LE THÉORÈME de GÖDEL Pour ce cours, G. Jorland s’est inspiré du livre de Pierre CASSOU-NOGUÈS1 : Gödel - Les Belles Lettres (Janvier 2004) Un des aspects qui est à l’arrière plan des paradoxes logico-mathématiques est ce qu’il y a de rigueur en mathématiques que s’imposent les mathématiciens allemands de la fin du 19ème siècle : cet idéal de rigueur est l’arithmétisation des mathématiques : la seule chose dont on est sûr est que l’on sait compter, pour le reste on n’en sait pas grand-chose, car la rigueur consiste à rationaliser les mathématiques. Cet arrière plan est très important dans la mesure où il conduit à prendre au sérieux ces paradoxes logico-mathématiques qui pourraient paraître relever de l’almanach Vermot. Dans le cadre de l’arithmétisation des mathématiques, un personnage joue un rôle essentiel , c’est Georg Cantor (1845-1918)2, qui a été professeur de mathématiques à l'université de Halle ( Allemagne) et qui a été l’auteur de la Théorie des ensembles qui montre qu’il y a non pas un infini, mais plusieurs infinis, dans lesquels il y a des nombres transfinis. Or justement, les paradoxes logico-mathématiques sont construits sur la méthode qu’emploie Cantor pour montrer qu’il y a des nombres transfinis. Par conséquent, ce que remettent en question ces paradoxes c’est l’existence même de ces nombres transfinis, c'est-à-dire qu’il y a plusieurs infinis et donc toutes les mathématiques de l’infini (comme disait Cavaillès, les mathématiques commencent avec l’infini) sont remises en cause par ces paradoxes, parce que ils se servent du même argument que le fait Cantor qui est appelé l’argument de la diagonale. publié en 1891. Il permit à ce dernier de donner une deuxième démonstration de la nondénombrabilité de l'ensemble des nombres réels, beaucoup plus simple, selon Cantor luimême, que la première qu'il avait publiée en 18741, et qui utilisait des arguments d'analyse, en particulier le théorème des « segments emboîtés ». L'argument diagonal fut exploité dans un cadre plus général par Cantor dans le même article pour son théorème sur la cardinalité de l'ensemble des parties d'un ensemble. Argument de la diagonale : Approche du problème : Choisissez quatre nombres de quatre chiffres 1 P. Cassou- Noguès , voir aussi Les démons de Gödel Logique et Folie (Sept 2007) G. Cantor : Précisant des idées de Weierstrass, Cantor donne tout d'abord une définition rigoureuse des nombres réels en les construisant par complétion à partir des nombres rationnels, puis s'attache à décrire et à classer les ensembles exceptionnels. C'est à ce propos qu'il sera amené, dans une série de mémoires échelonnés de 1872 à 1884, tout en mettant en évidence de nombreuses propriétés topologiques de la droite et de l'espace (ensembles ouverts, fermés, parfaits...) et en abordant, le premier, le problème de la mesure, à élaborer les bases de la théorie des ensembles ; les résultats inattendus qu'il obtenait, parfois à son plus grand étonnement, pour les ensembles de nombres réels l'amenèrent alors à dégager sous forme abstraite les mécanismes qui y conduisaient. (tiré de Encyclopedia Universalis) 2 On forme un nombre en considérant les chiffres de la diagonale pour choisir un chiffre différent (plus un par exemple) Nous venons de créer un nouveau nombre obligatoirement différent des précédents. Pourquoi? Le premier chiffre et différent de celui du premier nombre Le deuxième chiffre est différent de celui du deuxième nombre 4+1=5 ; 3+1=4 ; 7+1 =8 ; 5+1=6 ..Etc. Au final, chaque chiffre du nouveau nombre est différent de celui d'un des nombres du tableau de départ 4 2 9 5 5 3 8 5 6 8 7 5 7 9 6 5 5 4 8 6 Le nombre 5486 est un nouveau nombre, différent de ceux déjà dans le tableau C'est le principe de la diagonale de Cantor Cantor considère l’ensemble des nombres réels : il est compris entre 0 et 1 (la puissance du « continu » c’est l’ensemble des nombres réels compris entre 0 et 1), donc l’idée de Cantor est que l’on peut écrire l’ensemble des nombres compris entre 0 et 1 Avec cet argument de la diagonale, Cantor considère l’ensemble des nombres réels