CHIRURGIE DE L`APPAREIL LOCOMOTEUR

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CHIRURGIE DE L’APPAREIL LOCOMOTEUR
Volume 1
Professeur J.J. ROMBOUTS et
Professeur Ch. DELLOYE
AVERTISSEMENT
Ce syllabus est un aide-mémoire complémentaire aux notes manuscrites.
Il est rédigé de façon à ce vous puissiez rapidement retrouver l’information souhaitée.
Cette information a été volontairement limitée à l’essentiel pour que ce manuel reste compact et
pratique. Il ne saurait en aucune manière se substituer à un traité de chirurgie osseuse.
Certains chapitres ont dans cette troisième édition été développés et vous sont soumis à titre
d’information. Ils ne doivent pas être étudiés en détail. Il est plus important de saisir l’essentiel de leur
contenu (ch. 4, 5, 6). Ils sont présentés en simple interligne.
Toute suggestion ou commentaire à propos de la présentation ou du contenu du syllabus sera la
bienvenue.
Livres conseillés
Elémentaires
HEIM U. BALTENSWEILER J. Traumatologie. Collection : Checklists de Médecine. Thieme
Flexibook.
BAUMGARTNER R., OCHSNER P.E. Orthopedie. Collection : Checklists de Médecine. Thieme
Flexibook.
JODOIN A. et al. Orthopédie et Traumatologie. Un guide clinique. Université de Montréal. Decarie.
Maloine (Quelques affirmations discutables).
DEJEAN O. Orthopédie - Traumatologie. Editions MED-LINE Paris (questions d’internat.)
G.E.O.P. Orthopédie pédiatrique. Méditions. Lyon. (tél. : 0033.4.72.78.01.30) (un classique !).
N.B.: ce syllabus sera en libre accès par internet sur le site du G.E.O.P. dès janvier 2000.
L’équivalent en anglais, richement illustré
Mc RAE R., KINNINMONTH A.W.G. Orthopaedics and trauma.
Churchill. Livingstone 1977, 152 pages.
An illustrated colour text.
Pour ceux qui se destinent à la médecine d’urgence
SKINNER D., DRISCOLL P., EARLAM R. ABC of Major trauma. BMJ Publishing Group. Second
edition 1996, 146 pages.
Plus documenté
R. DEE, L.C. HURST, M.A. GRUBER, S.A. KOTTMEIER. Principles of Orthopaedic Science.
McGRAW-HILL ISBN0070163561 (l’achat des futurs orthopédistes...).
Le « must » des futurs pédiatres
A. DIMEGLIO. Orthopédie pédiatrique quotidienne. Sauramps Médical. (épuisé en 11.99)
Pour ceux qui souhaitent surfer sur internet
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http://www.worldortho.com/
Electronic Orthopaedic Textbook.
Ed. Eugène Sherry. (une petite merveille de précision et de concision...)
Voir "orthopédie" dans la bibliothèque didactique sur le site de l'UCL: http://www.md.ucl.ac.be/luc/netlinks.htm
Correspondance : Pr. Rombouts : Service d’Orthopédie, Clin. St-Luc, Bruxelles.
Pr. Delloye : UCL, T. Pasteur, Ortho 5388.
CHAPITRE I : GENERALITES
1. Définitions
L’Orthopédie et la Traumatologie sont deux disciplines de la médecine dont le but est de prévenir et de
traiter les affections de l’appareil locomoteur sans limite d’âge, par des moyens médicaux et/ou
chirurgicaux. La conservation ou la restitution de la fonction articulaire nécessite la plupart du temps la
collaboration des infirmiers et des kinésithérapeutes.
L’appareil locomoteur comprend la colonne vertébrale et les quatre membres. Il est constitué de
segments osseux articulés et animés par les tendons et les muscles. Ces différentes structures sont
innervées et vascularisées à l’exception du cartilage.
L’appareil locomoteur a pour fonction de permettre à l’homme de se déplacer et de pouvoir réaliser de
nombreuses activités par le mouvement.
2. Structures de l’appareil locomoteur
Le squelette est un ensemble de structures osseuses fixes et résistantes, reliées entre elles par des
articulations. Les muscles et leurs tendons mobilisent efficacement, à un coût énergétique réduit, les
segments de membres sous le contrôle du système nerveux. Enfin, la vascularisation assure l’apport
nutritif pour le fonctionnement de l’ensemble.
2.1. L’os
L’ensemble des os forme le squelette qui constitue la charpente du corps et sert d’ancrage aux tissus
mous (tendon, muscle, ligament).
Le squelette a un rôle de soutien et un rôle métabolique
(hématopoïèse de la moelle osseuse, phagocytose des hématies âgées, réservoir de calcium, cfr. notes de
rhumatologie).
L’os est un tissu vivant, élaboré et régulé par différentes cellules osseuses (ostéoblastes, ostéocytes,
ostéoclastes), elles-mêmes sous contrôle d’autres systèmes régulateurs (cfr. notes de rhumatologie).
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Environ 5 % de la masse osseuse totale sont renouvelés annuellement chez l’adulte.
A l’échelle microscopique, l’os est constitué de minéral (65 % du poids total de l’os), de matière
organique (25 %) et d’eau (10 %).
La phase minérale est faite de phosphate et de calcium sous forme cristalline (principalement
l’hydroxyapatite). Pour un individu de 70 kg, le calcium représente 1,300 g dont 99 % sont dans les os
et les dents. Environ 1 % est échangeable avec les liquides extracellulaires. Le phosphore est présent
sous forme de phosphate. Chez une personne de 70 kg, il représente environ 700 g dont 80 % sont
dans les os sous forme d’hydroxyapatite [Bonjour et Rizzoli, Med. hyg. 47 ; 815, 1989].
La phase organique est représentée à 90 % par le collagène, le reste étant d’autres protéines
(protéoglycanes, glycopeptides) qui semblent jouer un rôle régulateur dans le métabolisme du tissu
osseux.
Ce sont les cellules osseuses qui synthétisent la matrice osseuse et qui contrôlent ensuite dans un
deuxième temps sa minéralisation. Le minéral est situé dans et autour de la fibre collagène. Cette
intrication confère à l’os des propriétés mécaniques remarquables et adaptées à sa fonction de
charpente. La fibre collagène lui donne sa résistance à la traction tandis que le minéral apporte la
résistance à la compression.
Macroscopiquement, on distingue dans le squelette des os plats (crâne et les os de la face, omoplate,
bassin) et des os longs (squelette appendiculaire).
Un os long est composé d’une diaphyse (partie centrale de l’os) qui circonscrit la cavité médullaire et,
de part et d’autre, d’une métaphyse et d’une épiphyse, séparées par la physe ou cartilage de la
croissance.
La diaphyse est faite d’os compact dit « os cortical ».
L’épiphyse et la métaphyse sont composées d’ « os spongieux » constitué d’os disposé en travées
entre lesquelles circule la moelle osseuse.
L’os spongieux assure une répartition plus uniforme des contraintes et un transfert de celles-ci à la
diaphyse. Cet os est riche en cellules capables de produire de l’os (ostéoblastes). La crête iliaque du
bassin contient également de grandes quantités d’os spongieux (voir à greffe).
2.2. Les articulations
L’articulation est la structure de base du mouvement et celle par laquelle les os s’unissent entre eux.
Elle permet aux muscles de mobiliser le squelette.
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On distingue surtout deux types d’articulation dans l’appareil locomoteur :
− l’amphiarthrose ou symphyse unit les os par un tissu composé de cartilage et de fibrocartilage
(pubis, disque intervertébral). Elle ne permet que peu de mouvement;
− la diarthrose est une articulation synoviale, caractérisée par une cavité entre les surfaces osseuses qui
sont recouvertes de cartilage hyalin. La cavité peut être divisée par une structure fibrocartilagineuse
appelée ménisque, qui assure une meilleure juxtaposition (coaptation) des surfaces articulaires. Elle
permet le mouvement le plus grand.
2.3. Le cartilage
Le cartilage articulaire est un cartilage hyalin, lisse et brillant. Il est constitué d’une matrice solide,
synthétisée par les chondrocytes (cellules du cartilage) et d’eau. La matrice, très hydrophile, contient
70 % de fibres collagènes et 30 % de protéoglycanes.
La matrice hydrophile assure la résistance aux pressions, capable de supporter une charge de 350
kg/cm2 (rôle d’amortisseur) et constitue une surface de glissement idéale.
Le cartilage est une structure particulière car il est dépourvu d’innervation et d’irrigation sanguine.
Le liquide synovial, sécrété par le tissu synovial, apporte par diffusion les nutriments nécessaires au
cartilage et par sa viscosité, le lubrifie.
2.4. Le cartilage de croissance
Le cartilage de croissance est un tissu cartilagineux spécialisé et temporaire qui assure la croissance
longitudinale de l’os. Schématiquement il est composé, de l’épiphyse vers la diaphyse :
− d’une zone de cellules de réserve dites germinales (couche de réserve),
− d’une zone de croissance (couche sériée), où les cellules commencent à proliférer et à se grouper en
colonne (c’est ici que se fait la véritable croissance par division cellulaire),
− d’une zone d’hypertrophie (couche hypertrophique) des cellules qui progressivement dégénèrent
(c’est ici que se fera la fracture du cartilage de croissance),
− d’une zone de transformation (couche dégénérative) avec l’apparition d’une calcification de la
matrice entourant les cellules qui s’hypertrophient,
− enfin, la zone d’ossification où l’invasion vasculaire du cartilage calcifié détruit celui-ci et est
remplacée par de l’os nouvellement formé.
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2.5. L’appareil capsulo-ligamentaire
La membrane synoviale tapisse l’intérieur de la cavité articulaire et les ligaments intraarticulaires. Le
liquide synovial est riche en acide hyaluronique qui lui confère une haute viscosité.
La capsule articulaire est constituée d’un tissu fibreux dense. Elle soutient la synoviale. Elle est
renforcée à certains endroits par des épaississements de la capsule appelés ligaments. D’autres
ligaments possèdent la même structure qu’un tissu fibreux mais sont individualisés de la capsule. Cet
ensemble capsule et ligament confère la stabilité à l’articulation et permet de résister à des sollicitations
importantes. Le ligament peut être considéré comme un frein passif, par opposition au muscle qui peut
agir comme frein volontaire.
2.6. Le tendon
Le tendon est constitué d’un tissu conjonctif dense. Le collagène en est le constituant le plus important
et est synthétisé par les fibroblastes. Il contient en plus de l’élastine. Certains tendons sont entourés
d’une gaine synoviale. La vascularisation du tendon est assurée via une structure conjonctive lâche
(paratendon) permettant sa course.
Le tendon unit son muscle à l’os par un tissu fibreux très résistant.
Le tendon d’Achille, composé du soléaire et du gastrocnémien, est le plus puissant du corps, pouvant
supporter des charges d’environ 5 kg/mm2 (+ 400 kg chez l’adulte) [Dupuis-Leclaire, Pathologie de
l’appareil locomoteur, Maloine, 1986].
2.7. Le muscle
La puissance d’un muscle est proportionnelle au nombre de fibres musculaires (masse musculaire), de
sa morphologie et du bras de levier : plus le bras est long (c.-à-d. éloigné du centre du mouvement), plus
la force résultante est grande. Les muscles sont richement vascularisés et innervés.
2.8. Le nerf périphérique
Le nerf périphérique est constitué d’un ensemble de fascicules nerveux constitués de fibres nerveuses.
Chaque fibre est composée d’un axone, prolongement cytoplasmique du neurone et dont la longueur
peut varier d’un millimètre à plus d’un mètre. L’axone est entouré d’une fine gaine (gaine de Schwann).
Le nerf est entouré d’une gaine externe dite épinèvre. Chaque fascicule est également limité par une
périnèvre.
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3. La consultation - l’examen clinique
3.1. Anamnèse
C’est le premier temps de la démarche clinique et il est fondamental.
Interrogatoire général : famille, hérédité, grossesse, naissance, école, profession, reclassement
professionnel, loisirs, invalidité, etc.
Interrogatoire orthopédique : début des symptômes : aigu, progressif ?
durée des symptômes, intensité, etc.
Antécédents éventuels.
Symptômes actuels : permanents, intermittents. Caractère de la douleur : lancinant, fond douloureux,
mécanique (rythmé par l’effort) ou inflammatoire (composante nocturne) ? Horaire de la douleur :
nocturne, au lever ?
Marche : périmètre de marche (temps ou distance) ? avec ou sans canne ? plus facile en montée ou
descente ? dépendance partielle ou totale ?
Dépendance d’une aide extérieure : habillage, toilette, repas, déplacements, etc.
Aides utilisées : prothèse, orthèse, canne, chaussure, fauteuil roulant.
Traitement antérieur : évolution, résultats.
3.2. L’examen clinique
L’examen se fait sur un patient dont la région à examiner est dévêtue.
Outre l’inspection, la palpation, la mobilisation, l’examinateur peut réaliser certaines manœuvres pour
préciser un diagnostic.
La sémiologie propre à chaque région sera détaillée dans le chapitre relatif à cette région.
3.3. Goniométrie
La mesure de la mobilité du segment douloureux ou symptomatique est nécessaire pour suivre
l’évolution d’une pathologie ostéoarticulaire.
Position de référence
Patient debout, bras le long du corps, paume de la main vers l’avant.
L’amplitude du mouvement est notée en degrés par rapport à la position neutre.
Ex.: poignet : flexion-extension 60°/ 60° ou 60°-0-60°
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si déficit d’extension de 40° (flessum) : 60°/40° ou 60°-40°-0.
On peut apprécier les degrés à l’aide d’un cadran de montre : ex. 1 h. = 30°, 4 h. = 120°, 6 h. = 180°.
3.4. Testing musculaire
La force d’un muscle peut être mesurée cliniquement. L’échelle internationale de la force musculaire est
la plus utilisée.
0 : aucune contraction
1 : contraction palpable sans mouvement articulaire
2 : mouvement articulaire complet gravité éliminée ou incomplet contre gravité (triceps)
3 : mouvement articulaire complet contre gravité
4 : mouvement articulaire complet contre résistance modérée
5 : mouvement articulaire complet contre résistance maximale.
Il s’agit d’une échelle assez grossière qui peut être raffinée en utilisant des plus ou des moins. Par
exemple, on utilisera un 3- pour un mouvement incomplet contre gravité et un 2+ pour une ébauche de
mouvement contre gravité.
3.5. Examens complémentaires
Ceux-ci peuvent être très utiles pour le diagnostic ou le suivi d’une pathologie.
Citons pour mémoire : l’imagerie médicale, la scintigraphie osseuse, l’électromyographie (EMG), etc.
4. Moyens thérapeutiques
L’orthopédie-traumatologie met en œuvre selon la pathologie tantôt des traitements conservateurs,
tantôt des traitements chirurgicaux.
4.1. Traitements conservateurs
Outre les médicaments, il existe plusieurs formes de traitements :
− traitement par immobilisation : plâtre, attelle, bandage, orthèse
− traitement mobilisateur : kinésithérapie
− traitement antalgique : physiothérapie
− traitement de substitution : semelle, prothèse pour amputé
− traitement de stimulation : électrothérapie pour paralysie ou pseudarthrose.
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Seuls seront abordés ici l’appareil plâtré et la traction.
Les autres moyens seront détaillés dans le cours de médecine physique et de réadaptation.
4.2. L’appareil plâtré
Celui-ci reste le moyen le plus utilisé et le plus rigoureux pour immobiliser un segment du squelette. Il
est sans danger à condition d’être bien réalisé et surveillé.
4.2.1. Définition
L’appareil plâtré est un appareil de contention rigide, confectionné à l’aide de bandes ou d’une attelle
plâtrée. Celle-ci est fabriquée à base d’un tissu à larges mailles, imprégné de sulfate de calcium
(« gypse » ou « plâtre de Paris ») et d’un adhésif. Lors du contact avec l’eau, le plâtre durcit avec un
dégagement de chaleur.
L’attelle plâtrée est une gouttière ne renfermant pas complètement le membre à immobiliser et qui est
maintenue par des bandes de gaze souple.
Le plâtre circulaire entoure complètement le membre. Il est rigide.
4.2.2. Matériel
Attelle : superposition de 4 épaisseurs de bandes de plâtre de largeurs variables et dont la longueur est
déterminée par le chirurgien.
Plâtre circulaire : bandes de plâtre sous forme de rouleaux emballés sous cellophane (éviter l’humidité)
et disponibles en plusieurs largeurs. Ce sont des bandes sèches, prêtes à l’emploi.
4.2.3. Réalisation
Préparation de la peau : toute plaie sera soignée et recouverte d’un pansement.
La peau est protégée par un jersey tubulé pour éviter l’adhérence des poils au plâtre.
Les reliefs osseux sont aussi protégés par de l’ouate ou de la feutrine.
Application : la bande ou l’attelle est plongée dans de l’eau tiède. Attendre qu’il n’y ait plus de bulles
d’air remontant à la surface (+ 30 secondes). On la retire, l’essore et on l’applique sans serrer, autour
du membre.
Bien l’étaler, en évitant les plis.
- Ne pas la serrer mais la poser en moulant la surface.
-Ne pas provoquer de pressions localisées avec les doigts sous peine de faire des aspérités, sources
d’escarre.
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- 6 à 8 épaisseurs suffisent pour obtenir un plâtre très solide après 10 minutes.
- Le plâtre immobilise les articulations sus- et sous-jacentes au segment concerné (voir aussi à
Sarmiento).
- L’extrémité du membre est laissée libre pour la surveillance de la circulation.
- La position du membre dépendra de la fracture (tenir compte de la stabilité) mais se fera si possible en
position physiologique, c.-à-d. celle qui permet une fonction maximale (en cas de raideur).
- Le plâtre est tout à fait sec après 48 heures.
4.2.4. Indications d’une attelle plâtrée
Immobilisation temporaire :
- fracture récente
- intervention chirurgicale.
4.2.5. Indications d’un plâtre circulaire
Immobilisation secondaire jusqu’à consolidation.
Il n’est jamais utilisé en urgence, mais seulement quelques jours après le traumatisme ou l’opération,
pour éviter un risque de compression du membre suite à l’œdème.
Exceptionnellement, il sera posé d’emblée sur une fracture fraîche des 2 os de l’avant-bras de l’enfant si
celle-ci est très instable et à la seule condition que celui-ci soit fendu complètement du haut jusqu’en
bas.
Différents types de plâtre existent en fonction du degré d’immobilisation requis et de la localisation.
4.2.6. Le plâtre de Sarmiento
Ce chirurgien a contesté la nécessité d’immobiliser les articulations sus- et sous-jacentes à la fracture
jusqu’à consolidation de celle-ci. Il préconise de libérer ces articulations après 4 semaines; un moulage
précis et une géométrie adaptée du plâtre empêchent toute rotation et déplacement secondaire de la
fracture et autorisent une mise en charge précoce.
Cette technique reste séduisante mais nécessite une bonne expérience des plâtres.
4.2.7. Les plâtres synthétiques
Réalisés en résine à durcissement rapide, ils ont comme avantage de pouvoir pallier les défauts du
plâtre, c’est-à-dire :
- faible résistance à l’eau
- faible résistance aux chocs et à l’usure
- faible résistance à la mise en charge.
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Ces nouveaux matériaux sont légers, plus solides et lavables. Ils sont parfois mal supportés par la peau
à cause de leur imperméabilité. Non remboursés par la sécurité sociale, ils coûtent chers.
4.2.8. Surveillance d’une fracture plâtrée
Une fracture immobilisée n’entraîne plus qu’une gêne douloureuse supportable.
On sera donc attentif à toute douleur persistante après la pose d’un plâtre :
- celle-ci peut être localisée à un doigt (le pouce le plus souvent) et être due à une compression très
localisée du plâtre;
- la douleur peut être plus diffuse c.-à-d. dans le segment immobilisé et s’accompagnant de paresthésies
dans les doigts ou orteils. Un syndrome des loges doit alors être exclu formellement (voir syndrome
des loges).
En présence de fracture dite instable (susceptible de se redéplacer), une radiographie de contrôle sera
réalisée endéans le 3e jour après fracture, aux 8e et 15e jours pour s’assurer de l’absence de déplacement
secondaire. On se rappellera qu’une fracture plâtrée peut se redéplacer durant les trois premières
semaines.
L’attelle sera remplacée par un plâtre circulaire après une semaine, c.-à-d. quand il n’y a plus de risque
d’œdème. Ce délai sera plus long en cas de fracture instable.
On encouragera le patient à contracter activement les muscles durant la période d’immobilisation pour
lutter contre la stase veineuse et le risque de thrombose veineuse et pour lutter contre l’atrophie
musculaire. Toute immobilisation plâtrée du membre inférieur impose chez un sujet de plus de 30 ans,
même sans antécédents ou facteurs de risque, la mise en œuvre d’un traitement anticoagulant jusqu’à
reprise de l’appui sans plâtre.
4.3. La traction
La traction permanente dans l’axe d’un membre réalise une immobilisation relative mais suffisante pour
obtenir une consolidation ou servir de traitement provisoire par l’antalgie qu’elle procure, permettant
divers gestes thérapeutiques :
- réduction progressive d’une fracture (ex. : # du fémur chez l’enfant)
- maintien d’une réduction osseuse par l’application permanente d’une force s’opposant au
déplacement et au tonus musculaire (ex. : luxation de la hanche, # du tibia distal)
- mobilisation relative du membre fracturé par la suspension associée à la traction, facilitant les soins
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infirmiers (ex. : # du col du fémur).
Elle nécessite cependant un alitement obligatoire et par conséquent une hospitalisation.
4.3.1. Moyens d’application
Traction via une bande adhésive à la peau (« traction cutanée »). Cette méthode est utilisée chez
l’enfant ou la personne âgée lorsque la traction ne dépasse pas 4-5 kg.
Traction via un appui trans-osseux. La traction sur l’os se fait par l’intermédiaire d’une broche dite
« de Kirschner » (du nom de la société qui l’a commercialisée).
Cette méthode laisse le membre apparent et permet de faire des pansements. La broche se met avec un
moteur après anesthésie locale de la peau et du périoste aux points d’entrée et de sortie de celle-ci. La
broche est le plus souvent mise dans la partie proximale du tibia ou les condyles fémoraux. Elle peut
être mise également dans le calcanéum en cas de fracture de tibia. La broche est tendue et fixée sur une
attelle pour supporter la jambe. On peut y joindre un système de suspension à partir de l’étrier qui
permet une mobilisation plus facile du membre.
Les forces sont exercées par différents poids et
transmises par un système de cordes et de poulies.
Pour les fractures de la colonne cervicale et pour certaines scolioses, une traction peut se faire sur le
crâne via 2 ou 4 pointeaux vissés dans la table externe de l’os (« halo crânien »).
4.3.2. Surveillance d’une traction
La broche reste un point d’entrée potentiel pour un germe et fera donc l’objet de soins locaux réguliers
pour éviter toute infection. Elle doit être tendue ou retendue via l’étrier pour éviter une douleur locale
importante.
Le libre jeu des cordes et poids sera vérifié et le patient sera mis en léger Trendelenburg pour s’opposer
par son propre poids à la traction.
5. Les matériaux en chirurgie de l’appareil locomoteur
Utilisés quotidiennement en orthopédie-traumatologie, les biomatériaux orthopédiques peuvent être
définis comme « tout matériau qui interagit avec les systèmes biologiques pour traiter, renforcer ou
remplacer un tissu »
Les matériaux doivent être :
- résistants à l’usure, à la fatigue mécanique, à la corrosion
- être biocompatibles.
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On distingue quatre types de matériaux : les métaux, les polymères, les céramiques et les matériaux
biologiques tels que les greffes osseuses.
5.1. Les métaux
Les métaux sont utilisés sous forme d’alliage qui est une combinaison de deux éléments ou plus et dont
un doit être métallique (ex. : acier inoxydable, alliage à base de chrome-cobalt, etc.). La seule exception
est le titane qui peut être utilisé pur ou en alliage.
Mis en contact avec le milieu biologique, le métal
peut subir une corrosion, c.-à-d. une altération chimique (par oxydation) qui le fragilise et qui libère des
produits de corrosion (ions) dans l’organisme.
5.2. Les polymères
Un polymère est constitué de molécules géantes produites par la répétition d’une molécule de base ou
monomère. Il s’agit d’une famille de matériaux très diversifiée et dont les applications thérapeutiques
sont très variées; certains sont résorbables par l’organisme. Ils sont utilisés comme composant
prothétique ou encore comme matériel de suture ou de comblement. Ainsi, le polyéthylène est implanté
comme matériau de surface de frottement dans une prothèse articulaire. Le polyméthymétacrylate est
employé comme « ciment chirurgical », c.-à-d. qu’il assure une adaptation morphologique des implants
à l’os, conférant une stabilité immédiate à l’implant.
5.3. Les céramiques
Familles de matériaux solides, larges et hétérogènes comprenant des matériaux non métalliques et non
organiques et obtenus par compression à chaud (frittage). Certaines sont capables de liaison chimique
avec l’os. Elles sont utilisées en orthopédie soit comme matériau de revêtement de prothèse, soit
comme substitut osseux. Etant chimiquement stables, elles sont quasi insensibles à la corrosion.
5.4. Les matériaux biologiques
Les plus utilisés sont les greffes osseuses. Le matériau peut provenir du patient lui-même (autogreffe),
d’un donneur d’organes (allogreffe) ou d’un patient opéré d’une arthrose de la hanche et dont on garde
alors la tête fémorale (allogreffe) ou encore d’un individu d’une espèce différente (xénogreffe).
Le site de prélèvement d’une autogreffe est l’os spongieux du bassin. Plus rarement, si l’on veut de l’os
cortical pour sa solidité, il sera prélevé sur la face interne du tibia.
La greffe est utilisée tantôt pour sa richesse cellulaire (ostéoblastes) exploitée pour guérir une
pseudarthrose, tantôt pour sa qualité de support naturel à la recolonisation osseuse en cas de perte de
substance.
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CHAPITRE II : TRAUMATOLOGIE DE L’APPAREIL LOCOMOTEUR
1. Le traumatisé et le polytraumatisé
1.1. Définition
Polytraumatisé: la distinction entre polyblessé, blessé grave et polytraumatisé reste imprécise dans la
littérature. Certains appellent polytraumatisé un blessé ayant plusieurs lésions dont une ou plusieurs
comportent un risque vital patent ou latent (J.C Otteni – Le polytraumatisé, Masson 1986).
Le polytraumatisé est un blessé qui, à côté des lésions traumatiques nécessitant l'intervention du
chirurgien a aussi une atteinte d'une ou plusieurs fonctions vitales imposant des gestes de réanimation.
Le polyblessé et le polyfracturé ont plusieurs lésions n'entraînant pas de perturbations des fonctions
vitales. Le polyblessé a au moins deux lésions traumatiques.
Le polyfracturé a au moins deux fractures des segments anatomiques différents.
L'un et l'autre peuvent devenir secondairement polytraumatisés du fait de la détérioration d'une fonction
vitale.
1.2. Conduite à tenir
Sur les lieux de l’accident
- évaluer le niveau de conscience,
- en cas d’hémorragie, réaliser une compression manuelle plutôt qu’un garrot (risque d’ischémie),
- s’assurer de la liberté des voies aériennes (langue, dentier, etc.),
- assurer un transport adéquat : levage monobloc du corps en cas de suspicion d’atteinte rachidienne,
attelle provisoire pour immobiliser une fracture),
- rassurer, réconforter le patient.
A l’hôpital
Anamnèse succincte :
- circonstances de l’accident
- localisation et type de la douleur
- état général : soif, dyspnée, nausées
- antécédents éventuels.
Examen clinique : première évaluation de la gravité
- arrivée du patient : marche ou transporté ?
- niveau de conscience (score de Glasgow)
- pouls, TA
- peau : couleur, sueur, chaleur
- recherche de saignement (oreilles, nez, bouche, périnée)
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- haleine : vomissements, alcool, sang.
Examen systématique (neuro, cœur, poumons, abdomen...)
Principes de traitement
- assurer la ventilation : intubation, respirateur
- assurer la circulation : installer une voie d’abord, transfusion, lactate Ringer
- bilan neurologique : Score de Glasgow
- hémorragie massive : thoracotomie si Rx + (tamponnade)
- laparotomie si écho abdominale +
- stabiliser le pelvis si fracture et écho abdo - stabiliser les fractures.
Pronostic
Dépend de la sévérité du traumatisme, de facteurs liés au patient, du délai mis pour assurer le traitement
définitif, et de la qualité des soins. La sévérité du traumatisme influence directement la survie mais pas
la reprise du travail [Frymoyer J. Orthopaedic knowledge update IV, 1993].
2. Luxation et entorses
2.1. Luxation aiguë
C’est la perte de contact complète et permanente entre les surfaces articulaires. Ceci implique la
rupture de la capsule articulaire et de ligaments. L’épaule est l’articulation la plus exposée à la luxation.
Outre la déformation, une luxation est très douloureuse et produit une impotence complète. Il n’y a
pas de crépitation osseuse sauf en cas de fracture associée.
La luxation peut causer une lésion vasculaire ou nerveuse par élongation ou compression.
Toute luxation doit être réduite le plus rapidement. Celle de la hanche est une véritable urgence. (Le
risque de nécrose semble diminuer si la réduction a lieu endéans les 6 premières heures après le
traumatisme).
2.2. Luxation ancienne
Il s’agit d’une luxation méconnue et reconnue tardivement, c.-à-d. après 3 semaines.
C’est à l’épaule que le risque de passer à côté d’une luxation postérieure est le plus grand.
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2.3. Luxation récidivante
Lors de la luxation première, un élément stabilisateur de l’articulation a été abîmé et a entraîné une
instabilité chronique. A nouveau, c’est l’épaule qui est l’articulation la plus exposée.
2.4. Entorse
C’est la classique « foulure ». C’est un traumatisme de l’articulation comportant soit une élongation
d’un ligament, soit une véritable déchirure (partielle ou complète).
Cet accident intéresse
principalement la cheville, le genou et les doigts.
On distingue classiquement 3 degrés dans l’entorse :
1er degré : élongation anormale d’un ligament, produisant une déchirure minimale de quelques fibres.
La douleur et le gonflement sont peu importants;
2e degré : déchirure de nombreuses fibres mais le ligament reste continu. Symptômes plus marqués et
impotence;
3e degré : rupture complète du ligament et instabilité correspondante.
Impotence fonctionnelle
marquée.
La radiographie permettra de distinguer la rupture complète d’un arrachement osseux du ligament.
Le traitement est variable en fonction du degré.
L’application de glace sera réalisée pour limiter
l’œdème. La chirurgie peut être requise dans certaines localisations comme le pouce. Dans la majorité
des cas, l’articulation sera immobilisée de façon plus ou moins rigide. Dans les cas d’immobilisation
relative, un tapping par élastoplast est réalisé. Dans le cas où une immobilisation plus rigide est
conseillée, une orthèse ou un plâtre sont prescrits. Il faut 6 semaines pour que le ligament cicatrise, c.à-d. acquière une résistance à la traction suffisante.
Cliniquement, le diagnostic différentiel avec une fracture peut être difficile.
Une immobilisation plus ou moins rigide peut être requise en fonction de la gravité.
3. La fracture
3.1. Définitions
Fracture : solution de continuité dans un segment osseux à la suite d’un traumatisme.
Fracture de fatigue : fracture survenant dans un os sain, à la suite d’une répétition excessive de
contraintes mécaniques physiologiques (fla classique fracture de fatigue d’un métatarsien chez la recrue
militaire par ex.).
15
15
Fracture pathologique : fracture survenant dans un os pathologique c.-à-d. fragilisé (par une métastase
par ex.).
Fracture en bois vert : fracture de l’enfant qui ne rompt qu’une seule corticale.
Cette fracture
incomplète, est propre à l’enfant.
Fracture comminutive : fracture comportant, outre les 2 fragments principaux, au moins deux ou
plusieurs autres fragments supplémentaires.
3.2. La fracture fermée
3.2.1. Définition
Il s’agit d’une fracture d’un ou de deux os d’un segment avec une peau sus-jacente intacte.
3.2.2. Principe de traitement des fractures fermées
Il a pour but l’obtention de la consolidation de l’os (formation d’un cal osseux réunissant les 2
extrémités) avec une récupération de la fonction du membre.
[Pour rappel, la fonction d’un membre est la réalisation de mouvements physiologiques simples
ou complexes. Elle nécessite un axe osseux anatomique, une liberté du jeu de l’articulation et un
fonctionnement normal des muscles et tendons].
L’os doit être consolidé en bonne position, c.-à-d. avec un axe anatomique le plus proche de la normale.
En cas de déplacement, la fracture sera «réduite». La réduction est le réalignement de l’os fracturé. Elle
est soit «orthopédique», c.-à-d. obtenue par manœuvre externe, soit « chirurgicale », c.-à-d. en abordant
la fracture. L’immobilisation se fait par attelle plâtrée suivie ultérieurement d’un plâtre circulaire en cas
de traitement conservateur. Une traction peut être également utilisée comme traitement d’attente (# col
du fémur par ex.).
En cas de traitement chirurgical, c’est le matériel implanté qui fixe les fragments. Une immobilisation
plâtrée est parfois nécessaire en complément.
La kinésithérapie est quasi toujours nécessaire chez l’adulte après une immobilisation plâtrée. Elle ne
l’est pas automatiquement chez l’enfant.
3.3. La fracture ouverte
3.3.1. Définition
Il s’agit d’une fracture osseuse s’accompagnant d’une ouverture de la peau environnante.
représente une urgence traumatologique.
16
16
Elle
3.3.2. Classification des fractures ouvertes selon Gustillo
Elle se base sur l’atteinte des parties molles après parage de la plaie (Gustillo et al.. Clin. Orthop. 66,
148, 1969).
Type I : ouverture de < 1 cm et propre. Traumatisme de basse énergie.
Type II : ouverture de 1 à 10 cm / foyer larggement exposé / atteinte peu importante des parties
molles. Type III : ouverture large avec atteinte importante des parties molles/ perte de substance
cutanée/ .dépériostage. Traumatisme de haute énergie.
IIIA : lacérations étendues et souillées des parties molles (souvent plus de 10 cm). La couverture de la
perte de substance cutanée reste possible.
IIIB : lacérations étendues et souillées des parties molles. La couverture n’est plus possible et exige un
lambeau.
IIIC : fracture associée à une lésion artérielle qui exige sa réparation pour la survie du membre.
3.3.3. Complications
- L’infection : le type III se distingue par la forte proportion d’infections (21 %) à comparer avec le
type I (0 %) et II (2 %) [Gustillo et al. J. Trauma 24, 742, 1984].
- Retard de consolidation et pseudarthrose (entre 5 et 30 %).
- Amputation.
3.3.4. Principes de traitement des fractures ouvertes : [S. Olson, J. Bone Joint Surg. 78A, 1428, 1996]
- Perfusion et antibiothérapie (dès l’admission en salle d’urgence).
- Prophylaxie du tétanos (la vaccination est devenue obligatoire) et de la thrombophlébite.
- Chirurgie
•
Débridement répété si nécessaire (enlever toute nécrose favorisant l’infection, nettoyage
mécanique par lavage « Karscher », excision tissus contus et corps étrangers).
