universite claude bernard - lyon 1

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UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1
FACULTE DE MEDECINE ET DE MAIEUTIQUE LYON-SUD
CHARLES MERIEUX
Année 2013
N°
Les tentatives de suicide de 48 enfants,
âgés de 6 à 12 ans,
entre 2008 et 2011.
Thèse
Présentée à l'Université Claude Bernard -Lyon 1
et soutenue publiquement le 21 Mai 2013
pour obtenir le grade de Docteur en Médecine
par Me BERTHOD Christelle,
née le 22/12/1984 à Sèvres.
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1
___________________
. Président de l'Université
François-Noël GILLY
. Président du Comité de Coordination des Etudes Médicales
François-Noël GILLY
. Secrétaire Général
Alain HELLEU
SECTEUR SANTE
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2
U.F.R. FACULTE DE MEDECINE ET DE MAIEUTIQUE LYON SUD-CHARLES
MERIEUX
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (Classe exceptionnelle)
ANNAT Guy
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BERGER Françoise
CHIDIAC Christian
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COLLET Lionel
DALERY Jean
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Physiologie
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Anatomie et Cytologie pathologiques
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Psychiatrie d’Adultes
Urologie
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Chirurgie générale
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Pneumologie
Chirurgie Générale
Urologie
Biochimie et Biologie moléculaire
Physiologie
Radiologie et imagerie médicale
Thérapeutique
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (1ère Classe)
ANDRE Patrice
BERGERET Alain
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BROUSSOLLE Christiane
BROUSSOLLE Emmanuel
BURILLON - LEYNAUD Carole
CAILLOT Jean Louis
CARRET Jean-Paul
ECOCHARD René
FLANDROIS Jean-Pierre
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GEORGIEFF Nicolas
GIAMMARILE Francesco
GLEHEN Olivier
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KIRKORIAN Gilbert
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Bactériologie – Virologie
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Neurologie
Ophtalmologie
Chirurgie générale
Anatomie / Chirurgie orthopédique
Bio-statistiques
Bactériologie – Virologie ; Hygiène hospitalière
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Cancérologie ; Radiothérapie
Pédopsychiatrie
Biophysique et médecine nucléaire
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Gynécologie Obstétrique
Pneumologie
Cardiologie
Thérapeutique
3
MAGAUD Jean-Pierre
MALICIER Daniel
MATILLON Yves
MOURIQUAND Pierre
NICOLAS Jean-François
PEYRON François
PICAUD Jean-Charles
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POUTEIL-NOBLE Claire
PRACROS J. Pierre
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SALLES Gilles
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THIVOLET Charles
THOMAS Luc
TRILLET-LENOIR Véronique
VIGHETTO Alain
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Médecine Légale et Droit de la santé
Epidémiologie, Economie Santé et Prévention
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Parasitologie et Mycologie
Pédiatrie
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Néphrologie
Radiologie et Imagerie médicale
Biochimie et Biologie moléculaire
Hématologie ; Transfusion
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Nutrition
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Dermato -Vénérologie
Cancérologie ; Radiothérapie
Neurologie
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BERARD Frédéric
BOHE Julien
BONNEFOY- CUDRAZ Eric
BOULETREAU Pierre
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DEVOUASSOUX Gilles
DUPUIS Olivier
FARHAT Fadi
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FEUGIER Patrick
FRANCK Nicolas
JOUANNEAU Emmanuel
JUILLARD Laurent
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LANTELME Pierre
LEBECQUE Serge
LIFANTE Jean-Christophe
LUAUTE Jacques
NANCEY Stéphane
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PILLEUL Franck
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Pneumologie
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Pédiatrie
Cardiologie
4
SALLE Bruno
Biologie et Médecine du développement et de la
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SERVIEN Elvire
SEVE Pascal
THAI-VAN Hung
THOBOIS Stéphane
TRONC François
Génétique
Chirurgie Orthopédique
Médecine Interne, Gériatrique
Physiologie
Neurologie
Chirurgie thoracique et cardio.
