ORGANISATION INTERNE DE L`ENTREPRISE ET VALORISATION

13e Conférence de l’AIMS Normandie Vallée de Seine, 2, 3 et 4 juin 2004
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ORGANISATION INTERNE DE L’ENTREPRISE ET
VALORISATION DES INVENTIONS TECHNOLOGIQUES
PROTEGEES
AYERBE Cécile
IDEFI Université de Nice Sophia Antipolis
250 rue Albert Einstein, Bât. 2, Sophhia-Antipolis
06 560 Valbonne
tel 04 92 98 94 92
MITKOVA Liliana
IUT Université Marne la Vallée
17, Rue Jablinot
77101 Meaux
Tél : 01 64 36 44 41
Fax: 01 64 36 44 55
e-mail : mitkova@univ-mlv.fr
Nom du contact pour la correspondance : AYERBE-MACHAT Cécile
RESUME
La mobilisation des résultats de la R&D est un élément essentiel de survie et de croissance pour les entreprises
dans un environnement caractérisé par une compétition mondiale fondée sur la nouveauté et un raccourcissement
du cycle de vie des produits. A ce titre, plusieurs travaux se sont intéressés à une forme particulière d'invention,
celle protégée par un brevet pour montrer que ce dernier joue de plus en plus un rôle stratégique comme
protection d’une compétence particulière, comme garant d’un avantage concurrentiel et comme outil de création
de valeur. Si les statistiques disponibles aussi bien au niveau de l’Office Européen des Brevets que de l’U.S.
Trademark and Patent Office (USPTO) témoignent d’une demande de dépôts accrue de la part des entreprises, la
protection demeure un acte juridique long et coûteux qui n'est pas garant du succès de l'invention. Seule la
valorisation du brevet et l'organisation de ce processus dans l'entreprise permettent d’optimiser la rentabilité des
investissements et l’avantage concurrentiel procuré par l'innovation protégée. Dans ce contexte, il peut paraître
surprenant que la littérature sur le brevet, à la fois en économie, en droit ou en gestion se soit peu penchée sur la
question des modes d’organisation interne de valorisation des brevets. Elle fait pourtant émerger un certain
nombre d’interrogations qui, mettant l’accent sur la dimension organisationnelle de la gestion des brevets, sont
l’objet du présent article. Comment valoriser le portefeuille d’inventions protégées à l’intérieur de
l’organisation ? Comment et quelles fonctions doivent participer à la prise de décision en la matière ? Comment
organiser leur collaboration ? En d’autres termes, quelles sont les formes et processus organisationnels les plus à
même d’assurer la valorisation des inventions protégées ? Pour répondre à ces questions, nous nous sommes tout
d’abord livrés à un examen des travaux relatifs aux configurations organisationnelles dédiées à la gestion des
brevets. Cette revue de la littérature nous a conduits à proposer une grille de lecture qui a été enrichie par
l’analyse qualitative de quatre grands groupes industriels français possédant une forte activité de dépôt de
brevets. Nos résultats nous amènent à compléter la littérature peu explicite quant aux modalités
organisationnelles relatives à la fois au dépôt et à la valorisation des inventions protégées.
MOTS CLEFS : Valorisation des brevets, Innovation, Organisation, Groupes industriels
français, Etude qualitative
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ORGANISATION INTERNE DE L’ENTREPRISE ET
VALORISATION DES INVENTIONS TECHNOLOGIQUES PROTEGEES
Dans un environnement caractérisé par une concurrence mondiale fondée sur la nouveauté, un
raccourcissement du cycle de vie des produits, une pression constante sur les coûts et une
incertitude croissante sur l’évolution du marché, la capacité de la firme à valoriser ses
inventions technologiques est devenue une source d’avantage concurrentiel durable. Le
management de l’invention a, à ce titre, fait l’objet de nombreux travaux théoriques et
empiriques au cours des dernières années (Rivette et Kline 2000, Bressé 2002). Certains
d’entre eux se sont tout particulièrement intéressés à une forme particulière d’invention, celle
protégée par un brevet. Ces travaux montrent que ce dernier joue de plus en plus un rôle
stratégique, à la fois comme protection d’une compétence particulière, comme garant d’un
avantage concurrentiel et comme outil de création de valeur. Les entreprises françaises
apparaissent à ce propos défavorisées par rapport aux sociétés américaines, japonaises et
allemandes dans leurs efforts pour exploiter le brevet comme outil stratégique (Grignon 2001,
Lombard 1998). De leur côté, les statistiques disponibles témoignent du nombre croissant
d’inventions protégées. L’Office Européen des Brevets indique ainsi que ces dernières sont
passées de cent trente sept mille en 2000 à cent soixante mille en 2001, dont vingt et un mille
pour le compte des seules entreprises françaises. Aux Etats Unis, la même année, le nombre
de demandes auprès de l’U.S. Trademark and Patent Office (USPTO) s’élève à trois cent
vingt cinq mille contre deux cent quatre vingt seize mille l’année précédentei. Le management
de l’invention protégée apparaît comme un enjeu stratégique d’autant plus crucial que la
protection, un acte juridique long et coûteux ne garantit pas le succès de l’invention. Seule la
valorisation du brevet et l’organisation de ce processus dans l’entreprise permettent
d’optimiser la rentabilité des investissements et l’avantage concurrentiel procuré par
l'innovation protégéeii.