•
Bactériologie de la plaie.
•
Ostéosynthèse (clou ou fixateur).
•
Discuter la possibilité d’un lambeau de couverture.
3.3.4 .1. Antibiotiques
Ils sont justifiés pour les raisons suivantes [Templeman et al., Clin. Orthop.350, 18, 1998] :
- Les antibiotiques réduisent l’incidence des infections d’un facteur 6 [Patzakis et al., Clin. Orthop.
178, 36, 1984].
- Le risque d’infection est proportionnel au grade de l’ouverture de la fracture.
17
17
- La plupart des infections sont causées par un germe pathogène acquis secondairement à l’hôpital
[Sudekamp et al., J. Orthop. Trauma. 7, 473, 1993] .
Type I : Céfazoline 2 g à l’admission, puis 1 g toutes les 8 heures pendant 48-72h.
Type II : Céfazoline selon type I + Gentamycine 5mg /kg /24h (adapter en cas d’insuffisance rénale)
pendant 48-72h (la Gentamycine se donne de préférence en une dose journalière pour diminuer la
néphrotoxicité).
Type III : idem que type II.
(En cas de contamination massive par la terre ou eaux publiques,
il faut adjoindre une
prophylaxie contre les anaérobes stricts : Pénicilline G 12 millions UI /j ou Flagyl [3 x 500
mg/j], antiprotozoaire avec une activité bactéricide sur les anaérobes stricts). [S. Olson, J Bone
Joint Surg. 78A, 1428, 1996].
3.3.4.2. Prophylaxie du tétanos
La prophylaxie du tétanos est indiquée en cas de fracture ouverte [voir le Cours de petite chirurgie].
3.3.4.3. Prophylaxie de la gangrène gazeuse
Il faut prévenir la gangrène gazeuse par le nettoyage vigoureux des parties dévitalisées. Le Clostridium
perfringens, agent causal ubiquitaire et anaérobe, prolifère de façon préférentielle dans les muscles
ischémiques ou nécrotiques (voir syndrome des loges pour les qualités du muscle). Il produit une
lécithinase qui provoque la mort cellulaire et favorise sa prolifération.
Une gangrène gazeuse est douloureuse et provoque un œdème, ce qui n’est pas le cas d’une cellulite
causée par un autre germe anaérobe tel le E. Coli, streptocoque ou bactéroïdes.
La meilleure prophylaxie reste le parage chirurgical. La pénicilline G (2 millions U.I. 6 x/j en IV et le
caisson hyperbare pour favoriser l’aérobiose sont la base du traitement curatif en plus d’une révision
chirurgicale de la plaie.
3.4. Modalités du traitement d’une fracture
Il est possible de traiter de plusieurs manières une fracture. Le choix du praticien tiendra compte :
- du type de fracture,
- des lésions éventuelles associées,
-de l’état général et pathologies autres du patient,
- de l’âge du patient et de son environnement,
- de l’expérience personnelle du praticien.
Les avantages d’un traitement « orthopédique », c.-à-d. conservateur sont :
18
18
- absence de matériel intraosseux,
- absence de dévascularisation de l’os,
- risque quasi nul d’infection.
Le traitement conservateur sera plutôt indiqué dans une :
- fracture chez l’enfant,
- fracture non déplacée,
- fracture de l’adulte qui répond bien au traitement conservateur (humérus).
3.5. L’ostéosynthèse des fractures
L’ostéosynthèse est un mode de fixation de fracture par la chirurgie. Elle a à sa disposition différents
matériaux. Elle se fait si possible « à foyer fermé », c.-à-d. qu’elle n’ouvre pas le foyer de fracture pour
éviter une dévascularisation supplémentaire (un deuxième traumatisme). Le matériel est introduit par
une extrémité de l’os , à distance de la fracture. [Pour fixer une fracture de la diaphyse du fémur, on
introduit le clou par la fesse et non en incisant la cuisse. Le clou est ensuite descendu dans la cavité
médullaire de l’os et fixe ainsi les fragments]. Certaines fractures nécessitent une réduction « à foyer
ouvert », c.-à-d. qu’il faut aborder la fracture pour la fixer.
Type de matériel
3.5.1. Clou centromédullaire
Tige métallique en acier ou titane qui se place dans la cavité médullaire. Très utilisé pour les fractures
de la diaphyse d’un os long comme le fémur et le tibia. Ne nécessite pas l’ouverture de la fracture. Se
met par le grand trochanter pour le fémur et au travers du tendon patellaire pour le tibia. Suivant les
techniques utilisées, la mise en place du clou nécessite ou non un alésage préalable de la cavité osseuse
[alésage : fraisage de la cavité pour mise au diamètre du clou]. Le clou est dit « verrouillé » quand il est
bloqué à ses extrémités pour empêcher la rotation d’un des 2 fragments autour du clou.
3.5.2. Broches de Kirschner
Tige métallique plus fine qu’un clou et qui permet de stabiliser un ou plusieurs petits fragments. Peut
s’utiliser en percutané (# poignet) ou à foyer fermé, pour réaliser un embrochage centromédullaire
(# diaphyse humérale).
3.5.3. Fil d’acier
Il est utilisé pour la synthèse de fracture de la rotule, de l’olécrane. Le fil entoure l’os (cerclage) ou
s’appuie sur l’os et une ou plusieurs broches (haubanage).
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3.5.4. Plaque vissée
La plaque vissée s’utilise pour certaines fractures telles l’avant-bras ou le tibia distal. Elle nécessite
l’abord de la fracture. Certaines écoles l’utilisent plus volontiers qu’un clou lorsque le choix est
possible mais l’inverse est actuellement plus fréquent.
3.5.5. Fixateur externe
Cet appareil se fixe par des fiches métalliques (grosses tiges filetées) dans l’os au travers de la peau et
les tissus mous. Les fiches sont mises de part et d’autre de la fracture et sont ensuite reliées entre elles
par une ou plusieurs barres d’union. L’avantage de cet appareil est de pouvoir stabiliser une fracture
sans passer par le foyer de fracture. Il sera utilisé exclusivement dans les fractures ouvertes de type III.
Conséquence de la mise en place d’un matériel in vivo
La présence d’un matériel non biologique (métal, ciment, etc.) peut altérer la résistance locale des tissus
à l’infection. C’est la raison pour laquelle on préfère enlever le matériel intraosseux lorsque son ablation
est possible. On respectera un délai de 1,5 - 2 ans pour l’envisager.
3.6. La consolidation
La consolidation d’un os est un processus remarquable puisqu’il aboutit à la reconstitution de celui-ci.
En effet, l’os est un des rares tissus à pouvoir se régénérer, du moins partiellement. Une perte de
substance sera remplacée par de l’os et non par du tissu fibreux.
Schématiquement, on distingue :
- la constitution d’un hématome dans le foyer
- la formation d’os nouveau par le périoste à quelques mm de distance de la fracture et par l’endoste,
cellules qui bordent la cavité médullaire
- à hauteur de la fracture, l’hématome va se réduire progressivement et être entouré par un cartilage qui
assure la première continuité entre les 2 fragments
- le cartilage est progressivement remplacé par de l’os qui permet la restauration de la continuité
osseuse. Le cartilage fait la jonction entre les deux zones d’ostéogenèse (comme un pont qui relie les
deux rampes d’accès du pont). Ce cartilage est ensuite progressivement remplacé par de l’os.
Lorsque les fragments sont fixés chirurgicalement, cette stabilisation entraîne une diminution voire une
disparition de la réaction périostée. Il n’est pas toujours évident de lire sur une radiographie la
consolidation d’une fracture stabilisée par une plaque vissée. A l’inverse, la réaction périostée sera plus
importante si le foyer de fracture n’est pas parfaitement immobilisé.
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20
En cas de tassement de l’os spongieux, la consolidation s’acquiert par un cal médullaire.
Les deux extrémités d’un os fracturé ont une tendance spontanée à se souder pour autant
- qu’il y ait un contact entre les deux fragments
- qu’il y ait une immobilisation relative des fragments (# de côte).
Le temps de consolidation est plus long
- chez l’adulte que chez l’enfant où le délai est d’autant plus court qu’il est jeune (métabolisme accru
pour assurer la croissance). C’est la fracture de la diaphyse du fémur qui met le plus de temps à
consolider : 3,5 à 4 mois;
- pour une fracture d’une diaphyse (os cortical) qu’une épiphyse (os spongieux);
- pour une fracture ouverte car les lésions de dévascularisation sont plus importantes que dans une
fracture fermée).
Le cal sera plus volumineux dans une fracture dont l’immobilisation est relative (une ostéosynthèse par
plaque immobilise de façon rigide la fracture et le cal sera souvent peu visible sur les radiographies).
La déformation résiduelle d’un os consolidé peut se corriger spontanément chez les enfants grâce aux
mécanismes régulateurs de la croissance. La déformation aura une répercussion plus importante aux
membres inférieurs, soumis au poids du corps et où le risque d’arthrose est plus important. La
correction spontanée de la déformation sera d’autant plus importante que
- l’enfant est jeune
- le cal est situé à proximité d’un cartilage de croissance.
4. Complications des fractures
4.1. Complications immédiates
Elles sont contemporaines de l’accident quand elles sont présentes :
− lésions cutanées (fractures ouvertes), lésions artérielles, veineuses, nerveuses, etc.,
− l’irréductibilité d’une fracture est une complication rare mais qui obligera à ouvrir le foyer pour lever
l’obstacle qui s’interpose entre les fragments (tendon, muscle).
21
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4.2. Complications secondaires
4.2.1. Déplacement secondaire sous plâtre
C’est la perte de la réduction initiale de la fracture. C’est la raison pour laquelle les patients sont revus
fréquemment au début d’un traitement par plâtre.
4.2.2. Nécrose cutanée
Elle apparaît dans les 6 premiers jours et est la conséquence du traumatisme (contusion majeure de la
peau).
4.2.3. Syndrome des loges
Il s’agit d’un syndrome (= ensemble de symptômes) ischémique suite à une augmentation de la pression
tissulaire dans une loge (compartiment) musculaire.
Cette augmentation résulte le plus souvent d’un traumatisme osseux ou musculaire.
Une loge est définie comme un espace anatomique renfermant un groupe de muscles, des vaisseaux et
des nerfs et délimitée par une cloison inextensible qui est l’aponévrose.
4.2.3.1.Physiopathologie
Il s’agit d’un conflit contenu-contenant.
L’augmentation de pression peut résulter soit
− d’une diminution du volume de la loge : pansement compressif, plâtre trop serrant, suture
chirurgicale trop serrante, compression posturale d’un patient comateux ou drogué, soit
− d’une augmentation du contenu de la loge : œdème, qu’il soit post-traumatique, postischémique,
postopératoire, hématome ou collection (perfusion intraveineuse mal placée, etc.) (par ex. une
fracture de jambe peu déplacée respectant les cloisons est une des causes les plus fréquentes. Un
effort physique intense peut également réaliser un tel syndrome dans la jambe).
4.2.3.2. Conséquence
L’ischémie progressive résulte de la non perfusion des tissus suite au développement d’une pression
supérieure à la pression sanguine dans les capillaires (30 mm Hg) qui sont ainsi collabés par
compression. C’est le muscle qui résiste le moins longtemps à l’ischémie (4 h). Les dommages sont
irréversibles après 6 heures. A la nécrose succédera la fibrose et les rétractions des parties molles en
22
22
plus des troubles neurologiques (paralysie et insensibilité).
4.2.3.3. Symptômes
Syndrome des 3 P (pain, parésie et paresthésies).
- Douleur croissante (quelques heures à 2 jours après la survenue de la cause). Cette douleur devient
disproportionnée (la douleur d’une fracture n’est plus violente après immobilisation plâtrée, elle
devient supportable et n’augmente pas avec le temps). La douleur est crucifiante lors de la mise en
tension du muscle ischémique (maître symptôme). La zone douloureuse est tendue à la pression.
- Paresthésies : celles-ci traduisent l’ischémie nerveuse.
- Parésie : elle traduit la souffrance neuromusculaire.
(Tissu musculaire vital = CCCC = consistance, coloration, contractibilité et capillaires saignants).
Il n’y a pas nécessairement de troubles circulatoires de la peau et la palpation d’un pouls périphérique
n’exclut pas un tel syndrome.
L’association tension musculaire/douleur à l’étirement passif du muscle/déficit neurologique est très
suggestive de ce diagnostic.
Diagnostic différentiel
- Thrombophlébite : l’œdème n’est pas douloureux.
- Ostéite : rougeur de la plaie, fièvre, leucocytose.
- Paralysie SPE : pas d’oedème ni de douleur.
Localisation : tout groupe musculaire entouré d’une aponévrose
Membre sup. :
loges ant. et post. du bras
loge ant. de l’avant-bras (syndrome de Volkmann)
loges des interosseux et de l’éminence thénar.
Membre inf. : loge des fessiers (injection IM avant une opération en décubitus latéral !)
loges post. et ant. de la cuisse
loge ant. ext. de la jambe (localisation la plus fréquente)
loges post. profonde et superficielle de la jambe et des fibulaires.
4.2.3.4. Diagnostic
Suspecté cliniquement, il est réalisé par la mesure directe de la pression de la loge (valeur normale entre
23
23
0 et 8 mm Hg). La circulation capillaire dans les muscles s’arrête à partir de 30-35 mm Hg. Il faut
intervenir quand la différence entre la pression de la loge et la diastolique est inférieure à 30 mm Hg.
4.2.3.5. Traitement
Aponévrotomie (fasciotomie) étendue avec une incision cutanée sur toute l’étendue de la loge. Incision
curviligne à l’avant-bras et curviligne à la jambe. Fermeture différée. Ne pas attendre un déficit moteur.
4.2.4. Thrombophlébite et embolie
Les facteurs de risque sont nombreux : décubitus prolongé, décharge d’un membre, immobilisation
plâtrée du membre inférieur, chirurgie osseuse thrombogène au bassin et membre inférieur. Un âge
supérieur à 40 ans, une fracture au membre inférieur, un alitement supérieur à 3 jours et la présence
d’une paralysie sont des facteurs significatifs de risque de thrombose en traumatologie [Geerts et al., N.
Engl. J. Med. 331, 1601, 1994].
La phlébite et l’embolie sont prévenues par le drainage postural, bas élastiques, exercices de contraction
musculaire et l’utilisation des héparines à bas poids moléculaire et relayées par les antiagrégants
plaquettaires.
Pratiquement, tout malade plâtré au membre inférieur recevra une dose moyenne d’héparine de bas
poids moléculaire (par ex. Fraxiparine 0,3 cc/sc/j jusqu’à reprise de la marche sans plâtre (un plâtre de
marche ne permet pas une dynamique veineuse normale) [Barre et al., EMC, 14-014-A10, 1995].
4.2.5. Le syndrome de l’embolie graisseuse
4.2.5.1. Définition
Syndrome de détresse respiratoire survenant endéans les 48 h. d’un traumatisme osseux.
4.2.5.2. Facteurs favorisants
Un polytraumatisme avec une fracture diaphysaire d’un os long (tibia, fémur) et un choc
hypovolémique à l’admission sont des facteurs favorisants. Les fractures du fémur sont responsables
de 80 % de ces syndromes.
4.2.5.3. Physiopathologie
La physiopathologie reste mal connue. Il y a plusieurs théories :
- mécanique : la graisse de la moelle osseuse passe dans la circulation veineuse et entrave la perfusion
pulmonaire, bloquant les capillaires. Il en résulte des shunts artério-veineux avec hypoxémie. Cette
irruption vasculaire est favorisée par une hyperpression intracavitaire (alésage, mise en place d’une
prothèse).
24
24
− biochimique : les tryglycérides provenant du foyer de fracture, de la moelle osseuse instrumentéé et
peut-être aussi de la lipolyse de la graisse à distance (libération traumatique de catécholamines) sont
transformés en acides gras libres circulants par la lipase pulmonaire. Ces acides gras libres sont
toxiques pour les pneumocytes et provoquent des microhémorragies, microthrombi et collapsus
alvéolaires, engendrant des troubles du rapport ventilation / perfusion pulmonaire.
[D. Levy, Clin. Orthop. 261 , 281, 1990; T. Fabian, New Engl. J. Med. 329, 961, 1993].
Ces théories ne s’excluent pas l’une l’autre et il est possible que chacun de ces mécanismes intervienne
dans la physiopathologie de ce syndrome.
On peut simplifier la pathogénie en écrivant : un événement induit des microemboles graisseux qui
obstruent la microcirculation pulmonaire, cérébrale, cutanée, etc. Au niveau pulmonaire, la graisse subit
l’action de la lipase pulmonaire qui libère les acides gras libres initiateurs d’une détresse respiratoire. Ils
peuvent perturber également la coagulation. Le syndrome d’embolie graisseuse ne s’observe pas chez
l’enfant.
4.2.5.4. Clinique et diagnostic
Cliniquement, il existe un intervalle libre de quelques heures.
Troubles respiratoires (dyspnée,
polypnée) et troubles du comportement (confusion, agitation) apparaissent dans un contexte de
température postopératoire élevée (39-40°).
En phase d’état, le coma peut s’installer tandis
qu’apparaissent des pétéchies (suffusions hémorragiques) caractéristiques à la base du cou et dans les
conjonctives. Le fond d’œil peut montrer des taches blanches lactescentes ou hémorragiques. Le décès
peut survenir par la détresse respiratoire ou le coma.
Il n’y a aucun test biologique pathognomonique.
L’hypoxie est constante et est fonction de
l’importance de l’embolie : la PaO2 baisse par inégalité du rapport ventilation/perfusion (les fins
capillaires terminaux embolisés sont suppléés par des capillaires plus larges avec accélération du transit
du globule rouge ce qui réduit le temps d’échanges gazeux dans les alvéoles).
Les troubles de
l’hémostase sont fréquents de même que les perturbations des lipides (acides gras circulants élevés).
4.2.5.5. Traitement
Le traitement est symptomatique : oxygène, intubation si pO2 < 60 mm Hg, héparine (agent lipolytique
augmentant la lipase sérique et antiagrégant plaquettaire).
25
25
4.2.5.6. Diagnostic différentiel
− Embolie pulmonaire, poumon de choc : douleur thoracique, cyanose, absence de confusion et de
pétéchies, fond d’œil négatif.
− Delirium tremens : perturbations enzymatiques et éthylisme.
− Trauma crânien : pas de tachypnée ni tachycardie.
4.2.6. L’algodystrophie
4.2.6.1. Définition
C’est une affection complexe, invalidante, regroupant des manifestations pathologiques polymorphes
liées à des désordres vasomoteurs. Tous les plans tissulaires de la peau à l’os sont intéressés.
4.2.6.2. Clinique : le tableau clinique (souvent incomplet) associe :
− douleur invalidante, pseudo-inflammatoire, sans topographie précise,
− modification de la peau et phanères (rougeur, cyanose, marbrure, sudation),
− mobilisation articulaire douloureuse et puis progressivement limitée.
Ces manifestations évoluent schématiquement en trois stades :
Stade I : la douleur prédomine.
Stade II : raideur articulaire et atrophie cutanée.
Stade III : récupération partielle ou totale.
L’évolution est longue (1-1,5 an) et invalidante.
4.2.6.3. Diagnostic
Aucun signe n’est spécifique. Aucun test de laboratoire non plus. La radiographie n’est pas spécifique
et ses aspects sont tardifs (déminéralisation sous-chondrale avec un aspect moucheté). Le cartilage est
normal. La scintigraphie osseuse (avec un temps précoce, vasculaire) permet d’orienter le diagnostic.
L’hyperfixation osseuse est présente d’emblée et durant toute l’évolution de la maladie tandis que la
phase vasculaire n’est positive qu’au premier stade (hyperémie) et se négative ensuite.
26
26
4.2.6.4. Physiopathologie
Elle reste obscure. La maladie apparaît le plus souvent après un traumatisme même mineur (contusion,
entorse, intervention chirurgicale, plâtre, piqûre), après une maladie ou avec un médicament
(barbiturique, isoniazide).
Il s’agirait d’une perturbation du système nerveux végétatif et de la
microcirculation.
4.2.6.5. Traitement
Les analgésiques et les AINS constituent la base du traitement. Le traitement par calcitonine salmine
reste actuellement le plus populaire et peut être utile au stade I (hyperémie). On l’utilise pour ses
propriétés antiostéolytiques et antalgiques (ea : inhibe la synthèse des prostaglandines). Une ampoule
de 100 UI/sc/j en commençant les 5 premiers jours par 50 UI/j. Une cure comprend environ 30
ampoules.
Les diphosphonates peuvent être également utilisés en IV (pamidronate disodique à 30 –60 mg/j en cure
de 1 à 3 jours en hôpital de jour) . L’utilisation per os de l’alendronate de sodium n’est pas encore
retenue à ce jour.
4.2.7. Retard de consolidation et pseudarthrose
4.2.7.1. Retard de consolidation
Un retard de consolidation est une fracture qui ne consolide pas dans un délai normal alors qu’elle est
correctement réduite. Un délai normal est de 3 à 4 mois pour une fracture diaphysaire d’un adulte.
Ce retard peut être causé par :
- réduction insuffisante (diastasis, interposition de tissu),
- dévascularisation excessive des fragments (fracture ouverte, chirurgie),
- immobilisation insuffisante du foyer.
4.2.7.2. Pseudarthrose
Une pseudarthrose est la constitution d’une néo-articulation à l’endroit de la fracture, dans une zone
non articulée normalement. En fait, les 2 fragments ne sont pas soudés et les micro- ou macromouvements qui s’y produisent provoquent l’apparition d’une « pseudo-jointure » dans laquelle on
observe du cartilage et de la fibrose. Il est classique de distinguer la pseudarthrose atrophique : nonsoudure par manque initial d’os entre les 2 fragments ou suite à une dévascularisation étendue. Dans ce
27
27
cas, les 2 extrémités osseuses sont effilées.
Dans la pseudarthrose hypertrophique, c’est l’absence d’immobilisation stricte qui en est la cause.
Les 2 extrémités sont hypertrophiques, « à patte d’éléphant » dans une tentative d’engluer le foyer
sans y parvenir toutefois.
Il y a plusieurs modes de traitements d’une pseudarthrose.
Le traitement classique associe :
- l’excision du foyer comprenant le tissu fibreux ou fibrocartilagineux,
- l’avivement du foyer par décortication (pétalisation de la corticale en créant des copeaux corticaux
pédiculés qui augmentent les surfaces d’ostéogenèse),
- la stabilisation par ostéosynthèse (enclouage le plus souvent),
- une greffe osseuse autogène (greffe spongieuse de la crête iliaque).
La technique d’Ilizarov est une technique plus récente. Elle permet un traitement sans aborder le foyer
de pseudarthrose. Elle met celui-ci en compression via un fixateur externe circulaire. Elle permet une
mise en charge d’emblée. Le matériel est relativement encombrant.
4.2.7.3. Pseudarthrose septique
La pseudarthrose septique est une complication très invalidante et redoutable car il y a association de 2
complications. Elle est définie comme l’absence de consolidation en milieu septique. Outre la mobilité
du foyer, il existe un écoulement septique.
Le traitement associe :
- l’excision des tissus infectés et de l’os infecté,
- l’apport éventuel d’un tissu bien vascularisé tel un muscle pédiculé,
- une stabilisation par fixateur externe,
- une reconstruction ultérieure de l’os par greffe osseuse.
La technique d’Ilizarov peut ici aussi, être appliquée sans geste local. Par le jeu de la distractioncompression, elle va favoriser l’ostéogenèse et l’assèchement simultané de l’infection.
4.2.8. L’ostéite
L’ostéite est une infection de l’os. C’est une complication classique d’une fracture ouverte ou opérée.
Le microbe provoque localement une thrombose capillaire et donc une nécrose localisée de l’os. Le
germe s’isole donc par la nécrose et reste à l’abri des antibiotiques.
28
28
Cet îlot osseux dévascularisé
s’appelle un séquestre et apparaît plus dense à la radiographie.
Le traitement comportera
− l’ablation du matériel d’ostéosynthèse
− l’ablation du séquestre
− une antibiothérapie adaptée et si possible spécifique
− un geste complémentaire éventuel tel un lambeau musculaire libre, une antibiothérapie locale, une
greffe osseuse, etc.
5. Traumatologie du nerf et du muscle strié
5.1. Traumatologie du nerf
Tout nerf, qu’il soit sensitif, moteur ou mixte, peut être le siège d’un traumatisme. En cas de plaie à
proximité d’un nerf, on recherchera :
- des troubles sensitifs : hypo- ou anesthésie du territoire.
Ces signes attirent peu l’attention du
patient et il faut donc savoir les rechercher
- des troubles moteurs : parésie, paralysie.
Les signes électromyographiques de dénervation n’apparaissent que tardivement.
5.1.1. Anatomie pathologique
Chaque tronc nerveux est constitué d’un ensemble de fascicules (un fascicule représente un ensemble de
fibres nerveuses). Chaque fascicule est entouré d’une gaine appelée périnèvre et chaque tronc a une
gaine appelée épinèvre.
On distingue plusieurs atteintes du nerf. Celles-ci vont de la contusion (« sidération ») à la rupture
complète du nerf. Dans le premier cas, la récupération clinique est rapide tandis que dans le dernier cas,
l’axone et la gaine de myéline dégénèrent et sont remplacés progressivement par un nouvel axone. Cette
repousse se fait à une vitesse de 1 mm/jour.
5.1.2. Réparation chirurgicale
La suture primaire par microchirurgie (utilisation d’une aiguille de 70 microns au microscope, fil de
10/0) sera effectuée si les conditions locales sont satisfaisantes. Plusieurs techniques chirurgicales sont
29
29
possibles et ont leurs partisans (suture périneurale, épipérineurale, épineurale).
Si les lésions sont complexes ou si la plaie est souillée, on préférera la réparation différée avec
réalisation d’une greffe nerveuse fasciculaire. Celle-ci est nécessaire pour éviter toute tension sur la
suture qui est un facteur d’échec. Après parage et réparation d’autres éléments tels un ou des tendons,
les deux extrémités du nerf seront repérées. Cette greffe est prélevée aux dépens d’un nerf sensitif peu
important (ex. : nerf sural ou saphène externe au mollet).
Les résultats sont globalement meilleurs après suture immédiate mais dépendent de beaucoup de
facteurs dont principalement l’âge du blessé. La récupération complète est rare chez l’adulte et la
sensibilité peut mieux récupérer que la motricité.
5.1.3. Syndrome de régénération
Celle-ci se produit spontanément soit après réparation ou encore libération du nerf (neurolyse). Le
retour vers une sensibilité et/ou une mobilité se caractérise par des fourmillements, des démangeaisons,
des crampes ou des décharges électriques.
Cliniquement, cette repousse nerveuse peut être suivie par le signe de Tinel : la percussion du nerf à
l’endroit de la repousse provoque une décharge électrique reproductible.
5.2. Pathologie du muscle strié
5.2.1. Anatomie pathologique
La plupart des lésions sont produites indirectement et sont l’apanage quasi exclusif de la pratique
sportive.
Par gravité croissante, on distingue :
•
La contracture : elle est la conséquence d’une accumulation d’effort sans récupération suffisante,
entrainant une perturbation du métabolisme musculaire (acide lactique) et apparition d’une mise en
tension myotatique.
•
L’élongation musculaire : elle fait suite à une contraction brutale, sur un muscle mal échauffé. Il n’y
a pas de lésion macroscopique. Absence d’ecchymose.
•
La rupture musculaire (« claquage ») peut survenir ici aussi sans prémices, à la suite d’un effort
brutal, la plupart du temps sans échauffement.
Plus rarement, elle peut faire suite à une
inflammation chronique dont elle est l’aboutissement.
30
30
Cette lésion représente la moitié des
accidents musculaires. Il y a rupture d’un nombre plus ou moins grand de fibres musculaires. La
rupture complète d’un muscle reste rare. La douleur est violente, l’impotence est grande et le jeu ne
peut être repris. Ecchymose et hématome sont le règle.
La rupture peut être située :
- dans le corps musculaire
- à la jonction musculo-aponévrotique (jumeau interne)
- à la jonction musculo-tendineuse (biceps)
- à la jonction ostéo-tendineuse (droit ant.).
L’échographie reste le mode d’imagerie le plus utilisé pour évaluer et monitorer l’hématome.
5.2.2. Traitement
Glace, contention élastique, AINS, ultrasons, kiné, chirurgie (rare). Reprise du sport à 2 mois pour
une rupture partielle significative.
CHAPITRE III : PATHOLOGIE TUMORALE DE L’APPAREIL LOCOMOTEUR
1. INTRODUCTION
La pathologie tumorale de l'os reste une pathologie heureusement peu fréquente parmi les affections de
l' appareil locomoteur. Il faut distinguer d'emblée les tumeurs primitives de l'os des métastases osseuses.
L'os est en effet, un site fréquent d'envahissement secondaire d'autres cancers dits ostéophiles. Les
métastases osseuses les plus fréquentes sont causées en ordre décroissant, par le cancer du sein, de la
prostate, des poumons, des reins et de la thyroïde.
Parmi les tumeurs bénignes de l'os, on retrouve des formes pseudotumorales, résultant d'un
trouble du développement et non d'une prolifération (hamartomes).
L'exostose ou la lacune
métaphysaire en sont deux exemples. D'autres tumeurs osseuses ont une origine qui reste encore
incertaine comme le kyste osseux simple et le kyste anévrismal.
A l'opposé, les tumeurs malignes sont caractérisées par leur prolifération anarchique et leur
capacité à essaimer à distance.
Les tumeurs peuvent être classées en fonction de leur croissance qui indique leur comportement
31
31
biologique.
Les tumeurs bénignes ont la plupart du temps, une croissance lente et ont des rapports bien définis
avec les tissus voisins. Suivant leur mode de croissance, on distinguera:
- La tumeur bénigne, quiescente qui peut involuer ou en tous cas, ne plus évoluer en fin de
croissance telle un fibrome non ossifiant ("cortical bone defect"), un kyste osseux essentiel, un
enchondrome ou une exostose. Ces tumeurs quiescentes sont souvent de découverte fortuite et ne
demandent pas de traitement.
- la tumeur bénigne, active qui peut continuer de grandir lentement et ainsi fragiliser l'os. Par
exemple, un kyste anévrismal, un fibrome chondromyxoïde. Elles peuvent être symtomatiques. Un
traitement chirurgical est souvent requis soit à cause des symptômes soit à cause de la fragilisation de
l'os.
-
la tumeur bénigne, aggressive a une croisance rapide et peut infiltrer localement les tissus. Elle
est ou deviendra symptomatique. Elle tend à récidiver si son ablation est incomplète. La tumeur
à cellules géantes, un kyste anévrysmal, un fibrome chondromyxoïde, un chondroblastome ou
un fibrome desmoïde peuvent entrer dans cette catégorie.
On remarquera que certaines tumeurs bénignes peuvent adopter une croissance variable allant de
la quiescence à l'aggressivité.
- les tumeurs malignes sont elles, capables d'esssaimer à distance et localement, d'infiltrer les
tissus adjacents. Le diagnostic différentiel avec une tumeur bénigne aggressive peut être difficile.
Elles sont sous divisées en tumeur de faible ou haute malignité en fonction de leur potentiel de
métastases. Les métastases se font dans la grande majorité des cas par voie hématogène, en premier lieu
dans les poumons et en second lieu dans les os. Les ganglions métastatiques sont rares et terminaux
dans les sarcomes ossseux.
2. CLASSIFICATION
La classification des tumeurs osseuses se base sur le type histologique des cellules tumorales.
Ce cours n' abordera que les principales tumeurs, une description exhaustive de toutes les tumeurs
sortant du cadre de ces notes.
3. ÉPIDÉMIOLOGIE
32
32
Le fibrome non ossifiant et le kyste osseux essentiel sont les deux tumeurs bénignes les plus fréquentes.
Un grand nombre d'entre elles sont de découverte fortuite de sorte que leur prévalence reste inconnue.
L'incidence annuelle des cancers primitifs de l'os est d'environ 6 par million d'habitants. Le pic
d'incidence est le plus élevé dans la tranche d'âge de 10 à 20 ans pour l'ostéosarcome et le sarcome
d'Ewing et dans celle de 30 à 70 ans pour le chondrosarcome qui est pratiquement inconnu chez l'enfant.
4. DIAGNOSTIC
4.1. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE
C'est tantôt une douleur persistante et inexpliquée, survenant volontiers la nuit qui
motive la consultation, tantôt une fracture spontanée qui nécessite la consultation urgente. La
radiographie suspecte ou confirme la présence d'une tumeur osseuse.
Le patient est alors hospitalisé pour mise au point et diagnostic de la tumeur.
4.2. CARACTÈRES ANAMNESTIQUES ET CLINIQUES
Certaines caractéristiques peuvent orienter le diagnostic lorsqu'une tumeur maligne est suspectée.
Age
Le sarcome d'Ewing est rare avant l'âge de 5 ans et après 30 ans. Avant 5 ans, la probabilité est
plus grande pour un neuroblastome métastatique et après 30 ans, pour un lymphome. Avant l'âge
adulte, on peut également exclure un myélome, un chordome et une métastase d'un adénocarcinome.
Des lésions multiples chez un patient de plus de 40 ans évoquent des métastases ou un myélome
multiple.
Etat général
La présence de fièvre oriente vers un diagnostic de sarcome d'Ewing plutôt que vers un
lymphome.
5. EXAMEN CLINIQUE
Il n'est pas spécifique pour un type particulier de tumeur.
6. EXAMENS DE LABORATOIRE
Ils seront utiles pour exclure une autre cause de douleur ou de tuméfaction comme une ostéomyélite par
exemple. Ils ne sont aucunement spécifiques d'une tumeur osseuse maligne. Toutefois, des
33
33
phosphatases alcalines ou des lacticodéshydrogénases très élevées peuvent orienter vers un diagnostic
respectif d'ostéosarcome et de sarcome d'Ewing.
7. EXAMEN RADIOLOGIQUE
La radiographie permet de déceler la tumeur de l'os et d'en suspecter la nature bénigne ou maligne et
parfois même de l'identifier. Les signes suivants sont en faveur d'une lésion maligne sans être pour
autant spécifiques:
¸ envahissement des parties molles adjacentes à l'os.
¸ interruption de la corticale osseuse.
¸ zone d'ostéolyse ou de condensation osseuse à limites floues.
¸ réaction périostée spiculée ou stratifiée.
¸ éperon périosté ou triangle de Codman.
Au terme de cet examen, la tumeur sera classée soit comme bénigne, soit comme
suspecte de malignité et dans ce cas, devra faire l'objet d'une mise au point
complémentaire.
8. MISE AU POINT COMPLÉMENTAIRE EN CAS DE SUSPICION DE TUMEUR MALIGNE
L'équipe médicale qui prend en charge un patient suspect d'une tumeur maligne doit pouvoir connaître
les informations suivantes au terme de la mise au point complémentaire:
• l'extension locale de la tumeur ("la cartographie de la tumeur") càd ses rapports de voisinage
• l'extension éventuelle à distance.
