Les stratifications sociales Sommaire INTRODUCTION 2 SEANCE 1 : MARX VS. WEBER ? 6 1. MARX 6 1.1. LES CLASSES SELON MARX 6 1.1.1. D’OU VIENNENT LES CLASSES ? 6 1.1.2. COMBIEN DE CLASSES DANS L’ŒUVRE DE MARX ? 7 1.1.3. QUELLE EST LA NATURE EXACTE DES CLASSES ? 7 1.2. LA CRITIQUE DE DAHRENDORF (1959) 9 1.2.1. ABANDON DE LA PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE MARXIENNE : LE PROBLEME DU CHANGEMENT SOCIAL 9 1.2.2. DE LA PROPRIETE A L’AUTORITE 9 1.2.3. CRITIQUE DE DAHRENDORF PAR HAZELRIGG, 1972 10 2. WEBER 10 2.1. CLASSE ECONOMIQUE 11 2.2. POSITION STATUTAIRE 11 3. ACTUALISATION 12 SEANCE 2 : LES CLASSES SOCIALES DES DURKHEIMIENS 17 1. DURKHEIM : UNE DIVISION DU TRAVAIL SANS CLASSE SOCIALE ? 17 1.1. LA DIVISION DU TRAVAIL EST UN PHENOMENE INELUCTABLE 17 2. HALBWACHS ET LES CLASSES SOCIALES 20 2.1. UN DURKHEIMIEN ATTENTIF AUX ASPECTS CONCRETS DE LA SOCIETE 20 2.2. DES CLASSES SOCIALES DANS LA VIE COLLECTIVE 21 3. PERPETUATION DE CETTE APPROCHE ENTRE COLLECTIF ET CLASSE AUTOUR DES NOTIONS DE PAUVRETE, D’EXCLUSION ET DE DESAFFILIATION : LES PROLONGEMENTS CONTEMPORAINS 23 3.1. CLASSES SOCIALES : EXCLUSION ET DESAFILIATION DANS LES ANNEES 198-90 23 SEANCE 3 : COMMENT UN GROUPE SOCIAL PREND-T-IL DE LA SUBSTANCE ? 25 1. FORMATION D’UN GROUPE SOCIAL DOMINE (DEFAVORISE) : LE CAS DES OUVRIERS 26 2. FORMATION D’UN GROUPE SOCIAL DOMINANT (FAVORISE): LE CAS DES CADRES 30 3. LA QUESTION DE LA DISSOLUTION D’UN GROUPE SOCIAL : LE CAS DES PAYSANS 33 3.1. LE GROUPE PAYSAN EST DECRIT COMME UN GROUPE FINISSANT, EN CRISE, EN FRANCE DEPUIS 1945 33 3.2. UN TABLEAU A NUANCER 34 SEANCE 4 : LE MARQUAGE CULTUREL DES DIFFERENCES SOCIALES 35 INTRODUCTION : LA CULTURE STRATIFIANTE 1. LA DISTINCTION (1979) DE PIERRE BOURDIEU 1.1. LA DEFINITION DE LA CULTURE 1.2. FONCTIONNEMENT GENERAL DE LA CULTURE 1.2. LIEN ENTRE STYLES DE VIE ET CLASSES SOCIALES 2. CRITIQUE EXTERNE ET GENERALE SUR CES QUESTIONS 3. CRITIQUES INTERNES ET PLUS SPECIFIQUES (ANNEES 1990-2000) 35 35 35 36 36 38 40 1 SEANCE 5 : LA STRATIFICATION SOCIALE INSTITUTIONNALISEE : LE CAS DE LA CLASSIFICATION SOCIOPROFESSIONNELLE 42 INTRODUCTION D’AUTRES FORMES INSTITUTIONNALISEES DE LA STRATIFICATION SOCIALE 1. ORIGINE DES CLASSIFICATIONS PROFESSIONNELLES : LE CAS DE LA FRANCE 2. L’USAGE SCIENTIFIQUE ET POLITIQUE DES CLASSIFICATIONS (PAR LE HAUT) 3. USAGES SOCIAUX : A QUEL POINT EST-CE PRESENT DANS LA PRATIQUE QUOTIDIENNE ? 42 43 44 44 45 SEANCE 6 : DOMINER L’ESPACE SOCIAL : LA DYNAMIQUE DES CLASSES SUPERIEURES 48 1. COMMENT LES CLASSES SUPERIEURES ONT-ELLES EVOLUE A UNE PERIODE RECENTE ? 49 1.1. LA PLACE GRANDISSANTE DU SALARIAT 49 1.2. OUVERTURE SOCIALE DES CLASSES SUPERIEURES 51 1.3. INTERNATIONALISATION 53 2. DEVENIR BOURGEOIS, DOMINANT, MEMBRE DES CLASSES SUPERIEURES : LA SOCIALISATION DE CLASSE 54 2.1. LA SOCIALISATION FAMILIALE DES CLASSES SUPERIEURES 54 3. LE MAINTIEN DES POSITIONS 59 Introduction Intégrer des réflexions méthodologiques, ne pas négliger l’aspect recherche de la dissert’ (citer articles français et étrangers). Cours du CNED : Pelissa et Spir. Travail collectif (ficher un livre) et travail individuel (lire une dizaine d’articles personnels au-delà de ceux cités dans les cours et CNED). Faire une méga fiche par thème. Apprendre quelques citations par cœur (notamment de définitions), voir les dictionnaires de citations. - Des références et exemples sur une forme tout de suite « citables » : moment, condition d’enquête, résultat. Aller dès que possible sur les conditions de citations de l’enquête. Module : une idée/ un exemple. Des séquences dissertatoires Sur le sujet : Il ne s’agit pas d’un thème sous-disciplinaire. Croyances collectives mis à part, tendance aux thèmes sous-disciplinaires au concours. L’idée est dans le cas de sous-champ est celle de la maîtrise de ce sous-champ. Il s’agit dans ces cas-là de connaître mieux le domaine que l’objet. 2 Ici, on parle de stratifications sociales. La question de la connaissance d’un domaine disciplinaire ne se pose pas, cela valorise le côté « je construis moimême les limites du sujet ». On ne peut plus se dire sociologue de la stratification sociale en France (pas de réseau stratification sociale à l’AFS). Du coup : peu de manuels. Manuel de Serge Bosc (1998), surtout les chapitres 1 et 2 puis pour présenter rapidement les principaux travaux sur les classes en première lecture. Pb : livre ancien, très peu de références postérieures aux années 1990. On peut circuler dans tous les domaines sous-disciplinaires. Toutes les sociologies sont utilisables (sociologie de la culture, de la ville, de l’éducation). - Comment et à quel point les pratiques culturelles marquent la limite entre les groupes sociaux ? - Question de la contribution de l’école à la différenciation des classes - Lien entre différenciation scolaire et différenciation sociale - Sociologie du corps : cf les statistiques de la corpulence. Nicolas Herpin, 2006, Le pouvoir des grands. o Sur la mise en couple Une mise en couple plus précoce et plus fréquente pour les hommes de grande taille. Parmi les 30-39 ans, moins des 2/3 des « petits » vivent en couple (moins de 170 cm) contre plus des ¾ des moyens et grands. La taille n’est pas un signal de milieu social modeste comme l’est au bal des célibataires la gaucherie des paysans. Trouver un conjoint est difficile pour les hommes de petite taille, quelque soit le milieu d’appartenance. La taille est un trait central de la masculinité (Bozon et Héran, 2006) => « supériorité symbolique de l’homme ». o La prime de la taille Les différences de taille sont une source d’inégalité économique entre les hommes (en 1996, chaque pouce entraîne une augmentation de salaire de 1,8 % au RU et de 2,2 % aux EU). Hypothèse selon laquelle les grands sont plus productifs pour les tâches d’encadrement ? 1/5 des actifs ont une fonction d’encadrement en France => influence de l’âge, du diplôme et de la stature. Influence de la taille sur la mobilité intra (en cours de carrière) et intergénérationnelle. La grande taille est associée positivement à l’ascension sociale : 20,5 % des ouvriers sont de petite taille et ils sont 24,4 % à être restés ouvriers contre 16,6 % en ascension sociale. Influence de la taille dans le secteur privé mais pas dans le secteur public. Autre hypothèse : pour contrer le risque d’échec d’un nouveau travailleur (Phelps, 1972 et Arrow 1973). - Sociologie du travail La bibliographie se porte peu sur la notion de stratification sociale comme forme de perception, et en termes d’efficacité dans le monde du travail (Joudain), réflexion sur les sans-papiers. Le terme de stratification est un terme spécifiquement sociologique. Il n’est pas utilisé dans la plupart des situations ordinaires. Donc il est dépendant des sociologues => on doit s’attacher à ce que dit la tradition sociologie pour comprendre ce qu’il veut dire. Il y a deux usages de ce terme de stratification (Bosc, 1998) : 3 - Usage large (ou faible) : équivaut quasiment à « différenciation sociale ». Cet usage peut être une manière de restaurer les classes sociales. Le sujet ne s’oppose pas aux classes sociales, au contraire ! Usage restreint (ou fort) : opposé à la notion de classe sociale. Usage fait par les sociologues américains fonctionnalistes, « approche stratificationniste » : la société est un dégradé de positions sociales hiérarchisées mais pas forcément conflictuelles. On parlera de strates supérieures et inférieures (pas de notion de lutte). Rq : les bourdieusiens sont parfois contre l’emploi de la notion « classe supérieure » qui gomme la notion de lutte. Touche aux modes spécifiques de hiérarchisation. Le terme de hiérarchisation implique une référence scientifique et sociologique forte : critères scientifiques et non critères sociaux. En tant que sociologue, comment se représenter la société ? Il s’agit d’une représentation de la société dans sa globalité comme affaire du scientifique, affaire du « bon critère ». 60-70s : on parle de classes sociales (marxistes). 80-90s : on s’éloigne de ces questions. Moyennisation, les classes auraient disparu. On arrête de parler de stratification. On parle des nouvelles formes de différenciation, de genres. Question de la subjectivité, retour du sujet. Depuis les 90s : les questions de classes sociales réapparaissent mais par la « petite porte » (notion de stratification, terme auparavant anti classe sociale). Bosc évoque le texte de Chamboredon qui attaque en règle les approches en termes de stratification. Les jurys se concentrent plus sur l’usage faible de la notion de classes sociales, qui implique tout type de différences : - Différenciations de genre - Age, générations. Ceci est suggéré par l’usage du pluriel. L’acception retenue est plutôt la seconde, c’est-à-dire les approches stratificationnistes. On s’intéresse à l’intérêt théorique et la pertinence empirique des diverses manières de différencier la société. Mais quand on s’en tient à la bibliographie, cela remet en cause l’approche par les termes du sujet. 3 grands types d’ouvrage : 1) Sur les classes sociales en général. Textes plutôt de l’époque précédente. 2) Les classes sociales spécifiques : renvoie à LA stratification. Chauvel, Les classes moyennes à la dérive (2006) : conception extrêmement large des classes moyennes (plutôt comme la France à la dérive). 3) Thématiques des classes sociales : mobilité sociale et ségrégation urbaine Ceci épuise la totalité de la biographie, centrée sur les seules classes sociales, ce qui ne va pas de soi. Absences (étonnantes) : Pas de travaux de sociologie de l’éducation Peu de travaux de sociologie de la culture (sauf la Distinction) Questions ethniques et raciales peu traitées 4 Question du genre ? Age et générations (textes d’Olivier Galland, Baudelot : avoir trente ans) Il faut prendre acte du fait que la biographie se centre sur les classes sociales. Il faut considérer les autres formes de différenciation sociale dans leur relation avec les classes sociales. Les différences de genre et de générations ne sont pas ici importantes pour elles-mêmes mais dans leurs relations avec les classes sociales. Bibliographie franco-française : ne pas en faire trop sur la littérature étrangère (mais quand même un peu). Pas de travaux empiriques (travaux avec des indicateurs européens). Sur la manière de concevoir les classes sociales : le jury privilégie une approche classique des classes sociales. Les candidats doivent être capables de décrire correctement les classes sociales : - Maîtrise des implications théoriques de la notion de classe (modèles de classes sociales : matérielle, symbolique, en soi, pour soi, consistante ou non) - Appui sur des observations : documentation des classes sociales, à la fois qualitative (ethnographie des groupes sociaux) et quantitative (données morphologiques sur les classes sociales). Cela implique que le problème des stratifications est essentiellement de savoir dans quelle mesure la stratification correspond bien à quelque chose dans la réalité sociale ? Dans quelle mesure les modèles de classe sont adaptés à l’observation ? Dans quelle mesure les théories sont adaptées pour rendre compte de phénomènes sociaux ? On peut contraster avec ça une approche dynamique des classes sociales : Comment se forment les classes sociales ? (Il manque les cadres de Boltanski, la formation de la classe moyenne) Dans quelle mesure les différences sociales sont perceptibles dans les pratiques individuelles ou collectives ? Comment perçoit-on les classes sociales dans la pratique ? Comment les politiques publiques se greffent sur un mode de stratification sociale en s’appuyant sur les PCS ? Sur les chantiers ? Les enfants perçoivent-ils les classes sociales ? Aspect et pratique politique : qui a intérêt à dire ou ne pas dire les classes sociales ? Bosc revient là-dessus : que veut dire la moyennisation ? Les membres du jury restent à comment les membres de la société se représentent cette société ? Pierre BOURDIEU, 1984, « Espace social et genèse des classes », ARSS : « ce n’est que dans un premier temps que la sociologie se présente comme une topologie sociale ». Il y aurait un second temps : moment où la sociologie prend un ton plus dynamique, moins objectiviste, celui de la formation, de l’émergence des groupes sociaux. La relation entre les classes sociales et la politique, en amont et en aval. En amont, on a des pratiques sociales (formation des groupes sociaux) En aval, relation entre classes sociales et pratiques (perception et usage des classes sociales). 5 Pour les durkheimiens, s’il existe les classes sociales différenciées, pas de représentations collectives. ED et Halbwachs cherche à établir des modèles de classes sociales qui préservent l’idée que la société est d’abord une question d’intégration et de degré de participation sociale. Classes sociales « topologie sociale » Formation Pratiques Perception, usage social, effets Pratiques Séance 1 : Marx vs. Weber ? 1. Marx 1.1. Les classes selon Marx Marx n’est pas l’inventaire de la notion de classe sociale. Lettre de 1852. Point de vue politique et travail de redistribution des classes pour relier classes et mode historique de production. 3 questions : - D’où viennent les classes ? - Combien sont-elles ? - Quelle est leur nature exacte ? (Matérielle ou symbolique). 1.1.1. D’où viennent les classes ? Situation économique différente Le Capital (1867) : polarisation entre ceux qui possèdent les moyens de production et ceux qui ne les possèdent pas, ou seulement en y apportant leur propre force de travail. Définition de deux classes principales : la classe des capitalistes et la classe des travailleurs. Cette distinction correspond à des différences de conditions sociales qui tiennent à un accès inégal aux possessions des moyens de production. Possession des moyens de production => plus-value => richesse et accès à un grand nombre de biens. Tendanciellement, les seuls biens auxquels ont accès les travailleurs sont ceux qui leur permettent de reproduire leur propre force de travail, intellectuelle ou purement physique. Lire citation 2. 6 Intérêts différents L’opposition entre capitalistes et travailleurs correspond à une contradiction fondamentale des intérêts. Créer de la plus-value implique d’extorquer du surtravail aux travailleurs. But : allonger la durée de travail des adultes et des enfants. S’exprime alors une divergence d’intérêts. La relation entre les deux groupes est une relation dynamique d’exploitation (et non seulement statique d’inégalités). 1.1.2. Combien de classes dans l’œuvre de Marx ? La distinction entre capitalistes et travailleurs (ou bourgeois et prolétaires) ne se trouve pas de cette façon dans tous les textes de Marx. Cf Hayes (1993). Complications : la distinction entre bourgeois et prolétaires ne suffit pas à rendre compte qu’en 1848 certains bourgeois ont rallié Louis Philippe quand d’autres ont rallié la république. Juin 1848 : garde mobile de prolétaires réprimée par des prolétaires. Comment expliquer ces événements historiques ? Marx envisage des fractions de classe : aristocratie financière, grande bourgeoisie, reste de la bourgeoisie ou le Lumpenproletariat du prolétariat luimême ou de la « surpopulation relative » (chômeurs). HAYES (1993) revient sur ces différents groupes : cette pluralisation de classes correspond à l’ajout d’axes de stratification supplémentaires par rapport à la seule propriété des moyens de production. Cf le schéma de Hayes > 3 axes : - Axe de propriété/ non propriété des moyens de production - Axe entre productifs et improductifs - Axe descriptif et normatif entre classes dégénérées et classes non-dégénérées (dégénéré = fait de ne pas chercher à participer à la production). Bourgeoisie, grande bourgeoisie, aristocratie financière : propriété. Prolétariat : non propriété et productif (non dégénéré) Chômage (surpopulation) : non propriété et improductif mais non dégénéré Lumpenproletariat : non propriété, improductif et dégénéré. Alliance et balancement entre un axe et un autre. Révolution de février 1848 : actualisation historique de l’opposition entre les non-dégénérés et les autres. Dégénérescence : allie des gens comme l’aristocratie de la finance (dilettantisme et distance à la production), le Lumpenprolétariat et la grande bourgeoisie. Marx a introduit une morale du travail. Il amène une division entre ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas participer, ce qui l’éloigne un peu d’une simple analyse matérialiste. 1.1.3. Quelle est la nature exacte des classes ? Si on s’en tient à l’opposition simple entre capitalistes et travailleurs, les classes existent dans cette situation de possession ou non possession des moyens de production. C’est l’idée chez Marx de classe en soi : position dans le processus de production. 7 Une classe peut devenir bien plus consistante quand elle ne renvoie pas seulement à une pure condition matérielle mais aussi à une réalité symbolique, subjective et idéologique : à une conscience de classe. La classe est alors une classe pour soi, c’est-à-dire que les membres se reconnaissent les uns les autres et sont en mesure d’agir en tant que classe. Il s’est intéressé aux conditions dans lesquelles une classe sociale en soi se mue en classe sociale pour soi. Deux types d’obstacles : obstacles matériels et symboliques. - Obstacles matériels : dispersion géographique (// pensée de la division du travail chez Durkheim : densité morale/ densité matérielle) des membres d’une classe. Cas des « paysans parcellaires » (18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, 1850-1852) qui n’ont pas de conscience de classe (inertie). Métaphore du sac de pommes de terre. Cf citation. o Equivalents contemporains : 1) sous-traitance et externalisation Chiapello et Boltanski (2000) : de fin 75 aux années 90, les grandes entreprises de pus de 500 salariés correspondaient à 21 % de la masse salariale globale. 20 ans plus tard en 1996, elles ne correspondent plus qu’à 11 % de la masse salariale globale. Pour les entreprises de moins de 10 salariés, elles sont passées de 18 % à 26 %. Il est plus difficile pour des petites entreprises dispersées de faire groupe ou classe. 2) Intérim (Jounin : dans le BTP ou Chauvin : les agences de la précarité). On fait des grèves de sans-papiers et non d’intérim car c’est très difficile de rassembler les travailleurs en Intérim car pas de lieu commun au travail. E manière générale, la précarisation. - Obstacles symboliques (idéologiques) : 1) sentiment de la naturalité de l’état présent de la production, de la séparation en classe, etc. Idée de « fétichisme de la marchandise » : ne plus voir qu’il y a du travail incorporé dans la marchandise. Ce fétichisme de la marchandise a un rapport avec la question de la formation des groupes : on ne voit plus le travail incorporé, donc l’exploitation des groupes. 2) Maîtrise bourgeoise de l’idéologie dominante : concerne la production des biens économiques mais aussi intellectuels (L’idéologie allemande, 1846). Idéologie allemande : idée de penseurs qui se pensent loin de la domination économique, mais en réalité, cela fait le jeu des propriétaires des moyens de production. Il ne sépare pas la classe dominante en fractions intellectuelles, économiques. Au contraire, il insiste sur leur unité. L’appel à la classe est un moyen de donner de la consistance à la classe. « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » (Manifeste du parti communiste, 1848). Bourdieu, 1994, Raisons pratiques : recherche chez Marx de l’effet de théorie : de la description des classes sur le papier aux classes réelles. o Equivalents contemporains : Edition, la presse. Le nouvel esprit du capitalisme (2000) : l’affaiblissement des classes sociales comme réalité sociale tient à l’imposition d’un modèle alternatif de représentation du monde = le modèle connexionniste, qui veut que les personnes soient reliées non par des oppositions et des hiérarchies mais par des réseaux. Ils étudient des manuels de management (analyses textuelles quantitatives) pour montrer 8 l’importance de la rhétorique du réseau et attester qu’il s’agit d’imposer une nouvelle forme de représentation du monde qui s’oppose idéologiquement à l’idée de classe (pas de renforcement des consciences de classe). Remarque sur l’analyse de réseau : « Analyse structurale » comme programme fort : comment en créant des classes à partir des réseaux on chercher à construire des structures alternatives des classes sociales. Mais souvent théorie faible : Lazega défend un usage plus faible du réseau tout en attribuant des propriétés sociales aux points de son réseau. Dans les premiers logiciels de l’analyse de réseau, il était difficile d’attribuer des propriétés aux points des réseaux. Au départ, on ne pouvait penser qu’en termes de liens (individus liés à leur classe, leur sexe, etc.) et non en termes de propriétés et de substance. Cette analyse est attestée comme obstacle objectif à la production d’une classe pour soi. Remarque : ne JAMAIS laisser un auteur classique tout seul dans son coin. Il faut le lier à des données et des théories contemporaines. 1.2. La critique de Dahrendorf (1959) Dahrendorf, 1959, Classes et conflits de classe dans les sociétés industrielles. Deux critiques principales. - Philosophie marxienne opposée à la sociologie Changement social : Marx pense le changement comme forcément révolutionnaire. Le changement social peut se penser de manière moins révolutionnaire et peut être d’origine exogène à une société. Ce ne serait pas du à une dialectique entre différentes groupes mais par la diffusion de valeurs d’une société dominante (théories diffusionniste) 1.2.1. Abandon de la philosophie de l’histoire marxienne : le problème du changement social Changement social : Marx pense le changement comme forcément révolutionnaire. Le changement social peut se penser de manière moins révolutionnaire et peut être d’origine exogène à une société. Ce ne serait pas du à une dialectique entre différentes groupes mais par la diffusion de valeurs d’une société dominante (théories diffusionniste) 1.2.2. De la propriété à l’autorité On devrait parler en termes de ppté des moyens de production : si l’axe de division des classes est la propriété, cela ne s’applique que dans les cas où le concept de ppté privée existe. Or cette existence est relativement récente. L’opposition propriétaire/ non propriétaire ne rend pas compte de la séparation entre propriétaire de l’entreprise et managers. De ce point de vue, il propose une théorie alternative : la division en classes sociales repose sur l’inégale distribution de l’autorité. La possession des moyens de production n’est qu’un cas particulier de distribution de l’autorité. Les classes seraient des « groupes d’autorité ». 