EDITO
AMP pour les couples de femmes homosexuelles : arrêtons de
fantasmer !
Publié le 16/03/2013
Dr Joëlle Belaisch-Allart*
Paris, le samedi 16 mars 2013 – Le débat autour de l’accès des couples homosexuels à la parentalité, par le biais de
l’adoption (et en ce qui concerne les couples féminins par l’assistance médicale à la procréation) s’est assoupi. Il
devrait cependant revenir prochainement sur le devant de la scène lorsque le Sénat se penchera à son tour sur le
projet de loi dit sur le « mariage pour tous » (bien qu’on le sait il ne traite pas de la question de l’AMP). Sur ce sujet,
nous avions sondé les lecteurs du JIM il y a quelques mois. Ils s’étaient révélés majoritairement (74 %) opposés à
l’idée de permettre aux couples de femmes d’avoir recours à l’AMP.
Cette position très tranchée reflète-t-elle cependant l’opinion des spécialistes de cette technique ? Pas sûr, si l’on se
réfère en tout cas à celle exprimée ici par le Dr Joëlle Belaish-Allart, chef du service de gynécologie obstétrique et
médecine de la reproduction du Centre hospitalier des quatre villes.
En France, d’après la loi de Bioéthique, l’AMP est réservée aux couples formés d’un homme et d’une femme, présentant une
infertilité médicalement constatée. Les femmes seules et les femmes homosexuelles qui souhaitent un enfant sont acceptées
dans les centres d’AMP dans de nombreux pays européens, limitrophes (Belgique, Espagne, Pays-Bas, Danemark, Grande
Bretagne). Certes nous ne disposons pas de chiffres mais une visite dans un centre d’AMP de Bruxelles est édifiante : le
nombre de femmes françaises homosexuelles prises en charge en Belgique est impressionnant. Les couples d’hommes (qui
eux ont besoin d’une GPA ou gestation pour autrui) doivent aller un peu plus loin. Ce qui est légal d’un coté de la frontière est
interdit de l’autre. Comment ne pas s’interroger sur le bienfondé d’une loi qui interdit ce que l’état voisin autorise, et parfois
même au sein de la même communauté ?
L’intérêt de l’enfant : un épouvantail facile !
Certes le fait qu’une technique soit disponible ailleurs n’est en rien une justification mais il est indispensable de réfléchir avant
de condamner une pratique ou de la qualifier de non éthique. Il faut analyser les véritables raisons de nos attitudes, trop
souvent basés sur des croyances plus que sur la raison. L’intérêt de l’enfant, trop souvent mis en avant, n’est pas toujours
évident. Les publications sur le devenir des enfants nés de parents homosexuels sont à l’unanimité très rassurante. Les
données de la littérature suggèrent en effet que la qualité de la parentalité intervient plus que l’orientation sexuelle des parents
et que les enfants de mères lesbiennes ou de pères gay ne deviennent pas plus homosexuels que les autres et ne diffèrent pas
des enfants élevés par les hétérosexuels en terme de développement psychologique et d’identité sexuelle. Les opposants à
l’homoparentalité répondent aussitôt que ces travaux sont militants, « télécommandés » par les femmes concernées et
brandissent le principe de précaution (celui au nom duquel il ne faut finalement rien faire, on ne sait jamais).
Quand on invoque l’égalité hommes/femmes pour s’opposer à l’AMP
Et quand le discutant se rend et reconnait que oui c’est assez injuste que les femmes françaises qui souhaitent un enfant dans
le cadre de l’homoparentalité doivent aller à Bruxelles et que c’est vrai ces enfants vont bien, un dernier argument massue
apparait : si l’on autorisait les femmes lesbiennes à avoir recours à l’AMP (une simple insémination suffit souvent) il faudrait par
souci d’équité l’autoriser aux hommes qui eux doivent avoir recours à la GPA. Il est vrai qu’il est parfaitement injuste que les
hommes n’aient pas d’utérus et ne puissent pas porter de bébé mais la nature est ainsi faite, les hommes et les femmes sont
égaux en droit mais différents physiologiquement et les femmes sont dépourvus de cet Y qui a assuré le pouvoir des mâles
pendant des siècles. Faut-il, au nom de l’égalité (?) homme/femme interdire l’accès à l’AMP aux couples de femmes parce que
la parentalité des couples d’hommes requiert des techniques plus lourdes et plus contestables ?
Le pragmatisme de la Société américaine de médecine de la reproduction
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) avait proposé, en 2008, d’ouvrir l’accès
à l’AMP aux femmes célibataires médicalement infertiles. Cet élargissement présentait l’avantage de conserver le cadre
médical d’accès aux techniques d’AMP, mais clairement aurait entraîné des inégalités entre les femmes selon la possibilité
d’identifier ou non l’origine de la stérilité.
La société évolue, l’homoparentalité est devenue une réalité qui a un poids démographique. En France, lors des états
généraux de la bioéthique qui ont précédé le vote de la loi de bioéthique, le panel citoyens du forum de Rennes a proposé que
les couples de même sexe puissent adopter mais s’est clairement prononcé contre la possibilité pour ces couples ainsi que
pour les célibataires de recourir à l’AMP. Bizarre, ces états généraux (dont l’organisation a été remise en cause …) car le
sondage IFOP réalisé pour les Etats Généraux de la femme en 2010 a révélé que 50 % des Français étaient favorables à
l’accès à l’AMP pour les couples homosexuels.
Arrêtons de fantasmer, on pourrait autoriser les femmes homosexuelles à bénéficier d’une insémination médicalement
encadrée, leur éviter petits « arrangements entre amis » et/ou voyages à l’étranger sans autoriser d’emblée la GPA.
Le comité d’éthique de la Société Américaine de Médecine de la Reproduction n’a pas hésité à affirmer qu’il y a obligation
JIM - AMP pour les couples de femmes homosexuelles : arrêtons de fa... http://www.jim.fr/print/e-docs/00/02/1A/60/document_edito.phtml
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