revue littéraire mensuelle
europe
JEAN-LUC LAGARCE
janvier-février 2010
ÉCRIVAINS DE TURQUIE GKARL KROLOW GCHRONIQUES G
Jean-Luc Lagarce (1957-1995) est aujourd’hui l’auteur contemporain le plus joué
dans nos théâtres. Méconnue de son vivant, son œuvre est désormais traduite
en plus de vingt langues et connaît un rayonnement international.
Il y a chez Lagarce, dans l’écriture comme dans l’amour, une nécessité artistique
et existentielle de n’accéder à ce qu’on appelle la réussite qu’à travers
une longue et profonde expérience de l’échec. Et si, de tentative en tentative,
l’échec de l’art se transformait en un art de l’échec ? Entendons : en une mise
en échec, en un travail de démolition de toutes les règles du bien-écrire pour
le théâtre. « Échouer mieux », pour reprendre le mot de Beckett…
Lagarce n’hésite pas à frôler le précipice de l’informe. Écrivain-rhapsode,
il pratique la vivisection dans la chair du drame. Il coupe et découpe, puis recoud.
La profonde originalité de ses pièces tient pour une large part à cette continuité-
discontinuité. De la situation dramatique classique telle qu’elle structure une scène,
au sens traditionnel, et permet le développement d’un conflit, l’art tout en évitement
et en détours de Lagarce nous déporte vers ce que Roland Barthes appelle
une « situation de langage ». La parole itérative, tout en repentirs, rétractations
et autocorrections des personnages de Lagarce, couvre tout le prisme, très large,
de son théâtre. Un autre caractéristique majeure de son art tient au point de vue
qu’il adopte sur l’action dramatique : « Être déjà mort et regarder le monde
avec douceur ». Si le drame traditionnel est un art du présent, d’un présent qui fuit
en avant vers la catastrophe, et si le roman est un art du passé, le drame lagarcien,
où la narration a barre sur l’action, fait constamment remonter le passé
dans le présent. Ici, « mort déjà » signifie plus-que-présent, libre d’évoluer entre
présent, passé et futur. Dans sa mise en tension de l’intime et du politique,
ce théâtre est ouvert à la Multitude. « Oser chercher dans son esprit,
dans son corps, les traces de tous les autres hommes. » Telle est la réussite
du théâtre de Lagarce que l’échec personnel à vaincre la séparation et à trouver
l’amour fusionnel s’y résout in extremis en amour transpersonnel de l’humanité dans
son ensemble. Amour sans mièvrerie ni complaisance. Juste ce qu’Aristote désignait
comme la vocation de la poésie dramatique : dégager et exalter « le sens de l’humain ».
ÉTUDES ET TEXTES DE
Jean-Pierre Sarrazac, Christiane Cohendy, Elizabeth Mazev, Micheline Attoun,
Lucien Attoun, Marie Hélène Boblet, Christophe Bident, Christina Mirjol,
Jean-Pierre Han, François Rancillac, Fabrice Nicot, Jean-Pierre Thibaudat,
Céline Hersant, François Berreur, Ariane Martinez, Claudio Longhi, Jean-Pierre Vincent,
Armelle Talbot, Marion Chénetier, Jean-Claude Fall, Joël Jouanneau,
Joseph Danan, Michel Raskine, Christine Hamon-Siréjols, Hervé Pierre,
Catherine Naugrette, Hélène Kuntz, Alexandra Moreira da Silva, Jorge Silva Melo.
Jean-Luc Lagarce : « Atteindre le centre » et autres textes inédits.
88eannée — N° 969-970 / Janvier-Février 2010
SOMMAIRE
JEAN-LUC LAGARCE
Jean-Pierre SARRAZAC
Christiane COHENDY
Elizabeth MAZEV
Micheline et Lucien ATTOUN
Marie-Hélène BOBLET
Christophe BIDENT
Christina MIRJOL
Jean-Pierre HAN
François RANCILLAC
Jean-Pierre THIBAUDAT
Céline HERSANT
François BERREUR
Claudio LONGHI
Jean-Pierre VINCENT
Marion CHÉNETIER-ALEV
Jean-Luc LAGARCE
Jean-Luc LAGARCE
Jean-Luc LAGARCE
Jean-Luc LAGARCE
Jean-Luc LAGARCE
Jean-Luc LAGARCE
Jean-Claude FALL
Joël JOUANNEAU
Michel RASKINE
Hervé PIERRE
Catherine NAUGRETTE
Hélène KUNTZ
Alexandra MOREIRA DA SILVA
et Jorge SILVA MELO
Jean-Luc Lagarce, le sens de l’humain.
Ceux qui restent ont-ils un nom ?
Rejouer Lagarce. Journal d’une Bonne.
Au quêteur malicieux.
Écriture et souci de soi.
L’expérience du personnage.
L’oublié, tous les oubliés.
L’effet « Journal ».
Un infini Pays lointain.
Lagarce, de Clytemnestre à Ulysse.
Nomades et sédentaires.
De l’infiniment petit à l’infiniment grand.
Pour une critique postmoderne
de la notion de postmodernité.
Des textes où souffle le vent.
L’écho sans fin de la guerre.