• le diagnostic histologique de la tumeur.
Dès l'approche diagnostique, l'aspect pluridisciplinaire est important. Le radiologue doit savoir ce que
veulent connaître le chirurgien, le pédiatre ou l'oncologue. Réciproquement, la biopsie ne sera réalisée
qu'en dernier lieu pour ne pas gêner la lecture de l'imagerie. Si la biopsie est réalisée par le radiologue, sa
localisation sera décidée en accord avec le chirurgien qui fera ultérieurement l'exérèse tumorale.
8.1. TENSION LOCALE DE LA TUMEUR
Les examens seront réalisés avant toute biopsie afin de ne pas gêner la lecture de l'imagerie. Ce bilan
initial servira également de référence pour suivre l'évolution de la tumeur sous chimiothérapie.
34
34
8.1.1. RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
Cet examen est devenu le moyen d'imagerie par excellence dans la mise au point d'une tumeur.
• Tous les plans de coupe peuvent être étudiés.
• La résonance montre bien l'extension tumorale à la fois dans et en dehors de l'os car elle résout
très bien le contraste entre les différents types de tissus. C'est ainsi que la résonance s'est révélée être le
moyen d'imagerie le plus efficace pour évaluer l'extension endomédullaire de la tumeur ou repérer les
métastases intraosseuses dites "skip métastases".
• C'est un examen indispensable pour préciser les rapports de la tumeur avec le cartilage de
croissance et l'épiphyse chez un enfant. En effet, la résonance étudie facilement l'extension dans l'os
spongieux.
• Par l'injection d'un produit modifiant le signal, il est possible d'évaluer le comportement de la
tumeur avant et après chimiothérapie en comparant le volume tumoral et le pourcentage de la prise de
produit de contraste par la tumeur.
• Contrairement à la tomographie axiale computérisée (scanner), la résonance démontre moins
bien la minéralisation éventuelle de la tumeur.
• Comme le scanner, cet examen ne peut pas formellement distinguer une tumeur bénigne d'une
tumeur maligne.
8.1.2. TOMOGRAPHIE AXIALE COMPUTÉRISÉE
Le scanner est avec la résonance magnétique, un examen d'imagerie permettant de réaliser une
cartographie de la tumeur càd de préciser les rapports de celle-ci avec les structures environnantes.
Cette technique est supérieure à la résonance pour visualiser la minéralisation et la corticale de l'os. A ce
titre, elle est plus sensible que la résonance pour mettre en évidence une destruction débutante de la
corticale, une fracture ou encore une minéralisation anormale de la tumeur.
8.1.3. SCINTIGRAPHIE OSSEUSE
La scintigraphie osseuse s'intègre dans le bilan initial d'extension d'une tumeur ossseuse primitive et
dans un protocole de surveillance des métastases. Elle utilise une molécule ostéotrope, organophosporée qui est marquée au technétium (99 m Tc). C'est un examen qui reflète à la fois la
35
35
vascularisation et l'ostéogenèse que celle-ci soit tumorale ou réactionnelle. C'est donc une technique
sensible mais non spécifique. Sa résolution spatiale reste médiocre.
8.2. EXTENSION À DISTANCE DE LA TUMEUR
Les poumons et le squelette constituent les premières et deuxièmes localisations à distance d'un cancer
primitif de l'os.
8.2.1. MÉTASTASES PULMONAIRES
La radiographie conventionelle et la tomographie computérisée des poumons sont les deux examens de
choix pour cette recherche.
8.2.2. MÉTASTASES OSSEUSES
La scintigraphie osseuse reste la technique de choix dans cette évaluation. Elle est plus sensible que la
radiographie qui complétera l'examen en cas de suspicion.
8.3. LA BIOPSIE
La biopsie est la dernière étape diagnostique et est un préalable absolu à tout traitement d'une tumeur
maligne. Elle peut être faite à ciel ouvert ou de façon percutanée à l'aiguille. Le placement de la biopsie
est capital et c'est la raison pour laquelle elle doit être idéalement réalisée par le chirurgien qui traitera
définitivement la tumeur ou par le radiologue après discussion préalable avec le chirurgien.
Une biopsie mal placée peut compromettre l'intervention définitive et rendre obligatoire une
amputation.
9. THÉRAPEUTIQUE
9.1. TUMEUR BÉNIGNE
Si un traitement est requis, le curetage sera le geste le plus fréquent. La cavité pourra être comblée soit
avec de l'os du patient pris sur le bassin soit avec de l'os de banque (allogreffe). En cas d'une tumeur
aggressive, le chirurgien ajoutera un traitement local adjuvant tel l'utilisation de phénol, de ciment
acrylique, d'azote liquide ou d'un laser. Ce traitement supplémentaire appliqué à la paroi de la tumeur
permet une dévitalisation des cellules résiduelles sur la paroi osseuse.
Plus récemment, on a proposé dans les kystes essentiels, une injection de moelle osseuse
36
36
autologue sans autre geste asssocié. Dans les kystes anévrismaux, on peut aussi proposer un traitement
qui provoque l'involution par implantation de matériel osseux décalcifié. Notre équipe vient de publier
son expérience favorable dans ces types de traitement.
9.2. TUMEUR MALIGNE
Le traitement d'une tumeur maligne de l'os comporte plusieurs volets thérapeutiques qui doivent être
discutés par une équipe multidisciplinaire avant le début du traitement. Les possibilités thérapeutiques
comprennent: la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie.
9.2.1. CHIMIOTHÉRAPIE
La chimiothérapie est le traitement de base des sarcomes primitifs de l'os présentant une haute malignité
tels l'ostéosarcome et le sarcome d'Ewing. Elle n'est pas utilisée dans le chondrosarcome qui y est
insensible. Elle fait appel à des médicaments dits antiblastiques dont l'effet cytotoxique sur les cellules
tumorales n'est pas spécifique. Toute chimiothérapie comporte un risque de
toxicité aigüe et chronique pour les cellules normales de différents organes.
Parmi les effets secondaires classiques de la chimiothérapie, une dépression de la cytogenèse médullaire
avec anémie, leucopénie et thrombocytopénie est observée
une à deux semaines après l'administration des agents antiblastiques. Ces effets sont partiellement
contrés par l'utilisation de facteurs de croissance stimulant la production d'une lignée cellulaire
spécifique.
La chimiothérapie est donnée par voie intraveineuse ou plus rarement par voie intraartérielle. Pour
éviter ou retarder l'apparition d'une résistance à ces médicaments, on les utilise en les combinant plutôt
que séparément. Leur administration se fait en cure de 3 à 5 jours séparés par un intervalle de 3
semaines.
Dans les sarcomes primitifs de l'os, la chimiothérapie est commencée dès le diagnostic histologique
connu et donc avant la résection chirurgicale (chimiothérapie dite "néo-adjuvante"). Elle est ensuite
poursuivie après la chirurgie avec un délai postopératoire variable de 2 à 3 semaines (chimiothérapie
dite "adjuvante").
9.2.2. RADIOTHERAPIE
Comme la chirurgie d'exérèse, la radiothérapie ne peut prétendre qu'à une action locale et n'est pas
37
37
efficace sur les micrométastases. Elle est utilisée de façon variable en association avec la chimiothérapie
et avec ou sans chirugie. Elle est également indiquée comme méthode complémentaire en cas de chirurgie
non carcinologiquement complète.
9.2.3. LA CHIRURGIE
Les progrès de la chimiothérapie, en transformant le pronostic vital des sarcomes osseux ont imposé de
rechercher des traitements locaux qui améliorent la qualité de la survie. Ainsi, les amputations et les
désarticulations classiques ont cédé la place à une chirurgie carcinologique conservatrice appelée
résection ou encore sauvetage du membre ("limb salvage surgery").
Par résection, on entend la conservation du membre et l'ablation de la totalité de la tumeur avec un
segment plus ou moins large de l'os tumoral sous-jacent ainsi que tout le trajet de la biopsie. Ce type de
chirurgie s'imposait définitivement il y a quelques années lorsqu'il fut démontré qu'elle ne provoquait
pas plus de récidives locales qu'une amputation et que la survie des patients était équivalente.
L'amputation ne représente plus à l'heure actuelle que 5 % de la chirurgie dans les
tumeurs malignes primitives de l'os.
Pour remplacer l'os perdu, deux types de matériaux sont les plus couramment utilisés: la prothèse
articulaire et l'allogreffe osseuse.
La prothèse est utilisée en cas d'atteinte d'une articulation comme le genou, la hanche et l'épaule.
Elle est en général fabriquée sur mesure et utilisée seule ou en association avec une allogreffe osseuse. La
prothèse peut aussi être modulaire c-à-d faite d'éléments amovibles et peut ainsi s'adapter à toutes les
situations rencontrées.
L'allogreffe est un segment osseux avec ou sans épiphyse articulaire provenant d'une banque de
tissus. Cette banque conserve par congélation à très basse température et après traitement, l'os qui a été
prélevé chez un donneur d'organe. L'os de banque peut s'utiliser seul ou en association avec une
prothèse. Ainsi, au membre supérieur, il est possible de reconstruire une épaule avec un humérus
proximal de banque sur lequel le cartilage a été conservé (greffe ostéoarticulaire seule). Au membre
inférieur, une prothèse articulaire est préférable chez l'adulte mais pas nécessairement chez l'enfant.
Enfin, une arthrodèse avec une allogreffe peut constituer une alternative intéressante lorsque la mise en
place d'une prothèse s'avère compromise par une paralysie ou un sacrifice musculaire important.
Enfin, certaines localisations ne demandent pas de reconstruction comme la partie proximale du
péroné. D'autres localisations comme le bassin ou la colonne vertébrale se caractérisent par une
38
38
difficulté majeure de la résection et de la reconstruction.
Toute conservation du membre après résection d'un os tumoral entraîne une modification
profonde de la biomécanique et expose le patient à des complications de type mécanique telle une
fracture de la greffe ou de la prothèse, une usure des composants articulaires. Ces complications
s'observent dans 20 à 30 % des cas.
10. CONTRÔLE À DISTANCE DES PATIENTS AYANT EU UNE TUMEUR MALIGNE
Une durée minimale de 10 ans devrait être observée pour pouvoir considérer un patient comme
guéri d'une tumeur maligne. Cependant, les statistiques à 5 ans sont plus facilement disponibles et
permettent ainsi une comparaison.
Au cours des 2 premières années, un contrôle clinique et radiologique sera effectué tous les 3
mois. Jusqu'à 5 ans, ce contrôle sera réalisé tous les 6 mois en cas d'évolution favorable. Au-delà de 5
ans, le contrôle sera annuel.
11. CONCLUSIONS
Le diagnostic des tumeurs de l'os se fonde sur l'imagerie et en cas de suspicion de malignité, la
biopsie tumorale est indispensable. Dans ce cas, une cartographie tumorale est indispensable à réaliser
avant tout acte chirurgical.
Lorsqu'il est nécessaire, le traitement chirurgical d'une tumeur bénigne fait appel de plus en plus
souvent à de l'os de banque comme moyen de comblement après l' évidement tumoral ou kystique.
Le traitement moderne d'une tumeur maligne est avant tout, multidisciplinaire. Excepté dans le
chondrosarcome, la chimiothérapie s'est imposée comme modalité thérapeutique avant et après l'exérèse
tumorale. C'est la combinaison du traitement local et général qui a amélioré nettement le pronostic de
ces tumeurs.
Ce traitement pluridisciplinaire a également contribué à l'amélioration des techniques
chirurgicales qui sont devenues conservatrices dans la grande majorité des cas avec conservation d'un
membre fonctionnellement utile.
12. QUELQUES APHORISMES
ß
39
Au-delà de 50 ans, une tumeur osseuse est à priori une métastase ou un plasmocytome (myélome).
39
ß
Les métastases sont les lésions tumorales les plus fréquentes du squelette.
ß
Les 2 tumeurs malignes primitives les plus fréquentes sont l'ostéosarcome et le chondrosarcome. La
première est une lésion de l'enfant et l'adolescent, la deuxième se voit chez l'adulte surtout après 30
ans.
ß
Jamais de traitement sans diagnostic ce qui signifie la plupart du temps, pas de traitement sans
biopsie.
ß
Toute tumeur à composante épiphysaire évoquera une tumeur à cellules géantes ou un
chondroblastome.
ß
Les 4 tumeurs bénignes les plus fréquentes sont les exostoses, les chondromes, les tumeurs à
cellules géantes et l’ostéome ostéoïde.
ß
Une ostéolyse lombosacrée ou craniocervicale doit, au-delà de 40 ans, faire évoquer un chordome
13. TUMEURS OSSEUSES LES PLUS FREQUENTES...
Tumeurs bénignes
Tumeurs malignes
Fibrome non ossifiant
Métastases osseuses
Plasmocytome
Sein
Kyste osseux essentiel Ostéosarcome
Prostate
Enchondrome
Poumons
Chondrosarcome
Ostéome ostéoïde
Sarcome d'Ewing
Reins
Thyroïde
14.
Classification
Les tumeurs sont classées selon les critères histologiques en bénin ou malin et en fonction du type
cellulaire dont elles dérivent. On distingue classiquement (tableau incomplet !)
Tissu d’origine
Bénignité
Malignité
Os
Ostéome ostéoïde
Ostéosarcome
Cartilage
Exostose
Chondrosarcome
Chondrome
Chondroblastome
Tissu conjonctif
40
Tumeur à cellules géantes
40
Fibrosarcome
Fibrome desmoïde
Histiocytome fibreux malin
Fibrome non ostéogénique
Tissu adipeux
Lipome
Liposarcome
Notochorde
Chordome
Inconnu
Sarcome d’Ewing
15. Tumeurs bénignes
Ce sont des tumeurs qui ne métastasent pas. Elles peuvent être quiescentes, active ou agressive (cfr
supra).
15.1. Kyste essentiel de l’os
Tumeur relativement fréquente jusqu’à la fin de la croissance. Le kyste occupe l’extrémité supérieure
de l’humérus ou du fémur.
C’est une cavité remplie de liquide séreux sous tension. Le kyste finit
toujours par cicatriser mais parfois au prix de plusieurs fractures qui consolident normalement. On
accélère la guérison par injection intrakystique de cortisone (Dépo-Médrol) ou de moelle osseuse
autologue.
15.2. Kyste anévrysmal de l'os
Tumeur de l'enfant et adolescent se développant dans la métaphyse des os longs ou dans la colonne
vertébrale. Elle peut souffler l'os par son expansion progressive. Elle paraît être d'origine traumatique
avec un trouble de la circulation osseuse. Le kyste est constitué de lacs sanguins sans endothélium
séparés par un stroma fibreux. Le traitement classique est le curetage et comblement de la cavité par de
l'autogreffe ou allogreffe osseuse.
15.3. Fibrome non ostéogénique
Malformation fréquente qui peut subsister après la croissance. Il devient un motif de consultation
après découverte radiologique. Rassurer la famille la plupart du temps.
15.4. Ostéome ostéoïde
Tumeur solitaire, petite et souvent très douloureuse. Elle provoque en général une douleur intense et
nocturne. De façon caractéristique, celle-ci est bien soulagée par l’aspirine. Il faut sensibiliser le
radiologue pour éventuellement obtenir des incidences radiologiques complémentaires.
41
41
Radiologiquement, il s’agit d’une lacune (« le nidus ») entourée d’une zone de sclérose osseuse. Tous
les os peuvent être intéressés sauf le crâne, la clavicule et le sternum. Le traitement actuel est de
cautériser la lacune par une ponction sous contrôle scanner. On fait passer un courant électrique qui
provoque une température de 90° C, ce qui coagule les éléments constitutifs de la lésion. On peut
également enlever la lésion par chirurgie.
15.5. Exostose
L’exostose ostéogénique ou l’ostéochondrome est une excroissance osseuse surmontée d’une coiffe de
cartilage. L’os est produit par ce germe de cartilage de croissance. La tumeur grandit pendant la
croissance. Elle est pédiculée ou sessile. La tumeur est tantôt isolée, tantôt multiple. La coiffe
cartilagineuse peut dégénérer en chondrosarcome (1 %) à l’âge adulte. Cela se traduit alors par une
augmentation de volume, de l’exostose et l’apparition d’une douleur. Intérêt de l’échographie pour
mesurer l’épaisseur du cartilage de la coiffe et suivre son évolution sans irradiation.
15.6. Tumeur à cellules géantes
Tumeur bénigne mais pouvant avoir une malignité locale par son pouvoir élevé de récidive locale. Elle
est située à la métaphyse ou à l’épiphyse et apparaît après 20 ans. Elle détruit l’os et peut même
envahir les tissus mous. Le traitement associe un curetage suivi d’un bourrage par ciment ou greffe.
16. Tumeurs malignes
Elles sont caractérisées par une croissance progressive, une capacité de s'étendre localement par
infiltration des tissus mous, une capacité à métastaser et de provoquer la mort du patient.
Les sarcomes des tissus mous (le plus fréquent est le liposarcome) sont deux fois plus fréquents que
ceux de l’os. Les tumeurs malignes primitives de l’os atteignent avec prédilection les enfants et
jeunes adultes. Après 50 ans, la première hypothèse est une métastase.
Pour les deux premières tumeurs ci-dessous (ostéosarcome et sarcome d’Ewing), le pronostic à 5 ans
est de l’ordre de 60 %. Heureusement, la prévalence de ces tumeurs malignes primitives de l’os reste
faible : environ 10/un million d’habitants. Les deux tumeurs primitives les plus fréquentes de l’os sont
:
16.1. Ostéosarcome
C’est la plus fréquente des tumeurs malignes et il s’attaque à la métaphyse des os longs avec une
prédilections pour le fémur distal et le tibia proximal. La destruction de la corticale, l’envahissement
42
42
des parties molles, la réaction périostée orienteront le diagnostic qui sera établi par la biopsie.
Le traitement comporte de la chimiothérapie pré- et postopératoire et l’ablation de la zone malade et sa
reconstruction. Celle-ci peut se faire par greffe ou par prothèse.
16.2. Sarcome d’Ewing
Cancer développé à partir de la moelle osseuse. La tumeur infiltre l’os sur une grande étendue et
produit souvent une réaction périostée importante.
Le traitement comporte une chimiothérapie
associée à la chirurgie. C’est une tumeur très radiosensible.
16.3. Chondrosarcome
Il s’agit d’une tumeur de l’adulte, contrairement aux deux premières. Tantôt il est primitif, tantôt il est
secondaire à une lésion préexistante (exostose du tronc ou des ceintures, chondrome, etc.).
Le traitement est uniquement chirurgical, la tumeur étant insensible à la radiothérapie et à la
chimiothérapie.
CHAPITRE IV : ORTHOPEDIE PEDIATRIQUE
1. Les malformations congénitales et les maladies héréditaires
1.1. Les malformations congénitales des membres
La formation des membres comporte une combinaison de différenciations et de mouvements
morphogénétiques. Les anomalies congénitales des membres sont variées. Elles ont fait l’objet de
multiples classifications dont certaines sont basées sur des hypothèses pathogéniques.
On parle de syndrome malformatif lorsque les anomalies de structure multiples relevées chez un fœtus
ou un nouveau-né sont la conséquence des défects multiples engendrés par une ou des anomalies
chromosomiques ou par des agents tératogènes. Par contre lorsque des anomalies multiples font suite à
un seul problème dans la morphogenèse et mènent à une cascade d’anomalies, on parle de séquence.
Il est classique, depuis la parution du livre de Smith (Recognizable patterns of human malformation
1982), de décrire trois mécanismes principaux dans la genèse de ces malformations congénitales : (i) le
défaut de formation ou d’organisation, (ii) la lésion de tissus foetaux normaux, (iii) les déformations liées
43
43
à des contraintes anormales.
Ces trois mécanismes, qui peuvent se combiner et se chevaucher,
aboutissent à des lésions qui peuvent en entraîner d’autres, d’où l’utilisation par les auteurs anglosaxons du terme « séquence » qui signifie littéralement « chaîne ou cascade d’événements ».
Jones (24) a dans la dernière édition du Smith’s en 1997, différencié quatre catégories de séquences
menant à des défects structuraux : les défauts de formation et d’organisation étant actuellement séparés.
1. Les troubles de formation tissulaire font partie de la séquence malformative.
2. La séquence dysplasique résulte des anomalies d’organisation cellulaire au sein des tissus.
3. Au cours d’une séquence déformative, des forces anormales s’appliquent sur des tissus fœtaux
normaux.
4. On parle de séquence disruptive lorsque les éléments destructeurs (par ex. vasculaires, infectieux,
mécaniques,...) lèsent des tissus fœtaux initialement normaux (43).
Une agression peut avoir des effets bien différents selon le moment du développement embryonnaire
ou de la maturation et de la croissance fœtale auxquels elle est appliquée. Ainsi par exemple : les
anomalies faisant suite à des destructions tissulaires menant à une cascade disruptive prendront
différentes formes selon l’étendue et le moment des lésions initiales.
Les malformations des membres sont multiples et variées.
Swanson en 1976 a proposé une
CLASSIFICATION qui reste utilisée actuellement :
Cat. 1 : défaut de formation ou arrêt de développement
Agénésie transversale (amputation congénitale par non-formation, à distinguer de l’amputation intrautérine secondaire à la maladie des brides amniotiques).
Dysmélie longitudinale externe.
Agénésie du radius.
Agénésie du péroné.
N.B. L’agénésie du radius peut être associée à d’autres anomalies par exemple une anomalie
cardiaque dans le syndrome de Holt Oram ou une myélodysplasie dans le syndrome de
Fanconi.
Dysmélie longitudinale interne.
Agénésie du cubitus (plus rare que l’agénésie du radius).
Agénésie du tibia.
Dysmélie intercalaire.
44
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Phocomélie : DRAME DE LA THALIDOMIDE (Softenon).
Agénésie proximale du fémur : peut être associée à une dysmélie longitudinale externe (proximal
focal femoral fibular deficiency : PFFFD).
Dysmélie centrale ou aplasie centrale.
Main en fourche.
Main en pince de homard.
(N.B. souvent héréditaire).
Cat. 2 : défaut de séparation ou de différenciation
Syndactylies simples, complexes, associées à un syndrome.
Cat. 3 : duplication
Polydactylie.
Préaxiale = duplication du pouce.
Postaxiale = fréquent dans certaines tribus d’Afrique centrale sous forme d’un 5ème doigt
hypoplasique parfois à peine pédiculé.
Cat. 4 : Gigantisme
Peut être monstrueux.
Syndrome de Silver.
Problème de l’inégalité de longueur des membres inférieurs.
Cat. 5 : hypoplasie
Main en miniature.
Peut être associée à des syndactylies ou à un syndrome (syndrome de Poland).
Cat. 6 : la maladie des brides amniotiques : un exemple de séquence disruptive.
La pathophysiologie de la maladie des brides amniotiques
Deux théories expliquant la formation des brides congénitales se sont longtemps affrontées.
L’une est basée sur la survenue de nécroses cellulaires localisées, l’autre fait référence aux
lésions amniotiques. Elles ne représentent que des explications partielles et pourraient être
45
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complémentaires.
En 1930, sur base de l’étude de 16 fœtus, Streeter avance comme explications aux brides
congénitales un trouble primaire de développement de la cavité amniotique et des bourgeons
embryonnaires des membres.
Les brides résulteraient de ce processus de développement
anormal sans en être le cause.
Ce sont à des nécroses tissulaires, probablement d’origine
vasculaire, qu’ont été imputées les brides et les amputations de membres.
En 1965, sur base de l’étude de 10.000 placentas humains et de 400 cas de malformations
fœtales amniogéniques, Torpin conclut à des ruptures primaires de l’amnion menant à la
formation de bandes de mésoderme amniochorioniques.
Des travaux expérimentaux soutiennent les très rares observations cliniques de développement
de syndrome des brides amniotiques après traumatisme ou tentative d’avortement.
L’amniocentèse chez la rate peut causer des lésions palatines et des membres. Kino a montré
que celle-ci cause une contraction utérine excessive pouvant provoquer une nécrose
hémorragique des membres. Une bande étroite de nécrose hémorragique amène une bride, une
nécrose étendue amène l’amputation spontanée.
Clavert a décrit un modèle expérimental chez le lapin, rendant mieux compte de l’ensemble des
anomalies rencontrées dans la maladie des brides amniotiques chez l’homme que les théories
mécaniques.
L’injection intra-annexielle de glucose détruit les cellules superficielles de
l’embryon suite au choc osmotique. Toutes les anomalies rencontrées dans la maladie des
brides amniotiques peuvent y faire suite.
L’agent pouvant causer ces lésions des cellules
superficielles chez l’homme n’est pas connu.
Cat. 7 : les syndromes
Il y a une multitude de syndromes malformatifs comportant des malformations des membres.
Un exemple: le syndrome de Poland est caractérisé par une brachymésophalangie associée à une
agénésie des chefs inférieurs du grand pectoral, il peut comporter en outre une hypoplasie de la
main - main en miniature - et des syndactylies.
Plusieurs syndromes associent des malformations de la tête et des membres : syndrome d’Apert ou
acrocéphalosyndactylie.
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1.2. Les déformations
En fin de grossesse, le fœtus est soumis à des contraintes qui peuvent déterminer des déformations.
Celles-ci doivent être distinguées des malformations qui sont de pronostic plus sévère.
Exemple de déformations :
Plagiocéphalie.
Syndrome positionnel du nouveau-né avec scoliose et bassin oblique.
Pied talus valgus.
Métatarsus varus congénital.
Il faut distinguer :
− le pied bot varus équin (grave et malformatif) du métatarsus varus congénital,
− le pied convexe congénital (grave) du pied talus valgus (bénin).
Certaines pathologies qui seront vues en détail plus tard sont déterminées au moins partiellement par
les contraintes intra-utérines. C’est le cas de la maladie luxante de la hanche que l’on observe avec une
fréquence plus élevée chez les premières filles.
1.3. Les maladies constitutionnelles
Une multitude d’affections constitutionnelles dont certaines sont héréditaires concernent l’appareil
locomoteur, certaines peuvent déterminer des nanismes.
On parle de DYSPLASIE OSSEUSE. Le terme de dysplasie osseuse fait référence à une série de
pathologies consécutives à un trouble intrinsèque des tissus osseux.
Un NANISME peut être :
- proportionné : le nanisme hypophysaire,
- disproportionné : par exemple les membres courts avec tronc long de l’achondroplasie.
Quelques exemples de dysplasie squelettique :
- nanisme diatrophique,
- nanisme métatrophique,
- maladie des exostoses multiples,
- achondroplasie,
- pseudo-achondroplasie,
- dysplasie spondyloépiphysaire,
-mucopolysaccharidoses (Hurler, Morquio),
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- osteogenesis imperfecta : fragilité osseuse - anomalie du collagène - au moins 4 types, dont un est létal,
- ostéopétrose : problème de moelle osseuse dans la forme maligne. Deux formes (bénigne et maligne).
D’autres AFFECTIONS CONSTITUTIONNELLES peuvent avoir des répercussions orthopédiques :
- maladie de Marfan (scoliose),
- mongolisme = trisomie 21 = syndrome de Down (laxité articulaire),
- Ehler Danlos (laxité),
- Gaucher (nécroses osseuses),
- rachitisme vitamino-résistant (troubles de l’axe des membres inférieurs),
- drépanocytose (nécroses osseuses, ostéomyélite),
- maladie de Von Recklinghausen (neurofibromatose) (scoliose, tumeur des nerfs, tumeurs malignes,
pseudarthrose congénitale),
- dysplasie fibreuse,
- maladie d’Ollier, etc.
2. Les troubles statiques des membres inférieurs chez l’enfant
2.1. Introduction
Au cours de la croissance, la morphologie des membres inférieurs se modifie (2,3,4,9,11,16,21,22).
Chez le jeune enfant, les membres inférieurs sont en varus et il y a une rotation interne du squelette
jambier. Dès trois ans, on constate l’apparition d’un genu valgum physiologique. Celui-ci se corrige
spontanément de façon à arriver à une morphologie proche de celle de l’adulte aux alentours de la
dixième année d’âge.
Le contrôle de la statique des membres inférieurs est une cause fréquente de consultation chez le
généraliste, le pédiatre et l’orthopédiste. C’est également une des missions du médecin scolaire et du
médecin du sport.
Il importe de faire la part entre la morphologie idéale, les variantes de la normale et les états
pathologiques qui justifient une action thérapeutique.
2.2. Les modifications morphologiques des membres inférieurs au cours de la croissance
La morphologie des membres inférieurs du nouveau-né est conditionnée par la forme de
l’environnement utérin et variera selon la position fœtale.
48
48
Fréquemment, l’enfant nouveau-né présente une courbure tibiale à concavité interne modérée, une
endorotation du squelette jambier et des pieds qui ont tendance à s’enrouler vers l’intérieur.
Le genu varum physiologique et la rotation interne du tibia se corrigent dès l’âge de la marche. Au cours
de la troisième année, les membres inférieurs acquièrent une morphologie en genu valgum, qui
disparaîtra progressivement entre l’âge de trois ans et l’âge de sept ans.
Chez l’enfant de trois ans, les rotations internes de hanche prédominent généralement sur les rotations
externes. Ce déséquilibre des rotations est lié à une antétorsion fémorale (antéversion). Il disparaît
progressivement alors que l’antétorsion se corrige pour atteindre les valeurs de l’adulte vers 14-15 ans.
Parallèlement s’installe la rotation externe physiologique du squelette jambier.
2.3. Les troubles statiques
2.3.1 Chez le nouveau-né
Le pied normal du nouveau-né est un pied souple qui a tendance à être enroulé vers l’intérieur, mais se
déploie spontanément dès qu’il est libéré des contraintes intra-utérines.
Les pieds positionnels (3,4,16,22) sont souvent liés à des positions défavorables ou à un manque
d’espace (oligoamnios). La déviation vers l’intérieur de l’avant-pied constitue le métatarsus varus ou
métatarsus adductus. Les pieds contraints vers l’extérieur sont valgus. S’il s’y associe une contrainte
en flexion dorsale, la morphologie sera celle d’un pied talus valgus.
Il faut distinguer ces pieds positionnels bénins « déformés » de pieds malformatifs : le pied bot varus
équin et le pied bot convexe congénital.
Le pied bot varus équin est facile à reconnaître. Il se caractérise par sa rigidité. La moitié des cas
peuvent être corrigés par un traitement orthopédique précoce (pieds bots dits « extrinsèques » ou
bénins). Les pieds bots sévères dits « intrinsèques » justifient presque toujours, outre le traitement
orthopédique, un geste chirurgical complémentaire.
Le pied convexe congénital se caractérise par une verticalisation de l’astragale et une subluxation (17) de
l’avant-pied par rapport à l’arrière-pied. Il est souvent associé à d’autres anomalies. Son traitement est
particulièrement difficile.
Les pieds positionnels sont nettement moins rigides.
Généralement, ils peuvent être corrigés
passivement. Les formes mineures régressent spontanément. Si la déformation est déjà structuralisée, il
vaut mieux prescrire des manipulations voire des petits plâtres correcteurs. Tachdjian (23) distingue le
métatarsus adductus congénital caractérisé par une adduction de l’avant-pied liée à la position intra-
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49
utérine, du métatarsus varus congénital qui est structuralisé et de pronostic plus sévère, et du pied en
zigzag (shewfoot ou serpentine foot) qui associe un valgus de l’arrière-pied et un varus de l’avant-pied
(13).
Le syndrome positionnel du nouveau-né :
On appelle syndrome positionnel du nouveau-né, l’association d’une scoliose d’attitude, d’une
obliquité pelvienne et d’une asymétrie des pieds en pied talus valgus d’un côté et en métatarsus varus
de l’autre côté (4,14,16,18). Dans sa forme habituelle, le syndrome positionnel du nouveau-né est bénin
et les troubles statiques se corrigent spontanément.
La hanche, du côté de la concavité, est cependant une hanche à risque.
Le diagnostic à ne pas
méconnaître est ici la luxation dite congénitale de la hanche (6,12,14,18,19,20).
2.3.2. Chez l’enfant
Genu varum et genu valgum
Le genu varum physiologique de l’enfant se corrige spontanément au cours de la seconde année. Un
genu varum qui s’aggrave après l’âge de la marche doit faire rechercher un rhumatisme vitaminorésistant ou une maladie de Blount (7). L’âge de 3 ans est l’âge du genu valgum physiologique. C’est
une phase normale de la croissance des membres inférieurs. Le genu valgum peut être pathologique en
cas de trouble métabolique (ostéodystrophie rénale, rachitisme vitamino-résistant) ou de maladie
génotypique (maladie de Morquio par exemple).
Il existe des genua valga qui persistent sans cause pathologique connue. Ces genua valga idiopathiques
justifient avant toute chose un bilan goniométrique, car il faut d’abord éliminer les pseudo-genua valga
liés à une étroitesse du bassin qui sera compensée par la croissance en fin d’adolescence. Dans ces cas,
l’axe mécanique fémoro-tibial mesuré selon Massare est normal. En cas de réel genu valgum persistant,
la correction pourra être obtenue par agrafage épiphysaire en fin de croissance.
Chez les adolescents de forte corpulence, on a décrit aux Etats-Unis principalement des formes tardives
de la maladie de Blount. Il s’agit d’un genu varum progressif de l’adolescent.
Les troubles de la rotation
Chez le nouveau-né, il y a une rotation interne dite « fœtale » du squelette jambier. Cette rotation
interne se corrige plus ou moins tôt pour aboutir à une rotation externe physiologique de 10 à 15° chez
l’adulte. L’habitude de dormir sur le ventre avec les pieds en dedans et surtout les positions à genoux
50
50
avec le ou les pieds sous le siège favorisent la persistance d’une rotation interne du squelette jambier
(11).
La cause la plus fréquente d’une marche en rotation interne est une antétorsion fémorale excessive pour
l’âge.
L’antéversion fémorale diminue progressivement à partir de l’âge de la marche (1,2,8,9,11,21) pour
arriver à des valeurs proches de celle de l’adulte (10-12°) fin de croissance (1,21).
Les retards de dérotation du fémur se manifesteront par une endorotation lors de la marche. A l’examen
clinique, on notera une prédominance des rotations internes de hanche sur les rotations externes.
L’évolution de ce déséquilibre des rotations de hanche permet de suivre l’évolution de ces syndromes
d’hyperantéversion fémorale ou syndrome d’Alvick.
La position assise en « M » favorise la
persistance de l’antétorsion fémorale. Il faut encourager les enfants à s’asseoir plutôt en tailleur.
Le syndrome de double rotation (15,16) correspond à l’association d’une antétorsion fémorale et d’une
rotation externe excessive du squelette jambier. La dérotation s’est faite dans ce cas principalement au
niveau du squelette jambier. La rotation externe des squelettes jambiers détermine, lorsque les pieds
sont joints, un faux genu varum avec strabisme convergent des rotules. L’axe mécanique des membres
inférieurs et la position de l’axe de flexion des genoux s’améliorent lorsque les pieds divergent ou
lorsque le sujet se met sur la pointe du pied.
