Prof Mylène Botbol-Baum UCL Helesi /IRSS Congrès de la Sète, 25 mai 2012 L'éducation thérapeutique: des compétences aux capabilités La finalité de l'éducation thérapeutique des patients est de donner les conditions aux patients d'être agents de leur santé. L'éducation traditionnelle s'est concentrée sur l'acquisition de connaissances. Dans le monde complexe ou nous vivons, nous devons donner aux patients la capacité de s'adapter à une maladie chronique ou à la gestion de l'incertitude diagnostique. Complexité et capabilités La capacité du patient se conjugue à la première personne avant de se penser en termes intersubjectifs ou en termes sociaux. (voir Body agency in self help de B. Andrieu). Nous partirons donc du récit d'une patiente chronique atteinte du sida afin de montrer l'importance thérapeutique du dépassement du statut de patient-sujet. Capabilité narrative Anna est une patiente née en 1966, diagnostiquée HIV a l'âge de 23 ans au début de l'épidémie. La nouvelle lui est donné au téléphone par une tante, elle se pense condamnée. Elle a du subir un circuit thérapeutique en changeant de médecins tous les 3 mois jusqu'au jour où elle rencontre un médecin fiable qui la traitera durant sept ans. Récit de cas HIV La patiente a été diagnostiquée en 1989 à une époque ou la maladie restait mortelle et elle est devenue depuis une patiente chronique. Comment préparer une patiente à un tel parcours? Au point de vue purement thérapeutique elle bénéficie d'antiretroviraux de dernière génération, mais ses médecins la qualifie de patiente difficile. Elle était plus “compliante au début du traitement “ où est le problème? La chronicité amena des effets secondaires, sa lipodystrophie perturbe le “succès du traitement” Le contrat thérapeutique est rompue pour elle.Elle change alors de médecin en 2005, elle se sent trahit on ne l'a pas préparé à ses effets secondaires dont les symptômes lui semble pire que sa maladie invisible. Care et soins capabilisant Ce drame est inscrit dans une série de micro drames qui porte atteinte à l'autonomie de la patiente:-avortements répétés - - Dimension affective de la relation thérapeutique rompue Ambiguité de la colère qui survient avec la stabilisation de la maladie et se focalise sur les effets secondaires. Analyse existentielle comme thérapie Les capabilités définies par A. Sen sont plus que des compétences. Elles sont précisément un mode d'adaptation au changement avec la visée éthique de l'émancipation face à la souffrance à laquelle la médecine seule ne peut répondre. Elle est aussi une manière de redonner aux soins ou au care sa dimension biopolitique. Pour éduquer il est nécessaire de ex-ducare Et reconnaitre les souffrances engendrés par le circuit thérapeutique. Il peut être important d'accepter ses propres limitations comme sachant et prendre le point de vue subjectif comme un mode de savoir qui émancipe de l'éducation thérapeutique en situation de maladie chronique. Paradoxe de l'échec de l'éducation thérapeutique Comment une patiente chronique peut elle devenir haineuse? Où se situe l'échec? -la catégorisation des patients difficile est un écran à la relation; -dépendants-exigeants -manipulateurs-autodestructeurs "The four patients you love to hate" de Benny Zidin) Éduquer c'est comprendre l'altérité Catégoriser n'est pas capabiliser ni soigner. Si l'éducation à la santé ouvre à la posture d'un agent informé elle n'est pas suffisante si ce n'est à travers une herméneutique du récit à la première personne et non seulement à la troisième personne du médecin qui se limite à un diagnostic sur le corps déconnecté des intentions thérapeutiques du patient. Capabiliser c'est rendre responsable . L'agentivité et le vécu de santé Comment faire? Il n'est pas suffisant que les patients répondent aux questions des experts pour refléter leur choix thérapeutiques et moraux. L'auto-traitement est un mode de transformation de soi qui n'est pas toujours en phase avec les modèles thérapeutiques aussi bienveillants soitils. Anna utilise l'autodiagnostic qui n'est pas en phase avec les soignants ce qui mène a l'échec . Intersubjectivité et reconnaissance . Les expertises propres aux malades émergent comme sources de savoir. C'est la condition de la démocratie sanitaire. Ce savoir interpelle la capacité décisionnelle asymétrique des soignants. Le patient acteur exige une autre forme de care qui reconnaisse ses capabilités propre comme faisant partie du contrat thérapeutique. Education et reconnaissance du savoir experientiel des patients Nous devons repenser l'éducation en termes de capabilités de soins plutôt que de transfert de compétences du soignant vers le patient. Ce transfert de responsabilité ne répond plus a la définition de l'edu-care. Le projet d'amélioration des compétences du patient doit être associé par un ethos émotionellement intelligent qui reconnait la souffrance spécifique de chacun sans tenter de normaliser le bien être . Le Transfert de compétences n'est pas capabilisation. Nous posons donc que l'approche par capabilités d'Amartya sen offre un moyen utile de répondre à la complexité tout en étant attentif à la manière dont cela affecte les individus singuliers. L‘éducation n'a de sens que si elle est individualisée en termes de fonctionnements voulue et non en termes de jugements. Ethiciser n'est pas moraliser . Exducare de la souffrance inutile L'ethique comme l‘éducation est un outil d'émancipation du statut figé de patient. Elle suppose de prendre au sérieux le care et les intentions du patient autant que ses capabilités c'est a dire faire de la vulnérabilité de fait, le levier des capabilités du patient dans un contrat négocié dans un processus qui consiste à soutenir le patient-agent dans sa réflexion et la consolidation de ses choix, sans rigidité ni apriori sur le bien du patient. Ethique minimale ou responsable?