dont on sait qu’ils sont compris entre 0 et 1 On a : 1 1 0 0 1 0 0 1 1 1… 0 1… 0 1… 1 0… … 0 1 1 1 … on a un nouveau nombre et ainsi de suite On peut donc concevoir un ensemble de nombres qui se situent entre 0 et 1 et on peut numéroter ces ensembles avec des nombres entiers : 1,2,3,4, n et les numéroter comme des objets. Et cela marche pour un tableau aussi grand que l’on veut, même infini. Or, dit Cantor, je peux former un nombre tel que, par exemple, si la nième décimale est un 0, alors, je la conserve comme telle : 0 et si la nième décimale (ici : la 4ème) est différente de 0, alors je la remplace par 1 Colonne d’origine 1 2 0,00005 0,00005 0,00012 0,00002 par exemple :4ème décimale était différente de 0 3 0,01071 0,00001 par exemple la 4ème décimale est 7 donc différente de 0, je la remplace par 0 Autrement dit dans cet ensemble je constate que sur le rang 2 la 4ème décimale de la colonne d’origine est devenue 0 au lieu de 1 primitivement ; sur le rang 3: la 4ème décimale est devenue 0 à la place de 7 ; C’est un nombre réel compris entre 0 et 1 qui n’est pas dans cette énumération de la colonne d’origine. Ainsi avec l’argument de la diagonale de Cantor il est toujours possible de former un nouveau nombre e1 = 0, a11 a12 a13 a14 a15 a16 ... e2 = 0, a21 a22 a23 a24 a25 a26 ... e3 = 0, a31 a32 a33 a34 a35 a36 ... e4 = 0, a41 a42 a43 a44 a45 a46 ... e5 = 0, a51 a52 a53 a54 a55 a56 ... a 33 a44 a55 ... a33 a44 a55 ... etc. Prenons le "nombre diagonal" n= 0, a11 a22 On forme le nombre suivant b= 0, a11 a22 b est bien un réel compris entre 0 et 1 et, par construction il n'appartient pas au tableau de correspondance. C'est un nombre en plus! Nombres L'application de la diagonale de Cantor montre que le tableau ne contiendra jamais tous les nombres réels et on montre que les réels sont plus nombreux que les rationnels; il y en même beaucoup plus. Pour éviter toute confusion, la QUANTITÉ d'éléments dans un ensemble, est appelée : Cardinal. On dit aussi : Puissance De là, Cantor conclut que l’infini dénombrable, c'est-à-dire l’infini des nombres entiers est plus petit (ce qui n’a pas grand sens puisque ce n’est pas fini), ou du moins n’a pas la même puissance, d’où le cardinal3 de l’ensemble est moins grand que le continu. Le continu, c’est l’intervalle entre 0 et 1 des nombres réels par opposition aux entiers naturels ; le continu c’est aussi tous les points d’un segment de droite, c’est l’ensemble des nombres réels, encore une fois, par opposition aux entiers naturels. Pour signifier l'appartenance à E d'un élément x, on écrit : x E. Le signe se lit "appartient à " ou "est élément de". Pour désigner les éléments d'un ensemble E, on peut écrire ces éléments entre accolades : Exemple : Soit E l'ensemble des multiples de 5 inférieurs à 33. On a E = {0 , 5 , 10 , 15 , 20 , 25 , 30}. Si E possède une infinité d'éléments ; on peut aussi écrire : E = {0 , 1 , 2 , 3 , ...} , F = {1 , 3 , 5 , 7 , ...}. On exprime ici l'ensemble N des entiers naturels et celui des entiers impairs. On peut aussi représenter un ensemble de la façon suivante : 0 = {} (ensemble vide) n+1 = n U {n} Un entier positif est ainsi identifié à l'ensemble de ses prédécesseurs sur N. Exemples : 1 = {0} = { {} } 2 = {0,1} = { {}, { {} } } 3 = {0,1,2} = {{}, { {} }, { {}, { {} } }} 4 = {0,1,2,3} = { {} , { {} }, { {}, { {} } } , {{}, { {} }, { {}, { {} } }} On peut prendre l’ensemble des parties des ensembles de nombres réels, et de là, on peut construire des infinis de plus en plus grands, mais l’hypothèse du continu c’est qu’entre l’infini dénombrable et le continu, il n’y a pas d’autre infini c’est ce que les mathématiciens du 20ème siècle essaient de démontrer, c’est ce qu’on nomme l’hypothèse du continu. cardinal3 Le cardinal indique la quantité d'éléments d’un ensemble E = {x, y , z) donc 3 éléments: son cardinal s’exprime: Card (E) = 3; si l’ensemble est F = {1, 3, 5, 7, 9} , on écrit: Card (F) = 5 Le cardinal d'un ensemble vide est 0. Le cardinal de la suite des nombres de 1 à n est :n. On écrit : A = {1, 2, 3,…, n }. On aura: Card (A) = n. Réciproquement :Card (A) = n, si et seulement si :A est équipotent à {1, 2, 3,…, n }. C'est-à-dire si : A contient n éléments. Deux ensembles qui ont une même cardinalité, donc une même puissance, sont équipotents. Or ce qui est important dans ce domaine c’est cet argument de la diagonale : on écrit des nombres, on numérote ces nombres et en formant sur la diagonale un nombre qui pour chaque chiffre prend un chiffre différent on arrive à former un nombre qui n’est pas compris dans l’ensemble. Rang : a. {0} soit :{ {} } Rang :b …… .