reproduction
PROFESSEUR ASSOCIEE SUR CONTINGENT NATIONAL
SOUQUET Pierre Jean
MAISONNEUVE Hervé
Pneumologie
Epidémiologie, Economie de la santé
PROFESSEUR DES UNIVERSITES - MEDECINE GENERALE
DUBOIS Jean Pierre
PROFESSEURS ASSOCIES - MEDECINE GENERALE
ERPELDINGER Sylvie
GIRIER Pierre
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (Hors Classe)
ARDAIL Dominique
BONMARTIN Alain
BOUVAGNET Patrice
CARRET Gérard
CHARRIE Anne
CHOMARAT Monique
DELAUNAY-HOUZARD Claire
LORNAGE-SANTAMARIA Jacqueline
Biochimie et Biologie moléculaire
Biophysique et Médecine nucléaire
Génétique
Bactériologie - Virologie ; Hygiène hospitalière
Biophysique et Médecine nucléaire
Bactériologie – Virologie ; Hygiène hospitalière
Biophysique et Médecine nucléaire
Biologie et Médecine du développement et de la
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Hématologie ; Transfusion
Cytologie et Histologie
Physiologie
reproduction
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES – PRATICIENS HOSPITALIERS (1ère Classe)
CALLET-BAUCHU Evelyne
DECAUSSIN-PETRUCCI Myriam
DIJOUD Frédérique
GISCARD D’ESTAING Sandrine
Hématologie ; Transfusion
Anatomie et cytologie pathologiques
Anatomie et Cytologie pathologiques
Biologie et Médecine du développement et de la
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Physiologie
reproduction
5
MILLAT Gilles
PERRAUD Michel
RABODONIRINA Méja
TRAVERSE - GLEHEN Alexandra
VAN GANSE Eric
Biochimie et Biologie moléculaire
Epidémiologie, Economie Santé et Prévention
Parasitologie et Mycologie
Anatomie et cytologie pathologiques
Pharmacologie Fondamentale
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (2ème Classe)
BRUNEL-SCHOLTES Caroline
COURY LUCAS Fabienne
DESESTRET Virginie
DUMITRESCU BORNE Oana
LOPEZ Jonathan
MAUDUIT Claire
METZGER Marie-Hélène
PERROT Xavier
PIALAT Jean Baptiste
PONCET Delphine
Bactériologie Virologie, Hygiène Hospitalière
Rhumatologie
Cytologie - Histologie
Bactériologie Virologie
Biochimie Biologie Moléculaire
Cytologie et Histologie
Epidémiologie, Economie de la santé, Prévention
Physiologie
Radiologie et Imagerie médicale
Biochimie, Biologie moléculaire
MAITRE DE CONFERENCES ASSOCIE – MEDECINE GENERALE
DUPRAZ Christian
6
Le Serment d'Hippocrate
Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la
Médecine.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination.
J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur
dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de
l'humanité.
J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je
ne tromperai jamais leur confiance.
Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au dessus de mon travail.
Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne
servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne
provoquerai délibérément la mort.
Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences.
Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission.
Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert
d'opprobre et méprisé si j'y manque.
7
Remerciements
Au président du jury :
Monsieur le Professeur Pierre Fourneret,
Merci de nous faire l’honneur d’avoir accepté la présidence de ce jury de thèse.
Vous avez permis la création du poste d’interne de liaison pour que je puisse réaliser un
stage dans votre service. J’ai découvert la pédopsychiatrie avec grand intérêt. Je vous en
remercie. Soyez sûr de mon profond respect.
Aux membres du jury :
Monsieur le Professeur Etienne Javouhey,
Merci pour l’attention que vous portez à l’égard de mon travail en acceptant de juger ma
thèse. Je vous suis déjà reconnaissante pour le soutien et l’intérêt que vous aviez porté à mon
mémoire « Le Traumatisme Crânien Non Accidentel dont le syndrome du bébé secoué ». Votre
regard sur mes travaux m’est particulièrement important.
Monsieur le Professeur Pierre Girier,
Merci d’avoir accepté d’être membre de ce jury. Malgré votre statut, vous avez été proche.
Vous m’impressionnez par votre capacité à enseigner votre savoir et vos compétences
polyvalentes autant au niveau techniques que relationnelles et humaines. Vous avez été une
pierre angulaire dans ma progression personnelle de clinicienne.