9 1.2.3. Critique de Dahrendorf par Hazelrigg, 1972 Propriété = de facto non de jure. Propriété veut dire contrôle effectif (de facto) qu’il soit ou non sanctionné par la loi (de jure). L’important est celui qui commande les moyens de production, on se fiche un peu de la question de la propriété juridique. La notion de propriété est sous-définie par Dahrendorf : elle est conçue comme un type de relation de contrôle, où le contrôlé se conforme au contrôleur en vertu d’une reconnaissance (assentiment de sa position dominante). Propriété comme cas particulier du contrôle Mais selon H., il y a d’autres types d’assentiment que celui lié à l’autorité : Assentiment rationnel (intérêt à obéir) et certaines formes de contrôle ne correspondent pas à un assentiment (il s’agit de coercition). Contrôle Assentiment Rationnel Coercition Autorité La propriété dans son sens basique ne renvoie qu’au contrôle qu’à un individu ou un groupe sur certains objets ou certaines compétences. On peut considérer que l’autorité est ube tforme très particulière du contrôle, qui lui est assez proche de la notion de propriété. Caractère tautologique de la définition de D. Répartition des classes comme inégale distribution de l’autorité = aucune explication. On explique les relations de pouvoir par les relations de pouvoir (l’autorité est une relation de pouvoir plus que la propriété). 2. Weber Quand on confronte immédiatement Weber à Marx, on se situe dans une histoire des idées un peu plate : comment Weber s’est trouvé institué comme une sorte d’antidote à Marx ? L’importance que Weber a dans le débat sur les classes sociales ne se comprend pas naturellement par l’importance de ce concept dans son œuvre. Dans Economie et Société (1920), il n’y a que quelques pages consacrés à cette question des classes. Sorensen (2000) qualifie la place de Weber dans la recherche sur les stratifications sociales comme « a bit curious » car il y a très peu de choses sur la question des classes chez Weber. Il explicite son concept de classe que sur quelques pages. 10 La différence entre Weber et Marx se joue beaucoup sur la réception de l’œuvre, des choix des préfaciers, des traducteurs. I. Kalinowski (2005) évoque sur Le savant et le politique la traduction de neutralité axiologique est discutable et dépend des traducteurs : Raymond Aron et Julien Freud. Opposition de Marx politique et Weber scientifique. Mais le terme de rationalité n’est presque pas présent chez Weber > Kalinowski parle de non imposition des valeurs. 2.1. Classe économique Le problème de Weber est de rendre compte de la distributivité du pouvoir à l’intérieur d’une société humaine. Sont traités ensemble classes et statuts : « Status group and classes » et « The distribution … ». Cela ne renvoie pas seulement à la sphère économique mais cela repose sur une distinction discutable entre économie et société. La sociologie concerne les choses symboliques : opposition qui n’existe pas chez Marx entre monde matériel et monde symbolique. La société chez Weber est d’abord quelque chose de symbolique (comme chez ED) et d’autant plus qu’il existe un monde matériel relativement autonome qu’il appelle économie. La classe renvoie au monde matériel et le statut renvoie plus au monde symbolique et à la société. La différenciation des sociétés en fonction de critères économiques demeure centrale chez Weber. Il réserve le terme de classe à sa description. Classes = différences en termes économiques. Chez Marx, cette différenciation économique était des positions dans le processus de production. Chez Weber, il s’agit plutôt de la « situation sur le marché », des biens et du travail. Cela détermine leurs « chances de vie », soit la possibilité d’accéder ou non à des biens de valeurs. Des individus qui ont des chances de vie similaires forment une classe. Il n’y a pas de raison pour que la classe soit unifiée. Dans notre terminologie, les classes ne correspondent pas à des communautés. Cf citation. La classe n’est pas qu’une réalité objective, mais aussi une réalité subjective : il existe une action sociale qui dérive de l’intérêt de classe (on se décale vers des aspects plus symboliques). Intérêt de classe dépend de conditions intellectuelles et culturelles. Cf citation : on est proche des réflexion de Marx sur le passage à la classe pour soi. 2.2. Position statutaire Les différences de pouvoir et d’intérêt ne correspondent pas seulement à une position sur le marché mais aussi à une inégale distribution de l’honneur (degré d’estime dont est créditée une personne ou un groupe par les autres personnes ou groupes). Weber utilise alors le terme de statut = hiérarchie des honneurs. Il renvoie à la dimension proprement symbolique de l’ordre social et de la domination. Concrètement ce statut s’incarne dans des « styles de vie », plus ou moins hiérarchisés et stabilisés. Il faut connecter aux grandes figures de la 11 religion : le groupe des prêtres a un statut lié à son style de vie ascétique. La stabilisation implique l’institutionnalisation : à quel point les groupes de statut sont-ils stabilisés ? Connexion avec 1) la notion de caste, 2) la notion de groupe ethnique. Cela a un rapport avec la question de la stabilisation du groupe de statut. Le groupe ethnique est l’idée que le degré d’honneur accordé à un groupe est naturel et dépend de la race. Naturellement, il faut accréditer de tant d’honneur ou de peu d’honneur tel ou tel groupe. La caste entraîne une institutionnalisation d’une situation asymétrique : propriétés statutaires, styles de vie propres, autorisations et interdictions particulières. La question des castes se pose en terme de stratification car c’est un cas limite de la stabilisation d’un groupe statutaire ou de manière plus général d’un groupe défini de manière symbolique. Intellectuel est un groupe symbolique mais vague sauf s’il devient une caste : moment où on attribue des droits particuliers. Le statut permet de rendre compte de situations et de pratiques au-delà du marché. « Le marché ne sait rien de l’honneur ». L’action sociale semble orientée par des questions d’honneur (hors marché), ce qui donne de l’importance à la notion de statut. Préservation de l’honneur du groupe : restrictions relationnelles (mariage, imposition de résidence spécifiques, modes communes). Le statut renvoie à la production et à la reproduction de frontières entre groupes sociaux. A un statut donné correspondent des privilèges qui peuvent être négatifs ou positifs : exemple du monopole légal sur le port d’arme ou le droit de se comporter en dilettante associé à une situation statutaire, à l’inverse stigmatisation de la paresse ou interdiction de fréquenter certains lieux. Le statut ne s’oppose pas à la classe : la stratification statutaire (sociale) est subordonnée à la stratification par classes. Cf citations 7 et 8. 3. Actualisation Il y a des distinctions entre Max et Weber, qu’on peut penser entre marquer la différence (néo-wéberiens) ou l’euphémiser. Chez les néo-wéberiens : Goldthorpe et Chan (2004) : comment appréhender le statut dans la société britannique ? En quoi l’opposition classe/statut est pertinente ? Goldthorpe connu pour l’embourgeoisement des classes ouvrières. Données de 2000 du British Household panel study sur environ 9000 individus. Il s’agit d’une enquête qui inclut la profession, le sexe du répondant et la profession de l’ami le plus proche. Hypothèse selon laquelle la sociabilité est un indicateur statutaire, dans le sens où on a tendance à être ami avec des égaux statutaires. Ils tirent des données sur l’amitié à un ordre statutaire. Tableau de contingence où ils mettent en relation les 31 professions possibles (minor profession group) de la personne interrogée avec les 31 professions 12 possibles de son ami. Analyse factorielle de ces tableaux de contingence pour déterminer des axes qui permettent de rendre compte du maximum de différence entre les profils amicaux de chaque profil professionnel. Ils obtiennent un premier axe comme un axe opposant les statuts : à l’extrême gauche de l’axe, on a des professions manuelles (rq : ils construisent la notion de statut sur les professions, qui a un caractère dérivé de la position économique) tandis qu’on a des professions libérales à l’extrême droite. Il crée un indicateur statutaire = coordonnées de chacune des professions sur cet axe. Leurs professions ne sont pas des classes pour eux : dans une même classe sociale, on peut avoir plusieurs niveaux de statut. Statut comme valeur continue. La corrélation avec le revenu n’est pas si grande que cela : coefficient de corrélation de 0,5. A l’inverse, c’est assez corrélé au niveau d’éducation R=0,8. Ce score statutaire s’avère relativement variable au sein des classes sociales. 9 classes : Deux classes de professionnels (higher and lower), deux classes d’employés (idem), des petits employeurs, des indépendants, techniciens en tout genre et deux classes de travailleurs manuels (higher et lower). Indépendants : le score statutaire de chaque profession de cette classe est très dispersé. Au sein d’une même classe, on a des scores statutaires dispersés. Par ailleurs, le score médian statutaire des indépendants est similaire à celui des travailleurs manuels non qualifiés alors que ce sont deux classes sociales bien différentes. Définition d’un score de statut, variable continue, ad hoc dans l’article de 2004, variable qu’ils utilisent dans l’article de 2007. Le score statutaire n’est pas fortement corrélé avec le revenu, il l’est un peu plus avec le diplôme. Quand on regarde par grands groupes sociaux, les scores statutaires au sein des indépendants sont relativement diversifiés. Il faut partir des professions pour sortir des questions de statuts. Minor occupation groups (MOG // PCS) duquel on sort un régime statutaire à partir de la notion « avec qui est-on ami ? ». Ils testent certaines questions pour voir si la variable statut apporte quelque chose (article de 2007) : ils mesurent le mérite de la classe et du statut. GOLDTHORPE et CHAN, 2007 : Dans certains cas, la classe est plus importante, dans d’autres c’est le statut. La classe explique mieux que le statut le destin économique des individus. Exemple de la probabilité d’avoir connu une période longue de chômage. British Household panel survey (environ 3000 enquêtés) : à âge, sexe, statut matrimonial et nb d’enfants égal, la classe a un effet très significatifs. Lorsqu’on ajoute le statut, cette nouvelle variable n’est pas significative. Quand on fait le même genre d’opération pour les choix politiques, le statut s’avère plus déterminant. Score en matière de positions autoritaires ou libertaires : « êtes vous d’accord ou pas… » avec par exemple « les jeunes ne respectent pas les valeurs anglaises traditionnelles ». Le statut est alors très significatif tandis que l’appartenance de classe ne l’est pas. Ce type de travail marque la spécificité wébérienne en marquant une distinction assez forte entre classes et statut. 13 D’autres auteurs vont insister sur la convergence entre Marx et Weber : les néo-marxistes. BURRIS (1987) : positionnement des néo-marxistes, qui ont su dépasser les quatre types d’oppositions entre Marx et Weber - Opposition structure/action : il existe des marxistes qui mettent en avant la question de l’action de classe (THOMTHON ?) - Opposition uni/pluridimensionnel : travaux féministes marxistes qui insistent sur structure de classe et structure de genre - Opposition exploitation/domination : figure du salarié manager qui a obligé les marxistes à envisager des formes de dominations qui ne sont pas forcément une exploitation capitaliste. - Opposition sphère productive/marché : intérêt sur les oppositions sur le marché pour distinguer finement les types de travailleurs. Ils s’intéressent à la situation sur le marché, même si c’est dans un second temps. O.WRIGHT, 2002, « The shadow of exploitation in Weber’s class analysis », American Sociological Review. Marxiste analytique. Il y a énormément de points communs dans a manière de penser la classe entre Weber et Marx, sauf que l’opposition exploitation/domination. - Weber juge comme Marx que la ppté est un critère central de différenciation des groupes sociaux - Weber distingue la classe comme place et la classe comme acteur collectif (classe en soi/ classe pour soi et position de classe/action de classe). Le passage de la classe comme place à la classe comme acteur collectif dépend de « conditions culturelles intellectuelles » chez Weber qui évoquent l’idéologie ou la mystification marxienne. - La classe détermine des intérêts matériels - Même si on prend en compte l’insistance sur le statut, il évoque des évolutions des sociétés : le capitalisme tend à éroder les groupes statutaires. « Le capitalisme balaye les anciens et vénérables préjugés et opinions » (Marx) // Weber qui considère que la société tend de plus en plus à être une société de classe. Cependant, pour Wright, il subsiste une différence importante du côté de l’exploitation : si Weber pense les inégalités sociales, il les pense en termes de chances de vie (opportunité sur les marchés du travail et des biens). Il s’intéresse donc peu aux relations entre classes, et en particulier aux relations d’exploitation. Remarque : Différenciation du social : Quelles relations entre les groupes ? - Pas de différenciation - Tribus, chacun son style (Mafesolli) - Relations logiques (constat de différences), strates : relation d’ordre. - Relations de hiérarchie, de domination, - et enfin relations entre groupes qui sont ce qu’ils sont car ils s’appuient sur d’autres groupes (exploitation). Les groupes « du haut » utilisent les groupes « du bas ». => Il s’agit de distinguer les relations entre groupes sociaux et races sociales. On peut établir 14 Weber pense peu l’exploitation, c-à-d des relations asymétriques entre groupes sociaux. Dans l’Ethique protestante, Weber évoque des relations d’exploitation, cependant il ne les rapporte pas à des questions de classe ou de lutte entre classes, mais à la rationalisation du monde. La rationalisation du monde implique l’exploitation car elle est facilitée par l’appropriation complète du processus de production par le propriétaire. L’exploitation n’est pas un lien central dans les rapports entre classes. Critiques envers une pensée qui omet l’exploitation selon Wright : - Cela tend à faire oublier que la lutte des classes dominées n’est pas seulement une lutte pour obtenir une part du gâteau. C’est une lutte contre l’exploitation, non seulement pour avoir les mêmes chances de vie. La question de l’exploitation est relativement autonome de la question de l’inégalité. Tentative pour freiner leur utilisation au service du bien-être des classes dominantes - Parler d’exploitation donne une couleur normative assez différente à la recherche sur les classes sociales. Si on ne parle pas d’exploitation, on peut considérer que les groupes dominés peuvent vivre en paix s’ils acceptent ce qu’ils ont et s’en contentent. Actualité de la pensée de la stratification sociale aux Etats-Unis : le débat autour de Sorensen. Cette actualité s’organise autour de wébériens et de marxistes. Publication dans l’AJS d’un article de Sorensen en 2000 dans lequel il propose de renouveler le critère selon lequel on pense la stratification sociale. Réaction de Goldthorpe (pour les néo wébériens) et Wright (pour les néo marxistes). Sorensen, 2000, « Towards a Sounder basis for class analysis », American Journal of Sociology. Selon lui, Weber n’est pas un auteur central pour étudier la question de classes sociales. Il considère que c’est « a bit curious » de partir de cet auteur. Dans la continuité de Marx, il cherche à mettre au cœur de son analyse la question de l’exploitation. Il faut partir de l’exploitation, mais pas celle définie par Marx. La théorie qui sous-tend l’exploitation est devenue obsolète, à savoir la théorie de la valeur travail. Pour Marx, en effet, la valeur des biens incorpore le degré de travail. Il existe un surtravail, extorqué par les capitalistes qui permet de former la plus-value. La plus-value justifie l’exploitation. Selon Sorensen, cette théorie de la valeur-travail est obsolète, personne ne considère que la valeur d’un bien est du travail incorporé. Il cherche à penser l’exploitation comme une question de marché, dans des termes largement inspirés de la microéconomie. L’exploitation est le fait de « profiter sur un marché d’une rente ». Rente = distorsion de la concurrence qui permet d’offrir des biens à un prix supérieur à celui qui s’imposerait en concurrence pure et parfaite. L’exploitation est une situation de rente, dans laquelle on exploite sur situation avantageuse sur un marché. Classe d’exploitation = groupe de gens qui s’appuient sur le même type de rente. Citation 9. Les classes pour soi sont la lutte pour un type de rente sur un marché donné. 15 La lutte des classes correspond à la recherche de nouvelles rentes, à la protection de rentes. L’exploitation peut donc avoir un caractère relativement réciproque. Cela permet de penser des formes d’exploitation similaires à ce que pensait Marx. Situation de monopole => rente => exploitation (propriétaire rentier qui fait travailler le fermier). Cela existe aussi sur le marché du travail : il existe des formes de monopolisation de la M-O (par un syndicat ou par la spécificité de compétences) => rentes => formes d’exploitation de l’employeur. La période capitaliste consiste en une élimination quasi systématique des rentes sur le marché du travail des travailleurs sur les employeurs. Réactions de GOLDTHORPE et WRIGHT : Pour GOLDTHORPE, le déclin de la théorie marxiste de la valeur travail est vrai, mais la définition de la rente est trop large pour être une alternative à l’idée de surtravail. - Si la classe se forme à partir d’une déviation à partir de la CCP, « dans une économie parfaitement concurrentielle, aucun conflit de classe ne peut surgir ». - Les lignes de démarcation entre groupes tels que les rentes peuvent les définir sont tellement nombreuses et diverses qu’on comprend mal comment elles pourraient définir des grands groupes comme les classes. Beaucoup d’individus sont exploités dans un contexte, exploiteur dans l’autre. Chacun est un peu exploiteur à sa manière. Cela pose un problème conceptuel. Pour WRIGHT, 2000, « Class, exploitation and Economic Rents : reflection on Soresen « Sounder basis » ». L’exploitation suppose des avantages qui impliquent la puissance de travail de l’exploité par l’exploiteur. D’après la définition de l’exploitation de Sorensen, quand des syndicats négocient un salaire de solidarité, ils seraient une classe d’exploitation en produisant une rente. L’exploitation est l’augmentation du bien-être d’un individu au détriment du bien-être d’un autre individu. Il s’agit d’une relation dans laquelle le bien-être des uns se fait au dépend de celui des autres. Cependant, Sorensen oublie un critère fondamental, à savoir l’appropriation du travail. L’exploitation est surtout une affaire de construction de la richesse par l’intermédiaire de l’activité des autres. Il compare deux situations : la situation de domination des indiens d’Amérique et la situation d’exploitation des esclaves et des ouvriers. Expression « un bon indien est un indien mort » : la prospérité du cowboy ne dépend pas de l’exploitation de la force de travail de l’indien. A l’inverse, même l’esclavagiste le plus violent ne peut pas tenir de tels propos, parce que la prospérité de l’esclavagiste ou du capitaliste dépend de l’exploitation du travail de l’ouvrier ou de l’esclave. Il différencie l’exploitative oppression et la non exploitative oppression. On peut avoir une oppression extrêmement forte, mais non exploitante. Grand débat autour des prisons : cf Wacquant pour qui le travail des prisonniers dans les prisons n’a pas grand impact sur le capitalisme. Sociologie bourdieusienne des classes : situation de domination (le capital des uns est le manque de capital des autres). On a besoin de l’activité de gens pour produire la domination du groupe dominant => situation d’exploitation. 16 Conclusion : il faut garder en mémoire la façon dont on pense les relations entre les groupes (strates, domination, exploitation). Il ne faut pas s’arrêter à la conclusion selon laquelle il y aurait des strates indépendantes et des groupes relationnels. Il faut s’intéresser sur la qualité des relations entre les groupes. Rq : faire une recherche sur Mafesolli et sa notion de tribu (anti sociologie) => permet d’opposer stratifier et faire des groupes. Séance 2 : Les classes sociales des durkheimiens ED est absent de la bibliographie officielle, mais sa sociologie (et celle de ses élèves et continuateurs) est très intéressante pour comprendre les évolutions de la société et les relations entre groupes sociaux. On a quand même De la division du travail social (1893) et les travaux de Maurice Halbwachs (cité dans la bibliographie). Il existe des thématiques comme celles de l’intégration, exclusion, désaffiliation, pauvreté. Les classes sociales à la ED : tensions fortes entre l’idée de pensée un monde commun et collectif et la division de la société en groupes sociaux. Sociologie de la vie collective, en particulier de la vie symbolique collective, de ce que Durkheim a appelé la conscience collective et l’ensemble des représentations collectives. On ne peut pas s’opposer plus à l’idée de classe portée par Marx : pas de référence au matériel, par ailleurs, les classes sociales représentent le fractionnement, l’antagonisme, les luttes, autrement dit elles tranchent avec l’idée de vie collective et de cohérence. Attention ! Collectif social : le collectif est une certaine manière de concevoir le social : institutions communes pour faire exister une vie collective. Comment penser les groupes et le fractionnement de la société dans le cadre d’une sociologie collective ? Comment ne pas penser les divisions pour sauver l’idée de vie collective ? Différence entre dire que quelque chose est déterminé collectivement et suivant une logique de classe. On ne peut pas dire que les classes sont des « mini collectifs ». Exemple : choix d’une couleur totem dans la classe On peut l’interpréter comme le choix collectif, accord explicite ou tacite entre tous les individus Lutte et domination d’un groupe sur le ou les autres (filles vs garçons par exemple). 1. Durkheim : une division du travail sans classe sociale ? 