{0,1} soit { {}, { {} } } . .Rang :i ………{0,1,2,3} soit: { {} , { {} }, { {}, { {} } } , {{}, { {} }, { {}, { {} } }} On peut voir qu’aussi loin on peut aller le long de cette diagonale, le nombre du rang qui suivra sera différent jusqu’à un infini qui pour Cantor est un infini actuel et non un infini potentiel, puisque l’on peut dire que l’ensemble N < R,4 il est borné par R, le cardinal de N a moins de puissance que R, cela ne veut pas dire qu’au bout de N il y a R, au contraire c’est dans N qu’il y a R, sa puissance, son cardinal est plus petit que R, moins d’éléments que R Bijection Il est possible d'établir une correspondance un à un entre les éléments des deux ensembles. On dit, alors, qu'il y a bijection de l'un des ensembles sur l'autre Équipotent Deux ensembles sont équipotents s'il existe une bijection de l'un sur l'autre Ils ont la même quantité d'éléments Cet argument de la diagonale de Cantor est important et sera remis en question ce qui sera utilisé pour les paradoxes dont s’inspire Gödel pour son théorème. L’argument qui sera le nœud du paradoxe5 et qu’on appelle le cercle vicieux (Poincaré) suppose donné avant de le construire cet ensemble des nombres réels puisque je le définis comme un nombre réel : donc il y a présupposition de sa propre définition. Cela forme le 4 La notation originale de l'ensemble des nombres réels est . Cependant, les lettres grasses étant difficiles à écrire sur un tableau ou une feuille, la notation s'est imposée 5 Paradoxe : forme d’assertion contraire à la doxa, à l’opinion commune, donc contraire à ce que l’on attend, apparaît comme contradictoire paradoxe puisque c’est une proposition qui présuppose qu’elle est vraie, puisqu’elle présuppose sa vérité.. Pour comprendre le paradoxe de Gödel et avant de l’aborder, il est important de découvrir le paradoxe de Richard (du nom d’un professeur au lycée de Dijon) dont l’idée est : je considère l’ensemble des nombres qui peuvent être définis par un ensemble fini de mots. Par exemple, je peux dire : « Le plus petit des nombres premiers c’est 1 » ; ou je peux définir le nombre qui multiplié par lui-même donne 1/2 = 1√ 2 . Je peux définir le nombre qui décrit le rapport de la circonférence d’un cercle et de son diamètre : c’est le nombre p . etc.. Reprenons l’exemple d’un ensemble de nombres, et a la place de la nième décimale. Je remplace par 1 le chiffre qui s’y trouve si c’est 0,et si c’est ≠ 0 je le remplace par 0. J’obtiens à nouveau un nombre réel qui est défini par un ensemble fini de mots puisque c’est le nombre réel que je forme en remplaçant la nième décimale comme prévu sur la diagonale. Si sur cette même diagonale de cet ensemble je forme un autre nombre (qui est lui aussi défini par un ensemble fini de mots, alors qu’il n’est pas à l’origine dans cet ensemble Ensemblee d’origine 1 0,000050,00005 2 0,00012 0,00002 par exemple :4ème décimale était différente de 0 3 0,01071 0,00001 par exemple la 4ème décimale est 7 donc différente de 0 je la remplace par 0 Cette théorie des ensembles de Cantor ne paraît donc pas suffisamment formalisée à divers mathématiciens en particulier au début du XXe siècle, et a suscité depuis sa publication en 1905 de nombreux commentaires. Le mathématicien français Jules Richard, professeur au lycée de Dijon, le décrivit dans une lettre au directeur de la Revue générale des Sciences Pures et Appliquées. Ce dernier décida de la publier, sous forme d'un court article, dans le numéro du 30 juin 1905 de cette revue. « Dans son numéro du 30 Mars 1905, la Revue signale certaines contradictions qu’on rencontre dans la théorie générale des ensembles . 