Monsieur le Docteur Hugues Desombre,
Je voudrais vous présenter, ici, la marque de ma gratitude et de mon admiration.
Vous m’avez confié ce travail dont vous êtes l’instigateur. J’espère avoir satisfait vos
exigences. Merci pour ces heures de travail où vous avez réorienté, corrigé, reformulé
tant le fond que la forme de ce travail. L’observation de votre pratique clinique m’a
permis de modifier la mienne. Vous êtes un guide dans ma pratique pour mener un
entretien avec un enfant et ses parents.
Madame le Docteur Sylvianne Liberas,
Merci d’avoir accepté de juger ce travail. Grâce à vous, j’ai pu travailler aux
urgences pédiatriques de l’HFME et bénéficier de la pédagogie de chacun des pédiatres
qui y travaillent consciencieusement avec une motivation contagieuse. Je suis admirative
de vos compétences cliniques et de votre capacité à fédérer.
8
Merci à Céline Giraud pour m’avoir créé le fichier ACCESS permettant de rentrer les données, merci
pour ses heures à calculer et recalculer mes chiffres, pour le guide qu’elle a été dans mes choix de tests
statistiques et pour ce succulent repas au restaurant des HCL.
Merci à mes parents car si je suis ici, aujourd'hui, c'est avant tout grâce à vous, pour votre soutien et votre
confiance en moi. Je vous aime tendrement.
Merci à Matthias d’être l’homme prêt à partager tous ses projets et tous mes projets avec moi. Tu me
rends heureuse et confiante en l’avenir.
Merci à Jérôme et Loïc, vous êtes les frères que j'aurais rêvés d'avoir. Merci à Julia pour ton sourire
rayonnant et ta prévenance. Merci à Alix pour ta soif de la vie et ton humour.
Merci à Eric et Christine pour leurs attentions, leur soutien et leur amour.
Merci à Claire d’avoir passé tant de vacances avec nous qui resteront gravées.
Merci à Naude d’être venue à Lyon et de continuer à écrire notre histoire débutée en 1997 qui m’est si
chère.
Merci à Nagette pour ta joie de vivre et ta générosité.
Merci à Steph pour tous les fous rires, la joie et la voile à 2 skippers insupportables.
Merci à Béné, malgré notre éloignement récent, j’espère te voir plus souvent et partager week-end,
vacances et soirées comme des voisines très proches.
Merci à la famille Maillet (au complet) pour votre amitié, vos choux de Bruxelles et vos talents de
randonneurs à ski.
Merci à Younes Benzidive pour ton sourire étincelant, ton déhanché et ton fils qui est un merveilleux
fillot. Merci à Maxime, Dewi et Raphael, vous êtes au top.
Merci à Mika qui malgré l’éloignement à toujours une grande place dans mon cœur.
Merci à Seav, pour notre amour partagé de la gastronomie et d’être si motivé par l’escalade et à Bahar
pour tes mots réconfortant et ton enthousiasme manifesté par des applaudissements impromptus. Merci à
Léo pour m’avoir donné la réplique et à Manu pour ce semestre où elle m’a supporté comme une sœur.
Merci à Blachouille d’avoir des grands pieds, une boucle d’oreille, un bouc et un béret marseillais.
Merci à Cynthia, ton amitié compte beaucoup pour moi. Merci à Ben d’être toujours prêt pour aller boire
une bière ensemble. Merci à Marie d’aimer notre cantine, de nous inviter à ta table de cuistots, de nous
parler de clou gamma et de contraception. Merci à Julien qui vit avec un caporal et en est très heureux.
Merci à Denis Jozwiak pour m'avoir appris la patience et sans qui je n'aurais jamais eu mon P1.
Merci à Guilou pour ton amitié, ton soutien. Merci à Nico pour tout et c’est déjà beaucoup.
Merci à Adèle d’être ma grande sœur. Merci à Olivier Dang pour ta motivation débordante et à Marie
d’être prête à construire un 5ème étage ou à gravir un 4000.
Merci aux Proffit-Mayot pour tous ces voyages au bout du monde.
Merci au Dr Olivier Lambotte pour son écoute attentive des hypothèses diagnostiques exotiques.