Le syndrome de double rotation prédispose à la chondropathie rotulienne et à la surcharge du
compartiment interne des genoux. Il s’accompagne généralement de déformation des pieds en pieds
plats valgus. La marche est peu esthétique et la course qui se fait avec un déjettement des jambes vers
l’extérieur est peu rapide.
Les spécialistes continuent à discuter le rôle respectif de la prédisposition génétique et celui des
postures de jeu et de sommeil dans l’apparition de cette double rotation (8). Nous sommes convaincus
que la position assise en « M » intervient dans sa genèse. L’abandon de cette position est la mesure
préventive à diffuser.
Lorsqu’il est installé, le syndrome de double rotation pose un difficile problème thérapeutique. La
correction des défauts axiaux dans le plan horizontal nécessiterait des ostéotomies fémorales et tibiales
bilatérales.
Ces gestes apparaissent excessivement lourds, d’autant plus que les ostéotomies de
dérotation sont grevées d’une morbidité significative (erreur de correction, retard de consolidation,
syndrome de loge au niveau jambier).
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51
2.4. La statique des pieds
Les pieds plats
Au cours des deux premières années de la vie, l’empreinte plantaire est étalée du fait de l’épaisseur des
parties molles. Pendant la première enfance, on verra progressivement l’empreinte se « former ».
Beaucoup d’enfants, surtout ceux qui ont une laxité articulaire importante, développent des pieds plats
valgus dits hyperlaxes. Ces pieds se corrigent lorsque l’enfant marche sur la pointe des pieds ou
lorsque l’on porte le gros orteil en extension. Les pieds plats banals du petit enfant disparaissent dans
la majorité des cas avec la croissance et la maturation du tonus musculaire.
On peut favoriser cette évolution en pratiquant des exercices de tonification musculaire et des exercices
de marche sur la pointe des pieds. Certains pieds plats sont associés à une brièveté des tendons
d’Achille.
Si le pied plat est douloureux ou rigide, il faut penser à l’existence d’une synostose des os du tarse
(barre ou « tarsal coalition »). Les synostoses méritent d’être reconnues avant la fin de la croissance,
car la résection de la barre avec interposition d’un élément musculaire ou aponévrotique permet assez
régulièrement d’améliorer la statique du pied et de rétablir l’indolence et la souplesse (5).
Les pieds creux
Les pieds creux idiopathiques sont généralement modérés et souvent familiaux. Cette morphologie du
pied peut être favorisée par certaines pratiques comme la danse classique sur les pointes qui surcharge
par ailleurs le premier rayon (24).
Les pieds creux sévères sont presque toujours la manifestation du déséquilibre musculaire dû à une
affection neuromusculaire. Il faut rechercher une pathologie musculaire (myopathie centronucléaire par
exemple),
nerveuse
périphérique
(Déjérine-Sottas,
Charcot
Marie-Tooth),
médullaire
(diastématomyélie, Friedreich) ou cérébrale.
En cas de pied creux, il faut procéder à un examen neurologique, à un examen électrologique
neuromusculaire et éventuellement à une radiographie du rachis.
Un pied creux unilatéral modéré associé à une petite inégalité de longueur des membres inférieurs ou à
une inégalité de longueur des pieds évoque d’abord une anomalie d’innervation comme dans la
méningomyélocèle marquée ou spina bifida occulta de James et Lassman (10).
EN BREF
L’analyse de la statique des membres inférieurs nécessite une parfaite connaissance de la croissance
52
52
normale (2,9). La plupart des troubles statiques des membres inférieurs dépistés correspondent à des
retards de maturation ou à des variantes qu’on ne peut pas considérer comme pathologiques, mais
comme « moins parfaites ».
Le rôle du médecin est de dépister les affections sérieuses dont le pronostic d’évolution spontanée est
défavorable. Chez le nouveau-né, nous avons signalé les pieds bots et la luxation congénitale de la
hanche, chez le petit enfant, les troubles du métabolisme phosphocalcique et la maladie de Blount.
A tout âge, il faut rechercher une pathologie neuromusculaire. Le déséquilibre musculaire qu’elle peut
engendrer est susceptible d’entraîner des répercussions sur la statique.
Seuls les enfants qui ont une morphologie idéale auront des performances sportives de qualité. Engager
un enfant présentant des troubles statiques dans une pratique sportive intensive a de grandes chances
de générer des lésions de surcharge.
Bien que la morphologie soit largement déterminée par le bagage génétique, nous sommes convaincus
que les positions de jeu ou de couchage et la pratique sportive influent l’harmonie de la statique. Il est
donc important de conseiller judicieusement les parents, les éducateurs et les enseignants.
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3. Les lésions ostéo-articulaires traumatiques de l’enfant
Le squelette en croissance se différencie du squelette de l’adulte à la fois par une vulnérabilité spécifique
face aux lésions traumatiques, mais également par des possibilités de réparation remarquables.
La vulnérabilité est liée à une moindre résistance mécanique des pièces squelettiques et surtout à
l’existence du point faible que constitue le cartilage de croissance. La ligne épiphysaire ou plaque de
croissance est la zone par laquelle l’os croît en longueur par ossification enchondrale. Les cellules
germinales se multiplient, se disposent en colonne, s’hypertrophient et finalement dégénèrent pour
permettre l’invasion des logettes ainsi créées par les bourgeons conjonctivovasculaires qui vont
permettre l’ossification.
La zone des logettes constitue une zone de fragilité peu résistante en
particulier aux forces de cisaillement que pourront entraîner des fractures décollement épiphysaire ou
épiphysiolyses traumatiques. Des contraintes axiales (écrasement ou crush) pourront entraîner des
lésions de la zone germinative.
L’os de l’enfant a des caractéristiques mécaniques différentes de celles de l’os de l’adulte. La pièce
squelettique de petite taille est moins solide que celle de l’adulte du fait de la moindre quantité de
matière minérale, globalement et par unité de volume. L’os de l’enfant est moins minéralisé que celui de
l’adulte. Par contre, il a une élasticité particulière qui est liée à la trame organique et au fuseau périosté.
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L’os de l’enfant, du fait de son élasticité, résistera de façon remarquable à certains traumatismes, en
particulier des traumatismes en inflexion (« bending »). Si le seuil d’élasticité est dépassé, l’inflexion
pourra provoquer une déformation plastique (posttraumatic bowing) ou une fracture dite en « bois
vert » (greenstick fracture). La charge axiale pourra provoquer des tassements trabéculaires qui se
localiseront principalement au niveau des métaphyses (fractures en « motte de beurre »).
L’os en croissance a également des possibilités de réparation remarquables. Les fractures de l’enfant
guérissent plus facilement et plus rapidement que celles de l’adulte (à l’exception de quelques sites
spécifiques comme le condyle externe de l’humérus, le col du radius et le col du fémur) et les
pseudarthroses sont rares. Les déformations résiduelles importantes peuvent être corrigées par la
croissance et le remodelage.
3.1. Les fractures décollement épiphysaire
Salter et Harris (J. Bone Joint surg. 45A. 587, 1963) ont proposé une classification des fractures
décollement épiphysaire qui prend en considération :
- le mécanisme du traumatisme,
- les relations du trait de fracture avec la ligne de croissance,
- le pronostic de la lésion pour ce qui concerne la croissance ultérieure.
Cette classification en cinq types est actuellement classique. Plus récemment, Ogden (J. Ped. Orth. 2371, 1982 et Saunders 1990) a proposé de modifier cette classification en introduisant des sous-groupes
qui tiennent compte de certains mécanismes mixtes et de certaines situations pathologiques
préexistantes au traumatisme (fracture pathologique).
Type I
La fracture décollement épiphysaire de type I se caractérise par une séparation de l’épiphyse de la
métaphyse selon la ligne de croissance sans fracture parcellaire associée. Le plan de clivage est la zone
du cartilage hypertrophié.
La zone germinale reste attachée à l’épiphyse.
Le mécanisme est
généralement un effet de cisaillement. Cette lésion survient surtout chez le jeune enfant et se caractérise
par son bon pronostic. La classification d’Ogden identifie trois sous-groupes. Le sous-groupe 1B est
en fait un faux décollement épiphysaire qui emporte la fine pellicule d’une métaphyse fragilisée par un
processus pathologique (par exemple une infiltration néoplasique). Le sous-groupe 1C concerne des
lésions traumatiques en cisaillement compliquées d’une lésion directe du cartilage en compression.
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Cette lésion peut être due au traumatisme lui-même ou être provoquée par des manœuvres de réduction
traumatisantes. Le type 1C est, contrairement aux deux autres sous-types, d’un mauvais pronostic. Il
se complique de troubles de croissance. C’est en fait l’association d’un type I et d’un type V dans la
classification de Salter et Harris.
Type II
La fracture décollement épiphysaire de type II de Salter est la variante la plus fréquente surtout chez
l’enfant plus âgé. La ligne de séparation se situe également à la jonction épiphyso-métaphysaire, mais
elle se propage dans la métaphyse, emportant un fragment métaphysaire typiquement triangulaire.
Cette variété est également de bon pronostic. Le sous-groupe 2B comporte une fracture en Y de la
métaphyse avec isolement d’un fragment métaphysaire. Le sous-groupe 2C est le faux décollement
épiphysaire dont le trait principal laisse une fine couche de spongieux métaphysaire solidaire de
l’épiphyse. Le sous-groupe 2D est la lésion de mauvais pronostic qui comprend une lésion par
écrasement ou plus souvent par impaction détruisant une partie de la plaque de croissance.
Type III
La fracture décollement épiphysaire de type III Salter et Harris est une fracture articulaire comportant
une séparation de l’épiphyse en deux parties. Cette fracture articulaire doit être traitée avec grand soin
car la fonction de croissance et la fonction de l’articulation ne seront préservées que par une réduction
anatomique qui nécessite généralement une reposition et une fixation chirurgicale.
Type IV
La fracture décollement épiphysaire de type IV de Salter et Harris est également une fracture articulaire
séparant l’épiphyse en deux parties, mais cette fois le fragment libre comporte un triangle
métaphysaire. Si la réduction n’est pas parfaite, le cartilage de croissance sera interrompu par un pont
osseux et sa fonction perturbée.
Ogden a ici aussi défini quatre sous-groupes en fonction de la forme et de la localisation du trait de
fracture. La fracture du col de fémur dont le pronostic est si sévère chez l’enfant correspond au type
4C dans la classification de Ogden.
Type V
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La lésion de type V résulte d’un traumatisme quasi axial entraînant une destruction complète ou
partielle de la zone de croissance par écrasement. C’est une lésion de pronostic sévère qu’il est quasi
impossible de diagnostiquer au moment où elle survient. On en découvre les conséquences au moment
ou le trouble de croissance se manifeste. Les lésions des cartilages de croissance dues à une irradiation
thérapeutique ou à une gelure voire une brûlure électrique ressemblent à ces lésions de type V en leurs
conséquences.
Type VI
La lésion de type VI dans la classification de Ogden correspond à l’avulsion périphérique d’un fragment
ostéochondral. C’est une fracture arrachement du périchondre à l’endroit de la zone de Ranvier.
Cette lésion est d’assez mauvais pronostic. Les brûlures thermiques profondes peuvent provoquer des
lésions de ce type par contiguïté.
Type VII
La lésion de type VII correspond à une fracture chondrale ou ostéochondrale séparant un fragment
épiphysaire ou apophysaire sans atteinte du cartilage de croissance.
L’ostéochondrite disséquante posttraumatique et la fracture ostéochondrale de la rotule sont des lésions
épiphysaires de type VII.
La forme aiguë de la maladie d’Osgood-Schlatter est une lésion apophysaire de type VII dans la
classification d’Ogden.
Type VIII
La lésion de type VIII est une fracture métaphysaire qui influence la croissance par le biais d’un
mécanisme vasculaire. Ce type a été identifié pour classifier la fracture métaphysaire du tibia avec
valgus progressif qui relève probablement de ce mécanisme.
Type IX
La lésion de type IX est celle qui emporte un fragment périosté ou ostéopériosté diaphysaire
perturbant la croissance transversale de la diaphyse.
Les lésions traumatiques des zones de croissance sont donc extrêmement diverses. Dans la pratique
quotidienne, la classification de Salter et Harris est adéquate pour définir et établir un pronostic, si ce
n’est que le traumatisme direct du cartilage de croissance (lésion de type V) peut survenir en association
avec un simple décollement épiphysaire de type I et de type II réputé de bon pronostic.
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2. Les lésions des apophyses
L’apophyse est définie comme étant un relief osseux sur lequel s’insère un groupe musculaire. Chez
l’enfant en croissance, l’apophyse est séparée de l’os par un cartilage de croissance.
Ces apophyses sont au début de la croissance des proéminences cartilagineuses dans lesquelles va
apparaître un centre d’ossification qui pourra d’abord être en relation avec l’épiphyse (tubérosité tibiale
antérieure par exemple, mais finira par se fusionner avec l’os). Ces apophyses sont parfois appelées
épiphyses de traction. Elles sont en effet soumises à des tractions musculaires alors que les plaques
épiphysaires principales sont placées en compression. Elles n’interviennent guère dans la croissance en
longueur de l’os, mais jouent un rôle dans la morphologie globale de l’os.
L’ancrage musculaire dans les apophyses est très solide. Les fibres de Sharpey qui prolongent le
tendon dans l’os sont plus solides que les fibres collagènes qui assurent la cohésion de la plaque
épiphysaire. En cas de traumatisme par traction aiguë ou chronique, la lésion sera habituellement une
avulsion apophysaire et non-arrachement musculotendineux.
Les lésions des apophyses surviennent donc à la suite d’un traumatisme direct, ou suite à une
contraction musculaire excessive qui aboutit à une apophysiolyse traumatique. La lésion peut être
partielle ou complète. Les lésions partielles peu déplacées sont stables. Elles guérissent par la simple
immobilisation. Par contre, l’avulsion complète d’une apophyse avec déplacement de plus d’un
centimètre constituera généralement une indication opératoire. La lésion de ce type la plus fréquente
est l’avulsion de l’épitrochlée au coude.
3.3. Les fractures en bois vert et les déformations plastiques
Les fractures en bois vert sont très fréquentes chez l’enfant. Il s’agit d’une fracture incomplète avec
préservation de travées corticales et intégrité du périoste du côté de la concavité. Ces fractures
s’accompagnent d’un déplacement angulaire qu’il faudra réduire. Lors de la réduction, il est parfois
difficile de préserver la stabilité de la fracture qui est perdue si la fracture est transformée en fracture
complète.
La fracture en motte de beurre ou plus exactement le tassement trabéculaire métaphysaire est une lésion
bénigne qui n’entraîne pas d’instabilité et ne nécessite pas de réduction. Elle guérit en quelque trois
semaines.
La déformation plastique ou « bowing » des anglo-saxons est une lésion beaucoup moins bien connue.
L’os est déformé au-delà de son élasticité et une déformation plastique s’installe. La figure illustre une
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déformation plastique du cubitus chez un jeune garçon âgé de 8 ans. La déformation du cubitus s’est
faite avec une concavité postérieure et est accompagnée d’une luxation antérieure de la cupule radiale. Il
s’agit donc d’un équivalent de fracture de Monteggia.
La réduction de l’incurvation plastique s’est avérée impossible sans pratiquer une ostéotomie du
cubitus. Elle était indispensable pour obtenir une réduction stable de la luxation de la tête du radius.
3.4. Le problème du remodelage après fracture diaphysaire
L’os de l’enfant a des potentialités de remodelage remarquables.
Ce remodelage a cependant des
limites. Il se fait par apposition et résorption osseuse non seulement au niveau du foyer de fracture,
mais également par une adaptation de la croissance épiphysaire.
Il est important de pouvoir évaluer les potentialités de correction d’une déformation déterminée.
Lorsqu’il s’agit de déviation axiale, la correction sera d’autant meilleure qu’il s’agit d’un enfant jeune et
que la lésion est plus proche de la physe.
Le déplacement latéral ou décalage se corrige toujours.
La fracture entraîne chez le jeune enfant une accélération de la croissance osseuse qui compense le
raccourcissement lié au chevauchement.
Par contre, chez le préadolescent, l’hyperhémie et la
dystrophie osseuse entraînée par le traumatisme peuvent accélérer la fermeture des cartilages de
croissance de tous les os du membre traumatisé. Il est donc recommandé de ne pas accepter de
chevauchement dans ce groupe d’âge.
Il est classiquement admis que les défauts d’axe se corrigent plus facilement dans le plan de flexion des
articulations que dans le plan frontal. La correction des défauts de rotation ne doit guère être espérée
encore que l’on a parfois observé des améliorations significatives chez des enfants ayant eu leur fracture
à un très jeune âge.
3.5. Quelques fractures qui continuent à poser problème chez l’enfant
La lecture des lignes qui précèdent laisse l’impression que si on exclut les lésions des cartilages de
croissance, les fractures sont chez l’enfant plus bénignes que chez l’adulte.
S’il est vrai que la
consolidation est plus rapide chez l’enfant et que les pseudarthroses sont rares, il y a néanmoins
plusieurs lésions qui en l’absence d’un traitement adéquat ont un pronostic sévère.
Les fractures de la région du coude
Chez l’enfant, les fractures du squelette des membres supérieurs sont plus fréquentes que les lésions
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des membres inférieurs (65 à 75 %). La localisation préférentielle est l’extrémité distale de l’avant-bras.
Les lésions de la région du coude concernent près de 10 % de l’ensemble des fractures de l’enfant. Il
s’agit avant tout de la fracture supracondylienne de l’humérus (80 % des lésions du coude) mais il faut
également considérer les fractures du condyle externe et des lésions de l’extrémité proximale du radius.
La fracture supracondylienne de l’humérus n’est pas un décollement épiphysaire. C’est une fracture
métaphysaire qui se situe au lieu de moindre résistance entraînée par les fossettes coronoïdiennes en
avant et olécrâniennes en arrière.
Lors de la chute, le coude est généralement sollicité en hyperextension. La fracture en flexion est
beaucoup plus rare. Ces fractures peuvent se compliquer de lésions vasculonerveuses et de syndrome
de loge (syndrome de Volkman).
Elles posent des problèmes de réduction et de contention. La
réduction est particulièrement difficile en cas de fracture à grand déplacement avec rupture des ponts
périostés. Elle est cependant possible par manœuvre externe dans la majorité des cas. Il faut réaliser la
manœuvre de réduction dans des conditions optimales, c’est-à-dire sous anesthésie générale, et bien
veiller à obtenir et à maintenir la réduction des deux colonnes de l’humérus. La réduction obtenue sera
maintenue par double brochage percutané et protégée par un plâtre qui immobilisera l’épaule
(thoracobrachial) si les deux colonnes ne sont pas fixées. Les défauts de réduction entraînent non
seulement un préjudice morphologique (cubitus varus), mais également une limitation de la mobilité et
une perturbation de la dynamique articulaire du coude. Ces « cubitus varus » posttraumatiques ne se
corrigent pas avec la croissance.
La fracture du massif condylien externe est une des rares fractures de l’enfant qui évolue vers la
pseudarthrose lorsqu’elle n’est pas réduite et stabilisée. La réduction des fractures déplacées du massif
condylien externe est difficile car le trait passe en plein milieu de l’échancrure médiane de la trochlée à
l’endroit où la crête olécrânienne s’articule avec l’humérus. Ces fractures doivent généralement être
réduites à foyer ouvert et stabilisées par double brochage. Le traitement des pseudarthroses anciennes
n’est généralement pas possible et il n’y a comme solution que d’accepter le cubitus valgus et
l’instabilité du coude tout en protégeant le nerf cubital par une transposition antérieure de celui-ci. En
effet, l’étirement chronique du nerf entraîné par cette situation aboutit chez l’adulte à des neuropathies
avec défect sensitivomoteur sévère.
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Les lésions de l’extrémité proximale du radius peuvent être une luxation de la tête, une fracture
décollement épiphysaire ou une fracture du col du radius. La luxation de la tête du radius doit faire
rechercher une lésion de Monteggia. Les fractures très déplacées de l’extrémité proximale du radius
posent un difficile problème thérapeutique. Les complications sont nombreuses : nécrose de la tête,
synostose radiocubitale et même pseudarthrose.
Il faut essayer de réduire la fracture sans ouvrir le foyer en utilisant des moyens percutanés. La
technique décrite par Métaizeau est particulièrement ingénieuse et semble diminuer nettement le risque
de complications.
Les fractures du col du fémur
Comme chez l’adulte, les fractures cervicales du fémur ont chez l’enfant un pronostic sévère.
La
nécrose aseptique de l’extrémité proximale du fémur est très fréquente (40 à 50 % des cas). Le risque
existe non seulement en cas de fracture décollement épiphysaire ou de fracture transverticale, mais
également en cas de fracture basicervicale (30 %) et de fracture intertrochantérienne (15 %). Le risque
de nécrose aseptique posttraumatique est donc plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte et cette
complication peut survenir dans des variétés de fractures réputées de bon pronostic chez l’adulte.
Certaines fractures métaphysaires de l’extrémité proximale du tibia ont une évolution particulière. Il
s’agit de fractures apparemment banales avec déplacement modéré en valgus.
On assiste avec la
croissance à une aggravation progressive de la déformation qui peut aboutir à un genu valgum unilatéral
sévère. On n’a pas actuellement d’explication univoque à cette lésion qu’Ogden a placée peut-être un
peu abusivement dans le type VIII de sa classification de fractures décollement épiphysaire. Il s’agit
souvent de lésions partielles avec péroné intact. Il est possible que l’accélération isolée de la croissance
du tibia joue un rôle, mais Ogden donne des explications mécaniques (rôle du tenseur du fascia lata),
anatomiques (interposition de la patte d’oie), vasculaires et traumatiques (lésion partielle de type V).
Une ostéotomie de correction axiale peut s’imposer.
3.6. Les lésions ligamentaires chez l’enfant
Pour les raisons décrites ci-dessus, les lésions ligamentaires sont rares chez l’enfant. L’os en croissance
est plus fragile que les ligaments. Plusieurs publications récentes attirent néanmoins l’attention sur
l’existence d’entorses ligamentaires graves chez l’enfant, en particulier au niveau du genou. S’il est vrai
que les lésions des épines tibiales sont plus fréquentes (Wiley et Baxter - Clin. Orthop. 255, 54, 1990)
que les ruptures ligamentaires, il faut bien admettre que les lésions des ligaments croisés existent chez
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l’enfant (Sullivan - Clin. Orthop. 255, 44, 1990).
La lésion la plus banale est la rupture du ligament croisé antérieur de l’adolescent. Elle ne diffère pas de
celle de l’adulte une fois que les cartilages de croissance sont fermés. C’est l’imagerie en résonance
magnétique nucléaire (Shahabpour et al. - Acta Orthop. Belg. 56, 423, 1990) qui permet le mieux de
faire le bilan des lésions du pivot central. Elle permet de localiser la lésion et en particulier d’identifier
les désinsertions avec un fragment cartilagineux susceptible d’être réinséré.
Ces lésions peuvent survenir chez des enfants très jeunes (6 ans dans une de nos observations).
Les lésions du ligament croisé postérieur sont plus rares et nous n’en avons retrouvé que huit cas dans
la littérature. Suprock et Roger (Orthopedics 13, 659, 1990) ont récemment publié une désinsertion
haute du ligament croisé postérieur chez un jeune garçon de 4 ans qui sautant sur son lit est retombé sur
son genou fléchi.
4. Les lésions ostéoarticulaires de surcharge
Les lésions de surcharge (« overuse ») sont liées à une inadéquation entre la résistance mécanique de
l’appareil locomoteur et les sollicitations mécaniques auxquelles il est soumis. Il est d’usage de réserver
ce terme aux lésions chroniques. Les lésions traumatiques sont la conséquence d’un dépassement aigu
de la résistance mécanique de l’appareil locomoteur. Elles surviennent à la suite d’accidents.
Les sollicitations mécaniques en dehors de ces accidents aigus sont déterminées par le poids corporel,
l’importance de la musculature et par le mode de vie et en particulier la pratique sportive.
Lors de la pratique des sports, les lésions de surcharge sont liées à une pratique excessive ou à une
constitution physique insuffisante.
Chez l’enfant et chez l’adolescent, le squelette est fragile tant que les cartilages de croissance ne sont
pas fermés.
Les apophyses sur lesquelles s’insèrent des muscles importants sont des zones de
croissance particulièrement exposées.
Les ostéochondroses sont des lésions acquises d’une zone de croissance squelettique caractérisée par
une perturbation de l’ossification enchondrale (chondrogenèse et ostéogenèse). La plupart des
ostéochondroses sont des lésions de surcharge, certaines peuvent cependant survenir en dehors de toute
surcharge et ont alors une pathogénie vasculaire.
Suivant la localisation, on peut distinguer les ostéochondroses épiphysaires, apophysaires ou
épiphysométaphysaires.
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I Ostéochondroses épiphysaires (épiphysaires)
a) de surcharge : Freiberg - Panner
b) associées à une ostéonécrose : Legg-Calvé-Perthès
II Ostéochondroses apophysaires (apophysite)
a) insertions tendineuses : Osgood-Schlatter
b) insertions ligamentaires : épicondyle
c) point d’impact : Sever
III Ostéochondrose épiphysométaphysaire
a) tibia : Blount
b) vertèbre : Scheuermann
L’ostéochondrite fémorale supérieure ou maladie de Legg-Calvé-Perthès est la forme d’ostéochondrose
le plus typiquement associée à une ostéonécrose. Elle s’observe principalement au cours de la seconde
enfance, encore qu’il existe des formes tardives de pronostic très sévère.
L’ostéochondrite disséquante du genou et la chondropathie rotulienne s’apparentent également aux
lésions de surcharge et seront traitées dans ce chapitre.
4.1. Les ostéochondroses de surcharge
Maladie d’Osgood-Schlatter
La forme la plus fréquente de ces ostéochondroses de surcharge chez l’adolescent est l’ostéochondrose
de la tubérosité tibiale antérieure ou maladie d’Osgood-Schlatter.
Il s’agit le plus souvent d’un garçon sportif qui se plaint d’une douleur au niveau de la tubérosité tibiale
antérieure qui est éventuellement tuméfiée.
Les symptômes sont aggravés par les efforts et soulagés
par le repos. La palpation locale et l’extension du genou contre résistance sont douloureux.
A l’examen radiologique, on observe une fragmentation de l’apophyse tibiale antérieure qui peut parfois
être légèrement mobilisée vers l’avant.
Le seul traitement nécessaire reste l’abstention de gymnastique et de sports pendant la période
douloureuse qui dure 3 à 6 mois.
Si les symptômes sont très importants, on pourra prescrire un
appareil immobilisant le genou en extension.
L’affection guérit avec la complétion de la croissance. Dans les formes habituelles, on peut espérer la
guérison sans séquelles.
Dans des formes sévères ou lorsque la pratique sportive n’a pas été
interrompue, il persiste une fragmentation de la tubérosité tibiale antérieure qui peut entretenir une
tendinite d’insertion et provoquer des douleurs lors de la position à genou. L’ablation des fragments
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osseux isolés peut être indiquée, mais les résultats sont rarement parfaits.
Le traitement chirurgical de la maladie d’Osgood-Schlatter par forage de l’apophyse n’est pas nécessaire
et est dangereux chez le jeune adolescent car la fusion prématurée de la partie antérieure du cartilage de
croissance tibial supérieur peut aboutir à un genu recurvatum, complication tout à fait exceptionnelle en
l’absence de traitement chirurgical.
Maladie de Larsen-Johansson
La maladie de Sinding Larsen ressemble fort à la maladie d’Osgood-Schlatter si ce n’est qu’elle est
localisée à la pointe inférieure de la rotule. Elle est également déterminée par la traction du ligament
rotulien.
Maladie de Sever
La maladie de Sever est l’ostéochondrose de l’apophyse postérieure du calcanéum. Elle peut être
favorisée par les contraintes entraînées en haut par le tendon d’Achille et en bas par l’aponévrose
plantaire. Le diagnostic de la maladie de Sever, qui s’observe au cours de la seconde enfance, est avant
tout un diagnostic clinique. La densification et la fragmentation du noyau apophysaire postérieur du
calcanéum sont fréquentes dans cette tranche d’âge.
Outre la réduction de l’activité physique, la prescription de semelles amortisseuses en sorbothane,
podofoam ou noene peut soulager rapidement l’enfant.
Nous faisons confectionner une semelle
creusée en « fer à cheval ».
Maladie de Freiberg
La maladie de Freiberg évolue comme une nécrose aseptique avec densification, fragmentation et
déformation de la tête du métatarsien intéressé, généralement le second ou le troisième. Elle se voit
surtout chez la jeune fille de 12 à 15 ans.
Elle se manifeste par des douleurs à la mise en charge. A l’examen on constate, outre une sensibilité
locale, un gonflement et une difficulté à l’extension de l’orteil concerné. Le repos et la prescription
d’une semelle avec appui rétrocapital amènent souvent un soulagement suffisant. Il peut être nécessaire
d’intervenir chirurgicalement pour enlever les fragments ostéochondraux libérés voire exciser la partie
supérieure de la tête aplatie du métatarsien pour libérer le mouvement de flexion dorsale de l’orteil.
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4.2. Les autres ostéochondroses de surcharge
Toutes les épiphyses et les apophyses peuvent être le siège de lésions de surcharge. Outre les
localisations classiques, nous ne ferons que citer l’ostéochondrose du grand trochanter (Mandl), de
l’épicondyle interne du coude (Adams), de la malléole interne (Beck).
Nous avons observé une
ostéochondrose de l’apophyse iliaque (Maladie de Buchman) chez une jeune danseuse.
La maladie de Scheuermann
La maladie de Scheuermann est due à une altération des plateaux cartilagineux qui assurent la croissance
en hauteur des vertèbres. Cette altération entrave la croissance des vertèbres dorsales en hauteur
(vertèbres trapézoïdales ou cunéiformes) et fait que la plaque cartilagineuse se laisse pénétrer par de la
substance discale : hernies intraspongieuses, hernies rétromarginales antérieures, irrégularités des
plateaux vertébraux, images d’épiphyse libre.
Cette affection, encore appelée dos rond des
adolescents, est, dans sa forme bénigne, fréquente (10 %).
Son étiologie est inconnue. Bradford et al. (Clin. Orthop. 110, 45, 1975, 118, 10, 1976, 158, 83, 1981)
estiment que le primum novens de cette affection est probablement une fragilisation de l’os spongieux
liée à une ostéopénie relative, la désorganisation de la zone de croissance de la vertèbre étant secondaire.
Il est actuellement admis qu’il s’agit d’une pathologie de surcharge liée à l’inadéquation entre la solidité
mécanique du rachis en fin de croissance et les sollicitations qu’il subit du fait de la morphologie de
l’individu ou de ses activités.
Il se crée un cercle vicieux car le trouble de croissance entraîne une
cyphose qui, elle-même, aggrave la surcharge mécanique.
L’ostéochondrose vertébrale juvénile se caractérise cliniquement par des douleurs vertébrales, une
déformation progressive du rachis dans le plan frontal et radiologiquement par des altérations
caractéristiques.
La cyphose dorsale physiologique est de l’ordre de 30 à 35°. A partir de 45°, le préjudice esthétique
est significatif. Les cyphoses de plus de 60° entraînent un renversement postérieur du tronc et une
lordose lombaire compensatoire qui favorise les lombalgies.
Le traitement étiologique est bien sûr de soustraire le rachis en croissance aux sollicitations excessives
qu’il subit.
Chez l’adolescent, en l’absence de douleurs et si la cyphose est inférieure à 45°, le traitement pourra se
limiter à des exercices de gymnastique correctrice tout en évitant bien sûr une musculation excessive.
S’il y a des manifestations douloureuses ou si l’angulation dépasse 45°, l’immobilisation du rachis dans
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un appareil correcteur sera justifiée.
Pour être efficace sur la déformation vertébrale, l’appareillage
devra être instauré à un stade précoce et maintenu pendant longtemps.
L’efficacité du traitement orthopédique bien conduit a été démontrée bien qu’il y ait à long terme des
pertes de correction importantes.
Le traitement chirurgical s’adresse aux formes sévères du grand adolescent ou de l’adulte jeune. Pour
obtenir un résultat durable lorsque l’angulation de la cyphose dépasse 80°, il est nécessaire d’associer
une arthrodèse antérieure et une arthrodèse postérieure.
4.3. L’ostéochondrite disséquante
L’ostéochondrite disséquante se caractérise par l’isolement d’un fragment ostéocartilagineux de la
surface articulaire pouvant aboutir à sa libération dans la cavité articulaire. Le primum novens peut être
un trouble de croissance ayant un substratum vasculaire ou une fissuration traumatique (fracture
ostéochondrale) ou microtraumatique.
La localisation la plus fréquente est la joue externe du condyle fémoral interne. Il faut distinguer les
troubles de croissance spontanément résolutifs des formes de l’adulte qui aboutissent à la séparation du
fragment. Chez l’adolescent, l’I.R.M. (et théoriquement l’arthroscopie) permettent si nécessaire de
distinguer ces deux formes. Dans la forme de l’adulte, il y a précocement une fissuration du cartilage
articulaire.
En l’absence de fracture du cartilage articulaire, si le fragment est stable, le pronostic est bon surtout si
les cartilages de croissance sont encore ouverts. Le fragment a de bonnes chances de se réincorporer,
mais il vaut mieux le soustraire aux sollicitations tangentielles favorisées par la pratique des sports.
Quand le fragment disséqué est encore fixé par le cartilage articulaire, on peut espérer favoriser sa
réincorporation par des forages et une fixation par un moyen d’ostéosynthèse, mais l’efficacité de ce
traitement n’a pas été définitivement démontrée par des études cliniques contrôlées.
Dans les fractures ostéochondrales fraîches et dans les formes instables fraîches, mais non encore
libérées, le traitement pourrait être la fixation in situ à l’aide d’un matériel de synthèse peu encombrant.
Lorsque le fragment est libéré dans l’articulation, le traitement est son ablation.
Pour favoriser la
formation d’un fibrocartilage de remplacement dans le cratère ainsi créé, Pridie a proposé de forer l’os
sous-chondral. On envisage actuellement de traiter les défects cartilagineux par l’apport de cellules
cartilagineuses produites par « bio-engineering tissulaire ». Ce sera probablement la solution d’avenir
qui remplacera les forages.
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4.4. La chondropathie rotulienne
Pathologie de surcharge de la rotule
La rotule, sésamoïde développé dans l’appareil extenseur du genou, est soumise à des contraintes
considérables. La « patella bipartita » est une anomalie de développement de la rotule qui peut être liée
à la présence d’un noyau d’ossification accessoire qui ne se fusionne pas au noyau principal ou peut
correspondre à une fracture de fatigue de l’angle supéro-externe de la rotule à un stade critique du
développement de celle-ci.
Le cartilage articulaire rotulien est soumis à des contraintes mécaniques considérables. Il travaille aux
limites de son point de rupture. Il est souvent le premier cartilage de l’organisme à présenter des lésions
dégénératives. La chondropathie rotulienne est un problème fréquent chez l’adolescent.
Facteurs favorisants
Les désaxations de l’appareil extenseur dans le plan frontal (syndrome d’hyperpression externe de la
rotule, subluxation rotulienne), les anomalies de hauteur de la rotule (patella alta et patella infera) et
toutes les variantes anatomiques réduisant la stabilité de la rotule dans la gorge trochléenne sont des
facteurs favorisant la surcharge de la surface articulaire de la rotule.
