Dans De Saxe, roman, J.-L. Lagarce reprend trois gestes qui animent depuis plus d’un siècle l’écriture
du drame moderne et contemporain : le jeu de rêve, tel que nous le rencontrons chez Strindberg ou
Adamov, la narration, présente dans les drames de B. Brecht ou dans ceux de Danis, et enfin la
rétrospection qui est à l’œuvre, entre autres exemples, chez Beckett ou Müller. Cette pièce offre une
dramaturgie originale reposant sur l’emboîtement de trois jeux de retour : retour sur l’histoire, à travers
le geste narratif et le geste rétrospectif, deux modalités de jeu rendues possibles par une troisième, celle
du rêve, à travers lequel s’effectue le retour de l’histoire. Pris au piège de la grande Histoire, le jeune
duc de Saxe convoque le récit épique et le dialogue dramatique en continuant de rêver au retour d’une
histoire toujours déjà jouée et racontée.
> 11h : Alexandra Moreira da Silva : « Briser la forme : vers un "paysage fractal" (Juste la fin du
monde et Le Pays lointain) ».
L’œuvre de Jean-Luc Lagarce se présente, nous semble-t-il, sous la forme d’un vaste « paysage
fractal ». En effet, à l’instar de ce qui se passe à l’intérieur d’un texte comme Juste la fin du monde, les
principes d’itération et d’auto-similarité permettent à l’auteur de reprendre non seulement certains
personnages d’un texte à l’autre, mais aussi des situations, des motifs, des répliques, voire, des scènes.
C’est, à l’évidence, le cas de Le Pays lointain où Jean-Luc Lagarce revient sur Juste la fin du monde,
tout en élargissant le cadre des relations à d’autres sphères intimes. Néanmoins, nous pouvons y repérer
la même structure irrégulière et la même similitude interne, bien qu’étendues et amplifiées. C’est donc à
l’analyse de ce « processus d’itération théoriquement infini » que nous consacrerons notre intervention.
> 11h30 : Malgorzata Sugiera et Mateusz Borowski (Université Jagellon de Cracovie) : « “Non, ça ne
se passe là, devant moi”. La mimèsis reformulée dans le théâtre-récit lagarcien ».
Notre présentation a pour point de départ une remarque faite au milieu des années soixante par Witold
Gombrowicz, auteur polonais appartenant à l’avant-garde de l’après guerre, lorsqu’il travaillait sur
L’Opérette, sa dernière pièce, et n’arrivait à trouver de solutions face à la convention théâtrale
traditionnelle qui rendait impossible le développement de métaphores scéniques plus étendues.
Si nous considérons les constatations de Gombrowicz dans une perspective actuelle, nous remarquerons
clairement qu’elles ne diffèrent pas considérablement des diagnostics formulés trente ans plus tard par
Jean-Luc Lagarce au sujet du paradigme théâtral traditionnel. Néanmoins, l’auteur français fait appel à
des solutions dramatiques et théâtrales entièrement différentes. Dans les pièces comme Juste la fin du
monde (1990) et Le pays lointain (1994), il cherche une manière de sortir de l’impasse dans laquelle
s’était déjà retrouvé l’auteur polonais, en se servant pour cela de deux formes différentes du théâtre–
récit. Dans les pièces de Lagarce le théâtre-récit devient une forme nouvelle, non canonique de la
mimèsis, qui aide non seulement à renouer des liens avec les spectateurs mais aussi propose des
stratégies uniques en leur genre en ce qui concerne la présentation aussi bien du passé (potentiel) des
personnages que de leur possible avenir.
> 12h : Discussion Après-midi
Intertextualité Lagarcienne
Séance présidée par Joseph Danan
> 14h30 : Marianne Bouchardon : « “Sur les cîmes de la grande forêt racinienne” : Histoire d’amour
(repérages) et Histoire d’amour (derniers chapitres) ».
« Histoire d’amour, c’est une autre histoire, à l’origine » : celle, peut-être, du trio d’amants de Bérénice,
pièce matricielle pour Duras et, à travers elle, pour Lagarce, qui lui reprend ici sa simplicité d’action, sa
forme statique ainsi que sa tonalité élégiaque. Nul « hélas de poche », pourtant, dans cette anamnèse
diffractée par les épanorthoses, les modalités et le conditionnel, où se fait entendre une forme