Merci au Pr Xavier Monnet, grâce à vous je me suis pris la porte du bureau médical.
Merci aux baleines et aux orques des Spitzberg, vous êtes beaux mais vous êtes flippants.
Merci aux dorades, à l’espadon et aux langoustes de Cuba, vous êtes pêchus et rassasiants.
Merci à Kantega IV (au radar , au GPS et à l'AIS ) de m'avoir ramené à bon port.
9
Tables des Matières
I. Introduction……………………………………………………………………
p14
II. Bibliographie…………………………………………………………………
p15
III. Article………………………………………………………………………
p21
Résumé…………………………………………………………………………………….
p22
Summary……………………………………………………………………………………
p24
1/Introduction…………………………………………………………………………………
p27
2/Matériels et Méthode……………………………………………………………………..
p28
3/Résultats…………………………………………………………………………………….
p29
3.1/Population
3.2/Le geste
3.3/La prise en charge
3.3.1/Modification de leur cadre de vie
3.3.2/Investissement parental
4/Discussion…………………………………………………………………………………
p36
4.1/Population
4.1.1/Sex ratio
4.1.2/Structure familiale
4.1.3/Maltraitance, Négligence, violence sexuelle
4.2/Le geste
4.3/Prise en charge
4.3.1/Intérêt d’un diagnostic et lien entre pathologie psychiatrique et TS
4.3.2/Hospitalisation
4.4/Limites
5/Conclusion…………………………………………………………………………………
p44
10
p45
IV. A propos de l’article………………………………………………………
1/Généralités………………………………………………………………………….. p45
1.1/Définition de la tentative de suicide
1.2/Epidémiologie
1.2.1/Prévalence du suicide chez les enfants
1.2.2/Ratio suicide/TS
1.2.3/Ratio idées suicidaires/TS
1.3/Facteurs de risque
1.4/Facteurs protecteurs
1.5/ Controverse de la possibilité d'idées suicidaires chez l'enfant
1.6/ Age de l'acquisition du concept de la mort
1.7/Hypothèses expliquant le taux de suicide
1.8/Hérédité
1.9/Sens donné à la TS
2/Résultats non publiés……………………………………………………………… p54
2.1/Population………………………………………………………………… p54
2.1.1/Répartition d’âge selon le sexe en diagramme
2.1.2/Structure familiale
2.1.2.1/Mode de garde
2.1.2.2/Contact avec les parents
2.1.2.3/Fratrie
2.1.3/Contexte de vie difficile
2.1.3.1/Décès d’un proche
2.1.3.2/Placement
2.1.3.3/Difficultés relationnelles
11
2.1.3.4/Difficultés scolaires
2.1.3.5/Fugues
2.1.3.6/Suivi psychologique antérieur
2.1.4/Antécédents
2.1.4.1/Antécédents personnels médicaux
2.1.4.2/Antécédents personnels de traitements psychotropes
2.1.4.3/Antécédents familiaux psychiatriques
2.2/Le geste…………………………………………………………………… p61
2.2.1/Répartition des TS par mois de l’année
2.2.2/Moyens utilisés pour la TS
2.2.3/Enfants ayant réalisé la TS avec leur traitement habituel
2.2.4/Violence du geste selon les [6-11[ans et les [11-13[ans
2.2.5/Violence de la TS en fonction de l’âge de l’entrée dans
l’adolescence.
2.2.6/Facteurs déclenchants
2.3/La prise en charge………………………….……………………………
p65
2.3.1/Les durées moyennes d’hospitalisation selon l’âge et le sexe.
2.3.2/Psychotropes
2.3.3/Information préoccupante et signalement judiciaire
2.3.4/L’investissement parental
3/Discussion………………………………………………………………….……… p68
3.1/Population………………………………………………………………… p68
3.1.1/Différence des garçons
3.1.2/Place dans la fratrie
3.1.3/Suivi psychologique antérieur à la TS : critère de gravité?
3.1.4/ L’impulsivité, liée aux troubles psychiatriques, est-ce un facteur
de risque de tentative de suicide ?