6 « Il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à la théorie des nombres ordinaux pour trouver de telles contradictions. En voici une qui s’offre dès l’étude du continu, et à laquelle plusieurs autres se ramèneraient probablement : Je vais définir un certain ensemble de nombres, que je nommerai l’ensemble E, à l’aide des considérations suivantes : Ecrivons tous les arrangements deux à deux des vingt-six lettres de l’alphabet français, en rangeant ces arrangements par ordre alphabétique, puis à la suite, tous les arrangements trois à trois, rangés par ordre alphabétique, puis à la suite, ceux quatre à quatre, etc. Ces arrangements peuvent contenir la même lettre répétée plusieurs fois, ce sont des arrangements avec répétition. 2à2 aa ab ac . 6 3 à3 etc.et cela jusqu’à 26 (les 26 lettres de l’alphabet) aaa aab aac er ème Nombres ordinaux : c’est 1 ordre, 2 ordre, 3 ème ordre etc. aj aaj ak aak ce sont des arrangements avec répétition Quelque soit l’entier p, tout arrangement des vingt-six lettres p à p se trouvera dans ce tableau, et comme tout ce qui peut s’écrire avec un nombre fini de mots est un arrangement de lettres, tout ce qui peut s’écrire se trouvera dans le tableau dont nous venons d’indiquer le mode de formation. La définition d’un nombre se faisant avec des mots, et ceux-ci avec des lettres, certains de ces arrangements seront des définitions de nombres. Biffons de nos arrangements tous ceux qui ne sont pas des définitions de nombres. » Soit u1 le premier nombre défini par un arrangement, u2 le second, u3 le troisième, etc. On peut prendre comme exemple : u1 sera « le plus petit des nombres premiers est 1 » ; u2 sera « le plus petit des nombres pairs est 2 ; u3 sera « 0 est un nombre » etc. ou encore « o+1 = 1 est un nombre » On a ainsi, rangés dans un ordre déterminé, tous les nombres définis à l’aide d’un nombre fini de mots Donc : tous les nombres qu’on peut définir à l’aide d’un nombre fini de mots forment un ensemble dénombrable. » Ici, ce qu’il veut signifier c’est que l’ensemble des mots formés par les combinaisons des 26 lettres de l’alphabet prises 2à2, 3 à 3 etc, cet ensemble est un ensemble fini, donc forcément dénombrable. « Voici maintenant où est la contradiction. On peut former un nombre n’appartenant pas à cet ensemble. « Soit p, la nième décimale du nième nombre de l’ensemble E ; formons un nombre ayant zéro pour partie entière, et pour nième décimale p+1, si p n’est égal ni à 8, ni à 9, et l’unité dans le cas contraire ». Ce nombre N n’appartient pas à l’ensemble E. S’il était le nième nombre de l’ensemble E, son nième chiffre serait le nième chiffre décimal de ce nombre, ce qui n’est pas. » C’est bien cela ce qu’on appelle l’argument de la diagonale, ce qui veut dire que si ç’était le nième chiffre il aurait en nième position sur la diagonale, il aurait le même nombre, ce qui n’est pas le cas puisque, par construction, il est différent. « Je nomme G le groupe de lettres entre guillemets, » Or le groupe de lettres entre guillemets : c’est « Soit p, la nième décimale du nième nombre de l’ensemble E ; ; formons un nombre ayant zéro pour partie entière, et pour nième décimale p+1, si p n’est égal ni à 8, ni à 9, et l’unité dans le cas contraire ». Donc c’est bien un nombre fini de mots . « Le nombre N est défini par les mots du groupe G, c'est-à-dire par un nombre fini de mots ; il devrait donc appartenir à l’ensemble E. or, on a vu qu’il n’y appartient pas. Telle est la contradiction. » Montrons que cette contradiction n’est qu’apparente. Revenons à nos arrangements. Le groupe de lettres G est un de ces arrangements ; il existera dans mon tableau. Mais à la place qu’il occupe, il n’a pas de sens. Il y est question de l’ensemble E, et celui-ci n’est pas encore défini. Je devrai donc le biffer. Le groupe G n’a de sens que si l’ensemble E est totalement défini, et celui-ci ne l’est que par un nombre infini de mots. Il n’y a donc pas de contradiction. On peut encore remarquer ceci: l’ensemble de l’ensemble E et du nombre N forme