1.1. La division du travail est un phénomène inéluctable ED accepte, comme Marx, l’idée de la division du travail social en se fondant sur les classiques. Il cite Smith pour qui la division du travail donne un avantage en 17 termes de productivité (citation 1). Cependant, pour ED, la division du travail n’est pas un phénomène strictement économique mais concerne les fonctions politiques, juridiques, administratives, judiciaires et artistiques. Il explique la division du travail de manière fonctionnelle, car elle permet de préserver la vie collective. Livre II de la Division du travail social : effet mécanique de l’accroissement de la densité morale des individus (du nombre de contacts qu’ils ont entre eux) sur la division du travail. Cette densité morale est le produit d’un accroissement de la densité matérielle (proximité géographique, routes, habitats groupés). Quand les hommes se voient plus (= quand la société est réellement « constituée »), ils sont davantage en concurrence. La nécessaire pacification de la concurrence amène à la division du travail. Chez ED, la fonction n’est pas celle de la productivité mais de pacification de la concurrence (qui elle-même est le produit d’une hausse de la densité morale, résultat d’une hausse de la densité matérielle). Si les hommes entrent en concurrence, la société ne tient pas. Citation 2 : la division du travail embrasse des activités très différentes et permet aux groupes d’exister dans une même ville. Chacun poursuit son propre but sans empêcher les autres d’atteindre le leur (pas de concurrence entre les groupes). Cela empêche-t-il la constitution de classes sociales ? ED cherche à résoudre le paradoxe selon lequel il y a division du travail mais pas classe. 1.2. Une division du travail sans classes Concepts : solidarité mécanique, organique et anomie au fondement du maintien du collectif au sein de la division du travail social. Social > société, collectivité. La division du travail social ne brise pas la cohérence du monde social, et ne brise pas la conscience collective. Simplement, à un mode simple de cohérence de la société (solidarité mécanique) se substitue un mode complexe de mise en cohérence de la société (solidarité organique). Les hommes, s’ils se divisent du point de vue de leur travail, ne forment pas de groupes séparés, car ils sont pris dans la solidarité organique : ils demeurent attachés à la conscience collective. Cette situation justifie le fait que l’on part du collectif pour penser la société. Pourtant, dans la société, on a des groupes sociaux. On constate l’existence de groupes sociaux séparés de la conscience collective ou en opposition avec cette conscience collective. ED évoque les cas de « guerre des classes », mais ils sont introduit dans le registre du normal et du pathologique et renvoient à l’anomie. La société fonctionne sur un mode de solidarité organique, normalement. L’autonomisation de travailleurs, et l’existence d’une conscience qui s’oppose à la conscience collective plus large est liée à une solidarité organique défectueuse, due à une baisse des contacts sociaux, à un manque de réglementation ou des formes de divisions du travail trop fortement imposées. Rq : débat entre solidarisme et marxisme. 18 GUILLO (2006) parle du « paradigme biologique » dans l’œuvre de Durkheim. Anomique sont les sociétés qui donnent lieu à une guerre des classes (organe normal, pathologique). 2nd préface sur la Division du travail social sur les groupements professionnels : la notion de groupement professionnel chez ED correspond à des groupes d’actions qui viseraient à faire que la division du travail ne correspond pas à l’anomie. « Vaste système de corporations nationales » (question syndicales). Ce sont des groupements qui font en sorte que chaque individu est à sa place dans la société et ne fait pas tomber celle-ci dans l’anomie. Le Suicide (1897) : typologie qui correspond au paradigme de la vie collective => soit on y participe pas assez (suicide égoïste), soit on y participe trop (altruiste), soit parce que la vie collective tend à ne pas exister (anomie). Suicides altruiste et égoïste sont dans le cadre normal. Comment penser le suicide à France Télécom ? - Problème d’intégration à l’entreprise ou à la société ? - Degré de violence sociale qu’ils ont subi, etc. ? Les formes élémentaires de la vie religieuse (1911) : la religion est une conséquence et une cause de la vie collective. Le totémisme produit la vie collective (rites, etc.). Dans les FEVR, il n’est pas question seulement d’activités religieuses mais de montrer d’où viennent les formes de classifications : elles sont collectives ( sociales). Les rites sont des moments collectifs qui instituent des cadres de pensée collectifs. Chez Weber, c’est très différent : la religion est un instrument de distinction entre groupes. Comment les prêtres marquent leurs différences en tant que groupes. L’évolution pédagogique en France (1938). On retrouve que l’idée est une explication collective plutôt qu’en termes de stratification. L’éducation est définie comme une manière méthodique de faire advenir la jeune génération à la vie collective (Sociologie de l’éducation). Il montre comment des groupes sociaux se sont opposés pour obtenir le monopole effectif de l’institution scolaire. Par exemple, opposition entre jésuites et maîtres de l’université au XVIIe siècle => triomphe du collège. Par endroit, on passe tout de même pas une représentation relativement stratifiée des groupes sociaux. Cette prééminence de la logique collective sur la logique de classe vaut pour tous les durkheimiens à part Halbwachs. Chez MAUSS, Essai sur le don (1924): logique donner/ recevoir/ rendre. Question du Potlatch : l’impossibilité durable de rendre qui conduit à la domination d’un groupe intéresse moins MAUSS que la manière dont se fait le lien social. Techniques du corps (1934): texte pionnier dans la sociologie du corps et des variations corporelles. Il existe une technique du corps et ce n’est pas naturel car cela varie d’un groupe à l’autre. Mais il n’utilise pas de variations de type classe sociale. Les variables utilisées sont des variables de culture à culture. 19 Ex des soldats anglais par rapport aux soldats français qui ne marchent pas de la même manière quand ils défilent. Les infirmières américaines et françaises ne se déplacent pas de la même manière. Il ne dit rien des distinctions de classes enter groupes sociaux mais se centre sur une logique de participation ou non au collectif. En 1899, Veblen écrit la théorie de la classe du loisir ( ?): question de la connexion entre vêtement et classes sociales (ce n’est pas juste une question d’époque). Les techniques du corps chez MAUSS varient culturellement et non socialement dans un groupe donné. Rq : aller voir la stratification des corps (le pouvoir des grands HERPIN, l’obésité). La sociologie s’intéresse donc à la manière dont les hommes s’unissent et non à la mise au jour de clivages et strates sociales clairement distincts. Maurice Halbwachs constitue-t-il une exception ? 2. Halbwachs et les classes sociales Contrairement à ED, MH est intégré à la bibliographie et est considéré comme un véritable auteur sur les classes sociales. Mais les classes chez MH ne remettent pas fondamentalement en cause l’idée selon laquelle le pivot de la société serait la vie collective. Il s’agit toujours d’expliquer le social par le social en se centrant sur la vie collective. 2.1. Un durkheimien attentif aux aspects concrets de la société Pour s’est-il orienté vers une réflexion sur les classes sociales ? Pourquoi a-t-il fait sa thèse sur la classe ouvrière ? On peut évoquer la manière dont il a fait travailler la théorie durkheimienne. Orientation vers des objets très symboliques parmi les objets sociaux disponibles : religion (DURKHEIM), formes de classification (ED et MAUSS), magie (MAUSS), mentalité primitive (LEVY-BRUHL). Objets qui ont tendance à être éloignés dans le temps et dans l’espace. MH s’intéresse à la société contemporaine française. « Morphologie sociale » : formes concrètes de la société qui insiste sur la localisation (densité matérielle que l’on a déjà chez ED), la taille du groupe, la densité (importance des relations entre les gens), rythmes de vie. Cette question inclut la question des fonctions de ces formes spécifiques. En étudiant la morphologie sociale, MH renvoyait moins les groupes sociaux à une éventuelle anomie. Remarque : LH militant socialiste qui s’est peut-être plus orienté vers les aspects matériels (organisation de l’espace et du temps, modes de consommation) pour lesquels les séparations étaient très marquées. Importance de la condition matérielle et de la matière qui reste cependant fortement subordonnée au collectif. 20 2.2. Des classes sociales dans la vie collective 2.2.1. Pas de déconnexion avec la vie collective Maurice HALBWACHS, Les classes sociales (1937) et La classe ouvrière et les niveaux de vie (1912). L’idée de classe, si elle se fonde sur des aspects matériels garde encore une grande force symbolique. Le terme de classe provient d’un terme désignant les divisions du peuple romain : divisions de classe d’humain avant le terme de classe au sens logique du terme (classification). Il connecte la question des classes sociales à celle de la classification. Il existe une connexion entre la question des classifications et la question des classes. « Le problème des classes est bien un problème de psychologie collective » (Les classes sociales). Les classes sociales sont essentiellement des classes sociales perçues. La question des classes sociales est nécessaire pour identifier les personnes que l’on croise dans la rue, dans un wagon, etc. Il s’agit d’abord d’un problème de classes perçues (comment se comporter avec des gens que l’on ne connaît pas a priori ?). « L’idée, l’opinion que les hommes se font des classes. Ce sont des représentations collectives que nous voulons étudier ». MH subordonne la question des classes à leur perception (on ne rompt avec l’idée de représentation collective). Pas en termes objectivistes : combien de division, mais plutôt : dans la pratique et l’action, comment savoir que les gens sont d’une classe ou d’une autre ? Il existe des représentations collectives des classes sociales. Bien plus une vision sociale qu’une vision sociologique. Rq : très peu de travaux dans la biblio sur les classes dans l’action. Ici, on a une question sur la perception des classes, donc sur les classes dans l’action. 2.2.2. La définition des classes sociales Les classes sociales sont un groupement d’humain spécifique comme la famille, les nations, qui ne sont pas juxtaposés mais superposés car ils sont hiérarchisés et ordonnés sur des critères éventuellement différents. Mais hiérarchisés, cela veut-il dire opposés ? Y a-t-il une opposition des groupes les uns aux autres ? Cf citations 3 : « même à l’état normal, il existerait un antagonisme latent entre les classes sociales. » Citation 4 : il y a à bien des égards des rapprochements et une « collaboration commune » entre ouvriers et les directeurs. On a chez MH une hiérarchisation qui ne vaut pas clairement opposition. Critères de hiérarchisation : « hiérarchies de rang multiples » (gradients politiques, religieux, intellectuels). Mais selon lui, un gradient s’impose : le degré de participation ou au contraire d’exclusion objective à la vie collective. Les classes supérieures sont celles qui participent au plus haut point à la vie collective tandis que les classes inférieures participent le moins à la vie collective, car elles ont des contacts peu nombreux avec les autres humains. Cas des ruraux par rapport aux urbains. Les classes inférieures se caractérisent par une 21 proximité morphologique aux choses et aux objets non humains plutôt qu’aux autres hommes : - Paysans : éléments naturels (contacts avec la nature) - Ouvriers : autre type de relation à la nature et à la matière. Retour de la dimension matérielle de la société et au registre matérialiste de description sociale. Pb : Est-ce que le modèle qu’on propose rend compte de la même manière des classes populaires et des classes supérieures (critique faite à La Distinction) ? Ici il utilise un autre regard sociologique pour les classes inférieures (conditions matérielles d’existence). Ce n’est qu’en s’extirpant de la matière qu’on arrive à la vie sociale (idée) => les classes supérieures y arrivent plus (stratification). Quand on fait de la sociologie, on étudie la société, mais quand on regarde les plus dominés, on fait de la sociologie non plus de la société mais de quelque chose de beaucoup moins social, c’est-à-dire un rapport à la matière. Cf la critique de Michel VERRET (1972). Métaphore du feu de camp : Degré de participation à la vie collective Ténèbres, obscurité, matière Nature. Non matériel CM Lumière Feu de camp ouvriers paysans Cœur de la société. Rites. Symbolique Noblesse, bourgeoisie Pour PAUGAM, il s’agit d’une théorie de « l’intégration de la vie sociale stratifiée ». Ceux qui sont au centre sont les plus intégrés. 2.2.3. Un ethnocentrisme de classe Michel VERRET, 1972, « Halbwachs ou le deuxième âge du durkheimisme », Lectures sociologiques. « Le travail intellectuel serait plus socialisé que le travail manuel ». Or on peut montrer que ce n’est pas le cas pour le travail ouvrier : au fond, le travail ouvrier relèverait d’un rapport psychologique et non sociologique, au 22 sens de « non médiatisé par des relations sociales ». Il cite HOGGART et Paul WILLIS (L’école des ouvriers). L’école des ouvriers : enquête sur des jeunes enfants d’ouvriers en Angleterre (observation participante). Il suit les enfants d’ouvriers de la fin de leur cursus scolaire à l’entrée en usine. Il montre que les enfants d’ouvriers obtiennent des enfants d’ouvriers et la question qu’il faut se poser est : pourquoi veulent-ils bien le faire ? C’est parce qu’il a des traits de vie collective qui lui sont propres que les enfants d’ouvriers s’y retrouvent et veulent avoir une certaine envie d’y participer. Traits sociaux spécifiques et typiquement relationnels comme par exemple l’humour => « culture d’usine » anticipée à l’école. La vie à l’usine n’est pas un rapport direct avec la machine et la matière. En faisant de la vie ouvrière une vie peu sociale, il ignore les luttes syndicales. VERRET parle d’ « aveuglement par la théorie », du fait de l’affiliation durkheimienne persistante et d’ « allégeance idéaliste » ou de « matérialisme limité ». Exemple d’un pêcheur isolé autour de la question des représentations (existe-t-il une psychologie individuelle ou collective ?) : la manière dont il utilise la canne à pêche ou ce qu’il peut penser a un rapport avec la vie sociale collective, qui existe malgré le fait qu’il soit dans son coin. Etre isolé dans son coin ne signifie pas une séparation à la vie collective. Rq : Il faut faire le lien entre les visions classiques et des nouvelles réflexions et connaissances actuelles. Par exemple sur les paysans : à quel point y a-t-il une vie politique dans les campagnes ? (MISCHI), travaux sur la vie agricole, syndicalisme paysan, etc. Travaux sur les viticulteurs à Cognac (BESSIÈRE). Ex du langage : BERNSTEIN (code élaboré/ code restreint) vs LABOV (le parler populaire a ses formes propres) => question de l’autonomie des CP, degré de participation. 3. Perpétuation de cette approche entre collectif et classe autour des notions de pauvreté, d’exclusion et de désaffiliation : les prolongements contemporains ED : société normale éloignée de la guerre des classes vs société anomique. MH : représentation de la société en cercles concentriques S’agit-il de vieilles luttes sociologiques ? Il y a une sorte de continuité (on peut mettre MH avec PAUGAM, CASTEL) dans la pensée d’une société en termes de classes sociales en termes concentriques ou strates horizontales. 3.1. Classes sociales : exclusion et désafiliation dans les années 198-90 23 FASSIN, 1996, « Exclusion, underclass et marginalidad. Figures contemporaines de la pauvreté urbaine en France, Etats-Unis » Développement des situations de pauvreté aux Etats-Unis, en France et en Amérique Latine = « nouvelle topologie sociale » portée par plusieurs types d’agents : universitaires, militants de l’action sociale et agents. Dans le cas de la France s’impose le paradigme de l’exclusion : caractère historique, manière de généraliser le paradigme de l’exclusion. A l’origine le contexte d’exclusion concernait un nombre très limité de personnes (définition médicale) : handicapés, invalides, malades mentaux. Extension dans les années 1990 aux situations de grande pauvreté, chômage prolongé, logement insalubre ou pour qualifier la distance à un certain nombre d’institutions (médico-sociales, culturelles, politiques). Cette translation de critères médicaux vers des critères beaucoup plus généralistes est sensible quand on consulte la production politique (rapports sur l’exclusion dans l’emploi, etc.). On peut citer les travaux de TOURAINE, « Face à l’exclusion », publiés dans la revue Esprit en 1991. Cf. citation 5 : passage d’une société verticale (haut/bas) à une société horizontale (centre/périphérie). Tension sur la hiérarchie. Derrière cette nouvelle topologie sociale, on conçoit la société comme un tout cohérent et indivisible. Ceux qui ne sont pas en accord avec cette idée sont considérés comme hors de la société, exclus ou à la marge (marginaux). Ils ne sont plus une partie et encore moins une composante de la société. Ils sont pauvres, faibles car ils ne sont pas au cœur de la société pour des raisons qui ne sont jamais vraiment éclaircies. Notion de désaffiliation développée par Robert CASTEL dans les Métamorphoses de la question sociale (1995) : désaffiliation = sortie des relations sociales valorisées. Caractère plus dynamique : on s’intéresse aux processus sociaux (qui impliquent la société dans son ensemble) qui ont conduit à la désaffiliation. Il s’agit de limiter l’usage individualisant du paradigme de l’exclusion. Les désaffiliés sont plus ceux que la société a sorti d’elle-même, selon des critères qui ont changé au fil de l’histoire. Aujourd’hui, le thème de l’exclusion paraît assez démonétisé, mais la topologie sociale centre/périphérie est toujours revendiquée dans certains travaux, notamment PAUGAM sur la pauvreté qui se revendique d’HALBWACHS. PAUGAM, 2007, « L’intégration sociale stratifiée. L’apport de Maurice Halbwachs à la sociologie des genres de vie », Maurice Halbwachs, sociologue retrouvé. MH cherche à résoudre le paradoxe entre sociologie de l’intégration et sociologie de la stratification en concevant une hiérarchisation des classes selon le degré de hiérarchisation des activités considérées comme supérieures par la société. Théorie du feu de camp convaincante pour lui : il cherche à montrer comment « l’apport d’Halbwachs reste pertinent ». Il montre que la pauvreté serait relative au foyer central de la société à laquelle elle renvoie. Statistiques européennes et en particulier italiennes de 1996 (Instat). Il part du constat selon lequel sur les zones les plus pauvres de l’Italie (Italie du Sud) ne sont pas celles où l’on observe un niveau maximal d’insatisfaction financière. Cela s’explique par le fait que les représentations collectives de la consommation valorisée (frustration potentielle de ceux qui ne 24 peuvent pas consommer) sont moins exigeantes dans les zones les plus pauvres que les autres espaces. La pauvreté est relative. Il faut être assez mobile par rapport à ce qu’on appelle société. La société ce n’est pas l’Italie mais le sud de l’Italie. Il y a d’autres éléments au-delà de la question de la distance qui font que les pauvres sont plus intégrés et donc moins insatisfaits dans l’Italie du Sud : place de la religion, qui atténue le sentiment d’être bas, voire d’être hors de la société. La pauvreté subjective importe davantage que la pauvreté objective. - La classe est une réalité éminemment symbolique Les classes inférieures se définissent en fonction de leur degré de participation à la vie collective et de leur degré d’intégration. 3 formes élémentaires de la pauvreté selon Serge PAUGAM qui s’inscrivent dans la représentation horizontale de la société proposée par Maurice HALBWACHS. 3 types de pauvreté : - La pauvreté intégrée : celle de l’Italie du Sud. Collectif globalement pauvre mais englobant tout le monde. - La pauvreté marginale : sociétés industrielles d’après-guerre. Quand les pauvres ne correspondent qu’à quelques individus. La société englobe globalement tout le monde. - La pauvreté disqualifiante : société française actuelle. Sociétés qui ont été riches. Société divisée qui refoule une masse importante d’individus à l’extérieur d’elle-même. Le critère qui importe est le degré de participation à la vie collective. Conclusion : Faut-il s’intéresser aux tensions, intérêts divergents entre individus ou plutôt sur le vivre ensemble ? 16/11/11 Séance 3 : Comment un groupe social prend-t-il de la substance ? Formation et dissolution des groupes sociaux (histoire = amont) La culture comme marqueur entre groupes Classements et classifications (institutionnalisation = aval) Faire des enquêtes concrètes permet de préciser la distance entre la définition théorique des classes et leur définition effective, concrète en pratique. => Dans quel contexte des groupes sociaux en viennent à s’affirmer ? Chez MARX et WEBER, on a la distinction entre classe en soi/ pour soi ; situation de classe/action de classe. On a peu de choses sur le passe de la classe théorique à la classe pratique (les paysans parcellaires chez MARX). Faire une histoire des 25 classes sociales, c’est se situer sur un mode plus inductif, quitte à donner une définition relativement lâche des classes sociales. Il est difficile de tenir une enquête empirique en embrassant l’ensemble des groupes sociaux, contrairement aux études théoriques. En général, les travaux empiriques se portent sur des groupes sociaux isolés => tendance monographique, qui correspond à une hypothèse de travail : les groupes sociaux se font un peu tout seul. Ces groupes peuvent réagir à l’action de groupes sociaux, mais on se situe davantage du côté des effets de l’action collective que des effets de structure. Par exemple, on pourrait étudier la question du basculement ouvrier/employé. 1. Formation d’un groupe social dominé (défavorisé) : le cas des ouvriers 2. Formation d’un groupe social dominant (favorisé): le cas des cadres 3. La question de la dissolution d’un groupe social : le cas des paysans Formation Dissolution Dominé Ouvriers Paysans Dominant Cadres Noblesse ? Attention, l’idée est de problématiser ces idées. Il y a une asymétrie dans la manière de se poser ces questions. 1. Formation d’un groupe social dominé (défavorisé) : le cas des ouvriers E. THOMPSON, 1963, La formation de la classe ouvrière anglaise. Etude de l’affirmation du groupe ouvrier en Angleterre (figure de proue de l’industrialisation) de la fin du XVIIIe s à la fin de 1830. En 1830 : affirmation du chartisme et du syndicalisme => une classe ouvrière qui n’est plus à faire. THOMPSON s’affirme comme sociologue : - Inscription dans un questionnement théorique général - Attention aux trajectoires sociales des groupes qu’il étudie - Réflexivité dans le rapport à l’objet : qu’implique de soutenir telle thèse sur la CO en termes de positionnement politique ? Il s’agit de restituer les dimensions symboliques du processus de formation de la CO en Angleterre. Méthode : sources quantitatives sur les ouvriers (effectifs par métier, consommation, etc.) + sources culturelles (livres, journaux, revues, tracts, adresses, compte-rendu d’espions, minutes de procès). 