12
3. 2/Le geste…………………………………………………………………... p71
3.2.1/Périodicité annuelle
3.2.2/Facteur déclenchant
3.2.3/Prépondérance d’une méthode violente avant l’adolescence
3. 3/La prise en charge………………………………………………………... p74
3.3.1/Psychotropes
V. Conclusions………………………………………………………………….
p75
13
I. Introduction
Motivation personnelle introductive
La tentative de suicide est un motif régulièrement rencontré aux urgences. Ayant
réalisé des gardes aux urgences pédiatriques lors de mes sept stages d’internat, j’y
ai souvent été confrontée. Une question de jeune interne a été « Faut-il tous les
réanimer ? ». Cette question a été particulièrement présente lors de mon stage
d’urgences où un jeune récidiviste que je recevais pour la deuxième fois pour
tentative de suicide me demandait de le laisser mourir. Lors de mon stage de
pédiatrie, je suivais des adolescents et enfants évoluant favorablement après une
tentative de suicide. J’ai compris que cette volonté de mort pouvait disparaître avec
le temps et les soins.
Lors de mon stage en Pédopsychopathologie du développement de l’enfant et de
l’adolescent à l’Hôpital Femme Mère Enfant, le Dr Desombre m’a proposé de faire
un recueil de données sur les tentatives de suicide des enfants de moins de 13 ans
et c’est tout naturellement que j’ai accepté.
Pendant le travail de lecture rétrospective des dossiers médicaux, j’ai décidé de
poursuivre cette étude et d’en réaliser ma thèse. Le Dr Desombre a accepté de
diriger cette thèse et a été d’une aide précieuse pour la publication de cet article.
Le travail de synthèse demandé pour la rédaction d’un article destiné à la
publication, nous a forcés à retirer certains résultats et éléments de discussion qui
ont un intérêt notable mais non nécessaire à l’article. La rédaction de la thèse
permet de présenter à la suite de l’article, des généralités sur les tentatives de
suicide des enfants, les résultats non publiés ainsi que des éléments de discussion.
14
II. Bibliographie
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1:61–79.
[2] Rosenthal P, Rosenthal S. Suicidal behavior by preschool children. Am J
Psychiatry 1984; 141(4): 520–5.
[3] Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) [serial
online] 2010 Disponible sur internet : URL :
http://www.cepidc.vesinet.inserm.fr/inserm/html/index2.htmconsulté le
10/12/2012.
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adolescents in a Tunisian clinical sample: Clinical implications and risk factors.
Neuropsy Enfance Adolesc 2010; 58: 120-125.
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moins de 13 ans. NeuropsyEnfanceAdolesc 2007; 55(1): 41-51.
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implications for suicide prevention. Suicide Life ThreatBehav 1999; 29(2): 105–
18.
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expression au test de Rorschach. Revue européenne de psychologie appliquée
2005 ;55 :267–276.
[8] Dumas N. Les tentatives de suicide des moins de douze ans [Thèse].
Lyon :université Claude Bernard ; 2007.
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Med Ass J 1963; 89 (12): 751-754.
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inpatients. Suicide Life Threat Behav 1988; 18(2): 129-136.
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moins de 14 ans pris en charge par le SAMU de Lyon [Thèse]. Lyon : université
Claude Bernard ; 1987.
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Enfant 1964; 4 Suppl 1: 1–114.
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Different to Suicidal Phenomena in Adolescents? A Six-YearReview. Child and
Adolescent Mental Health 2010; 15 (4): 197–203.
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Médicales et scientifiques; 2004.
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2009 Disponible sur internet : URL : http://www.recensement.insee.fr consulté le
10/12/2012.
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Rev Prat 2011; 61(2): 195-7.
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Rapport ministériel. Paris: Odile Jacob; 2011.
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le suicide [serial online] Genève 2006 Disponible sur internet : URL :
http://whqlibdoc.who.int/publications/2006/9241594314_fre.pdf consulté le
10/12/2012.
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Who Are Maltreated and At Risk: Findings From the LONGSCAN Studies. Child
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Education Center, Calgary 2000. Disponible sur internet URL: http://www.siec.ca
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l’anomie. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 2007;55: 337-344.