un autre ensemble. Le second ensemble est démontrable. Le nombre N peut être intercalé à un certain rang k dans l’ensemble E, en reculant d’un rang tous les autres nombres de rang supérieur à k. Continuons à appeler E l’ensemble ainsi modifié. Alors le groupe de mots G définira un nombre N’ différent de N, puisque le nombre N occupe maintenant le rang k, et que le kième chiffre de N’ n’est pas égal au kième chiffre du kième nombre de l’ensemble E. » J. Richard Professeur au Lycée de Dijon » Si l'on numérote tous les nombres réels définissables en un nombre fini de mots, alors on peut construire, en utilisant l'argument de la diagonale de Cantor un nombre réel hors de cette liste. Pourtant ce nombre a été défini en un nombre fini de mots. Et si par l’aide de la diagonale je forme un autre nombre N, cet autre nombre est aussi défini par un ensemble fini de mots et pourtant il n’est pas dans cet ensemble E, puisqu’ils étaient tous numérotés de 1 jusqu’à l’infini et qu’il ne s’y trouve pas puisque quelque soit le rang que je considère, la décimale de ce rang est différente. Supposons que je décide arbitrairement que le nombre que j’ai formé sur la diagonale occupe le rang k de cet ensemble E, le nombre qui avant occupait ce rang k descend maintenant à une place k+1, mais le kième chiffre du nombre nk+1 est déplacé vers la droite par rapport à la diagonale, il n’y a plus de correspondance, je ne peux plus dire à partir de là que le nombre N est sur la diagonale puisqu’il a été décalé d’un rang k+1, ce nombre n’appartient donc plus au même ensemble que celui qui correspondait au chiffre d’origine : k alors que son kième est désormais au rang k+1eme., il n’appartient plus à l’ensemble E. Donc j’ai un nombre N qui est défini par nombre fini de mots qui ne fait pas partie de cet ensemble E, d’origine de nombres définis par un ensemble fini de mots. E+N n’est plus le même que E puisque la diagonale n’est plus la même, elle est changée, c’est un autre ensemble. En résumant :: 1. Les nombres réels définissables avec un nombre fini de mots forment un ensemble dénombrable, soit E. 2. On peut construire un réel N qui n'est pas dans E par le procédé de diagonalisation suivant : on numérote les éléments de E, puis, on choisit chaque chiffre de N de sorte que le n-ième chiffre de N soit différent du n-ième chiffre du n-ième élément, et que ce ne soit pas 9 (pour éviter la double écriture des décimaux). Ainsi, pour chaque n, l'élément numéro n diffère de N pour au moins un chiffre, donc n diffère bien de N (tous les réels, en dehors des décimaux, ont une écriture décimale unique). 3. Pour Richard, le paradoxe vient de la définition même de N qui invoque l'ensemble E, alors que celui-ci n'est pas encore complètement défini. Pour Richard, quand on construit l'énumération, au moment où l'énoncé définissant N (et où donc la lettre E apparait), est énuméré, il n'a pas encore de sens ; en décrivant ce procédé de construction, on a défini un ensemble E de nombres N par un ensemble fini de mots : or cette théorie des ensembles repose sur une contradiction. Elle présuppose un objet ( un réel, une vérité) qui n’existe pas encore. Ceci est important car ce paradoxe de Richard introduit en Mathématique la différence entre les Mathématiques et la Métamathématique .Les mathématiques ce sont les nombres, les entiers naturels, les décimaux, les rationnels, les irrationnels ( nb. Algébriques, nb.transcendants,), les nombres réels. La Métamathématique concerne ce qu’on peut dire des mathématiques, donc les définitions des nombres font partie de la métamathématique. Le plus souvent, on résout ce paradoxe en distinguant deux niveaux de langage, celui de la théorie que l'on décrit, appelé parfois langage objet, et le langage, le plus souvent non formalisé, que l'on utilise pour décrire cette théorie, le méta-langage. Quand on définit l'ensemble dénombrable des réels définissables en un nombre fini de mots (Théorie de Cantor), ce ne peut être que dans un langage particulier. La description du réel N se fait en un nombre fini de mots dans le méta-langage. Sa