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Dans ce contexte, il peut paraître surprenant que la littérature sur le brevet, à la fois en
économie, en droit ou en gestion se soit peu penchée sur la question des modes d’organisation
interne de valorisation des brevets. Les économistes se sont, en effet, très largement centrés
sur l’étude d’externalités et les mécanismes de diffusion des inventions mettant ainsi l’accent
sur les formes de valorisation externes (Richard 1998, Maskus 1993). Ils rejoignent en cela les
problématiques juridiques relatives aux modalités de protection du brevet (Wagret 1994,
Salaön 1996, Laperche 2002). Les gestionnaires, de leur côté, se sont avant tout intéressés aux
dimensions stratégiques, financières et marketing de la gestion des brevets (Dias et Parenti
2003, Pierre 1993, Rivette et Kline 2001). Le management de l’invention protégée en tant
qu’outils et formes organisationnelles n’apparaît donc que très peu abordé. Il fait pourtant
émerger un certain nombre d’interrogations qui, mettant l’accent sur la dimension
organisationnelle de la gestion des brevets, sont l’objet du présent article. Comment valoriser
le portefeuille d’inventions protégées à l’intérieur de l’organisation ? Comment et quelles
fonctions doivent participer à la prise de décision en la matière ? Comment organiser leur
collaboration ? En d’autres termes, quelles sont les formes et processus organisationnels les
plus à même d’assurer la valorisation des inventions protégées ? Pour répondre à ces
questions, nous précéderons en trois temps. Nous présenterons tout d’abord les principaux
enseignements de la littérature (1) avant de présenter nos choix méthodologiques et nos
terrains d’investigation centrés sur des entreprises françaises ayant une activité importante de
protection et d’exploitation d’inventions (2). Les principaux enseignements de cette recherche
seront discutés dans un troisième temps (3).
1. INVENTION, BREVET, INNOVATION ET VALORISATION
Avant d’aborder la question des modalités organisationnelles de la valorisation , il convient
d’apporter quelques éléments de clarification afin de situer précisément l’invention protégée
dans le processus d’innovation. L’analyse des interactions invention-brevet-innovation
permettra de souligner le rôle stratégique de l’invention protégée et d’introduire ses
différentes voies de valorisation.
1.1. De l’idée initiale à l’invention protégée
l La relation “ invention-brevet-innovation
Associée à l’idée de progrès, l’innovation est souvent utilisée sans grande précision pour
caractériser différents phénomènes. L’acception que nous retiendrons ici se limite à la
dimension technologique de l’innovation qui concerne l’introduction de produits et procédés
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technologiquement nouveaux (innovation radicale) ou améliorés (innovation incrémentale)
(Manuel d’Oslo 1994)iii. On doit aux travaux pionniers de Schumpeter la séparation entre
invention et innovation. Alors que la première consiste en la découverte d’une idée novatrice,
la seconde réside dans sa mise en application. S’il est communément admis que l’innovation
représente cette mise sur le marché et / ou cette intégration dans un milieu social de
l’invention, ce passage n’a rien de mécanique. Les économistes, à travers le modèle de liaison
en chaîne notamment (Kline et Rosenberg 1986) ont souligné les interactions complexes entre
l’innovation et les découvertes scientifiques. Les sociologues ont mis l’accent sur le caractère
imprévisible de l’innovation présentée comme un “ processus tourbillonnaire, qui aboutit,
dans le meilleur des cas, à une adaptation réciproque de l’offre et de la demande ” (Callon
1994, 11). Les gestionnaires se sont interrogés sur le rôle clef de l’organisation comme
vecteur de passage entre l’invention et l’innovation. Quelle que soit la perspective adoptée,
l’ensemble des travaux reconnaît qu’invention et innovation se distinguent par nature et
qu’aucun lien systématique ne peut être établi entre ces concepts. La distinction introduite, en
plaçant le marché au coeur des définitions, pose nécessairement la question de la protection de
l’invention et par conséquent du brevet.