2 manières principales de faire l’histoire des ouvriers au moment où il écrit (« champ de bataille universitaire ») : - Manière classique de faire : lecture catastrophique du moment historique de la RI : dégradation des conditions de vie et catastrophe politique => profonde indignation. Auteurs : les HAMMOND. 26 - Histoire qui se veut beaucoup plus empiriste, histoire essentiellement économique. Questions de consommation. Ils mettent en avant une vision anti-catastrophique voire démystifiante en parlant d’un 19e siècle ouvrier « galopant » : PT, hausse progressive des salaires, amélioration des niveaux de vie. Auteurs : ASHTON, HAYEK. THOMPSON refuse cette alternative historien indigné de gauche vs historien anti-catastrophiste libéral. Il n’y a pas de raison d’isoler l’histoire économique de l’histoire politique et culturelle. Les résultats des historiens économiques ne doivent pas valoir sans mise en relation avec la situation symbolique, ni avec ce qu’il appelle l’ « économie morale ». Cf citation 1 : « la formation de la CO relève tout autant de l’histoire politique et culturelle que de l’histoire économique ». Il limite la portée des résultats économiques. Cf citation 2. Pourquoi, malgré une situation économique plus favorable, la CO entre-t-elle sur la scène de l’histoire ? Situation matérielle et symbolique ne sont pas mécaniquement corrélées ! On ne devient pas une classe sociale uniquement en relation avec des conditions de vie. Pour THOMPSON, prendre ses distances avec l’histoire économique, c’est dire que l’on s’éloigne d’une interprétation chosiste de la classe, qui pose des questions problématiques sur le plan scientifique et politique : - Où s’arrête la classe ? - Si la classe est une chose, objectivable, il lui faut un esprit (le parti est là). Il cherche à étudier la CO non comme une chose mais la constitution progressive d’un rapport : de la classe à elle-même et à l’extérieur. Affirmation d’un rapport à soi et au monde qui caractérise le monde ouvrier. Quelles sont ces forces culturelles ? o Le poids des producteurs culturels THOMPSON ne confond pas histoire des idées et histoire sociale, mais il ne faut pas ignorer que certains producteurs culturels ont pu informer fortement la culture populaire. Il développe le cas de Thomas PAINE (1837-1909) fils de quaker pauvre, proche des révolutionnaire français, qui a cherché à faire sortir le débat politique du cadre constitutionnel dans lequel il était : toute critique sociale avait tendance à être formulée comme une corruption de la Constitution. Selon lui, cette critique sociale autour de la constitution charrie le respect d’institutions qu’il faudrait renverser : monarchie, propriété, etc. Ce discours radical est rejeté par les gens de pouvoir et par ceux qui jusqu’alors incarnaient la critique sociale autour de la Constitution (comme la société constitutionnelle). La critique sociale est renvoyée vers les journaux populaires. Concrètement, il devient une figure importante surtout du côté des groupes populaires : dans un certain nombre de journaux populaires, on évoque le nom de PAINE comme une sorte d’emblème : on crie le nom de PAINE dans les révoltes, dans les tribunaux, etc. Ce nom fonctionne comme point de ralliement dans la classe populaire (point de fixation, totémisme). o Les effets socialisateurs des organisations non ouvrières Mouvements sociaux notamment religieux. Rôle du méthodisme (dissidence protestante), sociétés méthodistes implantées dans le monde rurale, très disciplinées, ouvertes aux pauvres parfois dirigées par des commerçants et des ouvriers, on y apprend à lire, écrire et à s’organiser collectivement pour faire fonctionner ces petites sociétés (=> transfert de compétence ?). Ces sociétés 27 méthodistes sont un lieu où a pu s’élaborer à la fois une forme d’égalitarisme populaire entre fidèles mais également une dénonciation de la misère populaire, au moins sous une forme religieuse. Ex de la figure de Satan : émanation de la détresse et du désespoir des pauvres (point de fixation). « Responsable de la confiance en soi et de la capacité d’organisation des ouvriers ». Organisation des groupes sociaux se fondent sur transposition d’autres modes d’organisation. o Un rapport qui se fait par étapes La classe ouvrière ne s’est pas formée de façon soudaine. L’historiographie a tendance à minimiser les formes d’organisations proprement ouvrières de type pré-syndicales et pré-chartistes. Elle a tendance à en faire des mouvements non organisés qui n’auraient aucun rapport avec les formes syndicales. Mouvement luddiste : l’historiographie décrit une série d’émeutes de 1811 à 1817 de tondeurs de draps, de tisserands, de tricoteurs contre l’introduction des machines et destruction de ces machines. Mais il s’agit d’un mouvement bien plus organisé, subtile et profondément ancré dans la population. Mouvement porté par des travailleurs plutôt privilégié, qui s’est radicalisé parce qu’il n’a pas trouvé de débouchés légaux. Monde extrêmement organisé : usage de lettres anonymes autour du « général Ludd », recrutement de véritables petites armées. Mouvement intelligent : petits mots sur les machines non cassés. Ce mouvement bénéficie d’un soutien très important de la population. THOMPSON recherche la question d’un précédent organisationnel ouvrier à la forme syndicale. G.NOIRIEL, 1986, Les Ouvriers dans la société française, XIXe-XXe En quoi la CO présente est l’héritière d’une histoire longue ? Pourquoi la CO en France n’est pas aussi forte qu’ailleurs ? Il fait l’histoire de groupe de manière régressive pour interroger l’idée de déclin. Selon lui, ce groupe avait dès le début des faiblesses. Même s’il y a eu des moments forts (comme en 1936), ils ne doivent pas cacher ses faiblesses. Caractère moins culturel que l’analyse de THOMPSON. THOMPSON ne mobilise pas tellement les données quantitatives et morphologiques. La situation matérielle ne l’intéresse pas tant que ça. NOIRIEL fait une part importante à des forces concrètes : dynamique démographique du groupe, place de l’immigration, répartition géographique, présence syndicale, etc. = Morphologie sociale (HALBWACHS). Un groupe social n’existe que s’il y a morphologie sociale. La CO française se distingue par sa faiblesse de capacité de mobilisation : grèves moins nombreuses et moins dures, faiblesse de son pouvoir sur la production, faiblesse en nb et en poids effectif des syndicats. Son poids culturel dans l’ensemble de la société est plus faible : poids du football moins lié à la CO en France qu’en GB => hétérogénéité durable du groupe ouvrier. Elle aurait empêché l’affirmation d’une identité collective forte. Principales lignes de clivage dans leur ordre d’apparition historique du groupe ouvrier : - Ouvrier urbain/ ouvrier rural jusque dans les années 1880. Modèle d’industrialisation de la France qui s’est fait par les campagnes. 28 - Secteurs industriels : éclatement des sociétés industrielles, problèmes récurrents de main-d’œuvre. Développement différencié des secteurs minimisé par le travail d’unification politique, par le parti socialiste puis par le parti communiste autour de la figure émergente de l’ouvrier métallurgiste ou métallo (début XIXe : le mineur). - Représentant/représenté : l’unification de la classe se fait par le haut plutôt que par le bas. Correspondance très imparfaite à la vie concrète des ouvriers. L’unification symbolique réalisée par le PC autour d’une fraction particulière des ouvriers s’est faite au détriment d’une homogénéisation de la classe fondée sur les pratiques d’ateliers. La force du PC ne doit pas masquer cette réalité : à plus LT, l’identité collective n’est pas assurée par l’homogénéisation par le bas => dépendance du travail de représentation. Les nouveaux ouvriers des années 1960 auront du mal à se reconnaître dans la figure politique de l’ouvrier. - Ouvrier français/ ouvrier immigré : l’immigration industrielle est ancienne en France et provoque un renouvellement constant des familles qui composent la classe => pas de tradition ouvrière familiale. Difficulté à maintenir une mémoire collective du groupe ouvrier. Pb de représentation des immigrés. La période 1930-1960 a pu laisser penser que malgré son éclatement factuel la CO pouvait trouver une unité durable, mais cet éclatement historique s’est redonné à voir dans la période contemporaine avec l’effondrement du PC. Actualité de la classe ouvrière : C’est d’abord et surtout : BEAUD et PIALOUX, 1999, Retour sur la condition ouvrière. AMOSSÉ et CHARDON, 2006, « Les travailleurs non-qualifiés une nouvelle classe sociale ? » - Effets symboliques - Effets de segmentation des groupes sociaux Les travailleurs non qualifiés constituent-ils une nouvelle classe réunissant l’ensemble des salariés d’exécution, qu’ils soient définis comme ouvriers ou employés ? « L’ouvriérisation des employés » : cf le travail sur le Mc Donald de BURNOD, CARTRON, PINTO en 2000 (salaire modéré, turn over, travail à la chaîne, taylorisation, hiérarchisation, contre-maîtres) + travail de Gabriel SCHÜTZ sur les hôtesses d’accueil (Terrains et travaux, 2006). Employés et ouvriers non qualifiés partagent des conditions de travail distinctives (enquête Emploi) : - Travail très peu autonome - Importance des contrats précaires - Fréquence des horaires décalés - Niveau de salaire globalement très faible (1/3 de celui des cadres contre la moitié pour les ouvriers et employés qualifiés). Une identité collective très faible : cf le tableau Histoire de vie (2003). Environ 40 % des O et E non qualifiés ont le sentiment d’appartenir à une classe sociale, contre 50 % des ouvriers qualifiés et 48 % des employés qualifiés. 29 Cf les travaux des PINÇON-CHARLOT: travaux sur l’identité, de la stratification de l’espace, ceux qui sont le plus classe sociale ne sont-ils pas les classes supérieures ? Question de la culture (que veut dire une classe ?), mais aussi : estce que cela change les données du pb ? Est-ce que la capacité de dire classe sociale a des effets sur le fait de constituer d’une classe ? Si il manque le terme, est-ce que ça n’a pas des effets en termes de manque de points de fixation ? Pour ce « faible sentiment d’appartenir à une classe sociale » chez les employés et ouvriers non qualifiés ? - Faible participation syndicale : environ 15 % de ces groupes ont été syndiqués au cours de leur vie contre 30 % pour les cadres et professions intermédiaires - Segmentations importantes du groupe (// NOIRIEL) : o Entre jeunes et vieux. Les jeunes ont des raisons légitimes de penser qu’ils ne resteront pas non qualifiés tout au long de leur carrière. o Entre hommes et femmes : femmes plus âgées, encore moins qualifiées, plutôt du côté des employés, manière de s’identifier plus tournée vers la famille et le niveau de vie. o Clivage entre immigré et non immigré : les immigrés se définissent moins avec leur travail mais plutôt avec leur famille, à travers leurs amitiés et la religion La force de la stratification de la classe sociale est fonction de la force de la stratification en d’autres termes : âge, genre, ethnicité. Il faut voir la relation entre différents registres de stratification. Les clivages hommes/femmes peuvent avoir des effets contradictoires : - Clivage - Mais en même temps, cela permet l’homogamie. Ex : la féminisation du groupe des cadres rend plus possible l’homogamie cadre. 2. Formation d’un groupe social dominant (favorisé): le cas des cadres Le problème de l’action collective est souvent celui de groupes qui ont peu de ressources (comment se mobilise le groupe des chômeurs ? Celui des prostitués ?). La formation des groupes dominants ne va pas de soi, elle implique une activité symbolique spécifique, elle pose des problèmes de conditions matérielles d’existence, un travail d’unification et d’institutionnalisation. BOLTANSKI, 1982, Les cadres. La formation d’un groupe social. Comment les cadres sont-ils devenus non pas tant un groupe social cohérent qu’un groupe professionnel qui a du sens pour toute une série d’acteurs sociaux ? Pourquoi on perçoit des cadres ? Il envisage un jeu complexe d’institutions, qui vont permettre d’affirmer la distinction de ce groupe à plusieurs niveaux : pour les gens concernés, pour l’Etat, pour le sociologue, etc. 30 La catégorie apparaît et prend substance dans l’après-guerre mais en réalité, le groupe commence sans doute dès les années 1930, quand des organisations de travailleurs vont se revendiquer de la CM : un groupe qui ne serait ni le patronat, ni les ouvriers. Union syndicale des ingénieurs catholiques, en affinité avec le catholicisme social et avec l’idée de la recherche d’une troisième voie. Les ingénieurs constituent de fait l’attracteur du groupe en formation, que l’on commence à appeler « cadres » à la fin des années 1930. Positionnement quasi politique (ni patron, ni ouvrier) Eléments objectifs : notion de « patrimoine personnel », qui s’oppose à la notion de capital et à la notion de salaire. Cela permet d’exclure les fonctionnaires. L’Etat joue un rôle fort dans l’affirmation de ce groupe, notamment dans la période vichyste. Institutionnalisation du terme « cadre » dans la Charte du travail sous Vichy. CGC poursuit le travail d’unification du groupe professionnel autour de la figure de l’ingénieur en mettant au centre la notion de responsabilité qui lui permet de s’agréger des sous-groupes peu prestigieux mais nombreux. Elle s’appuie sur des institutions concrètes comme la mise en place d’un régime de retraite des cadres. Ce travail d’unification symbolique est lié à un travail syndical mais implique aussi la constitution d’une culture commune (= « culture cadre ») : fascination pour l’Amérique (management, idéologie d’expertise), culte de l’intelligence, l’Express. Cf texte de PINTO sur le nouvel observateur (l’Intelligence en action). Citation 3. En 1982, la PCS cadre jusque là divisée en cadres sup et cadres moyens s’unifie comme cadre tout court. Un certain nb de cadres moyens deviennent des PI (ingénieurs, techniciens). Achèvement de la « mise en cohésion d’un ensemble flou ». Il s’agit de se rattacher aux plus cadres des cadres (ingénieurs, privé d’entreprise) les cadres moins cadres. Actuellement, on verrait plutôt le cadre privé, sorti d’une école de commerce, qui possède un I-Pad, etc. Notion d’aggiornamento : les logiques de constitution de classes sont bien vues dans des logiques de territoires => extension à des zones plus ou moins nobles et plus ou moins importantes. On peut avoir l’impression que BOLTANSKI néglige les changements structurels : - Evolutions du système scolaire : l’école massifiée a contribué un groupe plus important d’individus portant du capital culturel et scolaire élevé - Evolutions du mode de production : les changements du capitalisme d’aprèsguerre et l’arrivée d’une forme de salariés bourgeois et du manager a des effets sur l’émergence de ce groupe des cadres. Olivier GODECHOT, 2009 ?, Working rich. Mais les conditions économiques et structurelles n’ont pas suffi, il était nécessaire qu’il y ait des conditions symboliques. Bouffartigue, Gadéa et Pochic, 2011, Cadres, classes moyennes : vers l’éclatement ? Article d’Amossé : Alors que Boltanski retient une définition restrictive des cadres, l’étude d’Amossé considère cadres et classes moyennes. Transformation de la frontière cadre/non cadre depuis 1980. On parle souvent de « malaise des 31 cadres ». De 1982 à 2002, doublement des effectifs des CPIS => sentiment de banalisation, de crise. On peut relever des éléments de banalisation du groupe des cadres : - Groupe moins spécifiquement masculin. La figure attracteur selon Boltanski est l’ingénieur. Texte sur la féminisation des ingénieurs de Catherine MARRY (2004) - Moins spécifiquement âgés - Moins spécifiquement bien payés. Mais ces éléments sont plus ambivalents : la féminisation a permis une plus grande cohésion du groupe cadres. Le groupe CPIS est beaucoup plus homogame que les non-cadres. Pas moins d’un cadre sur 3 a un conjoint cadre. Renforcement de certaines distinctions, - En particulier par le diplôme : 2/3 des cadres ont un diplôme supérieur à bac+3 contre 1/20 des non-cadres. Hausse de la différence entre cadres et non-cadres de l’ordre de 10 points. Tous les types de cadres sont désormais diplômés (ex des journalistes : on ne peut plus être journaliste sans diplôme). - Un statut d’emploi plus favorable - Moins de CDD - Stabilité professionnelle assez forte : les cadres sont moins mobiles que les non cadres. Les cadres se distinguent au moins aussi nettement des non-cadres en 2002 qu’en 1982. Sur la composition interne du groupe, les auteurs parlent d’un « éclatement ». Plusieurs contributions de l’ouvrage cherchent à éclairer les figures atypiques des cadres (figures nouvelles) qui s’éloignent de plus en plus nettement de la figure attracteur du groupe (les ingénieurs pour Boltanski). Exemples : Les cadres de santé (Charles Gadéa) sont éloignés de l’idée qu’on a du cadre. Ce sont essentiellement des femmes, anciennes infirmières, fonction cadre dans l’organisation du travail. Ce sont elles qui introduisent le management dans l’hôpital. Lazuech et Darbus sur les cadres militants de l’économie sociale. Cadres qui sont pour partie des anciens militants et entendent incarner un nouveau pôle des cadres, plus politisés. Le positionnement symbolique du groupe : les pratiques culturelles des cadres (Philippe Coulangeon). Il utilise les enquêtes INSEE budget des familles : le poids des dépenses culturelles s’est accru chez les cadres, creusant l’écart avec les ouvriers : de 2 à 5 points d’écart (date ?). Enquêtes sur les pratiques culturelles des français : les CPIS sont toujours plus consommateurs de la culture la plus savante (lecture, musique classique, théâtre, musée, concert). A l’inverse, très peu de cadres consomment beaucoup de TV (au moins 20h par semaine). 10 % de gros consommateurs de TV chez les cadres contre 45 % pour la population globale. Ceci peut être lié au développement des supports numériques. Evolutions culturelles notables : la lecture est une pratique qui semble déclinante chez les cadres. De 1973 à 2008, la part des non lecteurs chez les cadres a doublé (de 4 à 8 %) : intensification du temps de travail. La lecture est 32 une pratique culturelle qui prend du temps. Cf Le nouvel esprit du capitalisme (2000): marquage culturel des différences sociales. Nouveaux investissements culturels : apprentissage de l’anglais (seuls 20 à 30 % des cadres déclarent n’avoir aucune compétence en anglais, contre 70 % de la population d’ensemble). « Investissement culturel de type instrumental » (Coulangeon). On peut aussi lier ça à l’internationalisation du groupe des cadres. A-C Wagner sur les classes sociales dans la mondialisation (2004). Corinne DELMAS sur le malaise des cadres : réalité ancienne qui a pris la forme d’un nouveau pb public = stress et souffrance au travail. Le succès de cette thématique n’est pas mécaniquement dérivé des conditions de travail objectives. Les pbs de santé mentale touchent moins les cadres que les autres groupes et les cadres établissent eux-mêmes un lien entre travail et santé dans les enquêtes. Il s’agit plus de l’effet de stratégies syndicales et médiatiques pour avoir une lecture individualiste plutôt que structurelle et collective. Il s’agit d’une manière typiquement cadre de parler des difficultés au travail (de manière individualiste et psychologiste). Marine BUSCATTO sur la place des discours psychologiques pour parler de la performance. Pb du nominalisme de la catégorie quand on dit que le groupe cadre a doublé. « Label cadre ». 3. La question de la dissolution d’un groupe social : le cas des paysans Un groupe social peut décliner, en termes d’importance objective (quantitative) et symbolique. Il faut nuancer la question de l’importance symbolique en s’intéressant aux pratiques des « survivants ». 3.1. Le groupe paysan est décrit comme un groupe finissant, en crise, en France depuis 1945 MENDRAS, 1967, La fin des paysans : modification profonde des techniques et des finalités de production. Imposition de l’agriculture intensément capitalistique, au dépend de l’agriculture de subsistance qui prévalait. Il analyse les résistances à ce changement, c’est-à-dire à la rationalisation de leur travail est l’expression positive d’une culture qui perdure. Préserver un cheptel important de bêtes pour marquer son prestige dans l’espace local mais en même temps cela freine la mécanisation de la production. BOURDIEU, 2002, Le Bal des célibataires : enquêtes de terrain dans le Béarn à la fin des années 1950. Approche beaucoup plus symbolique et interne au groupe paysan. Il s’intéresse à la « crise de reproduction du groupe paysan » à partir des échanges matrimoniaux et de leur contradiction. Bal paysan béarnais où BOURDIEU note la dévaluation symbolique complète des aînés qui sont déclarés inmariables, dont la disqualification symbolique est profondément inscrite dans leur corps (lourdeur de la démarche incorporée au champ, incapacité de danser sauf les danses traditionnelles collectives). Au-delà de la visibilité du corps, 33 BOURDIEU évoque aussi l’intériorisation du paysan qui est « embarrassé de son propre corps ». La domination concrète d’une culture urbaine s’impose : présence d’étudiants qui ont une force symbolique sur le marché matrimonial. Mais impossibilité de résister : absence de prise sur la représentation collective dévalorisante de la classe paysanne. Cette image du groupe paysan est pratiquement entièrement imposée de l’extérieur. PB parle de « classe objet » : capacité à travailler la représentation de son propre groupe social. « Les classes dominées ne parlent pas, elles sont parlées ». La classe paysanne est forcée de « former sa propre subjectivité à partir de son objectivation ». Cette évolution matérielle et symbolique du groupe paysan s’est poursuivie par la suite. Patrick CHAMPAGNE, 2002, L’héritage refusé. La crise de la reproduction sociale de la paysannerie en France, 1950-2000 : enquêtes en Mayenne (1970s) et Bourgogne (début des 80s). Paysan à la plage : honte de son corps, « bronzage agricole ». Visibilité de la domination au niveau des corps et honte de son corps, dans un cadre où s’impose des choses nouvelles : les vacances balnéaires. Question de la reproduction économique du groupe : tension liée à la concurrence accrue par rapport à la période étudiée par BOURDIEU pour les terres. 