole du fils prodigue au drame-de-la-vie » in Jean-Pierre Sarrazac et Catherine Naugrette (dir.), Jean-Luc Lagarce dans le mouvement dramatique, Colloque de Paris IIISorbonne nouvelle, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2008, p. 271-296. 15. Sur les tentatives romanesques de Lagarce, constantes tout au long de son parcours d’écrivain, voir Jean-Pierre Thibaudat, Le Roman de Jean-Luc Lagarce, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. 16. Histoire d’amour (Derniers chapitres), Théâtre complet, III, op. cit., p. 303 et p. 316. La pièce, de 1990, peut être considérée comme une réécriture ou une suite de Histoire d’amour (repérages), pièce de 1983. 17. Ibid., p. 296. 18. Arthur Adamov, L’Aveu in je…ils…, Gallimard, « L’Imaginaire », 1969, p. 27. 19. Jean-Luc Lagarce, J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne, Théâtre complet, IV, op. cit., p. 255. 20. Jean-Pierre Sarrazac, Théâtres intimes, Actes Sud, Le Temps du théâtre, Arles, 1989, p. 147-163. 21. Jean-Luc Lagarce, Nous, les héros, op. cit., p. 214. C’est moi J.-P. S. qui souligne. 22. Jean-Luc Lagarce, Journal, II, op. cit., p. 139-140. 23. Jean-Luc Lagarce, Le Pays lointain, op. cit. p. 302. 24. Sur cette question du « sens de l’humain » dans le théâtre contemporain, voir Catherine Naugrette, Paysages dévastés, Le théâtre et le sens de l’humain, Circé, « Penser le théâtre », Belfort, 2004. 25. Jean-Luc Lagarce, Du luxe et de l’impuissance, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2008, p. 41. BIBLIOGRAPHIE Œuvres de Jean-Luc Lagarce : Théâtre complet I : Erreur de construction / Carthage‚ encore / La Place de l’autre / Voyage de Madame Knipper vers la Prusse Orientale / Ici ou ailleurs / Les Serviteurs / Noce, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2000. JEAN-PIERRE SARRAZAC 15 Théâtre complet II : Vagues souvenirs de l’année de la peste / Hollywood / Histoire d’amour (repérages) / Retour à la citadelle / Les Orphelins / De Saxe‚ roman / La Photographie, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2000. Théâtre complet III : Derniers remords avant l’oubli / Music-hall / Les Prétendants / Juste la fin du monde / Histoire d’amour (derniers chapitres), Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2000. Théâtre complet IV : Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne / Nous‚ les héros / Nous‚ les héros (version sans le père) / J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne / Le Pays lointain, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2002. L’Exercice de la raison, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. Les Égarements du cœur et de l’esprit, d’après Crébillon fils, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. Quichotte (livret d’opéra), Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. Trois récits, L’Apprentissage / Le Bain / Le Voyage à La Haye, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2001. Du luxe et de l’impuissance, essai, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2008. Théâtre et pouvoir en Occident, essai, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2000. Journal I (1977-1990), Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. Journal II (1990-1995), Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2008. Un ou deux reflets dans l’obscurité, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2004. Journal vidéo, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007 Traces incertaines (mises en scène de Jean-Luc Lagarce), Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2002. Sur l’œuvre de Jean-Luc Lagarce : Juste la fin du monde, Nous les héros, Baccalauréat théâtre, Scérén (CNDP), 2007. Lire un classique du XXe siècle : Jean-Luc Lagarce, Scérén / Les Solitaires intempestifs, Besançon 2007. Jean-Pierre Thibaudat, Le Roman de Jean-Luc Lagarce, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. Jean-Pierre Thibaudat, Jean-Luc Lagarce, Culturesfrance, 2007. Problématiques d’une œuvre, colloque de Strasbourg, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. Regards lointains, colloque de Paris IV-Sorbonne, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2007. Traduire Lagarce (langue, culture, imaginaire), colloque de Besançon, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2008. Jean-Luc Lagarce dans le mouvement dramatique, colloque de Paris III-Sorbonne nouvelle, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2008.