Conformément aux approches précédemment évoquées, l’innovation apparaît comme un
processus interactif et discontinu entre la recherche, le développement, la production et la
commercialisation (Kline et Rozenberg, ibid). L'invention protégée est présentée comme
résultat de la R&D, point de départ de l'innovationiv (Callon et Law 1989). Les droits de
propriété apparaissent alors comme des déterminants du processus d'innovation régularisant
les relations relatives à l'usage des inventions (Amanne 1996, 8). Dans le processus
d'innovation le brevet se situe donc entre l'invention et l'innovation. Il confère des droits
exclusifs sur l'exploitation et la diffusion de l'invention. Il se rapporte donc à l'invention et
non à l'innovation. La transformation du brevet en innovation n'est pas obligatoire, et ce pour
deux raisons : un brevet peut ne jamais se transformer en produit ou en procédé utilisé et
diffusé d’une part, la firme peut créer des innovations sans les breveter d’autre part. Le brevet
apparaît donc comme une forme juridique d'une partie des inventions qui correspondent aux
conditions juridiques et économiques de protection.
l Les conditions juridiques de protection de l’invention
Le brevet est donc un "titre délivré par l’Etat qui confère à son titulaire un droit exclusif
d’exploitation de l’invention qui en est l’objet"v (Chavanne et Burst 1993, 25). Il concerne le
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plus fréquemment deux catégories d'inventions : le produit et le procédé. L'application
nouvelle et la combinaison nouvelle des moyens connus qui aboutissent à un nouveau résultat
(produit ou procédé) font également l’objet d'un brevet (Roubier 1952, 68). L'octroi d'une
protection juridique implique certaines conditions. Pour être brevetable, une invention doit
pouvoir être qualifiée de nouvelle, dérivée d'une activité inventive. La nouveauté représente
l'absence de tout précédent. Une invention résulte d'une activité inventive si, pour un homme
de métier, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique. De plus, elle est
considérée comme étant industrielle lorsqu’elle se situe dans le domaine de l’industrie,
lorsqu’elle peut être fabriquée ou utilisée dans tout genre d'industrie. L’invention est
brevetable si elle représente des moyens précis permettant d'aboutir à un résultat concret. La
délivrance du brevet oblige l'entreprise détentrice à exploiter l'invention, qu’elle le fasse par
ses propres moyens ou avec d’autres firmes. A défaut elle s’expose à ce qu’une licence dite
obligatoire soit attribuée juridiquement. Le système de protection de l'invention crée une
situation non-concurrentielle qui empêche temporairement la diffusion de l'innovation par
tiers. Les caractéristiques juridiques de l'invention protégées présentent donc une couverture
réglementaire, perçue comme un avantage concurrentiel, une ressource particulière créatrice
de valeur ajoutée qui peut être valorisée sous des formes multiples.
1.2. Les voies de valorisation des inventions protégées
La valorisation est "le processus qui transforme l'invention en un produit ou procédé vendable
qui permet de passer de la recherche à son application industrielle" (Maître et al. 1992, 2). En
matière de brevet il s’agit d’un ensemble de mesures permettant d'en accroître la valeur réelle
concernant surtout la fabrication et la vente des produits dérivés. Ces mesures font également
référence à la poursuite des contrefacteurs et la conduite de litiges. Valoriser, c'est aussi
étendre l'exploitation (directe ou par les licenciés) à de nouveaux territoires, segments de
marché ou applications (Marquer 1985, 204). Les différentes formes de valorisation
s’inscrivent dans l'ensemble du processus de gestion de brevet (schéma 1) qui se décompose
en trois phases (Mitkova 1999). La première phase correspond aux opérations de dépôts et
d'acquisition qui impliquent un travail de formalisation, rédaction, puis d’enregistrement
auprès des institutions nationales et internationales de propriété industrielle. La deuxième
étape est relative au choix de modalités de valorisation du brevet (interne ou externe). Enfin,
le dernier stade est celui de l’exploitation du brevet, à savoir la production de produits (ou la
mise en exploitation des procédés protégés) et leur commercialisation sur les marchés.
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