Atteindre le centre.
Projet pour une performance au Festival
de Saint-Herblain.
Les Adieux.
Première ébauche de Juste la fin du monde.
Présentation du Pays lointain.
Écrits sur le cinéma.
Le voyage immobile.
L’espace du sensible.
« C’est de théâtre qu’il s’agit ».
« Tout être qui a vécu l’aventure humaine est moi ».
Lagarce palimpseste.
Compagnons de langage également faillibles.
La réception de Lagarce au Portugal.
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209
L’espace autobiographique
Textes inédits
L’intime / Le politique
Un théâtre de la parole
324
Laurent ALBARRACIN, Max ALHAU, Gabrielle ALTHEN, Marie-Claire BANCQUART, Roger BOZZETTO,
Jordi Pere CERDA, Blanche CERQUIGLINI, Muriel DÉTRIE, Alain FREIXE, Monique GOSSELIN-NOAT,
Kathleen GYSSELS, Françoise HÀN, Tristan HORDÉ, Marc KOBER, François LALLIER, Jacques LÈBRE,
Ariane LÜTHI, Jean-Pol MADOU, Roxane MARTIN, Victor MARTINEZ, Gaston MARTY, Michel MÉNACHÉ,
Florence OLLIVRY, Angèle PAOLI, Luisa PALAZZO, Anne ROCHE, Thierry ROMAGNÉ, Paul Louis ROSSI,
Claire TORREILLES, Alain VIRMAUX.
La machine à écrire
Les 4 vents de la poésie
Le théâtre
Le cinéma
La musique
Les arts
Jacques LÈBRE
Un récit baroque ?277
Charles DOBZYNSKI
Tous les frissons de la réalité.284
Karim HAOUADEG
Jeanne SIGÉE
Les vivants et les morts.
Un grand répertoire classique
hors l’Europe.
291
295
Raphaël BASSAN
Scènes de chasse en famille.308
Béatrice DIDIER
Opérettes et parodies.311
Jean-Baptiste PARA
Jacques BODY
André UGHETTO
La marée des masques.
Famille des arts, famille d’artistes.
Matières et mémoire.
315
318
322
CHRONIQUES
KARL KROLOW
NOTES DE LECTURE
Anne GAUZÉ
Karl KROLOW
Une aventure du regard.
Gravé dans le cuivre.
219
223
JEUNES ÉCRIVAINS DE TURQUIE
Timour MUHIDINE
Murat GÜLSOY
Niyazi ZORLU
Sema KAYGUSUZ
Faruk DUMAN
Ayfer TUNÇ
Menekşe TOPRAK
Éclats et bouleversements.
Volez ce livre !
L’amour voyou.
Odeur d’abîme.
Quarante.
Fehime.
La rencontre.
230
233
244
251
256
260
267
L’échec, tant dans l’écriture que dans l’amour, est un motif récurrent,
presque le leitmotiv (« mon éternel échec ») du Journal de Lagarce.
L’auteur y met en scène son attente insatisfaite de l’amour fusionnel
avec certains de ses amants ou avec sa sœur, son père, sa mère. Mais, que
l’on ne s’y trompe pas, l’échec n’est ici qu’apparent et dissimule mal une
quête ardente, que Jean-Luc Lagarce poursuivra jusqu’à l’extrême limite de
ses forces. À quelques jours de sa mort et alors que tout désir sexuel semble
l’avoir déserté, il est encore sur le point de tomber profondément amoureux
de ce Christophe qu’il vient de rencontrer… Sous des apparences désabusées
et sous le masque du « Juif errant de l’amour », Jean-Luc Lagarce n’aura
jamais cessé d’aimer sans limites, qu’il s’agisse de ses parents — particuliè-
rement de ce père ouvrier qui s’est tué au travail, de ce père qu’il prive
de parole, qu’il retranche, comme pour le punir, de certaines de ses pièces
autobiographiques, mais qu’il avoue dans le Journal aimer comme son
propre enfant —, de Gary, qui deviendra « L’Amant, mort déjà » du Pays
lointain (1995), de François, l’ami hétéro, de quelques autres. L’envers de
l’échec, le déni de l’impuissance, ce n’est évidemment pas à Lagarce de
le proclamer, même dans le plus intime de ses écrits, mais bien à nous, ses
lecteurs, ses spectateurs, de le découvrir dans le filigrane de son œuvre.
Quant à l’écriture — tout se passe comme si ses succès dans la mise en
scène ne faisaient qu’exacerber son sentiment d’échec dans ce domaine —,
Jean-Luc Lagarce ne cesse d’exprimer des doutes sur son propre talent.
Et sur son accès même au statut d’écrivain. Dans Ici ou ailleurs (1981),
JEAN-LUC LAGARCE,
LE SENS DE L’HUMAIN
Cette histoire… l’histoire qu’il fallait raconter, tout
compte fait, malgré tout… je me suis levé et j’ai
rendu feuille blanche… rien d’autre en guise de
première partie, rien d’autre, passez votre
chemin !… Une série de monologues inégaux mis
bout à bout… rien d’autre et l’impuissance à
dépasser cela, à écrire un mot de plus.
J.-L. LAGARCE, Ici ou ailleurs.
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