3.2. Un tableau à nuancer Le tableau négatif d’ensemble est renforcé par des formes d’esthétisation de la mort du groupe paysan. BESSIÈRE et BRUNEAU, 2011, « La vie moderne : la beauté de la mort paysanne », Revue de synthèse. Sur les films de Depardon, exemple d’esthétisation de la mort paysanne. La mort des paysans est mise en scène. Par ailleurs, il subsiste un monde agricole dynamique, fortement connecté au capitalisme le plus actuel (financier). Céline BESSIERE, 2010, De génération en génération. Arrangements de famille dans les entreprises viticoles de Cognac. Certains ont des pratiques totalement décalées par rapport aux descriptions de BOURDIEU ou CHAMPAGNE : individus jeunes, diplômés, formés aux nouvelles technologies et travaillant pour des grands groupes capitalistes comme LVMH (Louis Vuitton, Moët Hancy). Sur le plan de la vitalité symbolique, il ne faut pas ignorer le rôle politique nouveau que jouent certains agriculteurs, en contraste avec l’idée de « classe objet ». Ivan BRUNEAU, 2004, « La confédération paysanne et le « mouvement altermondialisation ». L’international comme enjeu syndical », Politix. Inscription dans un réseau international. Ce groupe a pu inventer de nouveaux répertoires d’actions, comme le démontage du Mc Donald de Millau en 1999. On peut créditer ce groupe d’une inventivité symbolique. BRUNEAU insiste sur le fait que la confédération paysanne a joué un rôle de premier plan dans l’affirmation du mouvement altermondialiste à la fin des années 1990. 34 Séance 4 : Le marquage culturel des différences sociales Introduction : la culture stratifiante On est toujours dans la question de la formation des groupes sociaux en abordant la question de la culture. Il s’agit d’une question typiquement wébérienne (cf le cours classe/statut). On serait du côté de la reproduction de groupes déjà faits (pas au sens bourdieusien). Entretien des groupes par la culture (cf la citation de Boltanski : on a des groupes et on ne se pose plus de question sur leur origine). Comment ces groupes sont-ils entretenus ? Comment un ouvrier ou un cadre s’affirme ou est affirmé socialement comme ouvrier ou comme cadre. L’étude de la stratification sociale implique que l’on s’intéresse à la culture : différences entre groupes sociaux, luttes, fossé qu’elle pose entre les groupes. Absence totale de ces travaux dans la bibliographie : quand on prend un angle sociologie de la culture. « La stratification sociale des goûts musicaux » de COULANGEON : c’est la culture qui est stratifiée. Là, on ne doit pas avoir une idée de culture stratifiée mais de culture stratifiante, comme force de stratification. Point d’appui pour faire des différences entre les groupes. Cette question est à la fois évidente et en même temps pas tellement puisque les travaux sont absents de la bibliographie. 1. La distinction (1979) de Pierre Bourdieu Thèse : il existe des liens structuraux et pratiques entre culture et stratification sociale. 1.1. La définition de la culture Relativement spécifique dans la Distinction : c’est plus le rapport à la culture que les pratiques culturelles pour elles-mêmes qui intéresse Bourdieu. C’est pourquoi il parle de « goût ». C’est par le relevé de pratiques culturelles spécifiques qu’il infère un rapport à la culture. Donc, dans la Distinction, la culture est moins un corpus culturel qu’une économie symbolique du rapport à la culture. La culture dont parle Bourdieu est beaucoup plus large que celle qu’on entend dans les enquêtes du ministère culturel. Définition proche de celle des anthropologues. Cf citation 1 : il s’agit de « faire rentrer la « culture » au sens restreint et normatif de l’usage ordinaire dans la « culture » au sens large de l’ethnologie ». La culture est très large et marque des différences sociales entre les groupes. La question de la Distinction est d’insérer l’ensemble des pratiques culturelles sans pour autant coder d’emblée la légitimité. A l’inverse, Bernard Lahire commende par coder la légitimité. Cette idée de prendre l’ensemble de la culture pour voir en quoi elle marque des différences entre les groupes sociaux n’est pas propre à Bourdieu : il la reprend à T. VEBLEN, 1899, La théorie de la classe de loisir. La différence entre les 35 groupes est marquée par des différences culturelles : manière de porter les vêtements, type de vêtements qu’on porte, etc. 1.2. Fonctionnement général de la culture Comment passer des pratiques au rapport aux pratiques ? BOURDIEU essaie de voir comment la même logique serait à l’œuvre dans l’investissement d’une pratique culturelle donnée dans un domaine culturel donné : il regarde si la manière dont s’exprime une préférence dans un domaine donné est différente selon différents groupes. Par exemple, regarder un certain film dans un certain cinéma (champs du cinéma, des expositions, du spectacle). On a un rapport à la culture si on retrouve une manière similaire d’exprimer ses préférences dans un ordre culturel donné. Ex : il y a des associations canoniques de profils culturels. Par exemple dans les années 1960, ce qui était plutôt Bach en musique était attiré en matière de revues par les Temps modernes, de livre par les essais philosophiques et politiques, en matière de concert par les festivals d’avant-garde et de cuisine par la cuisine chinoise. La mise au jour de profils probabilistes permet de développer une série de concepts qui permettent de relier stratification sociale et culture : - Habitus : principe générateur commun qui préside à l’élaboration des préférences. Il dépend des conditions de socialisations et a un caractère stratifié. L’habitus est par excellence un habitus de classe. BOURDIEU a une représentation en matière d’espace social. Les habitus (systèmes de préférences) qui se ressemblent sont dépendants des classes sociales. Les relations entre classes sociales et culture sont liées à la structuration des habitus. - Champ culturel : elle renvoie à des espaces ordonnés propres à chaque pratique culturelle. Espaces qui ont des spécificités, hiérarchisés : on n’a pas à faire à des pratiques culturelles équivalentes les unes avec les autres mais qui sont ordonnées et en même temps qui le sont sans être statiques. Stabilité relative car les atouts que l’on peut faire jouer dans ces luttes sont des atouts relativement stables eux-mêmes, liés à la stratification sociale. Il existe un ordre culturel propre à chaque champ car suffisamment de stabilité car les luttes dans les champs dépendent de l’ordre social, de la stratification sociale, de la distribution des capitaux qui sont stables eux-mêmes. La culture dominante légitime a des chances très fortes d’être la culture des dominants au sens de la stratification sociale. TARDE : « de tout temps, les classes dominantes ont été ou ont commencé par être les classes modèles ». Si la culture dominante tend à être la culture des dominants chez BOURDIEU, ce n’est pas le résultat de positions littérales, mais plutôt le résultat du fait que les luttes dans les différents champs sont liés à la stabilité des positions sociales en général. 1.2. Lien entre styles de vie et classes sociales 36 Il y a un lien au niveau des structures (par les champs) et au niveau des pratiques. Le résultat de cette double-structuration, ce sont les « styles de vie », et la conjonction entre des styles de vies et les classes sociales. Les structures de la culture étant stratifiées socialement, le résultat de la culture est stratifié. On retrouve au niveau des styles de vie le fait que la manière dont est décrite la culture n’est pas tant les contenus culturels que des manières d’envisager la culture : - Rapport à la culture : fait ou imposé ? - Styles culturels : la culture bourgeoise est désintéressée ou le rapport désintéressé à la culture marque l’appartenance à la bourgeoisie. Il dit ça beaucoup plus que « jouer au golf ça marque la bourgeoisie » (même si c’est vrai aussi). 3 groupes : bourgeoisie, petite bourgeoisie, classes populaires. - Bourgeoisie : question du désintéressement. Dans la bourgeoisie, on est en mesure de faire la légitimité culturelle et non seulement de la subir. - Classes populaires : domination symbolique => pas de participation à la production de l’ordre culturel. « Goût du nécessaire », « refus du refus » (il y a des choses qui nous sont refusés de fait, mais on les refuse) - La petite bourgeoisie : bonne volonté culturelle, culture scolaire. Culture essentiellement léguée par l’école. Le fait d’avoir une culture essentiellement scolaire (« c’est vraiment scolaire »). Il ne faut pas rester dans le rapport à la culture pour nos dissertations, il faut mobiliser des pratiques culturelles qui marquent l’appartenance de classe. Il faut citer des choses précises. Cf tableaux. Julien DUVAL, 2011, « L’offre et les goûts cinématographiques en France », Sociologie. Titanic est vu à peu près autant par les ouvriers et par les cadres (autour de 80 %). Autant vu au cinéma et à la TV. 2 évolutions : - évolution des films commerciaux à grands budgets implique d’avoir des produits culturels moins clivant socialement (il faut rentabiliser les investissements). Cf segmentation de l’audience et du public. - Les chaînes généralistes diffusent de moins en moins de films d’auteurs. Si on veut voir un film d’auteur, il faut aller sur une chaîne plus spécifique comme Arte. Sur la question des genres on a des formes de relations étroites entre classes sociales et style de films : le film d’auteur continue d’être de moins en moins apprécié quand on va vers les classes populaires. Genres qui ont un caractère moins clivant : le film comique par exemple. COULMONT, 2011, Sociologie des prénoms : prénom, marqueur de différence sociale. Question du temps : ce sont les classes supérieures qui donnent les prénoms un peu avance par rapport aux autres classes sociales de 2 ou 3 ans. Logique de stratification sociale associée au prénom. Un enfant de 10 aujourd’hui qui s’appelle Julien a plus de chance d’être d’origine populaire que l’inverse. A l’inverse, certains prénoms n’ont pas un caractère clivant. 37 Langage : BERNSTEIN, 1975, Langage et classes sociales. Le langage est un indicateur de la stratification sociale. Il réalise des analyses lexicales statistiques pour montrer que dans les classes supérieures on utilise plus souvent le mot « je » que dans les classes populaires => rapport à la culture et rapport à soi. Deux discussions : au moment de la publication de l’œuvre et critique actuelle. Les discussions contemporaines sont des discussions générales, sur la pertinence à estimer que ce sont des logiques de distinction qui produisent des différences (donc à quel point la culture fait des groupes effectivement). Actuellement, on se demande si ce sont bien les cultures dont parle Bourdieu qui nous intéresse (type de culture ou quantité de culture) : Peterson et Coulangeon. 2. Critique externe et générale sur ces questions 07/12/11 LAMONT, M. et LAREAU, A. (1988) « Cultural Capital : allusions, gaps and glissandos in recent theoretical developments », Sociological Theory, vol. 6, Fall. Le caractère socialement distinctif de la culture serait exagéré. Il existe des liens entre pratiques culturelles et différenciation entre groupes sociaux, mais la logique de distinction n’est pas aussi uniforme et générale que ce que suppose Bourdieu. Bourdieu a tort d’associer un type de rapport à la culture à la légitimité culturelle : il associe la « culture désintéressée ». Aux EU, la culture désintéressée ne semble pas être la marque des groupes sociaux dominants : le critère distinctif serait duc ôté de l’agressivité, l’esprit d’entreprise, l’autonomie ou l’adaptabilité. L’association entre culture et production/reproduction des classes sociales serait plus ou moins vraie selon les espaces sociaux considérés et selon les espaces nationaux. Bourdieu serait victime d’une forme d’ethnocentrisme français voire parisien. En France et à Paris, la culture fonctionne comme un moyen de positionner les personnes et les groupes et donc de se positionner soi-même dans l’espace social. Ce serait moins vrai ailleurs : dans les espaces sociaux où l’ordre culturel est trop souple et trop changeant pour fonctionner comme un appui stable à la différenciation sociale. Par ex dans des pays où les innovations culturelles sont fréquentes, de même que la transgression entre les genres (aux Etats-Unis principalement). On peut mettre en relief ces travaux : Laurence LEVINE, 2010, Culture d’en haut, culture d’en bas. Il s’intéresse aux évolutions de la pratique du théâtre du milieu XIXe-début XXe. Historiquement, on peut observer des processus très forts et violents entre une culture d’en haut pour les classes supérieures et une culture d’en bas. Représentations théâtrales des œuvres de Shakespeare : en fin de période, les représentations théâtrales de Shakespeare font partie de la culture d’en haut, ce qui n’était pas le cas au milieu du XIXe s. A ce moment, ces représentations étaient des spectacles chauds : scènes au centre, public qui participe, public populaire important, pièces de théâtre, représentations conçues comme une activité lucrative proche du cirque, orientation et objectifs de divertissement, réinterprétation de l’œuvre. 38 Ces représentations changent de forme et s’affirment comme une consommation culturelle sélective, elles vont devenir un spectacle froid, sans participation du public, une scène à l’italienne qui s’impose, un rapport au texte avec un respect de l’original et du vrai Shakespeare que l’on étudie à l’université. On atteint un Shakespeare peintre de la morale plutôt que de l’action. Pour passer de la période 1 à 2, il observe des luttes très violentes entre groupes sociaux pour affirmer le nouveau Shakespeare. Au moment où s’affirme le nouveau Shakespeare universitaire, ont eu lieu des moments de mix (les milieux populaires venaient encore). Mais ces milieux protestaient contre la nouvelle représentation de Shakespeare : représentations très violentes qui tournent à l’émeute, et parfois réprimées dans le sang par la troupe. En 1879 à Chicago, un spectateur cultivé tire au revolver sur un acteur car il assassine selon lui le texte de Richard II entre les mains. Cela suggère aussi que les types de violence symbolique à l’œuvre pour marquer les différences entre groupes sociaux ne sont pas forcément déconnectés d’une violence physique. Pour revenir aux critiques de LAMONT et LAREAU, la culture ne fonctionnerait pas différemment aux EU, mais dans cet espace social particulier américain, parmi les types de différenciation disponible, la différenciation culturelle est peut-être moins valorisée. Sur le marché global des capitaux, le capital culturel est moins valorisé, par rapport au capital économique. Cette déconnection entre culture et stratification a été posée avec l’idée de culture « bling bling » de Nicolas Sarkozy : invitation de Chantal Goya après la victoire de 2007. Philippe Coulangeon cf le site contre temps. Déconnection entre culture dominante et classe dominante ? Idée d’américanisation de la vie publique française ? C’est ce qui est aujourd’hui reproché à Sarkozy. Idée qu’il serait le « président des riches », d’une partie des classes dominantes. Le fait de se passer de la culture légitime semble poser un certain nombre de problèmes : peut-on légitimement appartenir aux classes supérieures en se passant du lien entre culture légitime et classes sociales ? Autre critique en Europe : GRIGNON, C. et PASSERON, J.-C. (1989), Le Savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris : Gallimard Le Seuil. Passeron et Grignon : le modèle de la distinction néglige le fait que la culture populaire serait une culture propre. Empiriquement, on peut repérer des formes de cultures populaires, qui marque des différences, mais non selon la logique trop uniforme de la Distinction. ELSTER, J. (1981), « Snobs (Review of Pierre Bourdieu (1979) La Distinction) », London Review of Books, vol. 3, n°20, p. 10-12. La lecture du texte de Bourdieu donne l’importance d’une incohérence et d’une inconsistance : certains groupes sociaux semblent être plus l’objet de la distinction que son sujet. Modèle qui se modifie d’une classe sociale à l’autre. Il parle du « goût du nécessaire » comme le « principe des raisins trop verts » : fait 39 de faire nécessité vertu (fable de la Fontaine : le renard veut attraper des raisins, mais il n’y arrive pas. Il déclare que de toute façon, ils sont trop verts. L’action symbolique est expliquée deux fois : comme le résultat d’une adaptation à la nécessité et comme un comportement quasi stratégique orienté vers des buts spécifiques). Les principes des classes populaires doivent se construire selon le principe des raisins trop verts. Bourdieu devrait chercher à comprendre comment chaque groupe social se distingue, or il ne considère qu’un groupe qui se distingue stratégiquement. Pour Grignon et Passeron, on a l’impression que quand on arrive aux CP, on change de régime : on n’associe pas de rapport à la culture positif. Il faudrait associer systématiquement un type de rapport positif à la culture pour chaque groupe social. Sous-définition du rapport à la culture du côté des CP. - Point de vue populiste: traits caractéristiques des CP. Mais sans rallier le groupe aux autres groupes sociaux. - Point de vue misérabiliste : ne livre pas d’image d’une vraie culture (nécessité). Le goût du nécessaire est un artefact pour introduire de la liberté. Le dominocentrisme (misérabilisme) de Bourdieu est critiqué : les différences culturelles sont moins explorées que pour les autres groupes. On ne trouve pas d’AFC des classes populaires et le chapitre est beaucoup plus court dans la Distinction. Or : travaux ethnographiques comme ceux de Richard HOGGART, La culture du pauvre. On peut ajouter Paul WILLIS (2011), Olivier SCHWARTZ (2000). Solidarité entre méthode ethnographique et capacité positive à faire ressortir des traits de la culture qui font classe (même si risque d’isoler la culture des autres cultures). Paul Willis : construction d’une culture positive de l’humour, de l’usine. Olivier Schwartz recherche aussi des formes positives de culture populaire. William LABOV: poétique particulière du parler populaire tandis que BERNSTEIN parlait de code restreint pour parler du langage populaire. On doit trouver des manières positives de marquer la culture populaire. On retrouve le pb général de la représentation des classes sociales : Passeron et Grignon interrogent la manière de penser la culture chez Bourdieu, qui serait à la manière d’Halbwachs d’un foyer qui se diffuse. Donc : critique assez radicale centrée sur 1) ce n’est pas vrai partout (comparaisons internationales) et 2) ce n’est pas vrai pour toutes les classes sociales. 3. Critiques internes et plus spécifiques (années 1990-2000) Est-ce la culture dont il est question dans la Distinction qui fait les différences sociales ? Caractère moins général et questionnement formulé sur un plan plus empirique. 40 PETERSON, R. A. (1992), « Understanding audience segmentation : from elite and mass to univore and omnivore », Poetics : Journal of empircial research on Literature, the Media and the Arts, vol. 25, p. 75-92. PETERSON, R. A. (2004), « Le passage à des goûts omnivores : notions, faits et perspectives », Sociologie et sociétés, vol. XXXVI, n°1, p. 145-162 COULANGEON, P. (2003) « La stratification sociale des goûts musicaux. Le modèle de la légitimité culturelle en question. », Revue française de sociologie, vol LXIV, n°1, p. 3-33. Peterson (1992) fait un travail quantitatif sur les préférences musicales qui vise à montrer dans la lignée de la Distinction qu’à un rang culturel élevé est associé des pratiques musicales élevées. C’est en faisant ce travail qu’il s’aperçoit que les classes supérieures ont une autre propriété que le fait de consommer spécifiquement un autre type de musique : la tendance à écouter une plus vaste gamme de musique. Idée d’une légitimité fondée non plus sur un type de culture mais sur la capacité culturelle (la quantité de culture) opposant des consommateurs omnivores (consommant tout type de culture) aux consommateurs univores (limitée) marquant l’appartenance aux classes populaires. On parle parfois de « paradigme zoologique ». Ce modèle va être testée et vérifié dans plusieurs pays et notamment en France par Coulangeon dans son article de 2003 sur la stratification sociale des goûts musicaux : l’omnivorité va de pair avec le bon goût. Elle ne s’oppose pas à la légitimité (article de 2004). Processus historique qui surgit à un certain temps et disparaîtra sans doute avec le temps. Il s’intéresse aux causes de cette nouveauté historique : concurrence des divertissements populaires et difficulté croissante de pratiquer la distinction par l’exclusion et la rareté (allongement de la scolarité et moyens de communications diversifiés), esthétisation de la culture populaire et effets de la mobilité sociale (socialisations multiples). En France, la mobilité sociale a très peu évoluée : 57 % des hommes avaient la même profession de leur père en 1977 contre 53 % ? en 2003. Il pose la question d’une éventuelle obsolescence du modèle de la Distinction ? Coulangeon (2003) interprète l’omnivorité en termes de dispositions esthétiques (tolérance esthétique = rapport à la culture). Ces pratiques culturelles sont nombreuses car il a été possible de consommer la culture populaire => sous quelles modalités ? Grignon et Passeron parlaient de droit de ? symbolique (Le savant et le politique). Récemment, Coulangeon défend de manière plus claire la défense de la Distinction : les modalités ont changé mais le modèle est à sauver. L’éclectisme omnivoire possède des limites qui rendent raison aux différences socialement fondée sur la légitimité. BRYSON, B. (1996) « “Anything but heavy metal”. Symbolic exclusion and musical dislikes », American Sociological Review, vol. 61, october. 