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de la majorité. La démarche prospective s’est cristallisée autour de la volonté commune de
dépasser les blocages du système existant et de valoriser toutes les marges de manœuvre
possible, afin d’offrir une meilleure réponse aux jeunes.
L’enjeu réside dans la remise en sens du travail, autour de la finalité même des pratiques et
des politiques sociales. Car si les moyens en présence pour aider des familles, des jeunes, des
enfants, sont importants, avec de fait des réponses adaptées grâce à l’engagement de tous et
notamment des professionnels, il n’en demeure pas moins que l’on observe aussi le manque
de coordination, de fluidité, de coopération, ainsi que des institutions qui continuent à
travailler en circuit fermé sans s’inscrire dans leur environnement ni se relier à la société civile,
d’où des parcours qui « dans certaines situations deviennent chaotiques, faits d’échecs,
d’exclusions à répétition » et donc de souffrance pour le jeune.
Les réflexions partagées questionnent les conceptions du travail social. En effet, les
discontinuités de parcours ont un impact global sur la vie de l’enfant ou de l’adolescent
concerné : par exemple lorsque les changements répétés de lieu de vie ou de scolarité le
fragilisent sur le plan affectif et relationnel, mettant en péril ses relations avec les autres
jeunes, comme avec les adultes autour de lui ; ou quand la sortie des dispositifs, à la majorité,
est vécue comme un « lâchage » par le jeune qui se retrouve isolé, dans l’obligation de
s’assumer, se loger, trouver un emploi. Comme l’ont souligné les participants à ces travaux,
« l’épreuve peut être particulièrement brutale et éprouvante ». L’enjeu principal est donc de
dépasser les cloisonnements pour construire une vision d’ensemble, c’est-à-dire qui
appréhende, dans une logique de coresponsabilité des acteurs ou institutions concernés, tout
ce dont le jeune peut avoir besoin sur le plan affectif, relationnel, éducatif, social et de la santé
et tout ce qui peut l’aider à circuler, en tant que personne singulière, entre différentes
solutions possibles.
Il s’agit pour cela de travailler sur les postures professionnelles pour dépasser les
corporatismes, mais aussi tout simplement les cultures professionnelles trop étanches qui
sont un frein à la coopération entre acteurs. Il s’agit aussi de développer des pratiques
différentes et, comme le suggèrent les travaux de l’ERP, de privilégier des formes
d’intervention légères, souples, évolutives et davantage inscrites dans le territoire,
interventions inspirées par exemple du « case management » ou des principes de l’action
sociale communautaire pratiquée au Canada. D’où un enjeu en termes de formation, de
conception des postes (avec par exemple des postes de coordinateurs de parcours).
Les parcours questionnent en ce sens l’organisation des établissements et services, au-delà
des postures professionnelles. Ainsi, les expériences observées par l’ERP mettent elles en
lumière des transformations dans l’organisation interne : le parcours induit une relation plus
horizontale avec le jeune, qui va par ricochet bousculer les relations sociales internes, dans le
management comme dans l’organisation des services, avec plus de place à l’initiative, plus de
coordinations informelles, plus de relations avec l’extérieur, …. Cette logique du parcours
suppose aussi une coopération inter services, inter établissements, avec l’émergence d’une
fonction de pôle de ressource et d’aide à l’orientation pour certains établissements, dont le
« cœur de métier » mute ainsi du « placement » au « pivot».