FIGARO
On parle de la « petite musique » de Marguerite Duras. On peut parler ausi de celle de
Lagarce. Elle nous prend au creux de l’estomac, elle ne nous lâche pas, comme un refrain
mélancolique, longtemps après avoir quitté le théâtre. Mais est-ce un théâtre ? « La
Boutonnière » est une ancienne fabrique de boutons en nacre dont la dénomination a été
conservée, en hommage à cet artisanat en perdition. Est-ce une salle de théâtre? Un grand
espace, quelques banquettes pour accueillir un nombre restreint de spectateurs. Un lieu
presque improbable mais idéal pour aller à la rencontre de « la Fille » et de ses deux boys. Pas
de coulisses : ils entrent face à nous, ils nous regardent, nous les regardons : nous sommes
déjà là, avec eux, complices, pour écouter les confessions de la Fille, les commentaires des
boys. La Fille dans sa robe rouge, les longs cheveux bruns, le corps mince et gracile, un
sourire aux lèvres, un peu narquois, un peu nostalgique aussi . Une vague ressemblance avec
la Gréco de l’après-guerre, surtout lorsqu’elle chante, la voix rauque. C’est du music-hall
alors ? Peut-être est-ce que ce fut du music-hall… : aujourd’hui la Fille, nous voyant si
proches d’elle, si attentifs aussi, peut-être bienveillants, nous raconte son parcours. Peut-être
a-t-elle eu du succès parfois, autrefois. Peut-être seulement dans ses rêves. Elle n’a qu’un
accessoire, celui qui a permis à Marlène de devenir un ange bleu pour toujours : : un tabouret.
Elle sait en jouer du tabouret la Fille, y faire des pirouettes. Mais parfois, dans certains
théâtres on n’en n'en veut pas. Le tabouret n’a pas de succès. Et les boys ? Au début c’était
son mari et son amant : l’un a tué l’autre. Elle en a changé, quinze se sont succédés . Ils
chantent,dansent, font diversion quand elle pleure... « The show must go on » : la Fille,
continuera d’aller de salle en salle, avec son tabouret, des boys. "Music-Hall", avec ces
comédiens, dans ce lieu, c'est authentique !
MARIE ORDINIS
07 février 2009
Music Hall, de Jean-Luc Lagarce
Music-hall, fragments, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Sophie GazelLa Boutonnière est
ce lieu étonnant au coeur du onzième arrondissement de Paris et jouxtant des ateliers de
confection et tant d’autres boutiques d’artisans qui perdurent, Dieu soit loué, côté métro
Voltaire . Au fond d’une cour et au premier étage d’un de ceux-ci auquel on accède par un
escalier métallique il y a cet espace parfaitement transformable. L’équipe qui l’anime en a fait
un lieu de culture et de rencontres et le ré-envisage, le re-formule en fonction de ce qui s’y
donne. Cette fois-ci c’est ce Music-Hall, signé Jean-Luc Lagarce, une de ses premières pièces,
datant de 1988 et dont une autre version qui va s’achever se joue aux Bouffes du Nord.
Concomitance ?…Lagarce est parfait quand il s’agit de montrer que le parcours d’un artiste
est forcément baroque, que son statut, de nos jours, l’est tout autant, et que ce qu’on prend
pour un échec pourrait tout aussi bien être considéré comme une réussite ailleurs et en
d’autres temps ; bref que l’art, authentique, salvateur, pur, intemporel et hasardeux, mais re-
fondateur du monde vrai, est fait pour nous donner du plaisir à tous et pas seulement ceux qui
le pratiquent. Mais il y a des saboteurs-raboteurs partout, voyez nécessité de rentabilité – et
les artistes peu connus, souvent obligés d’effectuer tournée après tournée comme on fait la
manche, sont régulièrement traités avec un certain mépris. Deux hommes, une femme, tous
étonnants, mais elle très physique avec de l’énergie à revendre. Eux plutôt subtils débordent
d’humour et sont au deuxième degré. L’un à l’accent prononcé chante et joue d’un vrai
accordéon au son de bandonéon. Les voila qui dansent des tangos musclés et autres milongas.
La pièce est poignante et ces trois comédiens généreux émeuvent d’un bout à l’autre.
Théâtre de La Boutonnière, du mardi au samedi à 21heures. Réservations: 01 48 05 97
23posted by Marie Ordinis @ 3:46 PM