41 Quand on rentre dans les conditions concrètes dans lesquelles la pluralité des consommations musicales est possibles, on se rend compte qu’elles sont liées à des formes de différenciation associées à un type de culture. Données américaines du general social survey de 1993 : si les classes supérieures sont plus tolérantes, rejet franc des consommations trop populaires (heavy metal, gospel, country et rap). Il s’agit plus d’une métamorphose de la Distinction. LAHIRE, B. (2004), La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris : La Découverte/ « Textes à l’appui/ Laboratoire des sciences sociales ». Lahire (2004) : les différenciations sociales passeraient dans les individus (intraindividuelles) => manières qu’a un individu de se situer dans son « nuancier culturel » (ça c’est ma part d’ombre, ça c’est mon côté légitime). Il parle de « cercle de l’enfer » des pratiques culturelles. Il faut retenir l’idée que la culture fait différence sociale sans qu’elle marque forcément les différences entre groupes. Transition : La culture est un supplément indispensable. On est parti des pratiques culturelles les plus informelles (interaction) vers les plus institutionnalisées (formes institutionnelles de la culture). La culture marquerait les différences entre groupes sociaux. Institutionnalisation de différences culturelles à travers la classification. On peut aussi parler des questions de classification autour des questions de moyennisation (manière de représenter la société, effet de représentation qui donne lieu à une moyennisation de la société ? Séance 5 : La stratification sociale institutionnalisée : le cas de la classification socioprofessionnelle Introduction On passe d’un marquage informel (récurrent, quotidien, inséré dans les formes et pratiques courantes) à un marquage formalisé (généralisation, lié le plus souvent à l’Etat, mais plus ou moins présent dans les activités quotidiennes). Les classifications professionnelles ont une force très importante (institutions fortes : conventions collectives, caisse de retraite), mais dans la vie de tous les jours, comment la différenciation est-elle faite ? Il ne faut pas exagérer dans le quotidien la force des classements institutionnels. Force des classements institutionnels : stabilité, forme non négociable dans la pratique (à l’inverse des marques informelles que l’on peut nuancer). Il y a d’autres formes d’institutionnalisation qu’il ne faut pas oublier. 42 D’autres formes institutionnalisées de la stratification sociale L’école Par exemple les classements scolaires (culture institutionnalisée qui marque de manière formelle) : le diplôme, l’accès à une filière, les titres scolaires divers, la note. Cf Pierre MERLE, 2007, Les notes, secret de fabrication. La note vaut socialement quelque chose, ça classe. Plus généralement, la fixation des différences sociales est une fonction importante du système scolaire. Sociologie critique de l’éducation : Bourdieu, Baudelot. A quel point ce travail a une force spécifique ? Pour Bourdieu, c’est la fonction symbolique de l’école, tandis que chez Baudelot, c’est un des effets de l’école. Théorie du signal (Spence, 1973) : idée qu’au fond, contre l’idée que l’école est de l’accumulation de capital humain, l’acquisition d’un titre signale un certain nombre de compétences aux employeurs sur le marché du travail. Il s’agit de signaler l’appartenance à un type de population. Les classements politico-administratifs : les castes Bouglé (1908) : la caste est la classe sociale instituée par une forme de classification institutionnelle. Ce peut être un classement religieux mais aussi un classement d’Etat. Cas limite de la classification institutionnelle et de la classe sociale. Les castes ont été abolies en Inde en 1950. Pour en savoir plus, cf La vie des idées (dossier 2010 de Naudet). Cette abolition signifie une sortie de l’Etat des références à la caste. Constitutionnellement parlant, on dit pas « Intouchable » dans les textes d’Etat. Cependant, cette idée de caste demeure présente dans la réalité culturelle et même au niveau institutionnel certaines politiques publiques s’appuient sur ces questions : affirmative action pro-caste. Les classifications professionnelles N’y a-t-il que dans les sociétés à caste qu’il y a des liens entre classements politico-administratifs et classements sociaux ? Différenciation impérative entre citoyen et non citoyen => mode de différenciation qui n’est pas celui qu’on a retenu depuis le début, mais cette différenciation ne tend-t-elle pas à produire des groupes sociaux particuliers ? Cf les travaux des historiens sur l’identification et la diffusion des papiers (Noiriel, About et Denis, 2010, Histoire de l’identification des personnes). Question du groupe des sans-papiers ? Il se définirait dans un régime migratoire particulier qui finirait par faire groupe social. Cf JOUNIN, 2008, Chantiers interdits au public et CHAUVIN, 2010, Les Agences de la précarité : la question du classement est très important en termes de niveau de domination des travailleurs. On est pris dans un contrat de travail très particulier. Si on définit la classe dans la possession des moyens de production, alors la classification socio professionnelle a une force particulière. Les CSP ont une force particulière dans la formation des groupes. 43 1. Origine des classifications professionnelles : le cas de la France Relation entre type de classification et de classement, différences réelles et symboliques. Cf le cours du CNED. DESROSIÈRES et THÉVENOT, 1988, Les catégories socioprofessionnelles. Les classifications professionnelles n’ont été construites que progressivement. Elles ne sont pas sorties toutes armées de la tête de l’Etat => progressivité. Différenciation par secteur, par position (dirigeant ou pas), diplôme. Ce sont les trois critères principaux de différenciations des PCS actuelles. L’institutionnalisation propre aux catégories socioprofessionnelles = entreprises ou classification des fonctionnaires. Ex : la première classification de 54 est inspirée des différences dans la métallurgie et entre fonctionnaires qui existaient déjà (A, B, C). 2. L’usage scientifique et politique des classifications (par le haut) PIERRU et SPIRE, 2008, « Le crépuscule des catégories socioprofessionnelles », Revue française de science politique. De l’après-guerre jusqu’aux années 1980, la CS sert largement à expliquer les comportements économiques, les trajectoires professionnelles et les formes de mobilité sociale. Par ailleurs, intéresse les spécialistes du marketing (étude de styles de vie). Il faut relier cette importance à un type de gouvernement : la planification à la française (pilotage macro qui implique une représentation globale de la société). C’est plus connecté à l’Etat que la sociologie : la sociologie comme discipline se saisit peu des CS. Dans le traité de Gurvitch de 1963, il n’est pas question des catégories socioprofessionnelles. Dans les années 60, les statistiques pénètrent la sociologie (changement), via Bourdieu qui forme quelques statisticiens sociologues (Desrosières, Thévenot, Gollac). Concrètement, cela a un effet sur la CS : légitimation épistémologique de la CS mais également technique : usage plus sophistiqué (analyse de données). Importance sociologique et sociopolitique qui va nourrir les conventions politiques, certaines politiques publiques comme par exemple les ZEP, qui sont construites en référence à la CS des gens qui constituent l’environnement immédiat des établissements. L’intérêt de l’article est de noter et d’objectiver un changement à partir des années 1980 autour d’un déclin des CSP, à la fois comme objet statistique et instrument de politique publique. - Traitement quantitatif des publications de l’INSEE (Données sociales). De 1973 à 1987, environ 25 % des pages concernant les tableaux statistiques mentionnent la CSP. Après 1987, chute brutale autour de 10 %. - Traitement qualitatif : disparition de la mention comme catégorie socioprofessionnelle au profit de termes nouveaux « groupes sociaux » ou de thématiques nouvelles « exclusion », « chômage », « précarité » (thématique de l’exclusion). Article de 73 et de 99 sur l’évolution de la consommation des ménages : 8 tableaux de la CS en 73, aucun en 99. 44 Comment expliquer cette situation ? Ils ne veulent pas considérer que ce changement est juste l’effet d’un changement réel (société plus individualisée qui nécessiterait des instruments plus individualisant). Ils veulent se démarquer de cette explication donnée souvent par les statisticiens lors des entretiens (L’égalité des possibles, 2002, d’Eric Maurin). Les origines du changement qu’ils observent ne seraient pas liées à un changement du côté de ceux qui seraient représentés mais du côté de ceux qui représentent. - Faiblesse initiale des CSP dans l’institution statistique (cela correspond à quelques personnes) - Changement de perspective au sein de l’institution statistique : substitution de l’intelligence économique à l’esprit d’Etat. Changement des modes de gouvernement, et changement des carrières de statisticiens : idée que l’ENSAE tire vers la business school. - Imposition de nouvelles normes scientifiques : développement des estimations logistiques et comparaison internationale. La CS est une variable discrète, donc cela pose un problème pour les régressions. Par ailleurs, c’est surtout une variable pluridimensionnelle. La logique de la régression est difficilement compatible avec le CS. Ou dans l’autre cas, la variable CS est « essorée » (Prévot et Merllié, 1997, La mobilité sociale) par d’autres variables (CS, diplôme, etc.). - Pb de comparaisons internationales. - Pb de qualité de représentation lié au CS : aujourd’hui, les appartenances professionnelles sont plus tardives et plus instables. Cela pose un problème pour les moins de 30 ans. Par ailleurs, CS de l’homme, etc. Mais selon eux, cela pourrait donner lieu à une rénovation de l’outil CS, à une adaptation. C’est un peu le projet d’Amossé et Chardon qui propose de faire les travailleurs non qualifiés. Les rénovations de 82 et 2003 sont très marginales parce que l’instrument CS n’intéresse pas. 3. Usages sociaux : à quel point est-ce présent dans la pratique quotidienne ? Rq : c’est un très bon axe de réflexion => travaux empiriques et originalité. Ce n’est pas seulement l’action publique qui est formée par des formes de classification sociale, mais aussi des formes privées du quotidien. Usages gouvernementaux, biopolitiques (Foucault, Sécurité, territoire, population : l’Etat moderne commence à compter les populations. Nouvelle forme de gouvernementalité = biopolitique/biopouvoir) vs usages locaux. Poser la question de la classification (de la mobilité, etc.) dans la pratique. En général, les réalités que l’on brasse sont des réalités structurales. Ici, on se pose la question par rapport aux classifications. Article de LOMBART. Distinction très nette entre ouvriers et employés : juridique et syndicale en Belgique => implique des conventions collectives spécifiques, droits du travail 45 spécifique entre ouvrier et employé. Dans son usine, cette distinction est reprise, mais ce qui l’intéresse est sa manipulation en pratique. 1) Ces classifications font l’objet d’une négociation : pour la même activité, le ratio ouvrier/employé se modifie considérablement (les statuts ont pu être négociés). C’est le cas pour des métiers à la limite des statuts : cas des opérateurs (travail de surveillance des opérations automatiques en cabine). Négociations qui dépendent du contexte économique : faire passer d’ouvrier à employé a du sens dans le statut d’emploi. En Belgique on peut payer un ouvrier à l’heure, mais pas un employé. => La négociation des statuts a des conséquences très concrètes. Cela permet de dépasser l’idée de performativité de la notion de classe sociale. 2) La distinction est prégnante également pour les intéressés euxmêmes, au-delà de la négociation du contrat de travail : les employés sont vus comme « tire au flanc », les ouvriers comme « sales » ou « débauchés ». Cette manière de se distinguer dépend des interactions effectives dans les groupes : ce type de différenciation s’affaiblit quand les individus sont en contact. L’identité au travail n’est pas uniquement liée à ce type de distinction. Les modes de perception sur les classifications : BOLTANSKI et THEVENOT, 1983, « Finding one’s way in social space », Social science information : question de départ = savoir « quelle est la relation entre les images mentales individuelles et le processus social de représentation officielle ou publique des groupes sociaux ». Savoir dans quelle mesure ces images sont partagées, dans quelle mesure la capacité à les mobiliser dans des tâches concrètes d’identification est la même pour tous. Ils utilisent des épreuves par tâche : 3 types de jeu - Produire une classification sociale - Associer à une catégorie sociale un membre typique - Associer à une personne réelle une classe Ces jeux là sont proposés à des personnes socialement différentes, mais unis par un intérêt déjà constitué pour la classification. Groupe de chargé de marketing, groupe de travailleurs sociaux, groupe de chômeurs en réorientation professionnelle, un groupe d’administrateurs de l’INSEE. 1e épreuve : classification. - Faire des piles de personnes à partir de 65 fiches de personnes réelles (sexe, âge, métier, secteur d’activité, niveau d’éducation). - Mettre en haut de la pile le métier le plus représentatif selon eux - Nommer cette pile. Dans leur discussion, les participants utilisent en permanence les catégories statistiques en place. C’est particulièrement vrai pour les catégories qualifiées. Pour le choix du nom, choix d’un nom officiel (cadre supérieur, profession libérale, agent de maîtrise plutôt que bourgeois, libéral, intellectuel) => force de la stratification sociale instituée. 46 2e épreuve : illustration d’une CS par un membre typique Les personnes n’ont pas de difficulté à produire des exemples paradigmatiques : image d’un cadre par excellence. Quarantaine, HEC, habite à Paris, travail dans un groupe, secteur de la communication ou de la finance. => La classification est parlante, les individus peuvent s’en faire une représentation stylisée. Mais variations selon les positions et intérêts qui dérivent de ces positions : les cadres au chômage de l’échantillon cherchent à s’émanciper de la représentation dominante, même s’ils la connaissent (comme classer, c’est se classer, il est difficile d’adopter le classement légitime s’il nous classe mal). Mais ils prennent les cadres pour établir ce résultat. Si on utilise des CS moins anciennes ou moins cristallisées, on aurait peut-être des résultats moins intéressants (ex professions intermédiaires). 3e épreuve : associer une personne réelle à une classe Jeu avec des francs. Les individus ont 100F au départ, et peuvent poser des questions plus ou moins chères. => Les classifications professionnelles ont une force pratique notable, d’autant que les classifications ne font pas l’objet d’un apprentissage socialisé. ZARKA, 1999, Le sens social des enfants : savoir à quel point les enfants sont capables de percevoir des différences entre métiers. Méthode par tâches : on propose des cartes à jouer : boucher, peintre de voiture, professeur de collège, conducteur de bus, caissière, médecin, fleuriste. On leur demande de les classer suivant le métier qui va au-dessus de tous les autres et en dessous de tous les autres => on demande aux enfants de retrouver la hiérarchie professionnelle et de justifier leur classement. La discrimination entre catégories est très précoce : il fait ça avec des CE1 et des CM. On la trouve chez certains CE1 mais avec la plupart des CM => éducation à la stratification institutionnalisée, voire sociale (socialisation à la stratification en tant que mode de perception). Les enfants interrogés ont une vision réaliste des gains associés mais non des études nécessaires pour faire ces métiers. Les enfants ont plus de mal à distinguer les hiérarchies professionnelles au niveau des CS supérieures. Les enfants issus des catégories aisées ont tendance à mieux discriminer les CS que les enfants des classes populaires ; c’est également le cas des filles par rapport aux garçons Critiques : 1) Compétence scolaire pour les filles => place de la scolarité dans la question ? Compréhension par les enfants des métiers, de la question, de vocabulaire, etc. 2) est-ce que la compétence scolaire (la maîtrise des mots) n’est pas un moyen de mieux se repérer dans le monde social ? On peut poser la même question pour l’article de B&T. Conclusion : il ne faut jamais hésiter à redescendre au niveau le plus pratique (il faut au moins se poser la question, même sans développement) : comment ça a des effets sur la pratique ? Informel (pratique)/officiel (grosses classes dont tout le monde parle). 18/01/12 47 Séance 6 : Dominer l’espace social : la dynamique des classes supérieures Etudier les classes supérieures, malgré l’usage du pluriel (appellation neutralisante) implique que l’on considère que cet objet a une certaine unité. En clair, on considère que la stratification sociale existe et qu’elle délimite bien des groupes favorisés (supérieurs) définis par des rapports de pouvoir. Les bourdieusiens estiment qu’on ne peut pas dire autre chose que « classe dominante », car cela évince l’existence de rapports de pouvoir entre les classes. Pas de querelle sur la délimitation terminologique : qu’entendre par élite ? Classe dominante ? Bourgeoisie ? HEINICH, 2004, « Retour sur la notion d’élite », Cahiers internationaux de sociologie : grande normativité dans laquelle baignent ces questions de définition du haut de la stratification sociale. Dans les acceptions d’élite, se joue fondamentalement un rapport normatif à l’ordre social. Elle oppose une posture conservatrice à une posture critique. Posture conservatrice Naturalisme : les élites sont des élites parce qu’elles ont des dons naturels. ARON, 1960, « Classes sociales, classe politique, classe dirigeante », Archives européennes de sociologie. Pluralisme : multiplicité des élites (Aron 1960, Pareto 1968 mais aussi auteurs de gauche comme les Compagnons de l’université nouvelle). Concrètement, regroupement des meilleurs dans des domaines incommensurables. Posture critique Constructivisme : remise en question des critères. Puisque c’est construit, est-ce juste, légitime ? Interrogation forte en régime démocratique. Monisme : unité de l’élite. Marx avec le groupe capitaliste, Wright Mills (1969, L’élite du pouvoir) avec la notion d’ « élite du pouvoir » et Bourdieu (1994, « Espace social et champ du pouvoir », in Raisons pratiques). Elle veut donner une définition non normative des élites (neutralité axiologique de Weber), qu’elle nomme « configurationniste » (terme emprunté à Elias) : concilier ces deux constats empiriques que sont le sentiment spontané d’une communauté d’appartenance des élites avec cet autre constat empirique qui est la pluralité des formes d’élites ». On pourrait repérer un ensemble de personnes ayant des relations effectives même si leurs ressources sont différentes. Par exemple, caractère incommensurable des ressources qui font d’un intellectuel et d’un patron des élites pourtant on peut les regrouper. Chez Elias, la configuration concerne les relations concrètes alors que chez Bourdieu, il s’agit de relations concrètes et structurales. Pour Heinich on est sur l’idée de relations réelle, existantes. Dans la manière de concevoir les groupes supérieurs se posent des questions normatives inévitables. On remarque une certaine asymétrie : a-t-on autant de difficultés pour nommer les autres groupes sociaux ? Les CM ont des problèmes de délimitation, mais peu 48 des questions d’unité. Les questions se posent dans des termes différents dans les relations d’enquête. Par exemple, le problème du nom se pose beaucoup plus dans les études sur les classes supérieures. A partir du moment on où on accepte l’existence et l’unité (relative) des classes supérieures. I. Comment les CS ont-elles évolué à une période récente ? II. Comment devient-on bourgeois, dominant ? Comment reste-t-on dans les classes supérieures ? (Socialisation familiale et scolaire) III. Comment les CS maintiennent-elles leur position dans la structure sociale ? 1. Comment les classes supérieures ont-elles évolué à une période récente ? 1.1. La place grandissante du salariat BOSC sur la distribution des effectifs dans les PCS supérieures : les CPIS et les PCS23 (chefs d’entreprise). 62-99 : la part des non salariés dans les CS de 24 % à 15 %. C’est surtout l’effectif des chefs d’entreprise divisé par deux (de 10 à 5 % des classes supérieures) tandis que les classes libérales de 13 à 7 % (?). Il nuance l’idée que le pouvoir économique aurait été transféré à une nouvelle classe salariée : - Effets nominaux : de gens sont faussement salariés (pour des raisons fiscales) - La plupart des dirigeants d’entreprises restent propriétaires et non salariés. La question de la place du salariat dans les classes supérieures veut dire deux choses : - On suggère que c’est la compétence qui vaut plus. Figure du manager comme élite par la compétence et non par l’argent. - On suggère alors que la stabilité des groupes n’est plus problématique. COMET et FINEZ, 2010, « Le cœur de l’élite patronale », Sociologie pratique : les chefs de l’exécutif des 100 sociétés françaises les plus capitalisées en Bourse. Il cherche à chercher la place de l’école par rapport au patrimoine : peut-on être un grand patron sans être un fils de grands patrons ? 