construction montre simplement qu'il ne peut se décrire en un nombre fini de mots dans le langage de départ.7 Cette solution (distinguer deux niveaux de langage) n'était pas vraiment celle proposée par Richard dans son article. Pour lui, le paradoxe vient de la définition même de N qui invoque l'ensemble E, alors que celui-ci n'est pas encore complètement défini. Pour Richard, quand on .7 On verra que pour pouvoir refléter le paradoxe dans le langage objet, il faudrait coder le meta-langage dans le langage objet, comme le fait Gödel pour le » paradoxe du menteur ». Alors il n'y a plus de paradoxe construit l'énumération, au moment où l'énoncé définissant N (et où donc la lettre E apparaît pour définir en fin de compte cet ensemble E), est énuméré, il n'a pas encore de sens. C'est ce que Henri Poincaré, qui s'est beaucoup intéressé au paradoxe de Richard, a systématisé sous le nom de définitions « non prédicatives ». Poincaré expliquait que le paradoxe de Richard consiste à définir l’élément d’un ensemble en l’occurrence : un nombre, par l’ensemble auquel il appartient ou plutôt auquel il appartiendra en fin de compte. C’est ce qu’il appelle un « cercle vicieux . Le « cercle vicieux » c’est qu’on en arrive à présupposer l’ensemble dont on a besoin pour en définir ses éléments. ». Il voyait dans le refus de ces définitions la « vraie solution » aux paradoxes. La grande différence entre Gödel et les autres, c’est que Gödel admet les fictions c’est pourquoi il est platonicien. Les mathématiques sont des fictions, la seule règle d’existence en mathématiques c’est la non-contradiction. Donc, c’est des fictions, par conséquent parmi ces règles, avec lesquelles je crée des objets , il y a l’interdiction des cercles vicieux, si avec ces cercles vicieux je crée des paradoxes, il y a nécessité d’éliminer les cercles vicieux. Pour Poincaré toutes les propositions mathématiques doivent être créées et doivent être construites en fonction des règles, on ne veut pas de cercle vicieux. A partir du moment où Gödel accepte les paradoxes, il accepte le cercle vicieux. Gödel prend l’exemple suivant : « je peux définir un arbre par la forêt » ce qui veut dire : je peux présuppose l’ensemble auquel appartient tel élément de cet ensemble et cela parce quec’est réel. Si je prends l’exemple du nombre p, je le définis comme le rapport constant de la circonférence et du diamètre, je n’ai pas besoin de l’ensemble de nombres réels pour le construire ; en revanche pour le nombre de la diagonale, j’ai besoin de tous les nombres, qui sont définis tous l’un après l’autre. . On a depuis mis en évidence des théories non prédicatives cohérentes (non paradoxales), mais néanmoins la prédicativité reste un bon principe d'élaboration de théories cohérentes. Aussi la prédicativité est un principe souhaité par certains, comme Quine qui y voit une manière d'éviter un «engagement ontologique» qui ne fait pas sens sauf à soutenir la position philosophique qu'est le «réalisme platonicien»3. Depuis le « cercle vicieux » du paradoxe de Richard, on a repris le fameux paradoxe d’Épiménide, « le Menteur »8 . Sous sa forme la plus concise, il s'énonce ainsi : « un homme déclare "Je mens". Si c'est vrai, c'est faux. Si c'est faux, c'est vrai. » On peut y voir deux interprétations : en tant qu'énoncé, cette phrase dit : « Cette phrase est fausse. » en tant que proposition, il faut comprendre : « Je mens maintenant ». En effet cette proposition du menteur est fausse puisque c’est un menteur qui la prononce, mais en disant qu’il est menteur il dit la vérité donc sa proposition est vraie. 8 On attribue le paradoxe du menteur à Épiménide le Crétois (VIIe siècle av. J.-C.), bien qu'il semblerait que cette première formulation du paradoxe du menteur n'est apparue paradoxale que bien plus tard ; lorsqu'au IVe siècle av. J.