Les troubles de rotation des membres inférieurs (syndrome de double rotation) favorisent les
instabilités rotuliennes. Les traumatismes directs de la rotule sont responsables d’altération du cartilage
articulaire rotulien (chondropathie posttraumatique).
Certains sports comme la danse classique associent une surcharge mécanique à une exorotation du tibia
sous le fémur (éducation à l’en-dehors) et entraînent régulièrement des chondropathies rotuliennes chez
l’adolescent.
Le syndrome fémoropatellaire
La chondropathie rotulienne se manifeste cliniquement par des douleurs de caractère mécanique
localisées à la face antérieure du genou. Le début est souvent insidieux. Parfois, il est mis en rapport
avec un traumatisme ou un effort sportif intense.
Les douleurs sont majorées quand le cartilage rotulien est sollicité (lors de la montée et de la descente
des escaliers) et lorsque la rotule est plaquée contre la gorge trochléenne (douleur en position assise signe du cinéma).
L’adolescent peut avoir une impression d’accrochage lors de la mobilisation du
genou, parfois de dérobement.
Un gonflement articulaire (épanchement) peut survenir, mais il est généralement très modéré.
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Les signes cliniques
A l’examen clinique, la sollicitation de la rotule par la palpation, la mobilisation ou indirectement les
exercices d’extension contre résistance, provoquent la douleur. L’examinateur percevra souvent des
crépitations lors de la mobilisation de la rotule. Il pourra parfois percevoir l’accrochage décrit par le
patient.
L’examen clinique permettra de déceler les facteurs favorisants actuels : instabilité rotulienne, désaxation
de l’appareil extenseur (signe de la baïonnette, le trouble de rotation des membres inférieurs).
L’examen radiologique
L’examen standard du défilé fémoropatellaire aura surtout pour but d’étudier la dynamique rotulienne et
de dépister les dysplasies fémoropatellaires. L’étude du défilé fémoropatellaire lors de l’arthrographie
opaque ou en IRM permettra de préciser la lésion anatomique du cartilage rotulien.
L’arthroscopie : un geste invasif rarement nécessaire
L’arthroscopie est l’examen qui permettra d’évaluer de la façon la plus précise l’état du cartilage
rotulien et celui du cartilage trochléen qui lui fait face. Lors de l’arthroscopie, on pourra également
pratiquer des gestes thérapeutiques. Il s’agit cependant d’un geste invasif qui n’est absolument pas
nécessaire dans l’immense majorité des cas de genou douloureux de l’adolescent.
Diagnostic différentiel
Chez un adolescent qui se plaint du genou, il faut avant tout s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une gonalgie
symptomatique d’une pathologie de la hanche et en particulier d’une épiphysiolyse fémorale
supérieure.
Les autres problèmes à évoquer sont des lésions méniscales (en particulier les ménisques discoïdes
externes), les tendinites (Jumper’s knee), bursites (sous-rotulienne, de la patte d’oie), la pathologie de la
boule de Hoffa et les surcharges capsuloligamentaires diffuses (runner’s knee).
Dans la maladie
d’Osgood-Schlatter, la douleur est localisée plus bas, au niveau de la tubérosité tibiale antérieure.
Le rôle pathogène des plicae synovialis, replis anatomiques résiduels d’origine embryonnaire, connu
depuis les années 1950, a été précisé depuis l’avènement de l’arthroscopie.
Ces replis sont présents chez environ 20 % des individus. Il s’agit de la plica infrapatellaire, de la plica
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parapatellaire et de la plica suprapatellaire.
La plica parapatellaire interne et parfois la plica
suprapatellaire glissent sur le condyle fémoral lors des mouvements de flexion-extension : elles peuvent
devenir inflammatoires après des sollicitations importantes du genou. La plica « enflammée » peut
devenir, du fait de son augmentation de volume, un élément de dérangement interne du genou.
A l’anamnèse et à l’examen clinique, le tableau est très semblable au syndrome fémoropatellaire
classique. Le seul élément suggestif de cette pathologie est, en cas de plica interne, une douleur
provoquée à la palpation de l’aileron rotulien interne où l’on peut parfois percevoir le relief de la plica.
Il s’agit avant tout d’un diagnostic arthroscopique, encore que parfois l’existence de la plica puisse être
démontrée à l’arthrographie opaque.
La plica synovialis peut être associée à la chondropathie rotulienne. Le traitement est la résection
endoscopique de la plica.
Histoire naturelle et traitement de la chondropathie rotulienne
La chondromalacie de la rotule a été considérée comme le premier stade de la dégénérescence
arthrosique. Cependant, l’histoire naturelle de l’affection n’est pas une évolution inéluctable et rapide
vers l’arthrose fémoropatellaire. Chez l’adolescent, quand les lésions cartilagineuses sont encore
modérées et en l’absence de désordre anatomique, les symptômes peuvent disparaître ou se stabiliser à
un stade où ils n’entravent pas une vie normale.
Les premières altérations du cartilage fémoropatellaire, qui sont symptomatiques, sont généralement
focales. La sénescence normale du cartilage rotulien se caractériserait par une usure plus régulière. En
l’absence de déséquilibre rotulien important, ces premières irrégularités pourraient disparaître par une
sorte de rodage. Chez le très jeune adolescent, lorsque la rotule a encore des possibilités de croissance,
on pourrait même espérer un modelage spontané des surfaces articulaires rotuliennes et fémorales
favorisant leur adaptation.
Le traitement doit donc être conservateur au début. Il s’agit de réduire la surcharge du cartilage rotulien
par une réduction de ses sollicitations, tout en conservant une activité articulaire.
« L’épargne rotulienne » commence par la réduction ou l’adaptation des activités sportives. Chez ces
patients qui présentent une rotation exagérée du squelette jambier associée à des pieds valgus, le port de
souliers corrects, avec un talon un peu rehaussé, peut améliorer la dynamique rotulienne en réduisant
l’exorotation du pied et en permettant ainsi au genou de travailler dans un plan de flexion plus proche
de la normale. Le port d’une genouillère favorise l’amyotrophie quadricipitale et est donc à déconseiller.
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Cependant, en cas d’instabilité rotulienne, le port d’une genouillère stabilisant la rotule peut aider à
retarder une sanction chirurgicale.
La prescription d’acide acétylsalicylique à une dose ayant un effet anti-inflammatoire et la prescription
de certains anti-inflammatoires non stéroïdiens ont été recommandées sur base d’un effet non seulement
sur les symptômes, mais également de leurs propriétés eutrophiques sur le cartilage rotulien. Celles-ci
restent à confirmer. Lors des accidents aigus compliqués d’un épanchement articulaire et d’une
synovite, la prescription d’un anti-inflammatoire non stéroïdien pendant une période de 2 à 3 semaines
peut avoir un effet bénéfique.
L’amélioration symptomatique entraînée par l’injection intra-articulaire de dérivés corticostéroïdiens
dans de nombreuses affections articulaires est bien connue.
Cependant, des études cliniques et
expérimentales ont démontré ses effets délétères sur le cartilage articulaire. L’injection intra-articulaire
répétée d’un dérivé corticostéroïdien ne nous paraît pas à conseiller en cas de chondropathie rotulienne
chez un adolescent. Les injections intra-articulaires répétées sont formellement contre-indiquées car
elles hypothèquent le capital cartilagineux de l’articulation.
L’immobilisation n’est pas favorable à la trophicité du cartilage articulaire dont la nutrition est assurée
par la circulation du liquide synovial. Elle pourrait d’ailleurs être le facteur étiologique de certaines
chondropathies. Elle ne sera prescrite qu’en cas d’accident aigu compliqué d’un épanchement
articulaire.
Dans une pathologie de surcharge, il est paradoxal que le traitement de kinésithérapie soit le traitement
le plus régulièrement prescrit et qu’il soit efficace, d’autant plus que l’amyotrophie du quadriceps n’est
pas fréquente. C’est la tonification du quadriceps en piste d’extension par des exercices de contraction
isométrique qui est prescrite (sauf en cas d’instabilité en extension). Cette tonification semble améliorer
la dynamique rotulienne. Les exercices isotoniques comportant de la mobilisation articulaire et en
particulier des exercices d’extension contre résistance sont formellement contre-indiqués : ils entraînent
une surcharge articulaire et provoquent régulièrement une aggravation des symptômes. On a tendance à
remplacer ce type de traitement de kinésithérapie par des exercices d’étirement (stretching) des
ischiojambiers qui sont souvent « courts » chez ces adolescents. Le syndrome de rétraction des
ischiojambiers se caractérise par une impossibilité d’étendre le genou en position assise sans déporter le
tronc vers l’arrière. En cas de rétraction des ischiojambiers, la rotule est surchargée par l’effet
antagoniste du quadriceps lors de la marche.
Chez l’adolescent, l’immense majorité des chondropathies rotuliennes répond favorablement à ces
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traitements conservateurs. Cependant, les symptômes peuvent être rebelles principalement si les
lésions cartilagineuses sont importantes et étendues. Par ailleurs, les subluxations rotuliennes et les
luxations récidivantes répondent mal au traitement conservateur.
Divers traitements chirurgicaux ont été tentés pour résoudre les problèmes de chondropathie rotulienne.
Le résultat de ces interventions chirurgicales s’est avéré peu régulier.
Il est actuellement admis que la chondropathie rotulienne sur rotule centrée de l’adolescent est une
affection qui ne relève pas de la chirurgie.
Seules les désaxations rotuliennes franches et les luxations récidivantes de la rotule doivent être opérées.
Chez l’enfant, l’intervention se limitera à un geste sur les tissus mous. Il est formellement contreindiqué de pratiquer un geste sur le squelette (transposition de la tubérosité tibiale antérieure) avant la
fin de la croissance.
4.5. Les fractures de fatigue
Des fractures de fatigue peuvent survenir chez l’enfant, mais elles sont beaucoup plus rares que chez
l’adolescent et chez l’adulte. Les localisations classiques sont le tiers proximal du tibia (50 %), le tiers
distal du péroné (20 %) et l’isthme interapophysaire de la 5ème vertèbre lombaire (15 %).
L’erreur d’entraînement sportif qui est à l’origine des fractures de fatigue est l’excès et l’absence de
progressivité.
Un cliché radiographique standard démontre la lésion dans la moitié des cas. La scintigraphie osseuse
est un examen beaucoup plus sensible mais moins spécifique. La fracture de fatigue du tiers proximal
du tibia peut entraîner une réaction périostée inquiétante et évoquant un ostéosarcome pour
l’observateur qui n’est pas habitué à cette pathologie. Elle se voit surtout chez le coureur et chez le
gymnaste.
Les fractures de fatigue de l’isthme interapophysaire des dernières vertèbres lombaires s’observent
surtout chez les jeunes athlètes qui pratiquent des exercices d’hyperextension du tronc en charge. La
spondylolyse dans sa forme habituelle est actuellement considérée comme étant la conséquence de
pareille fracture de fatigue. L’étude de 100 jeunes filles pratiquant la gymnastique à un bon niveau a
démontré une incidence de 11 % de spondylolyse, ce qui correspond à une majoration de l’incidence
près de 3 fois par rapport à une population féminine du même âge. Chez le jeune gymnaste, la fracture
de fatigue de l’isthme interapophysaire des dernières vertèbres lombaires peut, au stade initial, guérir
grâce à une immobilisation prolongée, ce qui prévient l’évolution vers la spondylolyse.
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4.6. La surcharge chronique des cartilages de croissance
La pathologie des cartilages de croissance entraînée par une surcharge chronique reste moins bien
connue.
La maladie de Blount est un trouble de croissance de la partie interne de l’extrémité proximale du tibia
aboutissant à une déviation progressive en varus.
La pathogénie de cette affection reste
incomplètement comprise, mais il est actuellement admis que la surcharge mécanique d’un genou en
varus favorise cette affection à laquelle certains groupes ethniques sont particulièrement prédisposés
(Jamaïcains par exemple). La maladie ne s’observe que chez des enfants qui marchent et n’est pas
observée avant l’âge de deux ans. Le tibia vara de l’adolescent s’observe essentiellement chez de lourds
adolescents sportifs d’Amérique du Nord de race noire.
L’épiphysiolyse fémorale supérieure est une pathologie sévère qu’il faut reconnaître.
Elle se
caractérise par un glissement postéro-inférieur de l’épiphyse fémorale supérieure. C’est une cause de
boiterie chez l’adolescent.
Elle s’observe surtout chez des adolescents lourds et prépubères (syndrome adiposo-génital). Il existe
une forme aiguë et une chronique. Il s’agit d’une urgence thérapeutique.
L’épiphyse fémorale supérieure doit être fixée de façon à ce que le glissement ne progresse plus.
Jones et Maple (American Academy of Pediatrics, 22 oct. 94) ont récemment décrit des
épiphysiolyses fémorales supérieures chez des adolescents obèses pratiquant du « body building » à
l’aide de machines chargeant l’extension de la jambe.
On a décrit des remaniements du cartilage de croissance distale du radius avec parfois fusion prématurée
de ce cartilage chez de jeunes gymnastes de haut niveau.
La loi de Delpech a été confirmée par les travaux expérimentaux d’Arkin et Katz (J. Bone Joint Surg.
38A ; 1056, 1956), de Strobino et al. (Surg. Gyn. Obst. 95, 694, 1952) et de Porter (J. Bone Joint Surg.
57A, 259, 1975) : une pression excessive diminue la fonction d’un cartilage de croissance tandis qu’une
distraction modérée l’accélère. L’inhibition mécanique de la croissance est dans un premier temps
réversible, mais elle devient irréversible une fois que des lésions du cartilage sont installées.
L’action des contraintes mécaniques sur la croissance osseuse reste incomplètement comprise. La loi de
Delpech n’explique pas clairement les corrections des défauts d’axe après fractures diaphysaires (cfr.
10.4.1.4).
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5. Les infections ostéoarticulaires à germes banals chez l’enfant
5.1. Introduction
La pathologie infectieuse aiguë à germes banals du système ostéoarticulaire continue à poser de sérieux
problèmes de diagnostic et de traitement.
Le pronostic reste lié à un diagnostic précoce précis avec identification du germe en cause et à la mise en
route d’un traitement adéquat qui comportera toujours un traitement antibiotique adapté par voie
générale et nécessitera parfois un geste chirurgical.
5.2. Classification
La séparation classique des ostéoarthrites, arthrites septiques et ostéomyélites, est basée sur la
localisation primitive de l’infection. La distinction de ces trois affections reste justifiée, mais il importe
de savoir qu’une infection osseuse peut contaminer l’articulation et qu’une infection articulaire peut se
compliquer d’ostéite.
Chez l’enfant, la vascularisation épiphysaire et la vascularisation métaphysaire sont séparées au niveau
du cartilage de croissance qui formera généralement une barrière empêchant la propagation de l’infection
vers l’épiphyse et vers l’articulation (1,3).
La contamination de l’articulation se fera néanmoins
précocement si la métaphyse est intraarticulaire, comme c’est le cas pour la métaphyse proximale du
fémur à la hanche et la métaphyse proximale du radius du coude. Ces deux localisations entraînent donc
généralement une arthrite septique.
Chez le nouveau-né, la séparation des réseaux vasculaires
épiphysaires et métaphysaires n’est pas établie et l’atteinte de l’épiphyse et de l’articulation sera la
règle (ostéoarthite du nouveau-né). L’arthrite septique peut donc être secondaire à une infection
métaphysaire.
Elle survient également en l’absence de lésion osseuse. Le germe peut pénétrer l’articulation suite à un
traumatisme (plaie articulaire) ou par voie hématogène. La synoviale a une vascularisation terminale.
L’apparition de manifestations inflammatoires synoviales (synovite) ou articulaires (pyarthrose) créent
des conditions favorables à l’entretien de l’infection. Le liquide articulaire purulent a des propriétés
chondrolytiques qui entraînent une destruction du cartilage articulaire. Dans les formes graves traitées
tardivement, l’infection peut se propager à l’os ou suppurer par effraction capsulaire.
Depuis une quinzaine d’années, on observe de plus en plus souvent chez les jeunes enfants, une forme
particulière d’ostéomyélite dite ostéomyélite subaiguë (12,13) qui se caractérise par son début insidieux,
l’absence de signes généraux d’infection, une symptomatologie atténuée avec peu de signes locaux et par
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son évolution bénigne dans les cas typiques.
5.3. Ostéoarthrite du nourrisson
L’ostéoarthrite du nourrisson est caractérisée par l’extension rapide de l’infection métaphysaire vers
l’épiphyse et l’articulation voisine. La localisation la plus typique est la hanche (5-8). Les formes
plurifocales ne sont pas exceptionnelles.
Etiologie
Les germes les plus souvent en cause sont le staphylocoque, le streptocoque, l’haemophilus influenzae
et le pneumocoque.
La prédominance du staphylocoque est ici nettement moins nette que dans
l’ostéomyélite « de l’adolescent » et l’arthrite septique « de l’enfant ». La porte d’entrée classique était
l’infection de la plaie ombilicale. Actuellement, cette pathologie infectieuse s’observe surtout chez des
nouveau-nés qui ont présenté des problèmes médicaux majeurs ayant nécessité une nutrition
parentérale. Des gestes médicaux comme les prises de sang par ponction fémorale ou simplement par
piqûre au talon et surtout les cathéters des perfusions sont les portes d’entrée les plus fréquentes.
Diagnostic
Dans certains cas, les manifestations septicémiques dominent le tableau : les localisations articulaires
peuvent passer inaperçues. Dans d’autres cas, c’est simplement l’immobilité relative d’un membre qui
attirera l’attention.
Radiographie
Les signes d’épanchement articulaire doivent être recherchés avec soin. Les épiphyses étant composées
surtout de cartilage, les lésions de destruction osseuse ne seront que les manifestations tardives de cas
ayant évolué de façon défavorable. Au niveau de la hanche, l’épanchement articulaire peut entraîner une
luxation pathologique.
Traitement
La ponction articulaire est le geste essentiel qui confirmera le diagnostic et assurera la décompression de
l’articulation distendue. Le prélèvement d’hémoculture sera réalisé au moins trois fois au cours des 24
premières heures. Un traitement antibiotique par voie parentérale sera immédiatement mis en route.
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L’association d’une ampicilline à la cloxacilline reste le traitement de départ. Le traitement antibiotique
sera adapté à la sensibilité du germe isolé.
S’il s’agit d’une arthrite de la hanche, la luxation pathologique doit être prévenue en maintenant les
membres inférieurs en abduction par traction collée ou par plâtre.
La décompression articulaire doit être obtenue et maintenue : il faudra réaliser des ponctions articulaires
itératives.
Si l’articulation contient un liquide franchement purulent ou s’il y a des lésions radiologiques, en
particulier une subluxation, l’abord chirurgical s’imposera : la hanche sera abordée par voie antérieure ou
par voie postérieure. On procédera à une capsulectomie et à une évacuation des tissus purulents de
l’articulation. La plaie sera refermée sur drainage aspiratif. L’intervention ne doit pas être différée.
Patterson (8)- et Lloyd-Roberts (7) estiment que l’indication opératoire doit être quasi systématique au
niveau de la hanche car la ponction articulaire n’assure pas une décompression efficace. Le risque de
luxation pathologique persiste pendant plusieurs semaines si bien que l’appareillage en abduction sera
prolongé pendant 3 mois.
Les séquelles
Si l’infection ostéoarticulaire n’est pas contrôlée rapidement, l’ostéoarthrite du nourrisson laisse des
séquelles redoutables. La destruction du cartilage de croissance et de l’épiphyse fertile entraîneront des
troubles de croissance majeurs. La luxation pathologique de la hanche pose un difficile problème
thérapeutique, particulièrement si la tête du fémur a disparu.
5.4. Arthrite septique de l’enfant
L’arthrite septique ou empyème articulaire peut être primitive ou secondaire. Dans l’arthrite septique
primitive, l’inoculation peut être directe (par une plaie articulaire par exemple) ou se faire par voie
hématogène au décours d’une bactériémie au départ d’un foyer septique (otite moyenne par exemple).
L’arthrite septique secondaire à une infection osseuse est chez le grand enfant une complication tardive
sauf au niveau du coude et de la hanche où une métaphyse est intraarticulaire. Dans l’arthrite septique
du coude et de la hanche, il est souvent difficile de préciser si l’atteinte articulaire est primitive ou
secondaire.
Bactériologie
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Classiquement, le germe le plus fréquemment en cause est ici encore le staphylocoque doré; viennent
ensuite le streptocoque, l’haemophilus influenzae et exceptionnellement des germes comme le proteus
mirabilis. Dans la série de Herdon et al., l’haemophilus influenzae est de loin le germe le plus souvent
isolé (26 sur 45).
Pathologie
Au début, la synoviale est congestive et oedématiée. Un exsudat leucocytaire apparaît. L’articulation
est le siège d’un épanchement contenant des globules blancs neutrophiles (pyarthrose). Ce liquide
purulent contient des enzymes qui détruisent le cartilage articulaire dont les possibilités de
régénérescence sont faibles. Au stade plus tardif, les villosités synoviales se nécrosent, l’os est détruit :
des érosions apparaissent principalement au niveau des récessus articulaires.
Diagnostic
Le diagnostic d’arthrite septique doit être évoqué en premier lieu face à toute inflammation articulaire
accompagnée de manifestations infectieuses. Chez un enfant fébrile, toute douleur provoquée par la
mobilisation d’un membre doit également faire exclure une localisation septique articulaire. L’attitude
antalgique est un signe tardif.
Le geste qui s’impose est la ponction articulaire : c’est la mise en évidence de germes à l’examen du
liquide articulaire qui permet le diagnostic de certitude. Une élévation du taux de leucocytes à plus de
100.000 éléments par microlitre est considérée comme pathognomonique mais au début le comptage
peut ne pas dépasser 20 à 30.000 éléments avec prédominance de neutrophiles. Le taux de glucose dans
le liquide articulaire est abaissé.
Le diagnostic une fois suspecté est donc facilement confirmé. Les erreurs de diagnostic à éviter sont
l’appendicite en cas d’atteinte de la hanche droite et le rhumatisme articulaire aigu.
La mise au point comportera également plusieurs hémocultures et des prélèvements bactériologiques au
niveau des portes d’entrée suspectées : gorge, furoncle, etc.
Radiologie
Au stade débutant, la radiographie peut ne révéler aucune anomalie. Dès que l’épanchement articulaire
est significatif, il peut être perçu du fait du refoulement de la graisse juxta-articulaire. L’épanchement
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peut également élargir l’interligne articulaire.
Ce n’est qu’après plusieurs jours que se manifeste une ostéoporose régionale. Le pincement de
l’interligne et les érosions sont des signes tardifs qui signent des dégâts irréparables qu’un traitement
précoce adéquat peut éviter.
Traitement
Le traitement doit être instauré d’urgence, dès que les prélèvements bactériologiques ont été réalisés.
Il doit comporter :
- l’évacuation du pus de l’articulation pour éviter la destruction du cartilage articulaire;
- la décompression de l’articulation : l’hyperpression articulaire risque d’entraîner des troubles
vasculaires au niveau des épiphyses;
- l’administration parentérale d’antibiotiques actifs à doses adéquates : le choix de l’oxacilline ou de la
cloxacilline à la dose de 100 mg/kg associé à un aminoglycoside jusqu’à identification du germe est
recommandée. Il faut souligner que la majorité des germes en cause sont résistants à la pénicilline et à
l’ampicilline;
- l’immobilisation antalgique par plâtre au niveau du coude et du genou, par traction par bandes collées
au niveau de la hanche.
L’évacuation du pus et la décompression articulaire seront d’abord réalisées par ponction à répéter
après quelques heures. L’injection intra-articulaire d’antibiotique n’est pas recommandée. Si l’évolution
est favorable, ce qui peut être espéré en cas de traitement précoce d’un enfant qui se défend
normalement, l’assèchement articulaire sera rapidement obtenu, la mobilisation articulaire deviendra
moins douloureuse et les signes généraux d’infection diminueront. Si l’infection n’est pas contrôlée au
bout de 24 ou 48 heures, l’arthrotomie s’imposera. Il s’agira suivant la gravité des lésions d’une
arthrotomie de lavage avec mise en place d’un drainage, d’une arthrosynovectomie en prenant bien soin
de respecter la vascularisation épiphysaire.
Au niveau du genou, le lavage arthroscopique peut
remplacer l’arthrotomie.
Dans les cas vus tardivement, avec atteinte osseuse ou fusée purulente extra-articulaire, l’installation
d’un lavage continu suivant Compère permettra l’évacuation des débris purulents sans risque important
de surinfection. Il semble que la meilleure solution de lavage soit simplement le sérum physiologique.
L’adjonction d’antibiotique n’a pas d’avantage prouvé et certaines préparations entraînent la formation
de précipités.
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L’utilisation d’un antiseptique n’est pas conseillée, car les antiseptiques pourraient avoir un effet
délétère pour le cartilage articulaire. La solution de chlorhexidine à 0,5 % qui fut utilisée dans le service
est responsable de chondrolyses qui peuvent être reproduites chez l’animal en l’absence de toute
infection.
Le drainage est laissé en place jusqu’à ce que les phénomènes infectieux soient contrôlés, ce qui peut
être confirmé par l’étude bactériologique du liquide de sortie.
La mobilisation articulaire est entreprise dès que l’indolence est obtenue. Pour ce qui concerne la
hanche, il est recommandé entre les séances de mobilisation de maintenir les membres inférieurs en
traction par bandes collées jusqu’à la sixième semaine au moins.
La mise en charge des articulations portantes ne sera autorisée qu’après le 3ème mois.
Le traitement antibiotique par voie parentérale est poursuivi jusqu’à la normalisation des
manifestations biologiques d’inflammation. L’antibiotique est ensuite administré par voie orale.
Il
paraît prudent de prolonger le traitement trois à quatre mois suivant la gravité de l’atteinte articulaire.
La nécessité d’un traitement prolongé doit faire choisir un antibiotique dépourvu d’effets secondaires
importants et disponible sous une forme d’administration facile.
L’articulation est un organe « fermé » qui ne peut être contaminé que par voie hématogène ou par
effraction. En l’absence de suppuration externe, le risque de surinfection est quasi inexistant. Les
résistances acquises en cours de traitement sont rares quand il s’agit de germes positifs au gram. Il est
par ailleurs bien démontré que les antibiotiques et en particulier les pénicillines, les céphalosporines
administrées par voie parentérale à dose adéquate donnent des concentrations actives dans le liquide
articulaire.
Il n’est donc pas logique de réagir à une réponse insuffisante au traitement ou à une rechute en
changeant d’antibiotique. La cause de l’échec du traitement est l’accumulation de débris purulents ou
l’entrave à la circulation synoviale ou osseuse liée à l’hyperpression articulaire. Ces deux situations
imposent donc un geste chirurgical.
5.5. L’ostéomyélite
Introduction
L’ostéomyélite hématogène est par définition une infection osseuse due à un germe qui atteint l’os par
le torrent circulatoire. Elle doit être distinguée des infections par inoculation directe ou par contiguïté.
Chez l’enfant, le germe qui atteint l’os par voie hématogène trouvera un site privilégié au niveau de la
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métaphyse des os longs où il existe un réseau vasculaire permettant un ralentissement du flux sanguin
dans de larges sinusoïdes (Trueta 1959).
Le fait que les bactériémies physiologiques et a fortiori les septicémies ne se compliquent pas
systématiquement d’ostéomyélite relève non seulement de la virulence et de la concentration des
germes, mais également de facteurs locaux et généraux comme le status circulatoire et les défenses
immunitaires. S’il s’agit d’un germe peu virulent et d’un patient qui se défend bien, l’infection peut
rester localisée (métaphysite) et parfois s’encapsuler (abcès de Brodie). Si le germe est virulent ou les
défenses de l’hôte faibles, l’infection peut s’étendre à la diaphyse (pandiaphysite). La thrombose des
vaisseaux nourriciers suite au processus septique et le décollement du périoste (périostite) par le liquide
purulent peuvent entraîner une nécrose osseuse menant à la formation d’un séquestre. Ce processus de
transformation purulente crée une situation locale favorable à l’entretien de l’infection.
Le pronostic de l’ostéomyélite hématogène reste lié à la précocité du diagnostic et du traitement. En
effet, au stade initial (inflammatoire), le traitement antibiotique pourra rapidement éradiquer l’infection,
tandis qu’au stade tardif (de séquestration purulente), un geste chirurgical devra y être associé.
Classification
Au cours de ces dernières années, le visage de l’ostéomyélite s’est modifié. A côté de la classique
ostéomyélite aiguë de l’adolescent sont apparues une multitude de formes cliniques nouvelles.
Les infections osseuses par voie hématogène peuvent être classées en fonction des critères anatomiques,
anatomopathologiques ou évolutifs.
Classification anatomique
La localisation primitive de l’infection et l’évolution de la maladie dépendent de facteurs anatomiques
qui varient en fonction de l’âge et de la région intéressée. Chez l’enfant, la vascularisation épiphysaire et
la vascularisation métaphysaire sont séparées au niveau du cartilage de croissance qui formera
généralement une barrière empêchant la propagation de l’infection métaphysaire vers l’épiphyse et vers
l’articulation (Trueta 1959, Kahn et Pritzker 1973). La contamination de l’articulation se fera
néanmoins précocement si la métaphyse est intraarticulaire comme c’est le cas pour la métaphyse
proximale du fémur à la hanche et la métaphyse proximale du radius au coude. Ces deux localisations
entraînent donc généralement une arthrite septique.
Chez le nouveau-né, la séparation des réseaux vasculaires épiphysaires et métaphysaires n’est pas
établie et l’atteinte de l’épiphyse et de l’articulation sera la règle : c’est l’ostéoarthrite du nourrisson.
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L’atteinte primitive de l’épiphyse s’observe principalement dans les formes subaiguës de l’affection
(Green et al. 1981).
Récemment Kramer et al. (1986) et Gibson et al. (1991) ont attiré l’attention sur la possibilité
d’atteintes épiphysaires aiguës chez l’enfant.
OSTEOMYELITE
EPIPHYSITE
METAPHYSITE
PANDIAPHYSITE
OSTEOARTHRITE
Tableau : classification anatomique
Classification anatomopathologique
L’infection classique aiguë à germes banals aboutit rapidement à une nécrose purulente.
Certaines infections spécifiques et en particulier les infections à mycobactéries induisent une réaction
granulomateuse suivie de la nécrose caséeuse. Ce sont des ostéomyélites granulomateuses.
A partir des années 60, on a vu apparaître des ostéomyélites d’évolution larvée où le processus
inflammatoire s’arrêtait sans nécessairement évoluer vers la nécrose purulente (Rombouts et al. 1986).
Dans leur forme les plus caractéristiques, ces ostéomyélites subaiguës du petit enfant sont des
ostéomyélites inflammatoires non purulentes, mais il semble bien exister des formes de transition entre
l’ostéomyélite « purulente » et l’ostéomyélite subaiguë typique.
Il existe également des ostéomyélites non purulentes plurifocales (Giedion et al. 1972) et des
ostéomyélites chroniques non infectieuses (Bremner 1959, Mollan et al. 1984, Huaux et al. 1987).
Le caractère réactionnel des lésions osseuses semble démontré pour l’hyperostose sterno-costoclaviculaire, les ostéomyélites multifocales récidivantes de l’enfant et certaines complications
ostéoarticulaires de l’acné (Huaux et al. 1987).
Classification évolutive
A côté des formes classiques, l’ostéomyélite aiguë hématogène et les ostéomyélites chroniques
d’emblée, on observe de plus en plus souvent chez les jeunes enfants des formes subaiguës qui se
caractérisent par leur début insidieux, l’absence de signes généraux d’infection, une symptomatologie
atténuée avec peu de signes locaux et une évolution bénigne dans les cas typiques (Rombouts et al.
80
80
1986, Ezra et al. 1993).
La plupart de ces formes subaiguës n’évoluent donc pas vers la nécrose purulente bien que leur origine
infectieuse ne semble pas contestée.
OSTEOMYELITE AIGUE
SUBAIGUE
CHRONIQUE :
- secondaire
- d’emblée
Tableau : classification évolutive
5.6. L’ostéomyélite aiguë hématogène
L’ostéomyélite aiguë hématogène est une affection de l’enfant : dans la série récente de Faden et Grossi
(1991), l’âge moyen est de six ans.
Chez le nouveau-né, les conditions anatomiques font que le
processus infectieux intéresse quasi simultanément l’os et l’articulation.
C’est l’« ostéoarthrite du
nourrisson ». Il existe cependant des ostéomyélites néonatales (Bergdahl et al. 1985).
Pathogénie
L’ostéomyélite aiguë hématogène est la conséquence d’une bactériémie ou d’une septicémie. Le germe
atteint l’os par le torrent circulatoire.
L’artère nourricière se divise dans la cavité médullaire et se termine par de petites artérioles à proximité
du cartilage de croissance.
Au niveau de la cavité médullaire, les conditions sont favorables à la
phagocytose microbienne; par contre, au niveau de la métaphyse, un moindre nombre de cellules
réticulo-endothéliales et le ralentissement circulatoire permettraient plus facilement le développement
du germe.
Expérimentalement, l’injection intraveineuse de germes pathogènes n’induit pas à elle seule
régulièrement d’infections osseuses. La plupart des modèles expérimentaux font appel à un agent
focalisateur qui est soit un traumatisme chimique, soit l’injection dans l’artère nourricière de l’os d’un
corps étranger ou encore un traumatisme mécanique (Morrissy et Haynes 1989).
Le rôle des traumatismes fermés dans la genèse de l’ostéomyélite aiguë hématogène a été souligné dans
les années 20. Il est actuellement considéré comme secondaire voire inexistant.
Nous avons retrouvé dans la littérature quatre séries d’ostéomyélite ayant fait l’objet d’une analyse
81
81
d’antécédents traumatiques (Glimour 1962, Mollan et Piggot 1971, Dich et al. 1975, Glover et al.
1982). Si l’on globalise ces séries, l’incidence d’un antécédent traumatique est de l’ordre de 40 %. Dans
notre série (Rombouts-Godin 1989, Manche et al. 1991) plus d’une anamnèse sur trois mentionne un
antécédent traumatique.
L’incidence monte à 43 % si l’on exclut les enfants de moins d’un an et à 80 % si on ne considère que
les cas documentés par une anamnèse dirigée.
Bien que l’ostéomyélite aiguë hématogène survienne dans la majorité des cas en dehors de tout contexte
traumatique, les études cliniques et les données expérimentales suggèrent néanmoins qu’un traumatisme
peut avoir un rôle focalisateur.
Bactériologie
Le germe en cause est dans l’immense majorité des cas un staphylocoque doré. Le second germe est le
streptocoque du groupe A.
Chez le jeune enfant en dessous de 3 ans, il y a une incidence élevée d’Haemophilus influenza de type b
(Faden et Grossi 1991).
La prévalence de staphylocoque doré semble liée à la capacité de ce germe de synthétiser des
prostaglandines, médiateurs impliqués dans la destruction osseuse observée au cours de l’ostéomyélite
aiguë.