98 dirigeants. Ils mènent analyse de réseau (pour définir le cœur de l’élite patronale : à quel point ces gens se connaissent ? Sur les critères de liens : tous les deux administrateurs d’une même entreprise) et statistique sur le recrutement. Concernant l’analyse de réseau, ils obtiennent un cœur de l’élite patronale (forts liens) pour 53 personnes sur les 98 avec ensuite les « patrons marginaux » (par rapport à ce cœur de l’élite). Ce cœur de l’élite a un recrutement social très traditionnel, en particulier par rapport aux marginaux : - Grandes écoles (80 %): 20 % X, 20 % ENA, 40 % HEC, ESSEC, ESCP, Sciences Po mais 49 - près de 70 % d’entre eux sont issus de la Haute Bourgeoisie contre seulement 40 % des marginaux. - A âge, type de carrière, niveau de capitalisation de l’entreprise égaux, la formation a un effet propre plus faible que l’origine sociale. Donc : à quel point les élites économiques sont restées patrimoniales ? Il peut être intéressant de se poser la question inverse : Est-ce que les gens dont les ressources ne sont pas forcément patrimoniales ont gagné du pouvoir économique ? On peut ainsi utiliser Working Rich de Godechot. GODECHOT s’appuie sur une enquête de terrain 2000-2002 dans les services d’une grande banque française complété par des questionnaires et des statistiques internes pour deux autres banques auprès de la catégorie des « working rich », que sont les salariés riches des milieux financiers. Il montre deux choses : - Désormais, le statut de salarié peut s’accompagner de niveaux de rémunérations tout à fait extraordinaires, ce qui tend à brouiller les frontières entre le patrimonial et le salarial. Entrée du livre : fiche de salaire d’un trader s’élevant du fait de son bonus annuel à 1 million d’euros. « On représentait traditionnellement le riche comme un rentier. Le voilà désormais salarié. » - Capacité qu’ont les salariés de mobiliser un pouvoir économique : si les traders peuvent capter ce type de rémunérations, c’est parce qu’ils sont en mesure en interne de monopoliser les actifs productifs de l’entreprise à leur profit. Ils possèdent un capital spécifique (actif spécifique) accumulé et fructifié au sein de l’entreprise. Il s’agit d’un profit à la fois symbolique et économique. Les traders, en mobilisant des compétences techniques effectives sont en droit de mobiliser des quasi droits de propriété sur ce qui produit de la richesse dans la banque, à savoir les portefeuilles des clients qu’ils gèrent. Il peut dire « mes clients », « mes portefeuilles ». Ce pouvoir de mobilisation est totalement lié à des questions de compétences (certifiées et effectives) et de liens (avec les clients), et finalement fait dire que ces quasi droits de ppté leurs appartiennent plus à eux qu’à la Banque, donc qu’aux actionnaires des banques. Ainsi, il réexamine l’idée que les salariés ont du pouvoir et possède du capital, donc une part de l’entreprise. Ces salariés captent un profit matériel, mais aussi symbolique (être trader, c’est avoir un certain prestige). Pour ces raisons, les traders peuvent obtenir et réclamer des salaires importants : c’est eux qui produisent de la richesse. La captation des profits économiques est liée au fait de pouvoir dire « c’est moi qui produit la richesse ». Les salariés qui ont les moyens (symboliques, scolaires, techniques) de faire valoir leur production de richesse, ils sont en moyen de revendiquer. Cas des « hold-up » : un trader ou un groupe de traders décident de partir de l’entreprise avec l’ensemble d’un portefeuille qu’ils gèrent. Ces cas sont des cas réels (possibles), preuve qu’ils ont pu s’approprier les portefeuilles, mais c’est autour de la menace de hold-up que se construisent les salaires mirobolants des traders. Pour Godechot, cette relation avec les traders peut concerner éventuellement tous les salariés, dans la manière de revendiquer les actifs productifs. La question de la stratification économique dépend de la capacité à dire que c’est 50 moi qui fait le profit. Ceci se joue dans les entreprises. Le cas des traders est intéressant comme cas limite. Quand les conditions sociales sont réunies pour revendiquer la richesse, cela peut se réaliser réellement. 1.2. Ouverture sociale des classes supérieures Il s’agit d’une question de réalité morphologique (les classes supérieures se reproduisent-elles autant ou sont-elles plus ouvertes ?) et enjeu institutionnel (l’ouverture sociale peut être une revendication). Sur le plan morphologique : mobilité sociale dans les classes supérieures ? PEUGNY, 2011, « Les enfants de cadres : fréquence et ressort du déclassement », in BOUFFARTIGUE et al., Cadres, classes moyennes : vers l’éclatement ? Il suggère une montée relative du déclassement dans les classes supérieures (CPIS + PCS23 = chefs d’entreprises), donc une plus grande ouverture sociale (une moindre reproduction des classes supérieures). Ses chiffres sont issus de plusieurs enquêtes Emploi successives : Pour la génération née en 44-48 : 56 % des fils d’origine sociale supérieure (CPIS + CE) sont devenus eux-mêmes membres des classes supérieures. Pour la génération 69-73 (25 ans plus tard): c’est le cas de seulement 53 % d’entre eux. Cette différence existe mais est relativement mince (3 points) qui peut être lié à des changements nominaux : des métiers identifiés comme supérieurs mais qui ne l’était pas avant (inflation des PCS supérieures). Pour les filles, phénomènes inverses : Pour la génération 44-48 : 29 % des filles d’origine supérieures sont restées supérieures Pour la génération 69-73 : 38 % Donc rien de vrai concret. On peut se tourner vers le projet politique récent d’ouverture, avec des effets qui ne seraient pas encore réalisés. Ce mot d’ordre d’ouverture sociale s’appuie sur le système scolaire. Les filières les plus sélectives du système scolaire paraissent déterminantes dans l’accès aux classes supérieures (ascension sociale autour des Grandes Ecoles). 4 niveaux : - Idée générale (projet) - Mise en place de dispositifs dans les Grandes Ecoles - Effet d’ouverture sociale des élites dans les écoles - Effet d’ouverture sociale dans les groupes sociaux. Un enjeu institutionnel : la place des Grandes Ecoles Les Grandes Ecoles sont le lieu où on trouve des traductions concrètes de cette philosophie de l’ouverture sociale. ALBOUY et WANECQ, 2003, « Les inégalités sociales d’accès aux Grandes Ecoles », Economie et statistique. 51 Ils comparent le mode d’accès à l’enseignement supérieur, ou à l’enseignement d’ « élite » : l’accès aux Grandes Ecoles et aux très grandes écoles et le troisième cycle universitaire. Ils étudient 5 générations, de 1919 à 1968. La dernière génération a eu 20 ans dans les années 1980, soit juste avant le grand mouvement d’ouverture aux universités. Ils s’intéressent à quatre groupes agrégés : milieu populaire (ouvriers, agriculteurs), intermédiaire (PI, employés, artisans et commerçants), supérieur (cadres et chefs d’entreprise) et enseignants (professeurs, instituteurs). Des milieux très sélectifs : pour la génération née dans les années 1950, un homme sur 6 d’origine supérieur et 1 sur 8 du milieu enseignant ont accès à une grande ou très grande école. C’est le cas d’un homme sur 85 pour le milieu populaire. Les différences relatives d’origine sociale sont les même pour ‘accès au troisième cycle universitaire. Modification profonde de la structure sociale : baisse de la proportion des fils de catégorie populaire (des 2/3 à la moitié de la population entre la 1e et la dernière cohorte), augmentation de la proportion de fils de PI mais surtout de cadres et d’enseignants. Puis au sein des groupes, le groupe populaire se caractérise par une forte baisse de la proportion d’agriculteurs et groupe de plus en plus urbain et qualifié. Changement dans le niveau de formation avec une hausse importante de la scolarisation, qui progresse pour la génération née dans les années 1940. Utilisation des odds ratio : rapport de chance relative. Pour les grandes et très grandes écoles : - Démocratisation qualitative pour les générations nées entre 1929 et 1958 : le rapport de chances relative entre milieu populaire et milieu supérieur passe de 24,2 à 14,2. - Retournement de tendance pour la génération née dans les années 1960 : 16,6. Arrêt de la démocratisation qualitative. - Convergence pour les fils d’enseignants et les fils de cadre ce qui viendrait conforter l’hypothèse de capital culturel (BOURDIEU). - Pour le milieu intermédiaire, évolution d’ampleur limitée : ce serait les « oubliés » de la démocratisation des grandes écoles. Pour le troisième cycle universitaire : - Ces filières étaient plus élitistes au départ - Prolongement de la démocratisation quantitative sur toute la période (générations de 1919 à 1968) : le rapport pour milieu populaire/supérieur passe de 37 à 12. Ces évolutions seraient similaires à celle des inégalités d’accès à l’enseignement en général (Thélot et Vallet, 2000). Donc en clair : convergence vers une démocratisation qualitative entre grandes écoles et université jusque dans les années 1980 puis divergence avec fermeture des grandes écoles et démocratisation qualitative du 3e cycle universitaire. Agnès VAN ZANTEN, 2010, « L’ouverture sociale des grandes écoles. Diversification des élites ou renouveau des politiques publiques d’éducation ? », Sociétés contemporaines 52 Ce type de constat a entraîné des prescriptions nouvelles d’ouverture. Elle prend l’exemple de la discrimination positive mise en place à Science Po Paris (« Convention, Education Prioritaire » CEP) et le programme de l’ESSEC (« pourquoi pas moi ? »). Ces mesures ne doivent pas être comprises indépendamment des stratégies servant les intérêts institutionnels des GE. Ces GE mettent en place ces politiques sociales dans un contexte de concurrence scolaire accrue (en termes d’image). La question de l’ouverture sociale est pour partie symbolique (affichage). Au-delà de cette question (les politiques d’ouverture sont-elles réellement effectives), elle souligne que ces politiques ont des effets quantitatifs modernes. Cf citation 1. - Augmentation très forte des effectifs à Science Po: les effectifs des CEP représentent seulement 6 % de l’ensemble. - Pour Science Po, il s’agit de ne pas mettre en cause les intérêts sociaux des individus qui vont dans les GE. Ainsi, s’il y a réel augmentation des effectifs des CEP, cela ne donne pas l’impression que ces élèves viennent prennent la place des élèves « méritants ». Ainsi, on peut penser à des stratégies collectives de préservation des intérêts par les élites : affichage, s’ouvrir, mais peu. Assez pour préserver sa légitimité en termes démocratiques mais assez peu pour maintenir sa position dans la stratification sociale. 1.3. Internationalisation WAGNER, 2007, Les classes sociales dans la mondialisation. Elle pose cette question pour l’ensemble des classes sociales et non seulement pour les classes supérieures. Cf Citation 2. La sociologie est une discipline particulière dans son étude des classes car elle se cantonne en général aux frontières de l’Etat-nation, contrairement à d’autres disciplines comme l’économie. « On ne peut plus aujourd’hui affirmer que les classes se définissent exclusivement par rapport aux frontières nationales ». L’internationalisation est une réalité particulièrement sensible dans les classes supérieures, notamment parce que le cosmopolitisme des Hautes classes est un phénomène beaucoup plus ancien et concret que l’internationalisme ouvrier. Elle parle de la « tradition du Grand Tour » : projeter des très jeunes membres de la noblesse dans une culture nationale. Cf WAGNER, 2007, « La place du voyage dans la formation des élites », ARRS. Les hommes d’affaire parcourent l’Europe depuis le Moyen-Age, la multi résidence est ancienne (exemple de la famille des Rothschild qui a un frère dans chaque pays européen). L’intensification des échanges internationaux, sur le plan matériel et symbolique (information) a accéléré ce mouvement. Elle parle de « restructuration de la bourgeoisie économique ». Cette restructuration est d’autant plus intéressante qu’elle est intense. 53 La mobilité internationale, qu’elle concerne le lieu de résidence, les lieux d’investissement ou de travail, permet de se soustraire aux contraintes qu’imposent les frontières nationales : - Opportunités économiques (marché du travail, investissement) - Question de la fiscalité Cette internationalisation se traduit par des voyages nombreux, l’apprentissage de l’anglais, la multi résidence ou encore par la scolarisation internationale (soit dans des établissements en dehors des frontières, soit dans des filières internationales en France). Ce mouvement n’a pas suscité de remise en cause de la Bourgeoisie traditionnelle puisqu’elle a pu mobiliser son internationalisation précoce. « L’accès à l’espace international est marqué par ses activités sociales », y compris au sein des classes supérieures : fort coût d’entrée économique et culturel (la question de compétences linguistiques est fondamental). Remarque : ELIAS, La société des individus : le développement du système des nations-unies a produit des consciences humanitaires. Quand on parle d’internationalisation des élites, on ne parle pas que de mouvement morphologique mais d’un rapport. Lire l’article sur l’internationalisation du pouvoir économique dans ARSS. Cf fiche. 2. Devenir bourgeois, dominant, membre des classes supérieures : la socialisation de classe Remarque : c’est une logique que l’on doit avoir en tête pour tous les groupes sociaux. La question de la socialisation est mobilisable, mais ce n’est pas très présent dans la bibliographie. On peut utiliser le texte de Willis sur les classes populaires. On peut contraster les différents contenus de socialisation et les manières de socialiser (par exemple, la question de la part du formel et de l’informel). On n’a pas grand chose sur la socialisation de classe. 2.1. La socialisation familiale des classes supérieures LE WITA, 1988, Ni vue ni connue. Approche ethnographique de la culture bourgeoise. Enquêter sur les zones les plus favorisées de l’espace social (ou sur les strates supérieures de la stratification) n’est pas simple. Elle parle du problème des mots à utiliser, un problème à la fois théorique (quels mots utiliser ?) et pratique (quand elle se présente en tant que sociologue qui travaille sur la bourgeoisie, les gens lui répondent qu’ils ne sont pas bourgeois). Elle cite BARTHES, Mythologie : « la bourgeoisie se définit comme la classe sociale qui ne veut pas être nommée », il parle de « défection du nom ». Elle est confrontée à un déni fréquent de l’appartenance à la bourgeoisie. 54 Elle parle aussi de la relation d’enquête, où elle est dominée en tant que sociologue par rapport aux enquêtés. Remarque : Il faut toujours s’interroger sur la relation d’enquête : c’est quoi d’enquêter en tant que sociologue sur les classes populaires (plus de chance de les dominer) ou les classes supérieures (plus de chance d’être dominé). Cf PINCONCHARLOT, 1997, Voyage en grande bourgeoisie. Regarder sur Youtube. CHAMBOREDON, et al., « S’imposer aux imposants », Genèse. Mais LE WITA arrive à se familiariser à la culture bourgeoise en usant des bons codes et à s’habituer aux contextes d’enquête. Enquête de terrain dans les années 1980, auprès de certaines familles de bourgeoise de Paris et région parisienne (Neuilly). Entretiens avec une centaine de personnes, monographies de famille sur trois générations (grand-père, père, fils). Elle y va souvent de manière plus ou moins formelle, entretiens longs, pendant les déjeuners, ce qui lui permet de faire des observations ethnographiques peu formelles. Il s’agit pour elle de décrire une culture bourgeoise. Sur la culture bourgeoise : cela ne va pas de soi que la bourgeoisie ait une culture. On a souvent une vision négative de la bourgeoisie : ce qui serait ni populaire, ni aristocrate. Par ailleurs, le terme est associé à une vision matérialiste du monde (propriété des moyens de production), ce qui fait oublier que le groupe a une esthétique et une morale particulières. Elle donne à voir la culture de la maison de campagne : les pommes du verger à table, les parties de croquet, le luxe non ostentatoire (des boucles d’oreille discrètes, un petit foulard, un souci de préserver la face de ceux qui sont moins bourgeois que soit), arts de la table (couvert, manière de se tenir), collection de bibelots (canards, grenouilles). On voit que des choses très symboliques sont connectés à des choses très concrètes : la présence des pommes du verger sont inséparablement une esthétique et un renvoi des conditions matérielles d’existence. Les pommes du verger, cela veut dire qu’on a un verger, une maison de campagne, mais elles sont accompagnées de toute une histoire, récurrente. Quand les enfants prennent la pomme, ils rappellent que celui qui l’a cueilli, c’est l’homme de maison de la maison de campagne (donc cela renvoie à des relations de travail). Par ailleurs, cela crée un lien avec la nature, une manière d’être urbain sans être arraché à la nature. La culture bourgeoise, c’est une « manière d’être physique et morale » (propos d’une enquêtée) : souci de sobriété (ni trop riche, ni trop pauvre). LE WITA insiste sur le « ni-ni ». Contrôle de soi, souci du détail, jeu de l’accessoire. Ces propriétés culturelles doivent paraître naturelles mais elles sont forcément acquises. Titre d’un chapitre « comment devient-on Laure ? ». Laure est une de ses enquêtées âgée d’une trentaine d’années, qui réunit de manière idéal-typique les propriétés citées ci-dessus. Il insiste sur le poids de la « ritualisation du quotidien », extrêmement sensible et explicité par ses enquêtés, à la fois à l’intérieur du domicile, mais aussi à l’extérieur. 55 Elle développe l’exemple du passage à table, très encadré : on attend la maîtresse de maison longuement, on s’assoit à la place qu’on nous donne, on discute devant les chaises (mais pas trop). La maîtresse de maison fait des A/R entre la salle à manger et la cuisine. Il y a une attente qu’elle vit étrangement selon sa position. Exemple de la traversée du salon : « Pour traverser un salon, il faut en effet savoir, sans hésitation ni préoccupation aucune, avec aisance et modération, évoluer dans un espace organisé pour le monde des adultes. Contourner, par exemple, les fauteuils qui encadrent la table basse, ne pas s’octroyer n’importe quelle place, sentir intuitivement celle que l’on peut occuper (surtout éviter de prendre la plus confortable), respecter par la mesure de ses propos et la retenue de ses gestes le monde des “grandes personnes” venues ici pour converser ou se détendre. Le jeune enfant, venu du jardin ou de sa chambre, sera arrêté par un regard ou des paroles bienveillantes. En fait, la disposition même des meubles – table basse, fauteuil et divan, objets, tapis – dessine les trajets possibles et dicte les attitudes conformes. (…) L’enfant ne peut bien souvent que s’appuyer sur le dos d’un fauteuil, ou se présenter de côté. On l’invitera, le tenant par l’avant-bras, à se mettre en face de la personne qu’il désire voir. Il apprend ainsi à maîtriser le passage du dehors au dedans, à cheminer progressivement de l’agitation au calme, du bavardage à la parole contrôlée. » (Le Wita, 1988) La manière dont on agence les meubles véhicule quelque chose de très concret et d’observable pour le jeune enfant : on apprend à ne pas se déplacer vite, de côté, on apprend à « maîtriser le passage du dehors au dedans », afin de passer de l’agitation au calme. La ritualisation prend la forme des rallyes (thème développé par les Pinçon Charlot) : Laure, à partir de ses 12 ans, fréquentent les rallyes où elle apprend le contrôle du corps via des danses codifiées (valse, rock). Entre deux partenaires, il faut une distance de l’équivalent de deux Gaffiot (dictionnaires de latin). Dans la danse, on apprend et contrôle les relations affectives et sexuelles : constitution de lieux homogènes socialement (pas de relations dangereuses) mais surtout relations constructives pour ensuite permettre la reproduction du groupe. Par ailleurs, aspect concret sur le contrôle de la sexualité : autorisation du baiser mais pas de la relation sexuelle. Les rallyes sont des lieux d’entre-deux, de détente mais aussi contrôlés. Tout ceci se prolonge dans les écoles : collège Sainte Marie de Neuilly. Cette socialisation se prolonge dans le domaine institutionnel et formel. LAREAU, 2003, Unequal Childhoods. Class, race and Family Life Sur la socialisation de classe chez les enfants. Il s’agit d’une enquête originale, concernant le questionnement général mais aussi par un dispositif méthodologique spécifique : ils commencent par des observations et questionnaires en classe dans deux écoles élémentaires (88 enfants âgés de 8 à 9 ans) sur leurs pratiques quotidiennes, scolaires, etc. Ils sélectionnent une douzaine d’entre eux (4 familles aisées, 4 familles populaires mais stables, et 4 familles pauvres). Enquête ethnographique très poussée sur 56 ces 12 enfants dans leur domicile. Ils vont gagner la confiance des familles en observant les individus dans leur quotidien extra-scolaire. Il s’agit d’étudier la structure sociale de la vie quotidienne (c’est quoi la socialisation de classe ?): - Emploi du temps des enfants - Echanges linguistiques spécifiques - Relations aux institutions Il contraste la situation des enfants des familles favorisées par rapport à celle des autres enfants. La socialisation distinctive des enfants des classes supérieures est marquée par une logique d’acculturation concertée (« concertive culturation »), qui tranche avec la logique d’accomplissement naturel du développement. Inséparablement, cela renvoie à une philosophie pratique des questions de socialisation. Concrètement, la vie quotidienne est fortement structurée par un très grand nombre d’activités (degré de participation à la vie associative, sport) et contrôlé par les parents dans les classes supérieures, par opposition aux pratiques plus informelles et autonomes chez les classes populaires. Concernant les échanges langagiers : faiblement directifs pour les classes supérieures avec négociation constante entre parents et enfants ce qui développe l’échange et la parole critique. Pour les enfants des classes populaires, beaucoup moins d’échanges (plus directif). Concernant les relations aux institutions : fréquentes interventions des parents auprès de l’école, souvent faites au nom de l’enfant lui-même (« on a l’impression qu’il n’est pas bien »). Pour les classes populaires, relations aux institutions moins importantes et dépendance institutionnelle plus forte. Donc, l’acculturation concertée est la philosophie générale (concrètement : relations plus fréquentes faite au nom de l’enfant aux institutions, activités plus encadrées par les parents, langage plus négocié). Ainsi, ceci produit un rapport enfantin au monde plus spécifique : les enfants des classes favorisées se sentent de plus en plus « autorisés en société » (sense of entitlement) tandis que les enfants des classes populaires intériorisent la contrainte (sense of constraint). 01/02/12 La socialisation scolaire des classes supérieures Travaux ethnographiques sur les écoles d’élites : PERSELL, C. et COOKSON, P. 2001. « Pensionnats d’élite. Ethnographie d’une transmission de pouvoir », Actes de la recherches en sciences sociales, n°138. Méthode : Compte rendu d’une enquête menée aux EU de 1978 à 1983 dans 55 pensionnats de lycées privés sur l’ensemble du territoire. Ils sont restés de 1 à 5 jours dans chaque lycée (cours, assemblées, participations sportives, visite, repas), plus d’une centaine d’entretiens et questionnaires auprès de 2000 élèves. 