-C., Eubulide de Milet énonça : « Un homme disait qu'il était en train de mentir. Ce que l'homme disait est-il vrai ou faux ? » (tiré de Wikipedia) En fait le paradoxe existe parce qu’il y a une présupposition : elle présuppose, un ensemble auquel elle appartient : il y a un cercle vicieux, c’est ce qu’on appelle une proposition imprédicative. Alors on peut se dire que c’est la même chose que l’argument de la diagonale de Cantor, à savoir que pour se donner ce nombre qui n’appartient pas à l’ensemble des entiers naturels, il ne présuppose pas l’ensemble des entiers naturels ? C’est la période où Hilbert en Allemagne et H.Poincaré en France analysent ce problème . Hilbert écrit : « Du paradis que Cantor nous a créé, personne ne doit nous chasser. » Il fallait sauver l’argument de la diagonale de Cantor, les nombres transfinis de Cantor, l’idée qu’il y a plusieurs infinis de puissances différentes, sauver en fin de compte , il fallait sauver ce paradis de la théorie des ensembles . La solution vers laquelle on va se tourner est celle de Hilbert c’est de penser que les mathématiques sont des fictions et éliminer le problème du sens. Les mathématiques sont purement formelles : elles reposent sur 1) a des règles syntaxiques ( de formation et d’énoncés), par exemple : a , est une constante, x est une variable, le signe + a comme propriété d’être associatif, commutatif selon la règle où je peux énoncer a+b, mais pas : a+++b 2) des axiomes 3) règles de déduction ; telles le modus ponens, modus tollens si A alors B or A donc B règles syntaxiques : non contradiction : par exemple : ne jamais arriver à une contradiction comme : A≠A L’autre idée de Hilbert : comment je peux savoir qu’il n’y a pas de contradiction : parce qu’il n’y a pas de différence entre la Métamathématique et les mathématiques et les métamathématiques me permettent de vérifier et d’éviter les paradoxes dans les mathématiques. Ceci conduit à dire que toute proposition est décidable : pour toute proposition, je peux dire si elle est vraie ou si elle est fausse : par exemple je sais que A≠A est faux et ceci aussi dans les règles de déduction. Mais cela présuppose que pour tout axiome ou règle de déduction, toute proposition est décidable et me permet de décider si elle est vraie ou fausse. Autrement dit, en présence d’une proposition contradictoire, je ne peux changer les axiomes et ou les règles de déduction que si je suis sûr que cette proposition contradictoire émane des axiomes et des règles de déduction utilisées. Finsler Paul ,[1894-1970] qui est un mathématicien suisse, s’est lui, aussi intéressé aux travaux sur les mathématiques et sur les paradoxes de la théorie de Cantor. A partir des travaux de Hilbert sur la formalisation en mathématiques il cherche à prouver qu’une cohérence mathématique formelle ne met pas à l’abri des contradictions. Il s’attaque d’abord au paradoxe de Richard un peu avant Gödel. Parmi ses publications de l’époque il faut citer : Formal Proofs and undecidability [1925]. En 1926 il s’intéresse au paradoxe de Richard et imagine un système fini de symboles avec un ordre alphabétique qui forme le système S ; et des règles syntaxiques sous la forme d’un dictionnaire B qui permettent de sélectionner l’ensemble de mots éligibles c'est-à-dire qui ont un sens non ambigu,( n’autorisant aucune ambiguïté) ; un objet est définissable s’il est déterminé par l’un de ces mots de la règle grammaticale B. Un objet est défini s’il a un arrangement fini de signes du système S tel que cet arrangement a un sens qui est assuré au moyen du dictionnaire B. Il considère des suites binaires de 0 et de 1 0000000000 0100000000 0010000000 0001000000 0000010000 ….. 0 0 0 0 0 0 0 0 10 …. 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 etc. L’antidiagonale: 1001110 Ensuite, il examine le tableau de Richard et l’antidiagonale, avec son paradoxe. La totalité [l’ensemble] de toutes les séquences binaires qui sont définissables par des moyens finis sont dénombrables, ce qui est exactement l’argument de Richard (pour qui, s’il y a un nombre fini de mots qui définissent ces séquences, comme c’est un nombre fini de mots, l’ensemble est un ensemble fini.) Toutes les suites de nombres 0 et 1 sont définies par un nombre fini de mots permettent donc de considérer que cet ensemble est dénombrable( (c’est fini, donc on peut