Dans de nombreux cas, une porte d’entrée peut être retrouvée : furoncle, plaie superficielle surinfectée,
ongle incarné, infection dentaire ou amygdalite. La localisation osseuse signe qu’il y a eu bactériémie.
Clinique
La présentation classique de l’ostéomyélite aiguë associe un syndrome septique (température, frissons,
altération de l’état général) et des douleurs locales (douleurs d’abcès).
La douleur locale voire une simple boiterie précède souvent le tableau septique. Il faut exclure une
pathologie ostéoarticulaire infectieuse chaque fois qu’un enfant présente une douleur ostéoarticulaire
aiguë ou une boiterie. Choban et Killian (1990) ont retrouvé 5 ostéomyélites et 6 arthrites septiques
dans une série de 60 enfants de moins de 7 ans montrés pour une anomalie de la marche; Taylor et
Clarke (1994) ont dénombré 21 infections ostéoarticulaires dans une série de 509 hanches irritables.
Dans les séries récentes (Faden et Grossi 1991), le diagnostic est établi avant l’apparition de
température dans près d’un tiers des cas. Ce tableau clinique s’observe principalement dans les pays
évolués, alors que dans les régions en voie de développement, la présentation classique reste fréquente
82
82
(Lauschke et Frey 1994).
Laboratoire
A la phase floride, les paramètres biologiques d’inflammation sont franchement élevés (VS, CRP, Alpha
2 globuline) et la leucocytose est majorée avec une formule de type neutrophilique.
En phase prodromique, la vitesse de sédimentation reste un indicateur sensible (Taylor et Clarke 1994).
L’hémoculture est positive dans plus de la moitié des cas.
Le diagnostic de certitude nécessite la mise en évidence du germe au niveau du foyer : le prélèvement
pourra être fait par ponction (Howard et al. 1994) ou par abord chirurgical.
La porte d’entrée du germe sera recherchée et des prélèvements bactériologiques effectués à son niveau.
Imagerie médicale
a) Radiologie
« La radiographie est en retard sur la clinique ».
Le premier signe radiologique correspond au
gonflement des tissus mous et est souvent une perte de définition de la limite radiologique entre les
tissus musculaires de densité aqueuse et les tissus graisseux de moindre densité.
Au niveau de l’os lui-même, le soulèvement périosté entraînera la formation d’os néoformé soulignant le
contour de l’os (après 2 à 3 jours). Une zone de raréfaction métaphysaire peut également être un signe
assez précoce. Ce n’est cependant qu’à la deuxième semaine qu’apparaîtront les lésions de destruction
osseuse sous forme d’une raréfaction de multiples foyers de destruction dont la forme « en carte
géographique » avec sinus de décharge et éventuellement présence d’os séquestré plus dense
permettront de la différencier des raréfactions de type dystrophique ou de la raréfaction perméative
d’origine tumorale. Ultérieurement, la reconstruction se manifeste par une apposition osseuse souspériostée.
b) Scintigraphie
La place des examens scintigraphiques dans le bilan d’un enfant suspect d’ostéomyélite est discutable.
La scintigraphie à l’aide d’un marqueur osseux identifié au technétium 99m montre une hyperfixation au
niveau des zones de formation osseuse et au niveau des zones hyperhémiques.
On pourrait donc s’attendre à ce qu’il y ait une hyperfixation au niveau des foyers d’ostéomyélite. Ce
n’est pas toujours le cas. La sensibilité est de l’ordre de 80 % (Tuson et al. 1994). Chez certains
enfants, en particulier ceux qui présentent une infection « fulminante » , l’os peut être hypovascularisé
83
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du fait de la thrombose septique d’artérioles : on aura dans ces cas une image « froide » voire normale.
Cette image « froide » est un signe de gravité qui fera considérer l’indication opératoire (Green et
Edwards 1987).
Le grand risque est de retarder le diagnostic à cause d’un examen qui n’est pas indispensable.
La
scintigraphie osseuse est indiquée lorsqu’il y a un doute sur la localisation de l’infection osseuse alors
que le diagnostic clinique paraît évident, principalement en cas d’infection vertébrale ou pelvienne.
Elle peut être indiquée pour rechercher des localisations multiples en particulier chez l’enfant jeune.
La scintigraphie au Gallium ou aux globules blancs marqués à l’Indium est plus spécifique, mais n’est
pas plus sensible. Elle peut être indiquée pour différencier un infarctus osseux d’une ostéomyélite chez
un enfant drépanocytaire par exemple.
c) Echographie
Récemment, Abernethy et al. (1993) et Howard et al. (1993) ont proposé d’utiliser l’échographie pour
rechercher les abcès sous-périostés. L’échographie pourrait s’avérer utile pour évaluer l’importance de
cet abcès et dès lors discuter l’opportunité d’un abord chirurgical.
d) Imagerie par résonance magnétique
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est d’utilisation exceptionnelle en pathologie infectieuse
orthopédique de l’enfant, pour des raisons d’accessibilité, de coût et surtout de la nécessité d’une
sédation profonde pour obtenir l’immobilité du petit enfant nécessaire à l’acquisition d’images de
qualité.
Elle a cependant sa place dans trois circonstances :
- l’identification d’un abcès métaphysaire après injection d’un produit de contraste paramagnétique
dans les cas cliniquement douteux d’ostéomyélite aiguë;
- pour orienter le diagnostic différentiel entre une infection osseuse et une lésion tumorale si la
radiographie standard est équivoque;
- permettre le diagnostic différentiel entre infarctus osseux et ostéomyélite chez les enfants
drépanocytaires.
Traitement
Les principes essentiels sont la mise en route d’urgence d’un traitement antibiotique actif contre le
germe en cause par voie générale pendant une période prolongée.
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a) L’urgence
Il s’agit d’une manifestation septicémique.
L’infection osseuse évolue rapidement. La formation
précoce de thrombi vasculaires et la séquestration d’os nécrotique rendront le traitement antibiotique
moins actif et rendront un geste chirurgical nécessaire. Il faut à tout prix éviter l’ouverture spontanée du
foyer vers l’extérieur (suppuration) qui ouvre la porte à la surinfection et à l’évolution vers la
chronicité.
L’importance de la mise en route d’un traitement précoce est clairement démontrée dans l’étude de
Vaughan et al. (1987).
b) Le traitement antibiotique
Il faut mettre en évidence le germe en cause de façon à pouvoir confirmer sa sensibilité à l’antibiotique
choisi. L’urgence impose cependant de commencer le traitement antibiotique avant que les examens
bactériologiques ne soient terminés (mais « bien sûr » après les prélèvements)
L’épidémiologie de
l’affection impose de choisir un antibiotique actif contre le staphylocoque doré qui est en cause dans
plus de 90 % des cas. Le staphylocoque doré est généralement résistant aux pénicillines G et V.
C’est pour cette raison que l’on choisira une pénicilline du groupe isoxasolyl par exemple l’oxacilline, la
cloxacilline, l’oxa-methicilline ou la dicloxacilline.
D’autres germes, en particulier le streptocoque du groupe A et l’Haemophilus influenza, se rencontrent
dans un petit pourcentage de cas; il y a donc lieu avant réception du diagnostic bactériologique
d’associer un antibiotique à plus large spectre. L’association de cloxacilline et l’ampicilline à haute dose
(100 mg/kg) garde notre préférence. Chez le jeune enfant, la prévalence de l’Haemophilus influenza fait
choisir la céfuroxime.
Dès réception du résultat de l’examen bactériologique, le traitement antibiotique sera adapté en tenant
compte des impératifs suivants :
- le germe doit être sensible à l’antibiotique prescrit,
- il faut préférer un antibiotique auquel les résistances acquises sont rares,
-les antibiotiques bactéricides seront préférés aux bactériostatiques,
- l’antibiotique doit être peu toxique car un traitement prolongé est nécessaire.
Le traitement antibiotique sera administré par voie intraveineuse jusqu’à disparition des manifestations
septiques générales et des signes d’inflammation locaux. Le traitement sera ensuite poursuivi par voie
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orale. La durée du traitement antibiotique reste discutée. Il paraît nécessaire d’administrer l’antibiotique
au moins jusqu’à normalisation de la vitesse de sédimentation. En pratique, il paraît raisonnable de
prolonger le traitement pendant 1 mois, en l’absence de lésion radiologique, et pendant 3 à 4 mois, s’il y
a eu des lésions radiologiquement visibles.
c) L’identification de germe et l’indication opératoire
L’ostéomyélite est la manifestation locale d’une septicémie : le germe peut donc être identifié par
hémoculture.
Dans les cas vus à un stade très précoce, le traitement peut être commencé avant que n’apparaissent
des lésions locales et la formation de pus. Cependant, il a été démontré expérimentalement que la
bactérie injectée par voie intraveineuse se fixe localement et prolifère dans les veines métaphysaires de
l’os dans les heures qui suivent l’inoculation. Il est donc logique de rechercher à identifier le germe au
niveau du foyer. La simple ponction paraît licite à un stade précoce et en particulier chez le nourrisson.
L’échographie peut aider à orienter la ponction.
La découverte d’une quantité significative de pus franc à la ponction justifie son évacuation chirurgicale
(cfr. protocole thérapeutique de Tunis) (Scott et al. 1990).
De même, lorsqu’il existe des lésions radiologiquement visibles signant la formation d’un abcès, il faut
intervenir : la métaphyse atteinte sera abordée suivant les règles habituelles de la chirurgie orthopédique
(Harris 1962, Mollan et Piggot 1972).
Les tissus nécrotiques ou purulents seront évacués et l’os sera cureté, en prenant bien soin de ne pas
léser le cartilage de croissance.
Après prélèvement bactériologique, la cavité est rincée avec une solution physiologique ou avec une
solution d’antibiotique. Le périoste est refermé sur un drainage aspiratif qui sera laissé en place trois à
six jours. Les tissus sous-cutanés et la peau sont soigneusement suturés. La simple incision de l’abcès
est formellement contre-indiquée, car elle apporte un drainage insuffisant et ouvre la porte aux
surinfections. La nécessité de trépaner l’os est admise depuis le début du siècle (Levoeuf 1937). Les
résections osseuses sous-périostées, proposées au siècle passé en cas de pandiaphysite et bien
codifiées par Levoeuf, ne paraissent plus guère avoir d’indications depuis l’utilisation d’antibiotiques
actifs. Chez l’enfant, les possibilités de reconstruction et de réincorporation de l’os apparemment
séquestré sont grandes.
La place de l’intervention chirurgicale dans le traitement de l’ostéomyélite aiguë hématogène se réduit
progressivement. Dans les séries anciennes 50 (Dich et al. 1975) à 70 % (Mollan et Piggot 1977) des
86
86
enfants ont dû être opérés. Cole et al. en 1982, ayant opté pour une évacuation systématique des abcès
sous-périostés démontrés, ont opéré 22 % de leurs patients. LaMont et al. (1987) ont comparé une
série du début des années 70 à une série plus récente. Dans leur première série, 8 patients sur 69 ont dû
être opérés, tandis que dans la série récente, il n’y en a que 3 sur 44. Ils attribuent cette diminution des
indications opératoires à un diagnostic plus précoce.
d) Les gestes complémentaires
La prévention antitétanique sera administrée. L’immobilisation plâtrée est un geste complémentaire
important qui a non seulement un effet antalgique, mais également un effet anti-inflammatoire et
prévient l’installation d’attitudes antalgiques génératrices de raideur articulaire.
Evolution
Correctement traitée à un stade précoce, l’ostéomyélite aiguë hématogène guérit avec des séquelles
mineures. Si l’infection respecte le cartilage de croissance, la croissance osseuse n’est pas perturbée, si
ce n’est que l’hyperhémie inflammatoire peut entraîner une accélération de la croissance en longueur
qui excédera rarement 1 à 2 centimètres.
La destruction du cartilage de croissance, ou d’une partie de celui-ci, est une complication redoutable qui
entraîne des troubles de la croissance osseuse particulièrement difficiles à traiter.
L’évolution vers l’ostéomyélite chronique est devenue rare et est généralement la conséquence d’un
traitement inadéquat ou débuté tardivement.
5.7. L’ostéomyélite subaiguë chez le jeune enfant
L’ostéomyélite subaiguë du jeune enfant est une entité nosologique actuellement bien définie
cliniquement et radiologiquement (Rombouts et al. 1986, Ezra et al. 1993).
Elle se distingue de
l’ostéomyélite aiguë hématogène par son début insidieux, l’absence de signes généraux d’infection, une
symptomatologie atténuée avec peu de signes locaux et par son évolution bénigne dans les cas typiques.
Cette forme d’ostéomyélite est de description assez récente.
La spondylodiscite bénigne du petit enfant a été bien décrite par Spiegel et al. dès 1972 (Rombouts et
al. 1981, Ryöppi et al. 1993). Bryson en 1962 et Harris et Kirkaldy-Willis en 1965 ont signalé
l’existence en Afrique d’une forme d’ostéomyélite évoluant de façon torpide sans signe général
87
87
d’infection. Elle est parfois appelée ostéomyélite pseudotumorale.
L’ostéomyélite subaiguë du petit enfant a ensuite été décrite en Nouvelle-Zélande (King et Mayo
1969), puis en Grande-Bretagne (Antoniou et Conner 1974, Andrew et Porter 1985), en Amérique du
Nord (Gledhill 1973, Green et al. 1981, Bogoch et al. 1984), en Australie (Ross et Cole 1985), en
Europe Continentale (Rombouts et al. 1986, Sorensen et al. 1988, Larivière et Seringe 1989) et
récemment au Proche Orient (Ezra et al. 1993).
Elle se localise non seulement au niveau des métaphyses et des diaphyses des os longs, mais également
au niveau des épiphyses. La lésion peut traverser le cartilage de conjugaison sans entraîner de trouble
de croissance. Depuis Gledhill (1973), la plupart des auteurs considèrent qu’il s’agit d’une infection
par voie hématogène qui évolue de façon bénigne du fait du caractère peu pathogène du germe ou des
bonnes défenses immunitaires de l’hôte.
Classification
La classification de Gledhill (1973) modifiée par Roberts et al. (1982) différencie les lésions
épiphysaires, métaphysaires, diaphysaires et les spondylodiscites. Il faut en outre individualiser les
formes épiphysométaphysaires et l’atteinte des os courts.
Anatomie pathologique
a) Spondylodiscite bénigne du petit enfant
Des biopsies à l’aiguille ou à foyer ouvert ont été réalisées par Spiegel et al. (15), par Ryöppy et al.
(16) et nous-mêmes. Dans la majorité des cas, l’examen histologique révèle une image inflammatoire
aspécifique subaiguë ou chronique (19/32), parfois des tissus de granulation (1/32), exceptionnellement
des lésions de type dégénératif (1/32), voire ischémique (1/32). Dans un tiers des cas (10/32), l’aspect
histologique était normal.
b) Ostéomyélite subaiguë
La biopsie des lésions épiphysaires démontre des tissus de granulation sans nécrose purulente (Green
et al. 1981), si ce n’est dans deux des trois cas de Sorensen (1988).
Les deux lésions
épiphysométaphysaires biopsiées par Bogoch et al. (1984) montraient du tissu fibreux infiltré par des
lymphocytes, des neutrophiles, des plasmocytes et des fragments d’os nécrosé et d’os nouveau.
L’aspect était compatible avec une inflammation chronique et une infection.
Les autres auteurs (King et Mayo 1969, Skevis 1984, Eska et al. 1993) considèrent l’aspect
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88
microscopique comme aspécifique évoquant parfois une infection chronique, une inflammation
chronique ou encore du tissu de granulation.
Bactériologie
a) Spondylodiscite bénigne du petit enfant
Spiegel et al. (1992) ont identifié 4 germes sur 15 prélèvements (une moraxella, un staphylocoque doré,
un pneumocoque et une fois l’association d’un diphtéroïde et d’un microcoque).
Les trois prélèvements que nous avons faits sont restés stériles et actuellement, nous ne pratiquons
plus de recherche bactériologique lorsque le tableau clinique est typique (Rombouts et al. 1986).
Ryöppy et al. (1993) ont exclu de leur série de 22 patients les quatre cas dont la culture a démontré la
présence de germes (2 staphylocoques dorés, un acinétobacter et une moraxella).
b) Ostéomyélite subaiguë
Les recherches bactériologiques dont les résultats sont rapportés dans 76 cas ont permis d’isoler des
germes dans 21 cas. Il s’agit de staphylocoques dorés dans la plupart des cas dont 3 cas de localisation
épiphysaire (Green 1981, Sorensen 1988). Notre expérience ne nous permet pas de confirmer ce rôle
prépondérant du staphylocoque doré. Nous avons isolé, parmi sept prélèvements, un pneumocoque au
niveau d’une lésion épiphysométaphysaire tibiale et une kingella Kingae (moraxella) au niveau d’un
calcanéum. Une Kingella a également été isolée par Lindebaum et Alexander (1984).
Le Kingella Kingae (moraxella) que l’on retrouve donc quatre fois dans cette revue de la littérature est un
coccobacille gram négatif immobile aérobie, partiellement anaérobie, à croissance lente et fastidieuse,
faisant partie de la famille des Neisseriacae dont le rôle pathogène reste discuté. Une bonne vingtaine
d’ostéomyélites à Kingella ont été décrites.
Elles se caractérisent par leur pronostic favorable
(Verbruggen et al. 1986).
Diagnostic différentiel
Le diagnostic de spondylodiscite bénigne du petit enfant et le diagnostic d’ostéomyélite subaiguë
reposent sur un ensemble d’éléments cliniques biologiques et radiologiques.
L’ostéomyélite subaiguë se caractérise cliniquement par son début insidieux sans signes généraux
d’infection. L’enfant refuse de marcher, de prendre appui sur son membre inférieur, boite ou évite
d’utiliser son membre supérieur. Les symptômes douloureux sont modérés, parfois absents. Il n’y a
pas de signes locaux. L’image radiologique est caractéristique. L’atteinte épiphysaire se caractérise par
une lacune bien circonscrite qui peut ne pas respecter la corticale. La localisation métaphysaire
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correspond à un aspect radiologique typique d’ostéomyélite. Cette lésion peut traverser le cartilage de
croissance.
La biologie révèle une accélération de la vitesse de sédimentation globulaire. Celle-ci est modérée. La
leucocytose est normale ou très modérément majorée. Les hémocultures sont de règle stériles.
Le diagnostic différentiel doit essentiellement se faire avec une lésion tumorale : granulome éosinophile,
sarcome ostéogénique, ostéome ostéoïde, sarcome d’Ewing, chondroblastome (Roberts et al. 1982,
Lindenbaum et Alexander 1984, Sorensen et al. 1988). L’imagerie en résonance magnétique (IRM),
éventuellement avec injection d’un produit de contraste paramagnétique, est indiquée si la radiographie
standard est équivoque.
Traitement
Que ce soit dans la spondylodiscite bénigne du petit enfant (Ryöppy et al. 1993) ou dans
l’ostéomyélite subaiguë du squelette périphérique (Ezra et al. 1993), l’abord chirurgical n’est indiqué
que s’il y a un doute majeur sur le diagnostic au terme d’une période d’observation raisonnable.
La ponction du foyer est un geste moins agressif que l’abord chirurgical qui donne autant de chance
d’identifier le germe. Celle-ci est recommandée dans les formes atypiques qui s’accompagnent d’une
majoration de la vitesse de sédimentation et de la leucocytose.
Les auteurs classiques recommandent l’administration d’un antibiotique antistaphylococcique (Green et
al. 1981). Ross et Cole (1985) recommandent l’administration de cloxacilline et de benzylpénicilline
par voie intraveineuse pendant 48 heures, suivie de l’administration per os de cloxacilline et de
l’immobilisation relative à domicile pendant six semaines.
Dans les cas bactériologiquement stériles, on peut s’interroger sur l’opportunité de traiter cette
affection bénigne. Un cas de notre série n’a pas reçu d’antibiotique et a évolué favorablement.
En matière de spondylodiscite bénigne du petit, plusieurs auteurs (Spiegel et al. 1972 et Ryöppy et al.
1993) recommandent de n’entreprendre le traitement antibiotique que si le patient ne répond pas à
l’immobilisation ou s’il présente des signes généraux d’infection ou si les prélèvements bactériologiques
démontrent le développement du germe.
Si cette attitude abstentionniste peut être recommandée en cas de spondylodiscite, il semble prématuré
de la proposer en cas d’atteinte périphérique.
Les ostéomyélites subaiguës, qui sont de mieux en mieux caractérisées, restent néanmoins hétérogènes.
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Il y a des lésions inflammatoires aseptiques qui ne nécessitent pas de traitement antibiotique, des
lésions à germes peu virulents dont l’évolution vers la guérison est accélérée par le traitement
antibiotique et surtout, principalement dans les séries anciennes des formes « larvées » ou
« décapitées » d’ostéomyélite à staphylocoque doré qui nécessitent un traitement (Bogoch et al. 1982,
Lindenbaum et Alexander 1984).
Nous prescrivons systématiquement un anti-inflammatoire non-stéroïdien.
En effet, le rôle des
prostaglandines dans les processus de résorption et de reconstruction osseuse est établi (Bennett et
Harvey 1981) et les expériences de Dekel et Francis montrent chez le lapin une limitation de l’ostéolyse
infectieuse lorsque l’on administre du salicylate sodique.
5.8. Les ostéomyélites chroniques
L’ostéomyélite chronique est presque toujours la séquelle d’une ostéomyélite aiguë qui a été traitée
tardivement ou qui n’a pas répondu au traitement parce qu’il s’agissait de germes résistants à
l’antibiotique administré ou parce qu’il y avait déjà une nécrose purulente étendue au moment de sa
mise en route. Les germes en cause sont les mêmes que dans l’ostéomyélite aiguë, mais en cas de
suppuration chronique, il peut y avoir surinfection par des germes comme le pseudomonas
pyocyaneus.
L’ostéomyélite chronique d’emblée existe-t-elle ? Deux éponymes sont d’emblée évoqués lorsque l’on
pose cette question : Brodie et Garré. Récemment, Jani et Remagen de Bâle (1983) ont tenté de définir
ce qu’ils appellent « l’ostéomyélite chronique primaire ».
L’abcès de Brodie
En 1832, Benjamin Brodie a décrit l’abcès chronique de l’os qui porte son nom (Stephens et McAuley
1988).
Il s’agit typiquement de la conséquence d’une nécrose purulente localisée, enkystée,
consécutive à une métaphysite aiguë chez un sujet qui se « défend bien ». L’abcès peut entraîner des
douleurs « ostéocopes » ou rester peu symptomatique. Dans la description originale, les symptômes
d’évolution sont bruyants (gonflement - douleurs). Il s’agit donc plutôt d’un stade évolutif de
l’ostéomyélite aiguë susceptible d’évoluer vers la chronicité en l’absence de traitement chirurgical.
Suivant l’importance de la lésion, la simple trépanation, son exérèse ou son exérèse suivie d’un
plombage (Mouset et al. 1993) apporteront régulièrement la guérison.
Dans certains cas, la cavité ne contient pas ou plus de tissu franchement purulent, mais un liquide riche
91
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en protéine.
Les auteurs allemands (Jani et Remage, 1983) parlent alors « d’ostéomyélite
albumineuse » ou « d’ostéomyélite plasmocellulaire ». S’agit-il d’une entité nosologique spécifique ?
Nous pensons qu’il existe un échelonnement de gravité entre l’abcès métaphysaire aigu, l’ostéomyélite
subaiguë et l’ostéomyélite chronique primaire qui dépend de la virulence du germe et de la qualité des
défenses de l’hôte.
L’abcès de Brodie est défini par son aspect radiologique quelle que soit son agressivité.
L’ostéomyélite sclérosante chronique de Garré
En 1893, Garré a décrit une forme d’ostéomyélite chronique d’emblée caractérisée par un
« épaississement » osseux n’évoluant pas vers la suppuration, la séquestration ou la fistulisation. Il
s’agit d’une description purement clinique.
Parmi les cas d’ostéomyélite sclérosante publiés au cours de la première moitié de ce siècle, il y a
certainement plusieurs diagnostics erronés et en particulier des cas d’ostéomes ostéoïdes ignorés
(Collert et Isacson 1982).
En 1982, Collert et Isacson de Stockholm ont revu une série de 8 patients collectée en 20 ans et
répondant aux critères suivants :
1) diagnostic histologique d’ostéomyélite chronique non suppurée
2) densification osseuse à la radiographie.
La culture aérobie s’est avérée négative dans tous les cas. Une recherche d’anaérobes a été faite dans un
des deux cas seulement avec développement d’une Propionebacterium acnes dans un cas. Ces patients
ont été traités chirurgicalement et ont reçu des antibiotiques. Leur évolution ne semble pas avoir été
modifiée de façon notoire par le traitement.
Ces auteurs sont convaincus que l’ostéomyélite sclérosante de Garré est une entité clinique définie dont
l’étiologie pourrait être une infection chronique par un germe anaérobie peu virulent.
La lecture critique de leur article suggère que certaines de leurs observations et en particulier les cas 1 et
2 avec localisation claviculaire rentrent dans le cadre des ostéomyélites chroniques récidivantes. Il n’est
donc pas sûr que l’ostéomyélite sclérosante de Garré puisse être isolée des ostéomyélites chroniques
récidivantes.
5.9. Les ostéomyélites chroniques récidivantes
Il s’agit d’un groupe d’affections qui se rapprochent probablement des spondylo-arthropathies
réactionnelles aux infections génito-urinaires (Chlamydia) et digestives (Yersinia, Campylobacter,
Shigella, etc.).
L’hyperostose sterno-costo-claviculaire et l’ostéomyélite récidivante multifocale de l’enfant sont les
deux tableaux qui méritent d’être décrits ici (à titre d’information).
L’hyperostose sterno-costo-claviculaire
L’hyperostose sterno-costo-claviculaire a été décrite dès la fin des années 50 (Bremner 1959). Elle se
caractérise par une « hyperossification » du sternum, des clavicules et des premières côtes associée à un
gonflement des tissus mous adjacents.
Cliniquement, les patients se plaignent de douleur, de gonflement et de chaleur au niveau de
92
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l’articulation sterno-claviculaire. Les symptômes peuvent être aggravés par le froid et par l’exercice
physique.
La biologie se caractérise généralement par une accélération de la vitesse de sédimentation, une élévation
du titre de la protéine C Réactive et une leucocytose.
L’aspect radiologique est typique avec une densification de l’extrémité proximale de la clavicule,
entourée d’appositions périostées. Il peut y avoir des lésions érosives de l’articulation sternoclaviculaire.
L’aspect histologique évoque une ostéomyélite chronique (Reznik et al. 1981). Les cultures
bactériologiques restent typiquement négatives. Cependant, Mollan et al. (1984) ont isolé un
staphylocoque doré dans un cas d’atteinte bilatérale chez une jeune fille de 14 ans. L’affection peut être
associée à des lésions de pustulose palmoplantaire.
Elle évolue par poussées, avec des phases de rémission. La prescription d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens a un effet favorable sur les symptômes, mais il n’a pas encore été possible d’établir s’ils
avaient une efficacité sur l’évolution de la maladie.
Divers antibiotiques ont été essayés avec des bénéfices variables.
L’ostéomyélite récidivante multifocale de l’enfant
L’ostéomyélite chronique symétrique récidivante de l’enfant a été décrite par Giedion et al. en 1972. Sa
pathologie a été bien étudiée par Björksten et Boquist en 1980. Nous en avons observé trois cas. Des
observations isolées continuent à être publiées (Jurik et al. 1988). Récemment, Carr et al. ont revu une
série de 22 patients (1993).
Il s’agit d’enfants de 4 à 14 ans qui présentent des gonflements inflammatoires douloureux des régions
métaphysaires associés à une altération de l’état général. Les lésions peuvent être ou ne pas être
symétriques. La fille est plus souvent atteinte que le garçon.
L’image radiologique est typique : remaniements métaphysaires ostéolytiques avec réaction périostée
de voisinage. La vitesse de sédimentation est accélérée et la leucocytose majorée.
Ce tableau suggère le diagnostic d’ostéomyélite, mais les cultures restent négatives. La biopsie démontre
la présence de tissu de granulation inflammatoire chronique et de tissus osseux néoformés réactionnels à
côté de petits séquestres osseux. Il y a de nombreux polynucléaires. L’évolution se fait par poussées.
Un traitement antibiotique peut avoir un effet favorable en quelques semaines.
5.10. Les infections à germes rares
L’ostéomyélite aiguë hématogène qui a été décrite correspond à la localisation osseuse d’une infection à
pyogènes (germes banals). Dans l’ostéomyélite subaiguë et dans l’ostéomyélite chronique, le facteur
étiologique est moins univoque et l’importance de la réaction immunitaire semble déterminante.
Il reste à décrire certaines infections spécifiques.
La tuberculose
L’ostéomyélite tuberculeuse existe, mais elle est rare. La majorité des cas sont localisés au niveau des
petits os de la main et du pied, mais tous les os peuvent être atteints (côtes, sternum, métaphyse des os
longs).
L’aspect radiologique n’a rien de caractéristique. Le diagnostic est généralement basé sur l’examen
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histologique qui démontre la présence de lésions granulomateuses typiques.
Le traitement a longtemps comporté un geste chirurgical, mais Versfeld et Salomon (1982) ont démontré
que la chimiothérapie seule pouvait guérir l’ostéomyélite tuberculeuse.
Les mycobactéries atypiques
Bien que le rôle pathogène des mycobactéries atypiques soit reconnu depuis le début des années 50, il
n’y a dans la littérature que quelques observations d’ostéomyélite à mycobactéries atypiques chez
l’enfant immunocompétent.
L’observation de Pedersen et al. (1988) concerne une ostéomyélite épiphysaire fémorale inférieure à
Mycobacterium avium chez un enfant de 5 ans. L’évolution favorable de cette lésion unique contraste
avec la gravité des localisations multifocales qui sont généralement fatales chez l’enfant (Jenkin and Dall
1975).
Récemment, l’équipe de Genève (Hofer et al. 1993) a publié l’observation d’un jeune Africain
présentant des lésions ostéoarticulaires multifocales avec comme porte d’entrée supposée une morsure
de serpent à la jambe. Il s’agirait d’un Mycobacterium ulcerans. L’évolution fut longue, mais les lésions
osseuses répondirent finalement à l’association de Co-trimoxazole, de rifampicine et d’éthambutol.
Les autres mycobactéries responsables d’infections osseuses sont le Mycobacterium terrae et le
Mycobacterium cheloneae.
Il paraît capital d’identifier adéquatement la mycobactérie atypique car, à l’exception du
Mycobacterium kansanii, ces germes sont résistants à la chimiothérapie antituberculeuse classique et le
traitement nécessite une antibiothérapie spécifique (Wallace et al. 1992, Hofer et al. 1993).
Les Salmonella
Les infections digestives à Salmonella sont extrêmement fréquentes, mais les localisations osseuses sont
relativement rares. Ce sont les enfants atteints d’anémie à cellules falciformes qui sont particulièrement
sensibles à ces infections osseuses (HbSS, HbSF, HbSC et HbSB-Thal, Piehl et al. 1993). Les atteintes
multifocales se voient chez ces enfants, tandis que chez l’individu sain, c’est la localisation vertébrale
qui prédomine.
Chez les enfants drépanocytaires, il faut faire le diagnostic différentiel entre ces ostéomyélites et les
infarctus osseux aseptiques. Ceux-ci peuvent d’ailleurs se surinfecter. Le traitement médical par un
antibiotique actif contre le germe en cause est généralement suffisant, mais il peut être nécessaire
d’évacuer les collections purulentes trop volumineuses.
EN BREF
Le pronostic des infections ostéoarticulaires chez l’enfant est lié à la précocité d’un diagnostic
bactériologique complet et à la mise en route d’un traitement adéquat.
Le diagnostic nécessite un prélèvement au niveau de l’organe atteint qui se fera par ponction du pus par
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abord chirurgical.
Au niveau des articulations, la ponction est généralement un geste suffisant. Au niveau de l’os, elle
n’est licite qu’au stade précoce. La métaphyse peut être ponctionnée chez le nouveau-né. Les lésions
osseuses centrales du grand enfant devront être abordées chirurgicalement.
Les prélèvements bactériologiques au niveau du sang circulant (hémoculture) sont importants surtout
dans les cas vus précocement.
Le germe en cause est le plus souvent un staphylocoque doré : il importe donc de choisir comme
premier traitement au moins un antibiotique actif contre le microbe dont la majorité des souches sont
actuellement résistantes à la pénicilline et à l’ampicilline.
Le traitement antibiotique choisi en fonction du résultat de l’examen bactériologique doit être administré
par voie parentérale à dose suffisante. Le traitement antibiotique doit être poursuivi au moins jusqu’à
normalisation de la vitesse de sédimentation.
Pour éviter les réactivations, il est recommandé de poursuivre ce traitement trois à six mois.
Pour ce qui concerne les articulations, l’évacuation du liquide purulent est nécessaire. Elle se fera au
début par ponctions évacuatrices quotidiennes. En l’absence de réponse rapide au traitement
conservateur, la décision d’intervenir chirurgicalement doit être prise.
Le délai d’attente ne peut
dépasser deux jours. L’indication opératoire sera particulièrement précoce en cas d’ostéoarthrite de la
hanche chez le nourrisson vu le pronostic particulièrement sévère de cette localisation. Un traitement
tardif ou inadéquat expose à des destructions ostéoarticulaires qui compromettront la croissance et la
fonction articulaire. La suppuration risque d’entraîner des surinfections dont le traitement est
particulièrement long et difficile.
6. La neuro-orthopédie
Le diagnostic et le traitement des affections neurologiques de l’enfant nécessitent une approche
pluridisciplinaire.
Le chirurgien orthopédiste a un rôle de dépistage. Il a également un rôle préventif des déformations et
un rôle dans le traitement. En effet, le déséquilibre musculaire entraîne des troubles de croissance dont
les conséquences peuvent être graves :
- scoliose neurologique,
- bassin oblique,
- luxation de hanche d’origine neurologique,
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- pied varus équin neurologique,
- pied creux neurologique,
- etc.
Certaines de ces déformations peuvent être prévenues par une prise en charge adéquate.
En cas de spasticité ou de paralysie, le déséquilibre musculaire pourra être corrigé par des allongements,
des ténotomies voire des transferts tendineux.
6.1.Le dépistage
Un examen du développement psychomoteur à chaque consultation :
- tiré-assis à trois mois,
- assis à 8-9 mois.
Ne pas banaliser :
- les retards de la marche,
- l’équin du petit garçon (myopathie),
- le pied creux (neuropathie périphérique),
- la scoliose douloureuse.
6.2. Le déséquilibre musculaire
DESEQUILIBRE MUSCULAIRE
Í
ATTITUDE VICIEUSE
Í
VICE ARCHITECTURAL
Chez un enfant atteint d’infirmité motrice cérébrale, la correction d’une attitude vicieuse en adduction
peut aider à prévenir l’évolution vers la luxation d’origine neurologique.