57 Ces pensionnats fonctionnent comme des institutions totales (GOFFMAN) avec places définis, emplois du temps très stricts, avec contrôle permanent des corps (contrôle du sommeil, de la nourriture, « gestion de l’heros ». Ainsi, il s’agit de construire un groupe homogène et clos sur lui-même. Les auteurs parlent de « mouvements d’enclosure » de la classe dominante. Caractère fonctionnel de l’enclosure : - Cette homogénéisation permet de constituer un capital social (relations plus ou moins fortes qui vont du mariage en passant par l’amitié et la camaraderie, voire la fréquentation à distance). Relations qui pourront être utilisées à diverses fins : à des fins d’informations ou à la transformation du capital social (à la Bourdieu). - Cela permet de faciliter la communication et la compréhension des élites en dépit de leur diversité initiale : coexistence d’élites anciennes et nouvelles et coexistence des genres (filles/garçons). Ils notent une « euphémisation » des différences de sexe : les filles se masculinisant (sport intensif, chemise d’homme, pas de parfum), les hommes se féminisant (vêtements chamarrés). KAHN, S. 2011. Privilege. The Making of an Adolescent Elite at St. Paul’s School, Princeton University Press. Méthode : Compte rendu d’une enquête par méthode participante menée pendant une année entière à l’école Saint Paul, école d’élite dans la Nouvelle Angleterre (dans les années 2000). Kahn a fréquenté cette école 15 ans auparavant et il n’hésite pas à mobiliser sa propre expérience pour révéler des transformations dans la pédagogie, la formation institutionnelle des élites par rapport à aujourd’hui. Il remarque une certaine diversification culturelle du recrutement : présence plus importante d’étudiants de « minorité » (noirs, asiatiques ou latinos). Cela ne signifie pas que ces élèves sont moins favorisés sur le plan économique et culturel, mais il s’agit d’une forme de « diversité » ou d’ « ouverture sociale ». Les - Noirs constituent 0,8 % des étudiants dans les collèges d’élite en 1951 - Aujourd’hui, ils constituent 8 % de la population étudiante des Ivy League. La formation des élites s’éloigne de la notion de fermeture et de cloisonnement au profit de l’idée d’une ouverture contrôlée qui caractérise une élite nouvelle (new elite), distincte de l’élite traditionnelle. L’institution reste bien marquée par le contrôle et la ritualisation, mais elle promeut moins l’entre-soi, qu’une manière d’être à l’aise en toute circonstance avec n’importe quel interlocuteur (marque distinctive du privilège). Il parle d’aisance du privilégié ou « ease of privilege », qui trancherait avec l’arrogance des titres (« arrogance of entitlement »). Ceci passe à un rapport nouveau à la culture : tolérance culturelle plus que culture snob. Dans un cours consacré aux Humanités, les enseignants mettent sur le même plan culture populaire et culture classique : dissertation sérieuse sur les Dents de la Mer de Spielberg. Il s’agit d’une très forte tendance institutionnelle qui se prolonge dans les discussions entre camarades (groupes de pairs, informels qui s’éloignent de la culture légitime et de la figure honnie du geek). KAHN rejoint ici les développements récents de la sociologie de la culture 58 (PETERSON, COULANGEON). Ce nouveau rapport ne signifie pas de transformation des hiérarchies, mais au contraire son maintien. Attention : ne pas traiter l’école uniquement en termes de construction de groupe. L’école ne fabrique pas seulement des classes dominantes, car ce serait considérer qu’elle n’a qu’une fonction pédagogique de formation. Elle a aussi une fonction d’identification des classes supérieures, via la certification. L’école n’est pas uniquement formation d’habitus, acquisition de compétences. On peut mobiliser ici La noblesse d’Etat de BOURDIEU en tant que distribution de titres, d’identification de la classe dominante, au-delà de la formation. Se référer aussi au texte d’ABRAHAM dans la RFS (2007) sur les écoles HEC. Texte sur la déscolarisation des HEC : école la plus scolaire du point de vue des écoles de commerce, mais pour produire des cadres (des fractions économiques des classes supérieures), elle va devoir les déscolariser, les éloigner de la figure du geek coincé. Les cours ne sont pas si importants à HEC. Il faut faire partie du BDE, participer aux soirées, être actif dans la vie de l’école, etc. L’école peut ainsi délaisser la question de la formation scolaire pour privilégier la formation d’un ethos de classe (en même temps, il s’agit aussi de compétences professionnelles). Remarque : les classes supérieures ont aussi une certaine distance face à l’école. La contrainte scolaire n’implique pas d’épouser totalement la scolarité. 3. Le rapport à l’espace : le maintien des positions dominantes Idée : La préservation des positions favorisées propre aux strates des classes sociales les plus élevées, n’est pas qu’une affaire de travail sur les siens, sur ses enfants, autrement dit de travail sur soi. C’est aussi une affaire de pouvoir sur les autres. Problème de l’ethnographie qui a tendance à isoler. - Il s’agit de préserver ses avantages aux détriments des autres groupes d’un point de vue spatial (les PINÇON-CHARLOT) Mais aussi conquérir de nouveaux espaces (TISSOT). Rq : on a plusieurs fractions du groupe. Les groupes bien économiques comme celui de Le Wita (il s’agit de préserver le patrimoine), d’autres groupes plus culturels (architectes, etc. cf TISSOT) avec des ressources économiques mais pas patrimoniales. On regarde alors moins la préservation des avantages que la construction de nouveaux avantages, soit la production d’un patrimoine. PINÇON, M. et PINÇON-CHARLOT, M. 2007. Les Ghettos du gotha. Comment la bourgeoisie défend ses espaces, Seuil. Grande bourgeoisie parisienne. Observation participante. Ils profitent d’une relation d’enquête ancienne. Deux idées fortes : - La bourgeoisie est le groupe social le plus conscient de lui-même et le plus actif pour assurer sa reproduction. « Militants » peu ordinaires, car l’action collective dans laquelle ils s’inscrivent est invisible, discrète, menée dans les salons, dans les entre-soi privés plutôt que dans la rue. « La grande 59 - bourgeoisie est la réalisation la plus achevée de la notion de classe sociale ». Elle constitue une classe pour soi par excellence : en termes d’action collective (défense des intérêt) mais à un niveau plus infra-politique, une conscience de son identité collective. Mais tout ça peut aller avec des « pratiques de défection du nom » (Le Wita). Parmi les intérêts décisifs de la bourgeoisie, il y a la nécessité de contrôler et préserver l’espace physique. Il s’agit par là de préserver l’entre-soi, qui est important à au moins deux titres : il permet de constituer un capital social important et « pur » (lieux qu’on fréquente comme hippodrome, on rencontre les gens qui comptent). L’entre-soi a une fonction socialisatrice de 1e ordre : c’est un éducateur efficace. Si on sature l’espace, alors l’entre-soi fonctionne à son maximum. La beauté des espaces peut être un objectif en tant que tel : il s’agit de préserver la valeur économique et culturelle des biens que l’on possède. La grande valeur d’un logement ou d’un quartier dépend du patrimoine à préserver. Ils explorent diverses dimensions de la conquête de l’espace des grands bourgeois des 7e, 8e, 16e, 17e arrondissements ainsi que Neuilly. Lieux où la haute bourgeoisie fréquente des décideurs politiques qui rappellent les nécessités : - Nécessité de couvrir l’avenue Charles de Gaulles qui traverse Neuilly, malgré le coût (80 milliards d’euros, soit 80 % des investissements routiers consacrés en IdF pour 7 ans). Les gens mobilisés parlent de la « RN13 ». Le principe général de l’escamotage de l’espace routier est très sensible quand on observe les mouvements du périphérique : dans les beaux quartiers, périphérique couvert, petits échangeurs. Cela se couvre de motifs sécuritaires et esthétiques, mais ces motifs valent de façon différentielle entre quartiers pauvres et quartiers riches. Mais il ne s’agit pas d’un lobbying, on ne peut pas parler d’imposition d’intérêts de classe particuliers : la bourgeoisie présente ses nécessités propres comme des nécessités collectives. La couverture de la RN13 s’appuie sur l’importance de préserver un patrimoine français qui est celui de l’ensemble de la population et non celui des riverains. D’ailleurs RN13 : route « nationale ». Ce n’est pas départementale, c’est l’Etat, ça représente les intérêts des Français. - Création du parc naturel Oise-pays de France ou parc des 3 forêts en 2004. Parcs régionaux : favoriser artisanat, produits du terroir, plus préservation naturelle. Mais en fait, ce parc des Trois forêts permet le maintien des espaces de la bourgeoisie (protection d’un patrimoine). Tracés des limites du parc : on a des communes a priori en dehors des limites naturelles du parc (Oise) qui sont malgré tout intégrées comme Boran-sur-Oise non sans lien au fait qu’il réside quelques grandes familles qui ont été consultées. Cas de la commune de Saint-Leu, qui n’a pas été consultée pour appartenir au parc. Tissot, S. 2011. De bons voisins. Enquête dans un quartier de la bourgeoisie progressiste, Raisons d’agir. (Intégrée à la biblio). L’espace urbain est une bonne entrée pour analyser les relations entre classes sociales (// Pinçon et Pinçon-Charlot), mais l’étude de Tissot ne concerne pas la France mais un quartier d’une ville américaine à Boston. 60 - Ce n’est pas la grande bourgeoisie (bourgeoisie patrimoniale), mais une autre fraction des classes supérieures, qu’elle nomme « bourgeoisie progressiste ». Cette bourgeoisie a un capital économique très important, mais il s’agit de revenus salariaux. Cela pose des problèmes importants pour trouver des logements (loyers très chers). Beaucoup ont fréquenté les universités prestigieuses de Boston (Harvard). Remarque : ces remarques sur les fractions de classe ne sont pas faites par l’auteur. - La logique spatiale n’est pas une logique de préservation mais une logique d’appropriation d’espaces jusqu’à lors délaissés par la bourgeoisie. Il s’agit de rénover des « browstones » du quartier de South-End, quartier durablement populaire (qui était bourgeois très longtemps auparavant). Gentrification de l’espace. Mais attention à l’utilisation de ce terme : le phénomène concerne des groupes beaucoup plus dotés que ceux auxquels on pense avec la gentrification de l’est parisien. Cette bourgeoisie progressiste ne cultive pas l’entre-soi mais recherche activement la diversité (« diversity ») : diversité sociale, ethnique et également sexuelle (côté « gay friendly » du quartier). Ceci rend le quartier attractif. Les familles concernées ne peuvent pas économiquement parlant acheter dans des quartiers exclusivement bourgeois. Il s’agit cependant d’une diversité contrôlée, notamment par les associations de quartiers, fortement investies dans les nouveaux arrivants. Par exemple, il s’agit de favoriser tout en la limitant l’implantation localisée de logements sociaux. L’installation de quartiers accompagne l’installation de logements sociaux (diversité sociale, ethnique mais contrôlée : les immeubles vont là, pas plus de deux, etc.). Elle relie ce goût pour la diversité à la recomposition culturelle (omnivorité). On peut vraiment parler de la recomposition des frontières sociales, ici du côté des classes supérieures. Le rapport à l’espace du groupe étudié conserve par certains aspects un caractère assez classique : les enquêtés se mobilisent dans une association « La société historique » pour ancrer leur environnement dans un passé glorieux, et faire le lien avec le moment où ce quartier était bourgeois (avant sa popularisation). Concrètement, il s’agit de l’organisation de visites patrimoniales, reliées à des visites immobilières (l’agent immobilier porte la double casquette). La société historique obtient un label historique qui a des effets économiques sur l’immobilier, ce qui permet de construire un patrimoine. Donc ici, la culture permet la construction de ressources patrimoniales, économiques, spécifiques aux classes dominantes. Séance 7. Parcourir l’espace social stratifié : la mobilité sociale 1. Constat statistique sur la mobilité sociale Différence de mobilités structurelle, nette, horizontale, verticale. Plus chiffres sur les différents types de mobilité. 2. Causes et facteurs de mobilité 61 Rôle de l’institution scolaire ? On peut mettre aussi là-dedans la question de l’ouverture sociale. 3. Conséquences de la mobilité Qu’est-ce que ça fait aux individus qui la vivent ? Cf citation d’HIRSCHMAN. 1. Penser la mobilité sociale… Pour constater l’immobilité sociale ? DUPAYS, 2006, « En un quart de siècle la mobilité sociale a peu évolué », Données sociales. Données des années 1990 aux années 2002 (actualisation des données de Prévot et Merlié). Données qui ne concernent que les hommes, car problème de femmes (trop grande inactivité des mères). Selon l’auteur, si on observait fille/père, on ne pourrait pas distinguer les effets de mobilités sociales des effets d’inégalité homme/femme. Il s’agit de chiffre sur la mobilité brute des hommes 40-59 ans. 65 % des hommes âgés de 40-59 ans en 2003 ont une autre catégorie sociale que leur père. Chiffre inchangé par rapport à 1993, mais en augmentation par rapport à 1977 (57 %). Cela correspond à : - Variations selon la CS du fils (en termes d’origine). On regarde pour un groupe donné quelle est son origine (on regarde depuis le fils l’origine sociale). o 88 % des agriculteurs avaient un père agriculteur => autorecrutement très important mais dans un contexte où on a de moins en moins d’agriculteurs (285000 h de 40-59 ans en 2003 contre plus 1,3 millions à la génération de leur père). o Seuls 24 % des cadres ont un père cadre. C’est autant que ceux qui ont un père ouvrier. C’est lié à l’augmentation considérable du nombre de cadres : en 2003, plus de 1,3 millions d’hommes de 4059 ans qui sont cadres contre 600 000 à l’âge des pères. - Variation selon la CS du père (destinée). o 17 % des enfants d’employés sont devenus employés, soit moins que ceux qui sont devenus professions intermédiaires (28 %), cadres (22 %), mais aussi ouvriers (26 %). o 52 % des enfants de cadres sont devenus cadres, 26 % PI et une minorité devenant ouvriers (9 %) ou employés (6 %). Ces évolutions brutes sont dues à la mobilité structurelle (changements intervenus dans la structure objective des emplois) : comme il y a plus de cadres, on a plus de chances de devenir cadre et inversement pour les agriculteurs. Remarque sur la notion de mobilité structurelle : Cette idée de mobilité structurelle renvoie à l’idée qu’il existe vraiment plus de cadres, en fonction de 62 changements dans l’appareil productif (ce serait les mêmes cadres qu’avant, mais en plus nombreux). - Donc, cela ne tient pas compte du fait qu’il peut aussi s’agir pour partie d’un changement au moins partiellement nominal (on appelle cadre des catégories auparavant intermédiaires). - Cela néglige l’idée que la position sociale est une affaire relative. Il ne peut pas y avoir d’une période à l’autre plus de position dominante. En mobilité nette (on soustrait à la proportion des mobiles la part de ceux qiu de toute façon doivent bouger). 1 million de fils d’agriculteurs dans la population considérée, alors que seulement 300 000 emplois dans la société sont disponibles, donc mécaniquement, il y aura 700 000 mobiles. En termes de mobilité nette par rapport à la mobilité globale (65 % pour la génération 2003 de mobiles, idem 1993 mais plus que 1977), la mobilité nette serait passée de 37 % en 1977 à 43 % en 1993 et à 40 % en 2003. Donc : la mobilité brute serait plutôt stable depuis les années 1990 et la mobilité nette aurait décru depuis les années 1990. Explications : - Insertion professionnelle plus difficile et promotions moindres au fil de la carrière (mobilité intra-générationnelle). o 59 % des hommes 40-59 ans ayant commencé comme employé sont devenus cadres et PI au moment de l’enquête de 1993. o Cette proportion chute à 44 % en 2003 (6 points de différence). 2. Les causes de la mobilité MASSON et SUTEAU, 2010, « Réinterroger la relation entre école et mobilité sociale. Le cas des enfants d’agriculteurs et d’ouvriers dans l’Ouest », Sociologie du travail Ils remarquent qu’il n’y a pas d’étude sur les effets du diplôme à long terme. Ils ne le regrettent pas vraiment, car ils estiment que la scolarisation ne joue qu’en fonction de contextes locaux. Ils s’appuient sur des récits de trajectoires faits par des adultes d’ouvriers et agriculteurs de l’Ouest de la France. Il s’agit d’explorer les divers possibles en matière de facteurs de mobilité et non d’être représentatifs. Il ne faut pas exagérer le rôle de l’école pour les générations saisies par les enquêtes de mobilité (il faut attendre que la génération des enfants soit suffisamment vieille pour être intégrée sur le marché du travail, voire pour avoir atteint la position fin de carrière – après 40 ans). Avant 1985, moins de 30 % des membres d’une cohorte obtenaient le bac (ne pas exagérer la question de la massification scolaire). Souvent, les effets sur les trajectoires ont été recherchés en dehors de l’école (recrutement dans l’entreprise paternelle ou concours interne). Jusqu’au milieu des années 1950, il est possible de s’en sortir sans passer par l’école. 63 Au période la plus récente, le lien entre scolarité et mobilité est diversifié, en relation avec le sexe de l’enfant, avec la nature de l’offre scolaire (ils s’inscrivent dans la lignée de CHAPOULIE : offre scolaire locale, les « possibles »), le rapport général familial à la scolarité. - Sexe de l’enfant : chez les filles, des études longues peut donner une mobilité par le haut non par leur rentabilité sur le marché professionnel mais sur le marché matrimonial. Ils parlent de « dot scolaire », d’une fille de marinpêcheur qui épouse un futur commissaire de police. Une bonne scolarité peut voir ses effets limités par le rang dans la fratrie (fille doit s’occuper de sa jeune sœur alors qu’elle a 14 ans et qu’elle pourrait aller au lycée). Cf LAGRAVE, Se ressaisir. - Type d’offre scolaire : présence plus importante d’établissements techniques courts et d’enseignement secondaire dans le Finistère qu’en Ile et Vilaine, il y a donc plus d’offres de places disponibles pour les enfants de ce milieu. Pour avoir une mobilité par l’école, il faut avoir eu l’occasion d’y aller et c’est aussi une question d’offre. - Rapport à la scolarité des parents : les parents croient à la mobilité. Cela a des effets sur la relation école-mobilité. Ils parlent de « capital scolaire générationnel ». L’effet du capital scolaire sur la mobilité joue non seulement sur la génération des enfants mais des parents : relation positive à la scolarisation. Donc pas de lien structurel et mécanique entre école et mobilité. On peut constater que : - On peut réussir sans l’école - On peut réussir grâce à l’école mais pas du fait de sa traduction professionnelle (dot scolaire) - On peut ne pas réussir malgré la scolarisation : interrompue au mauvais moment, ou pas de croyance parentale forte. 3. Les effets de la mobilité : la question de la mobilité subjective Citation de Berger (2006). DURU-BELLAT et KIEFFER 2006, « Les deux faces – objective/subjective – de la mobilité sociale », Sociologie du travail. Ils s’intéressent au « sentiment de mobilité » (mobilité subjective) : celui-ci peut être au moins aussi important que la mobilité réelle en termes de maintien de l’ordre social. Remarque: la question de la mobilité est souvent connectée à la question de l’ordre social. Croire que l’on bouge, n’est-ce pas établir un certain mode de rapport au monde ? Ce côté subjectif est très important. La question de la mobilité est connectée à l’ordre social et politique. Voir TOCQUEVILLE (1835). Ils utilisent l’enquête FQP 2003, notamment la question : « revenons à votre emploi actuel, ou au dernier emploi exercé. Si vous comparez cet emploi à celui de votre père : diriez-vous plus élevé, etc. ? » - 45 % des répondants estiment qu’ils sont plus élevés que leur père - 27 % pareil - 27 % plus bas. 64 Ces choses là varient selon la position sociale, l’origine sociale et le sexe. - 59 % des cadres se jugent plus haut que leur parent, contre 39 % des ouvriers « Effet plafond » : - 16 % des enfants de cadres se jugent plus haut que leur père et 54 % des enfants d’ouvriers. - Les femmes sont 16 % à se dire « beaucoup plus élevée » que leur père, contre 10 % des hommes. Ils font une régression sur la probabilité de s’estimer beaucoup plus élevé en fonction du sexe, de la position sociale, du niveau de diplôme, de l’âge, de la CS et du niveau du diplôme du père. C’est la CS actuelle et la CS du père qui ont les effets les plus forts : ce sont des effets inversés. - Plus la CS de destination est favorisée, plus la probabilité de s’estimer beaucoup plus élevé est forte. - Plus la CS de départ est favorisé, plus la probabilité est faible. Donc la subjectivité n’est pas déconnectée d’éléments objectifs. Croisement entre mobilité objective et subjective : codage de la mobilité objective en 5 modalités (fortement ascendant, ascendant, stable, descendant, fortement descendant). Résultats : - Moins de la moitié des hommes (47 %) ont une perception subjective conforme à leur trajectoire objective. - 31 % se surestiment - 22 % se sous-estiment. - Sous-estimation/sur-estimation fortes : se dire plus bas alors que la sociologie nous dit plus haut ou inversement. Ces cas sont peu fréquents malgré tout : cela représente 3 % et 2 %. - Conformité objective/subjective maximale chez les cadres pour les hommes : 65 % sont en conformité, contre 35 % chez les ouvriers, employés, indépendants. - Surestimation plus forte dans les catégories les plus basses : 42 % chez les ouvriers. - Sous-estimation plus forte dans les catégories élevées : 29 % des cadres contre 22 % en moyenne. Plusieurs hypothèses: - Résultat sur la psychologie des classes plus ou moins réalistes ? - Asymétrie dans le rapport aux différences sociales ? Une petite mobilité (par exemple OQ-ONQ) n’est-elle pas vécue de manière plus forte pour un « petit » ? - Effet de connaissance de la plus grande proximité des cadres avec la nomenclature sociologique ? On a deux choses : 1) proximité par rapport aux classements sociaux (cf article de Boltanski et Thévenot) et 2) objectivisme (n’aura qui a intérêt à se représenter le monde social dans sa globalité ? A penser l’organisation du monde social de manière totale ?). Si de toute façon on jamais de travail de dirigeant, etc. , pourquoi penser le monde social de manière globale ? 65 Soit on peut utiliser pour dire « les gens savent » (ils ne font pas tant d’erreurs que ça) ou au contraire, on peut dire que les classes n’ont pas une si grande consistance en pratique (47 % d’une perception subjective conforme). Rapport à la mobilité : Thévenot, Zarka, du quanti avec Duru-Bellat, le rapport à la classe sociale, le sentiment d’appartenir à une classe. Vincent de GAULEJAC, 1987, La névrose de classe. Trajectoire sociale et conflits d’identité. Aucune élucidation des relations épistémologiques entre psychanalyse et sociologique. 600 récits de trajectoire sociale, dont une vingtaine approfondis par des entretiens biographiques. Idée que la mobilité sociale produit des conflits psychiques, comme le sentiment d’être fautif par rapport à son milieu d’origine, la difficulté à s’identifier à un milieu social (on n’est ni du milieu d’arrivée, ni du milieu d’origine), à la difficulté qu’a l’habitus à s’habiter à un contexte dans lequel il n’a pas été produit. Pbs : Le matériau n’est presque jamais cité. Aucune élucidation des relations épistémologiques entre psychanalyse et sociologique. Remarque: grande littérature sur la pathologisation de la mobilité sociale. Pb politique mais aussi de définition théorique (qu’est-ce que le déplacement ? Sens du déplacement ?). 66