effectivement le calculer). S’il y a un ensemble dénombrable de suites définies de manière finie, avec un nombre fini de signes, comme l’ensemble des suites binaires est lui non dénombrable avec l’argument de la diagonale, donc cela veut dire qu’il y a des suites binaires qui ne sont pas définies par un nombre fini de signes. Mais il va dire qu’on peut trouver une de ces suites binaires qui ne sont pas définies par un nombre fini de signes et la suite définie sur la diagonale de cet ensemble par le fait de l’inverse 0 contre 1 fait qu’elle ne soit pas dénombrable puisque cela fait qu’elle appartient à l’ensemble (puisqu’elle est définissable par un ensemble fini de mots, mais sans lui appartenir puisqu’elle est construite comme un élément d’un autre ensemble. Et Finsler accepte que cette suite est paradoxale si je la considère comme écrite sur le tableau, c’est à dire si je lui donne une réalité matérielle et alors elle est contradictoire. Pour qu’elle ne soit plus contradictoire, il faut que je ne fasse que la concevoir sur le mode conceptuel pur : « La définition donnée, cependant devient non contradictoire dès que nous la transférons du domaine formel au domaine purement conceptuel. Dès lors, on définit de manière non ambiguë une certaine séquence binaire qui n’est pas définissable de façon finie au moyen de B » C’est, peut-être, la partie fragile de l’article de Finsler, mais ensuite l’auteur définit la « preuve formelle », et une proposition formellement indécidable comme étant une proposition pour laquelle aucune preuve formelle n’est possible, que ce soit pour la proposition en elle-même ou pour son caractère contradictoire. « Maintenant considérons toutes les combinaisons de signes du système B, celui-ci constitue une preuve formelle du fait que dans une certaine séquences binaire le nombre 0 apparaît de manière infinie de nombreuses fois, ou, alternativement, qu'il ne fonctionne pas de façon infinie de nombreuses fois... Ensuite, avec chacune de ces preuves est associée une séquence binaire déterminée sans ambiguïté, à savoir, précisément celle pour laquelle la preuve tient »"; une séquence dénombrable de ces preuves peut être établie, et les séquences binaires associées extraites de ces preuves aussi, forment une séquence dénombrable. « Maintenant prenons la séquence antidiagonale associée à cette séquence et construisons la proposition : Dans la séquence antidiagonale qui vient d’être définie, le nombre 0 n’apparaît pas plusieurs fois de manière infinie. Cette proposition est formellement indécidable puisque la séquence binaire associée ne peut pas appartenir à la séquence établie par-dessus. Nous pouvons, alors, dire que la proposition est formellement logique .Mais avec tout cela, nous pouvons voir que cette proposition est fausse, et en conséquence illogique » De plus, « la preuve est inopposable dès que nous la transférons du domaine formel au domaine purement conceptuel et que nous laissons le formel hors de toute considération » Ce qu’il faut retenir de cette discussion, c’est qu’en distinguant la Métamathématique des Mathématiques on peut parvenir à supprimer les paradoxes. Ce qui est important vis-à-vis du Théorème de Gödel et de la raison pour laquelle il va être déterminant, c’est qu’avec Gödel, il n’y a plus de différence possible entre la Métamathématique et la Mathématique. C'est-à-dire que Gödel va inventer une possibilité de calculer les propositions de cette métamathématique, de décider au niveau mathématique que telle proposition est « indécidable » donc typiquement ce qu’on appelle un « cercle vicieux »du point de vue métamathématique. Il va la considérer comme une proposition mathématique et la démontrer, comme on démontre un théorème de mathématique. Gödel a fait de ces paradoxes non plus des questions de métamathématique que l’on peut régler en changeant les règles, mais des propositions mathématiques qui remettent en cause toutes les mathématiques (et en particulier le programme de Hilbert). Et il finit par pouvoir affirmer que les mathématiques ne sont pas des fictions, mais des réalités. ”.