6.3. Le traitement des déformations installées
- arthrodèse pour scoliose,
- transfert tendineux ou arthrodèse pour pied varus équin (apport de l’analyse de la marche),
- ostéotomie de varisation, raccourcissement en cas de luxation de la hanche installée.
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6.4. Les affections neuromusculaires et leurs problèmes orthopédiques
Paralysie obstétricale :
- forme habituelle = paralysie des racines hautes C5-C6 = paralysie des rotateurs externes,
- indication fréquente de transferts tendineux ou d’ostéotomie de dérotation de l’humérus pour rendre la
rotation externe et corriger le signe de la trompette.
- indication exceptionnelle d’intervention directe sur le plexus brachial vers l’âge de trois mois (nonrécupération du biceps à cet âge).
Myopathies :
- penser aux myopathies en cas de pied équin, d’hypertrophie des mollets, de difficulté à se relever
(signe de Gowers),
- risque de dégradation de la force suite à l’immobilisation en cas de chirurgie,
- indications opératoires rares (pied équin, scoliose).
Infirmité motrice cérébrale : (un énorme chapitre...)
- Classification topographique :
diplégie,
hémiplégie,
atteinte globale.
- Classification physiologique :
athétose,
ataxie,
spasticité,
mixte.
- Dépistage :
commémoratif de pathologie périnatale,
persistance de réflexes primitifs.
- Traitement de la spasticité :
toxine botulinique,
rhizotomie postérieure (encore expérimentale),
allongements tendineux.....
- Objectifs de traitement en fonction de la gravité de l’atteinte :
améliorer la marche de l’enfant qui est capable de marcher : intérêt de l’analyse de la marche,
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97
maintenir la station assise : stabilisation des scolioses,
prévenir les luxations de hanche douloureuses chez l’enfant qui ne marche pas.
Poliomyélite :
- paralysie motrice pure,
- déséquilibres musculaires variés,
- indications fréquentes de transferts tendineux.
Séquelles de méningomyélocèle ouverte :
- atteinte sensitivomotrice (risque d’escarres),
- problèmes associés fréquents (hydrocéphalie, incontinences urinaire et fécale).
CHAPITRE V : L’ARTHROSE
Traitement chirurgical
I. Introduction
II. Généralités à propos du traitement chirurgical des destructions articulaires d’origine arthrosique
A. Le rôle du chirurgien orthopédiste dans la prévention de l’arthrose
B. L’arsenal thérapeutique chirurgical des lésions établies
III. Etude analytique du traitement chirurgical des localisations arthrosiques
L’arthrose des articulations des membres
L’arthrose du rachis
IV. Conclusion
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I. Introduction
« Les arthroses sont des arthropathies chroniques dont les lésions anatomiques consistent
principalement en altérations destructrices des cartilages ou des fibrocartilages articulaires, associées à
des lésions prolifératives du tissu osseux sous-jacent, tandis que la synoviale ne présente que des
lésions d’inflammation chronique inconstantes et secondaires » (de Sèze & Ryckewaert, 1954).
La destruction « pathologique » du cartilage articulaire peut être liée soit à un défaut intrinsèque ou
induit de la résistance mécanique de celui-ci, soit à des surcharges mécaniques aiguës ou chroniques
anormales, soit à une combinaison de deux éléments, la lésion étant secondaire à un défaut de résistance
d’un cartilage donné à la charge appliquée.
Du point de vue du chirurgien, il est important de distinguer les arthroses dites « primitives » des
arthroses secondaires.
Les arthroses dites primitives sont caractérisées par l’usure anormale d’un cartilage articulaire
normalement sollicité. Cette usure anormale peut être liée à une pathologie intrinsèque ou secondaire du
cartilage lui-même.
Les arthroses « secondaires » sont liées à des sollicitations anormales du cartilage articulaire du fait de
défauts architecturaux congénitaux ou acquis du système locomoteur. Certaines arthroses posttraumatiques peuvent se rapprocher des arthroses primitives si la lésion induite par le traumatisme n’a
lésé que le cartilage articulaire et l’os sous-chondral (p. ex. la chondropathie rotulienne postcontusive
peut mener à l’arthrose). Par contre, si la surcharge articulaire est liée à une déviation axiale due à la
mauvaise réduction d’une fracture par exemple, la dégénérescence articulaire entraînée par le
traumatisme relèvera d’un mécanisme analogue à celui des arthroses secondaires.
En matière de résistance mécanique du cartilage articulaire et de construction du système locomoteur,
les limites du normal et du pathologique sont peu précises. Il est également difficile de définir des règles
de normalité pour ce qui concerne les sollicitations mécaniques des surfaces cartilagineuses. Cette
séparation des arthroses primitives des arthroses secondaires a donc un caractère relatif, mais elle est
nécessaire pour permettre une approche rationnelle du traitement chirurgical de la maladie arthrosique.
II. Généralités à propos du traitement chirurgical des destructions articulaires
d’origine arthrosique
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Le traitement chirurgical de l’arthrose couvre un large éventail de la pratique du chirurgien orthopédiste.
Celui-ci a également un rôle dans la prévention de son apparition.
A. Le rôle du chirurgien orthopédiste dans la prévention de l’arthrose
1. L’immobilisation articulaire prive le cartilage des mouvements du liquide synovial qui participe à sa
nutrition. Elle doit donc être évitée ou réduite dans la mesure du possible. Les épanchements sanguins
(hémarthroses), inflammatoires (hyarthroses) ou purulents (pyarthroses) modifient les propriétés
physico-chimiques du liquide synovial et entraînent des lésions du cartilage articulaire. L’évacuation de
ces épanchements est donc souhaitable.
2. En traumatologie, la reconstruction d’une morphologie articulaire normale sera le but du traitement
des fractures articulaires. Elle ne pourra souvent être obtenue que par une ostéosynthèse. Les fractures
épiphysaires déplacées constituent donc des indications opératoires fréquentes. Le traitement des
fractures extra-articulaires devra aboutir à une restitution des axes mécaniques.
3. L’orthopédie infantile a un rôle cardinal dans la prévention des arthroses secondaires, liées à des
anomalies articulaires ou osseuses congénitales ou « développementales ». L’exemple le plus typique
est la prévention et le traitement de la maladie luxante de la hanche. Un traitement incomplet peut
aboutir à une hanche dysplasique (par défaut de couverture cotyloïdienne). La dysplasie de hanche
entraîne une diminution des surfaces articulaires et partant, une surcharge de la zone portante du cotyle
et de la tête fémorale. La correction des dysplasies de hanche s’impose pendant la croissance.
B. L’arsenal thérapeutique chirurgical des lésions établies
La diversité des techniques chirurgicales utilisées dans le traitement de l’arthrose est grande et toutes les
techniques ne pourront être citées.
Il faut distinguer les interventions à visée pathogénique des
interventions palliatives.
1. Les interventions à visée pathogénique
Elles ont pour objectif de stabiliser les lésions, voire de favoriser la régénération articulaire, et d’assurer
l’indolence. Elles agissent par des modifications biomécaniques ou par un effet « vasculaire » favorisant
le remodelage articulaire.
• Les modifications biomécaniques
- Il s’agit essentiellement des ostéotomies de correction axiale qui peuvent non seulement améliorer la
répartition des contraintes du cartilage articulaire, mais également augmenter les surfaces articulaires
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utiles (d’où une diminution des charges par unité de surface).
- D’autres opérations, comme la butée ostéoplastique ou l’ostéotomie d’agrandissement du cotyle
(Chiari) ou les ostéotomies de réorientation du cotyle (Ganz), en cas de coxarthrose sur dysplasie
cotyloïdienne, ont pour effet une augmentation des zones portantes.
- Les ténotomies (opération de Voss) limitent dans une certaine mesure les contraintes articulaires; ces
ténotomies ne sont plus guère pratiquées.
• L’effet vasculaire
On s’explique moins bien l’effet antalgique et parfois la régénération articulaire observée après des
opérations comme les forages osseux et les ostéotomies juxta-articulaires sans correction axiale. Elles
agissent probablement par une réduction de la pression veineuse intraosseuse qui est augmentée en cas
d’arthrose et par un effet « hyperhémique ».
Une opération comme l’ostéotomie intertrochantérienne de translation interne de Mac Murray associe
cet effet vasculaire à une certaine détente musculaire.
2. Les interventions palliatives
Il s’agit des interventions de dénervation articulaire, des arthroplasties et des arthrodèses.
• Les interventions de dénervation articulaire restent utilisées au niveau du poignet. La neurectomie
obturatrice pour traiter la coxarthrose n’est guère utilisée car son effet était incomplet et transitoire.
La synovectomie qui est utilisée dans le traitement des arthropathies inflammatoires et infectieuses
doit probablement une partie de son effet antalgique à la dénervation articulaire qu’elle entraîne.
• Les arthroplasties sont des interventions visant à reconstruire une fonction articulaire détruite.
Les arthroplasties par résection utilisées depuis plus d’un siècle sacrifient la stabilité articulaire à
l’indolence, tout en conservant une certaine mobilité.
Ces interventions ne sont plus guère utilisées
comme premier traitement au niveau des grosses articulations. La résection tête et col (opération de
Girdlestone) ou des résections modelantes (opération de Whitman) ont été utilisées jusqu’au début des
années 1960 pour traiter la coxarthrose. L’avènement des arthroplasties avec interposition d’un
implant a réduit ces interventions à un rôle de technique de sauvetage en cas de complication septique.
Par contre, au niveau des petites articulations de la main et du pied, elles conservent des indications. La
trapézectomie reste un traitement adéquat de la rhizarthrose. L’opération de Keller, une arthroplastie
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par résection de la base de la première phalange du gros orteil reste utilisée en cas de dégénérescence
arthrosique de la première articulation métatarso-phalangienne (hallux rigidus et hallux valgus).
Les arthroplasties avec interposition d’implants simples ou couplés, scellés ou non, sont
actuellement les interventions les plus utilisées dans le traitement des destructions articulaires d’origine
arthrosique.
A la fin des années 1930, Smith-Petersen de Boston proposait l’interposition d’une cupule métallique
dans le traitement de la coxarthrose. En septembre 1940, Austin Talley Moore de l’Université de
Pennsylvanie, implantait une prothèse dessinée par Harold Ray Bohlman pour remplacer l’extrémité
supérieure du fémur. Il s’agissait d’une prothèse métallique construite en Vitallium. En France, Jean &
Robert Judet ont développé dans l’immédiat après-guerre des prothèses céphaliques fémorales en
matière acrylique.
Ces prothèses qui ne remplaçaient qu’un des composants de l’articulation ont été utilisées dans le
traitement de la coxarthrose jusqu’au début des années 1960. Les problèmes liés à la tolérance de
l’implant partiel par la surface cartilagineuse ou osseuse en regard ont tout naturellement amené à la
conception des implants couplés. Ces implants couplés posent des problèmes d’usure des composants
et de fixation au squelette. C’est à Sir John Charnley de Wrightington que revient le mérite d’avoir
apporté la première solution durable à ces problèmes. Il s’agit d’implants couplés fixés à l’os par du
ciment acrylique (méthacrylate de méthyle), dont le composant convexe est en métal et le composant
concave en polyéthylène à haute densité.
La prothèse totale de Charnley, qui reste utilisée
actuellement, avait en outre pour originalité d’être une prothèse à faible coefficient de friction.
Les arthroplasties totales de hanche de type Charnley ont une durée de vie qui peut dépasser 20 ans
(dans la série de C.R. Michel de Lyon publiée en 1995, 85 % des opérés vivaient avec leur prothèse 20
ans après et 97 % d’entre eux étaient satisfaits de leur fonction). La durée de vie des prothèses totales
cimentées est plus longue chez les femmes âgées peu actives que chez les hommes jeunes
(respectivement 97 % et 76 % de survie à 15 ans d’après le registre norvégien).
Les prothèses totales cèdent par usure et par descellement.
L’usure du polyéthylène est un phénomène tardif. Les particules de polyéthylène libérées par cette
usure peuvent entraîner une activation des monocytes qui induisent une résorption osseuse (granulome
agressif).
Le descellement est la faillite de la fixation entre la prothèse et le ciment, ou plus souvent entre le ciment
102
102
et l’os. Il peut être induit par la résorption osseuse entraînée par la réaction granulomateuse. Il peut
également être la conséquence du bris du ciment qui n’a pas le même coefficient d’élasticité que l’os.
Au cours de ces dernières années, les recherches se sont poursuivies dans le sens d’une amélioration de
la géométrie de la prothèse, d’un meilleur choix des matériaux et d’une fixation plus biologique à l’os.
- La taille de la tête de la prothèse est importante. La prothèse de Charnley a un diamètre de 22 mm; elle
a une meilleure durabilité que la prothèse de Muller qui avait un diamètre de 32 mm. Si la tête est
petite, le coefficient de friction est moindre, mais le risque de luxation augmente. Il y a actuellement
tendance à utiliser des têtes de 28 mm chez les patients âgés dont la musculature est médiocre.
- Pour diminuer la libération de particules d’usure, on a développé des couples céramique-céramique et
métal-métal. Le couple polyéthylène-métal reste le plus utilisé.
- Divers alliages ont été expérimentés. L’acier inoxydable reste le plus utilisé pour la pièce fémorale. Le
titane s’est avéré un mauvais matériau pour les prothèses totales scellées.
- Des implants non scellés permettant une fixation par rehabitation osseuse d’une surface poreuse ont
été expérimentés.
On a également développé des prothèses recouvertes d’hydroxyapatite avec
l’espoir de créer une fixation « chimique » entre l’os et la prothèse.
La prothèse totale scellée de type Charnley avec couple métal-polyéthylène reste le modèle dans
l’implant articulaire « moderne ». Aucune prothèse n’a été définitivement démontrée supérieure par
des études cliniques à long terme. Cependant chez les sujets jeunes et actifs, il est licite d’espérer
diminuer le risque et la vitesse de l’usure par les nouveaux couples et de tenter de préserver le capital
osseux en obtenant une fixation primaire (« press fit ») et secondaire de la prothèse sans ciment.
Le genou, articulation plus superficielle que la hanche, a une stabilité propre qu’il importe de préserver
ou de reconstruire. Les prothèses de type charnière, développées dans les années 70 et auparavant, ont
une stabilité intrinsèque qui a comme corollaire une sollicitation excessive de la fixation de l’implant à
l’os. Ces prothèses à charnière sont abandonnées dans le traitement de la gonarthrose. Elles restent
utiles pour reconstruire le genou après résection massive pour lésion tumorale. Des prothèses moins
contraintes (prothèses semi-contraintes ou à glissement) ont été développées.
Une meilleure
connaissance de la physiologie articulaire et l’amélioration des techniques d’implantation ont permis au
cours de ces dernières années de grands progrès en matière d’arthroplastie totale du genou.
Les articulations du membre supérieur ont la particularité d’être sollicitées en traction, ce qui crée des
problèmes particuliers de fixation. Depuis les années 80, les arthroplasties totales d’épaule et de coude
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103
ont fait de grands progrès. Elles sont plus volontiers proposées en cas de rhumatisme inflammatoire
qu’en cas de rhumatisme dégénératif.
Pour les petites articulations, des prothèses articulaires composées d’un seul bloc de matériau élastique
(silicone) ont été développées par Alfred B. Swauson (Grand Rapids, Michigan). La grande presse a
fait écho des problèmes entraînés par le Silastic®, qui a également été utilisé pour des implants
mammaires. Le Silastic, en particulier s’il est mis en contact avec des aspérités osseuses, peut se
fragmenter et ses débris entraînent des réactions à corps étrangers sévères (siliconite). Elles ne sont
plus utilisées pour remplacer des pièces osseuses (prothèses de trapèze ou de scaphoïde carpien).
L’indication qui persiste, moyennant des améliorations techniques récentes, est l’arthroplastie des
articulations métacarpophalangiennes en cas de polyarthrite rhumatoïde.
Malgré les problèmes évoqués ci-dessus, les implants articulaires couplés se sont avérés constituer un
progrès considérable dans la chirurgie reconstructrice articulaire.
• Les arthrodèses sacrifient la mobilité à l’indolence et à la stabilité.
Il s’agit de remplacer
l’articulation par une soudure des pièces osseuses qui la composent. L’avantage de ces techniques
est le caractère définitif du résultat obtenu.
L’inconvénient est évidemment le sacrifice de la mobilité qui n’est plus guère accepté pour des
articulations comme la hanche, le coude ou le genou. En outre, la suppression d’un maillon de la chaîne
articulaire entraîne une surcharge des articulations adjacentes, elle-même génératrice de phénomènes
dégénératifs. L’arthrodèse de la hanche favorise l’arthrose lombaire et la gonarthrose.
L’arthrodèse est donc réservée à certaines articulations dont la mobilité peut être sacrifiée sans trop
d’inconvénients. C’est la solution chirurgicale en cas d’arthrose rachidienne localisée. L’arthrodèse
reste la solution de choix en cas d’arthrose évoluée du poignet ou du tarse. Elle mérite d’être considérée
dans le traitement de la rhizarthrose, des arthroses évoluées de certaines petites articulations de la main
(articulation métacarpo-phalangienne du pouce, articulations interphalangiennes distales des doigts) ou
du pied (hallux rigidus).
III. Etude analytique du traitement chirurgical des localisations arthrosiques
104
104
L’arthrose des articulations des membres
A. Membre supérieur
1. L’épaule
Cette localisation arthrosique est habituellement une arthrose primitive. Les arthroses secondaires
compliquent l’ostéochondromatose ou des séquelles traumatiques.
L’omarthrose primitive évoluée unilatérale a été jadis traitée par arthrodèse d’épaule, intervention dont
les résultats fonctionnels peuvent être bons.
Ils sont souvent cependant grevés d’une surcharge
rachidienne pouvant être douloureuse et handicapante.
Les prothèses simples (Neer) ou les prothèses couplées d’épaule donnent des résultats qui se sont
améliorés au cours de ces dernières années du fait d’une meilleure technique. La prothèse céphalique est
réservée à des destructions d’origine traumatique ou ischémique de la tête humérale. Les prothèses
totales posent des problèmes de fixation principalement au niveau glénoïdien. L’arthroplastie par
résection entraîne une instabilité inacceptable au niveau de cette articulation.
Les arthroses débutantes compliquant l’ostéochondromatose seront traitées par synovectomie et
ablation des corps étrangers intra-articulaires. Certaines situations post-traumatiques ou dégénératives
pourront être traitées par acromiectomie ou mieux acromioplastie.
2. Le coude
Les arthroplasties du coude sont pratiquement réservées aux destructions d’origine rhumatoïde de cette
articulation. Il est rare que des lésions dégénératives imposent ce type de solution.
3. Le poignet
Les arthroses du poignet qui doivent être traitées chirurgicalement peuvent compliquer une
ostéonécrose du semi-lunaire (maladie de Kienböck). Elles seront le plus souvent secondaires à une
lésion traumatique (instabilité du carpe, pseudarthrose du scaphoïde).
Dans la maladie de Kienböck, des interventions à visée biomécanique comme le raccourcissement du
radius ou l’allongement du cubitus peuvent donner des résultats durables. Les indications opératoires
ont été réduites au cours de ces dernières années pour cette pathologie.
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En cas de lésions arthrosiques établies, on pourra discuter l’arthroplastie par résection (carpectomie
proximale) et l’arthrodèse.
Les implants articulaires partiels (prothèse en Silastic) et les prothèses articulaires monobloc (prothèse
de Swanson) ou couplées (prothèse de Meuli) donnent des résultats susceptibles de se dégrader avec le
temps. Les prothèses en Silastic sont en voie d’abandon à la suite de la constatation de réactions
inflammatoires majeures sur produits d’usure (siliconite).
L’arthrodèse reste probablement la solution de choix en cas de lésions sévères, surtout chez le
travailleur de force.
4. La rhizarthrose
La rhizarthrose peut être traitée par arthroplastie par résection (trapézectomie), par arthroplastie
partielle (implant en Silastic) ou totale (prothèse de la Caffinière) et par arthrodèse. Récemment, une
intervention conservatrice (ostéotomie de la base du premier métacarpien) a été proposée.
Le traitement chirurgical actuel de la rhizarthrose est la trapézectomie dont on améliore le résultat par
une ligamentoplastie « suspendant » le premier métacarpien au grand palmaire ou au trapézoïde, ainsi
que par la mise en place d'une interposition tendineuse ("ANCHOIS" de petit palmaire)
L’arthrodèse trapézo-métacarpienne dont la réalisation a été grandement facilitée par l’introduction
d’un matériel d’ostéosynthèse adéquat reste une bonne solution pour le travailleur de force qui souhaite
récupérer une pince pollici-latérale puissante.
Les implants à Silastic sont abandonnés pour raison d’instabilité et de « siliconite ». L’arthroplastie
totale de l’articulation trapézo-métacarpienne est une solution élégante chez les patients âgés, mais le
risque de complication (luxation, descellement) reste important et le bénéfice fonctionnel de
l’arthroplastie n’est pas suffisant pour les accepter si on compare les résultats avec ceux des
trapézectomies avec suspension.
B. Membre inférieur
1. La hanche
Le traitement chirurgical de la coxarthrose pourrait à lui seul faire l’objet d’un volume. Le traitement
chirurgical de la coxarthrose s’adresse à deux groupes de patients :
ceux qui présentent une coxarthrose secondaire à une dysplasie au stade débutant,
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106
ceux qui présentent une coxarthrose primitive ou secondaire douloureuse et invalidante.
Les hanches dysplasiques non douloureuses de l’adulte ne doivent pas être opérées; par contre, les
dysplasies de hanche de l’enfant et de l’adolescent seront corrigées. Les coxarthroses primitives au
stade débutant relèvent du traitement médical.
Traitement des coxarthroses secondaires douloureuses
Les interventions chirurgicales visent à corriger le vice architectural de la hanche. Il s’agit :
- des ostéotomies fémorales de varisation, de valgisation (Pauwels), de dérotation et de déflexion
(Bombelli);
- de la butée ostéoplastique;
- de l’ostéotomie pelvienne de Chiari;
- des ostéotomies de réorientation cotyloïdienne (Ganz).
Ces interventions, dont certaines peuvent être combinées, ont pour effet d’améliorer la congruence
articulaire, d’augmenter les surfaces articulaires et d’améliorer l’équilibre mécanique de la hanche.
L’indication opératoire sera basée sur le type anatomique de la dysplasie et sur l’aspect des clichés
radiographiques de recentrage articulaire (un cliché en abduction de hanche simule l’effet d’une
ostéotomie de varisation). Un bilan radiologique complet sera donc nécessaire. Il comprendra au moins
un cliché du bassin de face en station, un faux profil de Lequesne dans le but d’apprécier la couverture
cotyloïdienne antérieure et des clichés de recentrage. L’étude en trois dimensions avec simulation de la
correction à obtenir est actuellement possible grâce à la tomographie axiale compensée de mode
« spiralé ».
Lorsque la dysplasie fémorale prédomine (coxa valga antetorsa), il s’agira d’une indication d’ostéotomie
de varisation éventuellement associée à une dérotation si le cliché en abduction confirme la bonne
congruence articulaire. Cette intervention peut encore avoir un effet durable, même si les lésions
arthrosiques sont déjà évoluées.
Lorsque la dysplasie cotyloïdienne domine le tableau, c’est la butée ostéoplastique, l’ostéotomie de
Chiari ou l’ostéotomie de Ganz qui seront considérées. La butée ostéoplastique et le Ganz trouvent
leurs meilleures indications dans des dysplasies cotyloïdiennes douloureuses sans lésion arthrosique
radiologiquement importante. L’ostéotomie du bassin selon Chiari associe à l’augmentation de la
couverture cotyloïdienne une diminution des contraintes articulaires par la médialisation de la hanche.
Elle pourra être proposée dans des coxarthroses secondaires plus évoluées.
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Traitement des coxarthroses évoluées
Dans les coxarthroses évoluées avec conservation d’une mobilité articulaire utile, les ostéotomies
intertrochantériennes restent parfois encore à considérer chez les patients jeunes.
Il s’agit des
ostéotomies de Pauwels et de Bombelli dans les arthroses secondaires, et de l’ostéotomie de translation
interne de MacMurray dans les coxarthroses primitives.
Ces interventions ont comme avantage de « conserver la hanche du patient ».
Elles ont comme
inconvénient le caractère inconstant de leurs résultats que seule peut pallier une sélection soigneuse des
patients, la durée de la période d’inactivité qu’elles entraînent et surtout le fait qu’elles rendent
l’arthroplastie totale plus difficile si elle s’impose ultérieurement.
L’arthrodèse de hanche peut encore être indiquée chez le patient très jeune qui présente une destruction
unilatérale de hanche.
L’opération de Voss (1956) est une ténotomie élargie des muscles périarticulaires de la hanche. La
section tendinomusculaire intéresse les adducteurs, le droit antérieur, le psoas et les fessiers. Cette
intervention de « détente musculaire » entraîne une incapacité prolongée.
Les résultats en sont
inconstants et peu durables. Elle n’est plus indiquée comme telle.
Certaines ténotomies partielles peuvent encore être pratiquées comme geste complémentaire lors
d’autres interventions ou comme traitement d’attente dans certaines formes de coxarthrose protrusive.
L’arthroplastie totale de hanche a comme objectif de rendre au patient une hanche stable, mobile et
indolore au prix d’une période d’incapacité relativement courte. Les problèmes qu’elle pose sont liés à
la gravité des éventuelles complications septiques, à la durée de vie de l’implant et à la fixation de la
prothèse à l’os.
En cas de coxarthrose évoluée, principalement si la mobilité articulaire est réduite, l’arthroplastie totale
de la hanche est certainement l’opération de choix.
Malgré les progrès techniques, la principale
restriction qui reste à faire concerne l’âge du patient.
Le sujet jeune sollicite sa hanche de façon
considérable, et le risque de défaillance à très long terme (10 à 15 ans) est élevé.
La qualité des résultats immédiats et à moyen terme engage l’opéré à demander à reprendre une activité
physique intense et parfois même la pratique des sports. Il importe de le mettre en garde contre la
sollicitation excessive de sa prothèse de hanche, et en particulier des inconvénients des sollicitations
brutales (sauts). Celles-ci sont contre-indiquées du fait de la différence d’élasticité des matériaux
utilisés et de l’os.
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Au cours des années 1970, des prothèses totales de hanche respectant le col fémoral ont été introduites
par H. Wagner d’Altdorf et M.A.R. Freeman de Londres. Il s’agit des cupules couplées scellées. Ces
prothèses de « resurfaçage » ont l’avantage de limiter la résection osseuse fémorale et de ne pas modifier
les propriétés mécaniques de l’extrémité supérieure du fémur.
Elles ont été assez largement implantées chez des sujets jeunes et actifs. Il s’est avéré que l’importance
des surfaces en contact entraînait un coefficient de frottement élevé et que la minceur de la cupule en
polyéthylène permettait des déformations de celles-ci aboutissant précocement à des descellements
plus difficiles à traiter du fait de la grande taille de la pièce cotyloïdienne nécessaire pour couvrir une
cupule fémorale. Il faut donc attendre une solution technique nouvelle à ces problèmes avant de
reprendre cette voie.
Les prothèses totales de hanche non cimentées, fixées à l’os par repousse de celui-ci dans une surface
poreuse ou fixée par ancrage direct sont au stade de l’expérimentation clinique.
La prothèse de hanche classique reste donc le traitement actuel des destructions articulaires sévères et
handicapantes d’origine arthrosique.
2. Le genou
Le genou comprend un compartiment fémoro-patellaire et l’articulation fémoro-tibiale.
La
dégénérescence arthrosique peut atteindre les deux compartiments (gonarthrose globale) ou prédominer
au niveau d’un compartiment articulaire (arthrose fémoro-patellaire ou arthrose fémoro-tibiale
éventuellement à prédominance interne ou externe).
L’arthrose fémoro-patellaire
L’arthrose fémoro-patellaire dont le premier stade est la chondropathie rotulienne peut survenir sur une
rotule instable dysplasique ou subluxée (arthrose secondaire).
• Chondropathie rotulienne et arthrose fémoro-patellaire sur rotule centrée
Cette forme d’arthrose peut être traitée jusqu’à un stade avancé par des moyens médicaux.
La
chondropathie rotulienne sur rotule centrée pourra faire l’objet d’un débridement des irrégularités
cartilagineuses (shaving) qui sera réalisé de préférence par voie endoscopique. Les interventions visant
à permettre la régénérescence d’un cartilage abrasé (forage selon Pridie, spongialisation) aboutissent à la
reconstruction d’une surface de fibrocartilage n’ayant pas les propriétés du cartilage articulaire.
Dans cette pathologie également, on envisage de traiter les défects cartilagineux par l’apport de cellules
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cartilagineuses produites par « bio-engineering » tissulaire.
Lorsque les lésions sont évoluées, l’avancement de la tubérosité tibiale antérieure selon les principes de
P. Maquet permet d’obtenir une réduction des pressions articulaires et dans de nombreux cas, une
amélioration des symptômes. Le patient doit être prévenu de ce que la saillie de la tubérosité tibiale
antérieure rendra impossible le travail en position à genoux. Les résultats de l’opération de Maquet
sont peu réguliers. Cette opération abondamment utilisée pendant les années 70 n’est plus proposée
qu’avec circonspection dans des cas bien sélectionnés. Elle a un taux de complication assez élevé et
empêche définitivement une position « à genoux » confortable.
La patellectomie réduit l’efficacité de l’appareil extenseur du genou par modification de son bras de
levier. L’avancement associé de la tubérosité tibiale antérieure réduit cet inconvénient. Correctement
réalisée et au prix d’une rééducation assez prolongée, la patellectomie peut donner des résultats
régulièrement satisfaisants. Elle reste une solution éventuelle en cas d’arthrose fémoro-patellaire isolée
évoluée. La patellectomie est de moins en moins utilisée car elle rend l’arthroplastie totale du genou,
qui peut devenir ultérieurement nécessaire, plus difficile.
Les patelloplasties et les arthroplasties avec interposition d’implants simples (McKeever) ou couplés
(Lubinus) n’ont pas démontré de façon définitive leurs avantages par rapport à la patellectomie. Une
arthrose femoropatellaire évoluée chez le sujet âgé peut faire considérer l'arthoploastie totale du genou.
• Chondropathie rotulienne et arthrose fémoro-patellaire sur rotule instable ou subluxée
La correction de l’instabilité rotulienne ou de la subluxation par une intervention sur les tissus mous
(résection de l’aileron rotulien externe, transfert tendino-musculaire de type Krogius ou Mansat) ou sur
le squelette en cas de désaxation de la tubérosité tibiale antérieure (Roux, Elmslie) entraînent assez
régulièrement une amélioration des symptômes, mais il n’est pas démontré que ces interventions
préviennent la dégénérescence arthrosique initiée par la lésion cartilagineuse secondaire si elle existe.
Ces interventions, pour être efficaces, doivent donc être réalisées à un stade relativement précoce et
aboutir à une réaxation parfaite de l’appareil extenseur, ce qui est difficile du fait de la dynamique
particulière de la rotule. La transposition de la tubérosité tibiale antérieure en particulier comporte des
risques d’hypercorrection et d’abaissement rotulien (patella baja), qui doivent être évités.
Lorsque la dégénérescence arthrosique est établie, l’association d’un avancement de la tubérosité tibiale
antérieure, d’une réaxation de l’appareil extenseur et de l’abattage de l’ostéophyte du bord externe de la
rotule (opération dite d’Elmslie-Maquet) donne très régulièrement des résultats favorables.
indications de patellectomie sont plus restreintes dans cette forme d’arthrose fémoro-patellaire.
110
110
Les
L’arthrose fémoro-tibiale
La déviation axiale peut mener à l’usure prématurée d’un compartiment fémoro-tibial par surcharge de
celui-ci (arthrose secondaire). L’arthrose d’un compartiment fémoro-tibial qui peut être initiée par une
lésion méniscale par exemple, entraîne secondairement une déviation axiale (gonarthrose varisante ou
valgisante).
Quel que soit le primum movens de la dégénérescence arthrosique, l’évolution des lésions pourra mener
à une aggravation de la désaxation et à une instabilité articulaire. Les gonarthroses axées sont moins
fréquentes.
Les interventions de débridement articulaire popularisées par Magnusson (1946) ne sont plus guère
pratiquées comme telles. Des débridements localisés (ablation de corps étrangers intra-articulaires,
résection d’ostéophytes, forages selon Pridie) restent indiqués dans des types particuliers d’arthrose
sans déviation axiale et peuvent être associés aux ostéotomies de correction axiale. Les débridements
arthroscopiques donnent également des résultats irréguliers et pas toujours durables.
Les ostéotomies de correction axiale sont le traitement de choix des gonarthroses varisantes et
valgisantes débutantes chez le sujet jeune. Ces interventions proposées au début des années 1950 ont
un effet antalgique remarquable et durable qui justifie la période d’incapacité relativement longue
qu’elles entraînent (3 à 4 mois). Ce type de chirurgie s’adresse aux arthroses débutantes comme aux
arthroses évoluées, pour autant que l’articulation ait gardé une mobilité et une stabilité suffisantes.
La gonarthrose varisante est traitée par ostéotomie tibiale haute de valgisation.
Les résultats sont
réguliers si « le contrat biomécanique est respecté » : la résultante des forces de station unipodale doit
être centrée ou légèrement reportée vers l’extérieur (ce qui nécessite une hypercorrection de 3 à 5
degrés).
En cas de gonarthrose valgisante, forme plus rare, l’analyse biomécanique démontre que l’ostéotomie
fémorale basse est préférable à l’ostéotomie tibiale haute dans la majorité des cas.
Lorsque les lésions sont très évoluées ou en cas de gonarthrose axée sévère, c’est l’arthroplastie totale
du genou qui sera considérée.
Les premières prothèses totales du genou (Walldius 1953, Shiers 1954) réduisaient la physiologie
articulaire complexe de cette articulation à une simple « charnière » fémoro-tibiale. La prothèse du
groupe G.U.E.P.A.R. (1969) a apporté une meilleure localisation de l’axe de flexion et la possibilité de
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resurfacer l’articulation fémoro-patellaire.
Ces prothèses ont une stabilité propre, qui permet leur usage même en cas de laxité articulaire majeure.
Cette stabilité et l’absence de liberté en rotation a comme corollaire une sollicitation importante des
composants et de la jonction à l’os.
En outre, la résection osseuse qu’elles imposent rend le
« rattrapage » par arthrodèse difficile en cas de complication majeure et en particulier en cas d’infection
profonde.
Les prothèses de la génération suivante peuvent être qualifiées de semi-stabilisées. Il s’agit des
prothèses de type Sheelan, G.S.B., Attenborough et de la prothèse sphérocentrique.
Ces prothèses permettent des petits mouvements de latéralité en flexion et pour certaines, des
mouvements de rotation de la pièce tibiale sous la pièce fémorale; en outre, une certaine
« décoaptation » des pièces articulées permet d’amortir les sollicitations en traction lors de la phase de
non-appui de la marche.
Dès 1968, F. Gunston, élève de J. Charnley, proposait une prothèse de resurfaçage conservant la
physiologie du genou. Ces prothèses à quatre composants ont été perfectionnées par Marmor aux
Etats-Unis, Buchholz en Allemagne et le groupe Lotus en France. Ces prothèses totalement non
contraintes ont comme inconvénients la difficulté de leur pose, leur fragilité, et de ne pas être adaptées
aux grandes destructions articulaires.
En 1971, une équipe de chirurgiens américains dirigée par M.B. Conventry de Rochester introduisait le
concept actuel en matière d’arthroplastie du genou par la présentation d’une prothèse (« Geometric ») à
deux composants (métal et polyéthylène) conservant l’appareil ligamentaire.
Cette prothèse à
glissement s’est également avérée trop fragile, et les techniques opératoires d’application au début des
années 70 réduisaient son application à des genoux détruits.
Parallèlement, M.A.R. Freeman (Londres) & J. Insall (New York) ont développé des prothèses de
resurfaçage comportant deux composants massifs imposant le sacrifice du ligament croisé antérieur au
moins. Ces implants dits semicontraints du fait de leur géométrie, comportent également une pièce
rotulienne. Ils ont été progressivement améliorés. Ces auteurs ont contribué à établir les principes de
l’arthroplastie du genou par prothèse à glissement. La prothèse doit être positionnée de façon
rigoureuse. La tension des tissus mous capsulo-ligamentaires doit être adaptée de façon précise. Ces
deux principes commencent à pouvoir être respectés régulièrement grâce à l’instrumentation de pose
112
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qu’ils ont développée ensemble, et surtout grâce à une meilleure connaissance des gestes à effectuer sur
les tissus mous.
On a taché sans succès durable d'améliorer la fixation à l’os par un ancrage plus stable que le ciment.
M.A.R. Freeman utilisait des éléments de fixation en polyéthylène. La prothèse P.C.A. de Hungerford
a une surface en métal poreux qui constitue probablement la technologie la plus avancée en matière
d’arthroplastie totale du genou.
La prothèse la plus utilisée actuellement est la prothèse d’Insall-Burnstein scellée.
Les progrès des arthroplasties totales du genou ont été lents. Les solutions actuelles ne sont sans doute
pas définitives.
Le traitement chirurgical de la gonarthrose avec déviation axiale est donc, au stade débutant l’ostéotomie
tibiale haute de valgisation, en cas de gonarthrose varisante, l’ostéotomie fémorale basse de varisation si
la déviation est en valgus. L’arthroplastie totale à glissement de type Insall permettra de traiter la
majorité des cas qui ont dépassé le stade de l’ostéotomie. Les prothèses à stabilité intrinsèque sont
réservées aux grandes destructions articulaires. L’arthrodèse reste une solution à envisager en cas de
gonarthrose sévère unilatérale posttraumatique ou postinfectieuse du sujet jeune.
3. La cheville
L’arthrose de la cheville est souvent d’origine posttraumatique.
L’arthrodèse tibiotarsienne est une
bonne solution si les articulations de l’arrière-pied sont souples et épargnées par le processus
dégénératif.
Les arthroplasties totales de cheville doivent encore être améliorées. Les prothèses actuellement
disponibles donnent des résultats parfois acceptables sur le plan de la douleur, mais presque toujours
décevants quant à la mobilité. Elles ne sont en principe pas proposées en cas d’atteinte arthrosique de
la cheville. Elles seront réservées à d’autres situations, en particulier la destruction articulaire d’origine
rhumatoïde chez le patient âgé handicapé par des atteintes pluriarticulaires.
4. Les articulations de l’arrière-pied
L’arthrodèse sous-astragalienne et médiotarsienne est la seule opération à considérer en cas d’arthrose
de ces articulations, situation qui complique régulièrement les fractures du calcanéum et des anomalies
congénitales comme les barres squelettiques (tarsal coalition).
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5. L’hallux rigidus
L’arthrose de la première articulation métatarso-phalangienne peut être traitée par arthroplastie par
résection (Keller) par arthrodèse. Les arthroplasties partielles (implant en Silastic) ou totales sont
abandonnées.
Exceptionnellement, la simple ablation des ostéophytes pourra améliorer les possibilités de chaussage.
Le « Keller » est justifié si le premier rayon est long.
L’arthrodèse est la meilleure solution chez le sujet actif ou en cas de premier rayon court. Elle impose
cependant le choix d’une hauteur de talon définie et, souvent, la confection d’une barre de Thomas à
l’extérieur de la chaussure pour permettre le déroulement harmonieux du pas.
6. L’arthrose du rachis
Le traitement chirurgical à l'arthrose trouve principalement ses indications dans le traitement des
complications de l’arthrose rachidienne: c'est la chirurgie de décompression et d'arthrodèse.
IV. Conclusions
Le traitement chirurgical de l’arthrose fait appel à de multiples techniques.
Certaines interventions comme les ostéotomies agissent sur les causes mêmes de la dégénérescence
arthrosique. Il va de soi que ces techniques chirurgicales conservatrices seront préférées chaque fois
qu’elles peuvent assurer un résultat satisfaisant.
L’arthrodèse qui sacrifie l’articulation détruite reste l’intervention de choix en cas de lésions évoluées
d’une articulation dont l’ankylose est compensée par les articulations adjacentes et partant, peu
handicapante.
Les arthroplasties ont l’ambition de reconstruire les articulations.
Les arthroplasties par résection
donnent des résultats satisfaisants au niveau de certaines petites articulations. Le développement des
arthroplasties par implants couplés scellés a été un progrès décisif dans le traitement chirurgical de
l’arthrose.
Nous avons insisté sur l’évolution de ces implants et les problèmes qu’ils continuent à poser. Ceux-ci
devront être résolus par les nouvelles techniques et les nouveaux matériaux dont l’application est
préparée par la recherche biomécanique et les progrès technologiques.
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CHAPITRE VI : LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie générale qui a son point d’impact principal au niveau des
membranes synoviales. Elle intéresse non seulement la synoviale articulaire, mais également la
synoviale des gaines tendineuses et des bourses séreuses.
I. Pathologie des lésions articulaires
Les membranes synoviales s’hypertrophient. La couche bordante de synoviocytes prolifère et se
dispose en palissade. Le nombre des villosités synoviales augmente. Un infiltrat lymphoplasmocytaire
abondant se forme autour des vaisseaux. Des leucocytes apparaissent dans le liquide articulaire. La
synoviale et les leucocytes libèrent des enzymes lysosomiales (Fell & Dingle, 1963; Weisman, 1964),
qui vont entraîner la dégradation des glycoprotéines du cartilage articulaire. Une collagénase capable
d’attaquer le collagène insoluble est produite (Harris & coll., 1969).
L’hypertrophie synoviale entraîne d’abord une distension capsulo-ligamentaire. A un stade ultérieur, la
destruction du cartilage articulaire et de l’os sous-chondral aboutit au pincement articulaire et aux
érosions. Ces lésions destructrices apparaissent d’abord à l’endroit où la synoviale s’insère et se
réfléchit. Leur localisation au niveau du recessus sous-ligamentaire contribue à détendre les ligaments.
II. Pathologie des lésions tendineuses
L’atteinte de la synoviale tendineuse peut se compliquer de ruptures tendineuses.
Ces ruptures
surviennent principalement au niveau des défilés ostéofibreux du poignet et de la main; il s’agit de la
face dorsale du poignet, sous le ligament annulaire, du tunnel carpien et des défilés ostéofibreux digitaux.
La pathogénie des ruptures tendineuses n’est pas univoque; plusieurs mécanismes sont en cause :
1. la synoviale hypertrophique va envahir et fragiliser le tendon;
2. les déformations squelettiques entraînées par la PR peuvent créer des aspérités osseuses
susceptibles d’user le tissu tendineux comme cela s’observe après fracture du radius distal dans
d’autres pathologies dont l’arthrose et la maladie de Madelung;
3. le tendon, qui est situé dans un canal quasi inextensible limité en profondeur par l’os et en superficie
par les ligaments, pourra également présenter des lésions ischémiques.
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III. Place de la chirurgie dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde
L’évolution de la polyarthrite rhumatoïde est incomplètement contrôlée par le traitement médical.
Au début des années 60, on a fondé beaucoup d’espoir sur la synovectomie chirurgicale : on espérait
que l’exérèse du tissu synovial malade pourrait avoir un effet favorable sur le plan général et sur le plan
local. On connaît actuellement les limites de la synovectomie qui est sans effet sur le cours de la
maladie, mais peut aider à protéger temporairement certaines structures anatomiques articulaires ou
tendineuses de la destruction.
Parallèlement à la synovectomie chirurgicale, au cours de ces dernières années, les techniques de
synoviorthèses chimiques aux moutardes azotées (Flatt, 1969) et à l’acide osmique (Von Reis &
Swensson 1951; Möttönen & coll., 1972; Nissila & coll., 1977) et les techniques de synoviorthèse
isotopique (Delbarre & coll., 1969; Huaux, 1978) ont été développées.
Au stade des destructions articulaires, les possibilités de la chirurgie reconstructive ont transformé le
pronostic fonctionnel du patient rhumatisant.
A. La synovectomie
L’exérèse du tissu synovial pathologique peut être suivie de récidive et ne prévient pas de façon durable
la dégradation articulaire. Ce geste a néanmoins un effet antalgique régulier et peut entraîner un bénéfice
fonctionnel significatif.
La synovectomie chirurgicale est indiquée lorsqu’une articulation peu détruite reste le siège d’une
tuméfaction inflammatoire importante et persistante, malgré un traitement local et général adéquat. Elle
s’adresse surtout aux atteintes pauci-articulaires résiduelles des patients dont l’affection est
« contrôlée » médicalement.
Compte tenu de ces éléments, nous pensons que les indications de synovectomie du genou sont peu
fréquentes, d’autant plus que la synoviorthèse trouve là sa meilleure application.
Par contre, les
atteintes inflammatoires du coude, du poignet et des petites articulations de la main font considérer
l’indication opératoire. Les indications de choix de la synovectomie restent les ténosynovites dorsales
du poignet et la ténosynovite des tendons fléchisseurs au niveau du canal carpien. En dehors des
complications septiques, la synovectomie n’a sa place qu’à un stade relativement précoce de la
dégradation articulaire. Lorsque l’articulation est détruite, la synovectomie sera complétée par un
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procédé de reconstruction articulaire (arthroplastie par implant ou par résection ou arthrodèse).
B. La chirurgie reconstructrice
Les arthroplasties par implants couplés permettent de reconstruire la plupart des grosses articulations
détruites par le processus rhumatoïde.
Les arthroplasties totales de hanche, du genou, d’épaule et du coude sont couramment pratiquées chez
les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Elles donnent des résultats fonctionnels utiles et
durables au prix d’une morbidité qui est à peine majorée par rapport au patient arthrosique.
Au niveau de la cheville, il vaut mieux choisir l’arthrodèse qui donne le résultat plus durable que la
prothèse totale.
L’arthrodèse est l’opération de choix au niveau du poignet, de l’articulation sous-astragalienne et de la
première articulation métatarso-phalangienne.
L’arthroplastie par résection se pratique en combinaison avec la synovectomie au niveau de la cupule
radiale, de la tête cubitale et des points d’appui des métatarsiens II à V (opération de Lelièvre).
Au niveau rachidien, la P.R. peut se compliquer d’instabilité justifiable de la fixation de certains
segments rachidiens par ostéosynthèse ou arthrodèse (cela concerne principalement la charnière craniooccipitale).
IV. L’atteinte de la main au cours de la polyarthrite rhumatoïde
Chez l’adulte, la maladie rhumatoïde débute souvent par l’atteinte des petites articulations des mains et
des pieds (Kulka & coll., 1955). Au cours de l’évolution de la polyarthrite rhumatoïde, le processus
pathologique va désorganiser l’équilibre dynamique de la main.
Il en résultera des déformations
complexes et une diminution de la fonction de la main.
Nous décrivons ici les déformations entraînées par la maladie rhumatismale au niveau de la main et
expliquons leur pathogénie en confrontant l’anatomie complexe et fragile de la main avec le processus
pathologique.
A. L’équilibre dynamique de la main
La main est le prolongement du membre supérieur dont la position et les mouvements influencent
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directement la fonction de la main. Si dans un but de simplification, le carpe et les quatre métacarpiens
cubitaux sont considérés comme fixes, le doigt, élément mobile, est composé d’une chaîne de trois petits
os. Celle-ci a une stabilité et une mobilité spécifiques qui sont conditionnées par les articulations et par
les haubans musculo-tendineux.
1. Les articulations des doigts
Elles sont construites pour fonctionner dans le sens de la flexion palmaire. Elles comportent deux
ligaments latéraux, qui assurent la stabilité dans le plan frontal et un fibrocartilage palmaire qui s’oppose
à l’hyperextension.
2. Les haubans musculo-tendineux
Mécaniquement, pour être stable et mobile, pareille chaîne d’osselets doit être animée par deux haubans
par articulation plus un hauban supplémentaire par os intercalaire (Landsmeer, 1961; Tubiana, 1969).
Au niveau de chaque articulation s’insèrent l’appareil extenseur et l’appareil fléchisseur.
intercalaire est stabilisé par les muscles intrinsèques (interosseux et lombricaux).
L’os
Ceux-ci sont
fléchisseurs de la première phalange et extenseurs de la deuxième. Cette fonction paradoxale s’explique
si l’on se souvient que les tendons de ces muscles ont un trajet palmaire par rapport à l’axe mécanique
de l’articulation métacarpophalangienne et une situation dorsale par rapport à l’axe de l’articulation
interphalangienne proximale. En l’absence de ce système « intrinsèque », la chaîne se « téléscope »,
c’est la « griffe » de la paralysie cubitale. Tout déséquilibre dans ce système aboutit à une déformation
en zigzag (Zancolli, 1968; Tubiana, 1969a, 1969b).
3. Le système rétinaculaire (fig. 1)
Ce mécanisme de haubans nécessite une parfaite coordination. Outre la coordination neuromusculaire
(système agoniste-antagoniste), il existe, au niveau des doigts, une coordination mécanique par
l’appareil rétinaculaire. C’est un ensemble de ligaments très ténus correspondant à des épaississements
de l’aponévrose d’enveloppe du doigt, qui réunit plus ou moins directement les tendons les uns aux
autres en croisant l’axe des articulations et dont l’effet est conditionné par ce point de croisement. Ces
ligaments « positionnent » les tendons au cours des différents mouvements.
Dans les traités d’anatomie classiques, la description de cet appareil rétinaculaire est sommaire. Leur
importance est reconnue, surtout depuis l’étude de l’anatomie fonctionnelle de la main (Landsmeer,
1949, 1963; Zancolli, 1968).
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B. L’atteinte rhumatoïde de la main
1. La synoviale articulaire
Au niveau de la main, les structures capsulo-ligamentaires ténues et fragiles sont précocement
désorganisées par la tuméfaction synoviale (Lipscomb, 1964; Swezey, 1971). La simple distension
d’un hauban peut perturber l’équilibre d’un doigt. La subluxation d’un tendon peut modifier l’action du
muscle intéressé.
2. La synoviale tendineuse
Au niveau de la main, la majorité de la synoviale est tendineuse. Les tendons sont directement
vulnérables, en particulier au niveau des défilés. Dans le canal carpien, les tendons fléchisseurs sont
accompagnés par le nerf médian qui pourra être comprimé en cas d’hypertrophie synoviale.
3. L’atteinte musculaire
Les lésions musculaires de la polyarthrite rhumatoïde sont moins bien documentées. Au niveau de la
main, les muscles intrinsèques peuvent être atteints précocement. L’atteinte peut être directe (Kestler,
1949) ou indirecte par l’intermédiaire d’une contracture réflexe (Swezey & Fiegenberg, 1970; Swezey,
1971) ou d’une ischémie (Zancolli, 1968).
4. Les lésions proximales
La fonction de la main peut être perturbée par l’atteinte des articulations proximales du membre
supérieur. L’atteinte du poignet peut influencer l’évolution des lésions des doigts (Shapiro, 1968; Pahle
& Raunio, 1969).
Le nerf cubital et la branche motrice postérieure du nerf radial peuvent être comprimées au niveau du
coude (Fulkki & Vainio, 1962).
C. Etude analytique des déformations
1. Le poignet
L’atteinte de l’articulation radiocarpienne et radiocubitale inférieure entraîne précocement une
subluxation postérieure de la tête du cubitus avec présence d’un signe de la touche du piano (Bäckdahl,
1963).
A un stade ultérieur, la chondrolyse et la distension capsulo-ligamentaire permettront une subluxation
antérieure de l’articulation radiocarpienne par prédominance des fléchisseurs sur les extenseurs.
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La luxation vers l’avant du tendon du muscle cubital postérieur transforme cet extenseur du poignet en
un fléchisseur et aggrave le déséquilibre des forces en faveur des forces palmaires.
2. Les quatre doigts cubitaux
a) Les zigzag
Les théories de Landsmeer (1961) expliquent que tout déséquilibre de la chaîne ostéoarticulaire va
aboutir à une déformation en zigzag. Trois types de déformations sont possibles. La « griffe » de la
paralysie cubitale a été décrite ci-dessus. La « boutonnière » et le « col de cygne » se rencontrent dans
la main rhumatismale.
La déformation en boutonnière (fig. 2)
Il s’agit d’une déformation du doigt en flexion de l’articulation interphalangienne proximale, avec
hyperextension de l’articulation interphalangienne distale.
Elle se rencontre en cas de rupture (main traumatique) ou de distension (main rhumatismale) de la bande
médiane de l’appareil extenseur qui perd son action sur la deuxième phalange. Celle-ci tombe en flexion
du fait de la prédominance du fléchisseur superficiel. Les bandelettes latérales se luxent, formant une
boutonnière au travers de laquelle fait issue la tête de la première phalange. Les bandelettes latérales
« contournent » la tête de la première phalange, qui les maintient sous tension, d’où l’hyperextension de
la troisième phalange. La flexion de l’articulation interphalangienne proximale réduit en outre la course
du tendon fléchisseur profond, ce qui favorise le déséquilibre en faveur de l’extension au niveau de
l’articulation distale.
L’élément déterminant de la déformation est la distension de la capsule dorsale de l’articulation
interphalangienne proximale du fait de l’atteinte de cette articulation. Le système rétinaculaire dorsal
est distendu (en particulier le ligament triangulaire de Cleland). Les ligaments rétinaculaires latéraux
(lamina latera et fibres obliques) s’épaississent et se rétractent, fixant la luxation des bandelettes et les
positions articulaires.
Accessoirement, la déformation pourrait être favorisée par une rétraction du tendon fléchisseur
superficiel à la suite par exemple du blocage isolé de ce tendon par un nodule proximal (Casagrande,
1965).
La déformation du col de cygne (fig. 3)
Elle est caractérisée par la subluxation palmaire de la première phalange au niveau de l’articulation
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métacarpophalangienne qui est fléchie par l’hyperextension de l’articulation interphalangienne
proximale, et par la chute en flexion de la phalange distale.
Typiquement, elle apparaît par suite d’une perte d’action de l’appareil extenseur sur la première
phalange. Il s’ensuit une traction excessive sur la deuxième. Le zigzag apparaît si l’hyperextension de
l’articulation interphalangienne est possible du fait d’une laxité constitutionnelle d’une lésion du
fibrocartilage palmaire. Le fléchisseur profond, dont le trajet est allongé par cette hyperextension de la
deuxième phalange, entraîne la phalange distale en flexion.
C’est donc l’atteinte de l’articulation métacarpophalangienne qui aboutira au col de cygne.
La
déformation est favorisée par une contracture ou une rétraction des interosseux, ou par une lésion du
fléchisseur superficiel (elle se voit en traumatologie après suture du seul fléchisseur profond en cas de
lésion des deux tendons).
b) La déviation cubitale des doigts
Le coup de vent cubital apparaît lorsque l’appareil capsulo-ligamentaire de l’articulation
métacarpophalangienne est distendu. Bien que typique de cette affection, il n’est pas l’apanage de la
polyarthrite rhumatoïde et se rencontre dans certaines affections neurologiques.
Plusieurs facteurs déterminent l’orientation cubitale de la déviation.
La déviation cubitale est
physiologique lors de la prise de force, du fait de l’abaissement des métacarpiens mobiles. La capsule
externe est sollicitée à chaque flexion.
La tête du métacarpien est asymétrique (Tubiana & Hakstian, 1969), le ligament cubital étant plus large
et plus court, donc plus résistant.
Les forces déviantes cubitales prédominent du fait de l’apposition du pouce et de la prédominance des
muscles hypothénariens.
Ce n’est qu’en cas de lésion de la poulie proximale que les tendons extenseurs développeront une force
à composante cubitale, surtout si le poignet est maintenu en inclinaison radiale (Shapiro, 1968; Pahle &
Raunio, 1969).
3. Le pouce (fig. 4)
Nalebuff & Potter (1968) ont classé les déformations d’origine rhumatoïde du pouce en trois types. Le
type I qui se voit en cas d’atteinte de l’articulation métacarpophalangienne correspond au classique
pouce en Z. Le type II et le type III apparaissent à la suite de la fermeture de la commissure qui résulte
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de la subluxation de l’articulation trapézométacarpienne suivant que la compensation en hyperextension
se fait au niveau de l’articulation interphalangienne (type II) ou métacarpophalangienne (type III).
a) Le type I
Il est caractérisé par une flexion de l’articulation métacarpophalangienne et une hyperextension de
l’articulation interphalangienne. Elle est typiquement produite par la perte d’action du court extenseur
sur la première phalange. Le tendon long extenseur qui n’est plus stabilisé se subluxe en dedans et
devient adducteur.
Les muscles intrinsèques deviennent fléchisseurs de la première phalange et extenseurs de la deuxième.
b) Le type II et le type III
L’atteinte de l’articulation trapézométacarpienne, lorsqu’elle entraîne une instabilité articulaire, permet
la subluxation externe du premier métacarpien.
La prédominance du long abducteur du pouce et
l’absence de stabilité liée à la configuration des surfaces articulaires expliquent ce déplacement qui
s’observe également en cas de rhizarthrose ou en traumatologie lors de la fracture du tubercule proximal
du 1er métacarpien (fracture de Bennet).
Cette subluxation entraîne une fermeture de la première commissure intermétacarpienne. Celle-ci est
fixée par la rétraction du court adducteur.
Pour que la prise pollici-digitale reste possible, l’hyperextension d’une des articulations distales est
nécessaire.
Celle-ci se fait au niveau de l’interphalangienne (type II) ou au niveau de la
métacarpophalangienne (type III).
4. Les tendons
a) Ténosynovite et rupture des tendons extenseurs des doigts
C’est à la face dorsale du poignet, à l’endroit où les tendons extenseurs passent sous le ligament
annulaire dorsal du carpe, que se situe la gaine synoviale des tendons extenseurs.
Lorsque la
ténosynovite dorsale des extenseurs se complique de rupture tendineuse, ce sont généralement les
tendons extenseurs du 5e doigt qui cèdent les premiers; suivront ensuite les tendons extenseurs du 4e et
du 3e doigt.
L’atteinte rhumatoïde de l’articulation radiocubitale inférieure entraîne une subluxation postérieure de la
tête du cubitus, qui agresse en avant les tendons fragilisés par le pannus synovial (caput ulnae
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syndrome de Backdähl).
Le traitement préventif des ruptures des tendons extenseurs est la synovectomie des extenseurs à
laquelle on associe une transposition du ligament annulaire dorsal du carpe sous les tendons extenseurs,
et une remise en selle par un lambeau de ce ligament du tendon du muscle cubital postérieur subluxé en
avant. La résection de la tête du cubitus (Darrach) permet de supprimer l’obstacle mécanique qu’elle
constitue. Si l’articulation du poignet est peu détruite, on pratiquera une synovectomie articulaire. En
cas de lésion articulaire évoluée, il faudra y associer une arthrodèse radiolunaire ou se résoudre à
l’arthrodèse radiocarpienne. Exceptionnellement chez des patients très âgés présentant des lésions
bilatérales, on pourra considérer l’arthroplastie totale du poignet.
Le traitement curatif fait appel à des anastomoses latéro-latérales si un seul tendon est atteint.
Si
plusieurs tendons sont rupturés, on aura recours aux transferts tendineux et éventuellement aux greffes
tendineuses.
Comme transferts, nous avons le choix entre :
1. l’extenseur propre de l’index,
2. le court extenseur du pouce après arthrodèse de l’articulation métacarpophalangienne,
3. les extenseurs du carpe dont la course est cependant peu satisfaisante,
4. un fléchisseur superficiel; comme il s’agit d’un transfert non synergique, il vaudra mieux choisir le
fléchisseur superficiel du troisième doigt que le fléchisseur superficiel du quatrième doigt, comme l’a
montré Boyes,
5. le muscle cubital antérieur (fléchisseur ulnaire du carpe).
Notre préférence va au transfert de l’extenseur propre de l’index, qui nous a donné de bons résultats. Il
présente l’avantage d’être toujours présent et d’avoir une longueur suffisante et son prélèvement ne
laisse pas de séquelle.
b) Ténosynovite et rupture du tendon du muscle long extenseur du pouce
Le tendon du muscle long extenseur du pouce a une gaine synoviale indépendante. Il est vulnérable à
l’endroit où il se réfléchit sur le tubercule de Lister.
Lors de sa rupture, le patient sera handicapé non seulement par le déficit d’extension de l’articulation
interphalangienne du pouce, mais surtout par le déficit d’adduction de toute la colonne du pouce.
Le traitement peut être réalisé soit par transfert de l’extenseur propre de l’index, soit par greffe
intercalaire. Comme Mannerfelt & al., nous avons tendance à préférer la greffe tendineuse, si la rupture
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n’est pas trop ancienne, dans le but de conserver l’extenseur propre de l’index pour traiter l’éventuelle
rupture ultérieure des extenseurs des autres doigts.
c) Ténosynovite et rupture des tendons fléchisseurs
Les tendons fléchisseurs des doigts traversent deux défilés ostéofibreux : le canal carpien et le canal
ostéofibreux digital.
• Au niveau du canal carpien
La ténosynovite des fléchisseurs au niveau du canal carpien peut se compliquer de ruptures tendineuses
qui peuvent être favorisées par la présence d’irrégularités squelettiques induites par la désorganisation
du poignet rhumatoïde qui est souvent le siège d’une instabilité du carpe. Celle-ci s’accompagne d’une
bascule ventrale du scaphoïde carpien qui peut perforer la capsule antérieure du poignet et être un
élément traumatisant pour les tendons fléchisseurs : ce sont les tendons fléchisseurs propres du pouce
et les fléchisseurs de l’index qui seront le plus souvent atteints.
Le traitement préventif des ruptures des tendons fléchisseurs au niveau du défilé carpien comprend
l’ouverture du canal carpien et la ténosynovectomie des fléchisseurs. Comme l’ont rappelé récemment
Regan & al., il faut procéder à l’ablation des aspérités osseuses et à la reconstitution d’un plan de
glissement lisse pour lequel on peut utiliser le ligament carpien antérieur. En cas d’instabilité du carpe,
il faudra y associer la stabilisation du squelette carpien par arthrodèse localisée ou par arthrodèse du
poignet.
Le traitement curatif des ruptures des tendons fléchisseurs au niveau du canal carpien et au niveau des
doigts est difficile, surtout s’il s’agit de mains présentant d’importantes destructions articulaires dont la
rupture tendineuse est l’aboutissement. On peut utiliser des greffes courtes ou avoir recours à un
transfert tendineux (fléchisseur superficiel de l’annulaire dans ce cas).
En cas de rupture isolée du long fléchisseur du pouce, nous préférons réaliser l’arthrodèse de
l’articulation interphalangienne du pouce si l’état des articulations adjacentes le permet, surtout si cette
articulation interphalangienne est détruite.
• Au niveau du canal digital
Le calibre des canaux ostéofibreux digitaux est précisément adapté aux tendons qui les traversent. Leur
gaine est épaissie au niveau des poulies. Une prolifération synoviale très localisée peut entraver le
fonctionnement de l’appareil fléchisseur.
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L’invasion des tendons par du tissu synovial va entraîner la formation de nodules qui peuvent être
responsables de manifestations de blocage (doigt à ressaut). Si la synovite est diffuse, elle entraînera
plutôt une raideur du doigt et un gonflement perceptible au Pinch test de Savill.
La rupture d’un tendon fléchisseur au niveau du canal digital est rare dans la PR. Le traitement
chirurgical de ces lésions est difficile et décevant.
La ténosynovectomie des fléchisseurs au niveau du canal digital est indiquée en cas d’hypertrophie
synoviale persistante entraînant une gêne fonctionnelle.
Les doigts présentant des ruptures des tendons fléchisseurs sont souvent le siège de déformations
complexes, et le seul traitement possible peut être l’arthrodèse de l’articulation interphalangienne
proximale, la flexion globale du doigt restant possible grâce aux muscles intrinsèques.
En bref
La polyarthrite rhumatoïde menace la fonction de la main non seulement par la destruction articulaire,
mais aussi par les lésions des tendons.
La ténosynovectomie chirurgicale associée à l’ouverture du défilé ostéo-fibreux est un traitement
préventif efficace des ruptures tendineuses. Il faudra en outre éliminer les aspérités osseuses par
résection de la tête du cubitus si elle est subluxée, par résection des aspérités osseuses et reconstitution
d’un plan de glissement au niveau de la face antérieure du poignet ou par arthrodèse radiolunaire ou
radiocarpienne en cas de désorganisation du poignet.
Le traitement des ruptures tendineuses installées par transfert tendineux ou par greffe donne des
résultats satisfaisants pour ce qui concerne les tendons extenseurs.
Fort heureusement, les ruptures des tendons fléchisseurs sont rares, car elles sont difficiles à traiter.
Dans le traitement global de la main rhumatoïde, la préservation de la fonction tendineuse est essentielle.
V. Résumé : la chirurgie de la polyarthrite rhumatoïde
Intervention à visée pathogénique :
• synovectomie :
− = enlever la synoviale chirurgicalement,
− la synoviale régénère,
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− elle peut redevenir inflammatoire;
• n’est plus guère pratiquée au niveau des grosses articulations;
• reste indiquée au niveau des petites articulations de la main en cas de gonflement articulaire
persistant plus de 3 mois alors qu’il y a peu ou pas de lésion érosive.
Interventions de remplacement articulaire :
• prothèses totales
hanche, genou, coude, épaule.
Arthrodèses
poignet, cheville, pied.
TABLE DES MATIERES
CHAPITRE I : GENERALITES §
1. Définitions
2. Structures de l'appareil locomoteur
2.1. L'os
2.2. Les articulations
2.3. Le cartilage
2.4. Le cartilage de croissance
2.5. L'appareil capsulo-ligamentaire
2.6. Le tendon
2.7. Le muscle
2.8. Le nerf périphérique
3. La consultation-l'examen clinique
3.1. Anamnèse
3.2. L'examen clinique
3.3. Goniométrie
3.4. Testing musculaire
3.5. Examens complémentaires
4. Moyens thérapeutiques
4.1. Traitements conservateurs
4.2. L'appareil plâtré
4.3. La traction
5. Les matériaux en chirurgie de l'appareil locomoteur
5.1. Les métaux
5.2. Les polymères
5.3. Les céramiques
5.4. Les matériaux biologiques
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CHAPITRE II : TRAUMATOLOGIE DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
1. Le traumatisé et le polytraumatisé
1.1. Définition
1.2. Conduite à tenir
2. Luxation et entorses
2.1. Luxation aiguë
2.2. Luxation ancienne
2.3. Luxation récidivante
2.4. Entorse
3. La fracture
3.1. Définitions
3.2. La fracture fermée
3.3. La fracture ouverte
3.4. Modalités du traitement d'une fracture
3.5. L'ostéosynthèse des fractures
3.6. La consolidation
4. Complications des fractures
4.1. Complications immédiates
4.2. Complications secondaires
5. Traumatologie du nerf et du muscle strié
5.1. Traumatologie du nerf
5.2. Pathologie du muscle strié
CHAPITRE III : PATHOLOGIE TUMORALE DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
1. Généralités
2. Tumeurs bénignes
2.1. Kyste essentiel de l'os
2.2. Fibrome non ostéogénique
2.3. Ostéome ostéoïde
2.4. Exostose
2.5. Tumeur à cellules géantes
3. Tumeurs malignes
3.1. Ostéosarcome
3.2. Sarcome d'Ewing
3.3. Chondrosarcome
CHAPITRE IV : ORTHOPEDIE PEDIATRIQUE
1. Les malformations congénitales et les maladies héréditaires
1.1. Les malformations congénitales des membres
1.2. Les déformations
1.3. Les maladies héréditaires
2. Les troubles statiques des membres inférieurs chez l'enfant
2.1. Introduction
2.2. Les modifications morphologiques des membres inférieurs au cours de la croissance
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127
2.3. Les troubles statiques
2.4. La statique des pieds
3. Les lésions ostéoarticulaires traumatiques de l'enfant
3.1. Les fractures décollement épiphysaire
3.2. Les lésions des apophyses
3.3. Les fractures en bois vert et les déformations plastiques
3.4. Le problème du remodelage après fracture diaphysaire
3.5. Quelques fractures qui continuent à poser problème chez l'enfant
3.6. Les lésions ligamentaires chez l'enfant
4. Les lésions ostéoarticulaires de surcharge
4.1. Les ostéochondroses de surcharge
4.2. Les autres ostéochondroses de surcharge
4.3. L'ostéochondrite disséquante
4.4. La chondropathie rotulienne
4.5. Les fractures de fatigue
4.6. La surcharge chronique des cartilages de croissance
5. Les infections ostéoarticulaires à germes banals chez l'enfant
5.1. Introduction
5.2. Classification
5.3. Ostéoarthrite du nourrisson
5.4. Arthrite septique de l'enfant
5.5. L'ostéomyélite
5.6. L'ostéomyélite aiguë hématogène
5.7. L'ostéomyélite subaiguë chez le jeune enfant
5.8. Les ostéomyélites chroniques
5.9. Les ostéomyélites chroniques récidivantes
5.10. Les infections à germes rares
6. La neuro-orthopédie
6.1.Le dépistage
6.2. Le déséquilibre musculaire
6.3. Le traitement des déformations installées
6.4. Les affections neuromusculaires et leurs problèmes orthopédiques
CHAPITRE V : L'ARTHROSE
I. Introduction
II. Généralités à propos du traitement chirurgical des destructions articulaires d'origine arthrosique
A. Le rôle du chirurgien orthopédiste dans la prévention de l'arthrose
B. L'arsenal thérapeutique chirurgical des lésions établies
III. Etude analytique du traitement chirurgical des localisations arthrosiques
A. Membre supérieur
B. Membre inférieur
IV. Conclusions
CHAPITRE VI : LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE
I. Pathologie des lésions articulaires
II. Pathologie des lésions tendineuses
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128
III. Place de la chirurgie dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde
A. La synovectomie
B. La chirurgie reconstructrice
IV. L'atteinte de la main au cours de la polyarthrite rhumatoïde
A. L'équilibre dynamique de la main
B. L'atteinte rhumatoïde de la main
C. Etude analytique des déformations
V. Résumé : la chirurgie de la polyarthrite rhumatoïde
VI. Bibliographie
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