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Données récentes de 2005 à 2009. Bureau du coroner. Québec 2011 Disponible sur
internet: URL: http://www.coroner.gouv.qc.ca
18
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Santé Canada Publication 1994 Disponible sur internet URL : http://www.phacaspc.gc.ca/mh-sm/pdf/suicid_f.pdf
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20
III. Article accepté pour publication dans la revue :
Les Archives de Pédiatrie :
Les tentatives de suicide de 48 enfants âgés de 6 à 12 ans entre 2008 et 2011.
Suicide attempts of 48 children aged 6-12 years between 2008 to 2011.
Les tentatives de suicide des enfants.
Suicide attempts in children.
Berthod C*, Giraud C**, Gansel Y*, Fourneret P*, Desombre H*.
* : Service de psychopathologie du développement de l’enfant et de l’adolescent,
Hôpital Femme Mère Enfant, Hospices Civils de Lyon (H.C.L), 59 boulevard
PINEL, 69500 BRON.
** : Centre d'Investigation Clinique de Lyon, GHE - Bâtiment les Tilleuls, 59 Bd
Pinel, 69677 Bron Cedex.
Berthod C : 0033687640470, [email protected]
Aucunes aides financières.
21
Résumé
But
Les tentatives de suicide des enfants de moins de 13 ans sont très peu décrites dans
la littérature. L’objectif de notre étude est de mieux décrire cette population.
Matériel et méthodes
Cette étude est descriptive, rétrospective et monocentrique, dans le service de
psychopathologie du développement de l’Hôpital Femme Mère Enfant des
Hospices Civils de Lyon. Tous les patients de moins de 13 ans hospitalisés pour
tentative de suicide entre 2008 et 2011 ont été inclus. L’analyse de l’ensemble des
dossiers s’est faite à l’aide d’une grille de lecture permettant de décrire le geste,
l’environnement, les antécédents et la prise en charge.
Résultats
Les filles sont majoritaires (sex-ratio : 22 garçons/26 filles). En moyenne, les
garçons sont plus jeunes (p = 0,047) et ils utilisent des moyens plus violents (p =
0,048) que les filles. Les enfants utilisant des moyens violents sont plus jeunes que
ceux utilisant des moyens non violents (p= 0,013). Les deux diagnostics principaux
d’hospitalisation sont les troubles de l’adaptation (37,5%) et la dépression (27%).
Discussion
L’étude de cette population montre un sex-ratio (0,85) différent de celui des
populations d’adolescents suicidants (0,09 à 0,32 selon les études). Les moyens
22
violents sont également surreprésentés sur cette tranche d’âge.
Conclusion
Cette population est particulièrement à risque sachant qu’à l’âge adulte, le risque
de décès par suicide est plus fort lorsqu’il existe un antécédent de tentative de
suicide par méthode violente. Ils doivent être pris en charge au décours d’une
hospitalisation systématique, permettant une évaluation psychologique et socioenvironnementale.
23
Summary
There exists limited research concerning the suicide attempts of children under 13years old. The objective of our study is to provide an in-depth description of this
population.
Materials and methods
The present study is both retrospective and descriptive. Data was collected
retrospectively from a file containing the causes for hospitalization of each child
admitted into the Department of Child Psychiatry at the “Hôpital Femme Mère
Enfant” (Hospices Civils de Lyon). We included all patients under 13 years of age
who were hospitalized for a suicide attempt between the years of 2008 and 2011.
Methods used in order to collect the medical records consisted using a reading grid
composed of four major parts: suicide attempts, social environment, medical
history and therapy.
Results
The 26 girls and 22 boys included had a mean age of 11.52 years. The boys were
younger than the girls (p=0.047) and their parents were usually separated
(p=0.034). In addition, the boys used more violent means to commit suicide in
comparison (p=0.048) to the girls. On average, children using violent means were
younger (p=0.013). Boys underwent more psychotherapy (p=0.027) and were
prescribed more psychotropic medication (p=0.051) in comparison to girls. The
adjustment disorders (37.5%) and depression (27%) were the two main diagnoses
for hospitalization. They were hospitalized on average (± Standart Deviation): 9.6
24
days (± 10 days). A psychological therapy was organized when leaving the hospital
(98%) with legal measures (8.3%), change of place of leaving (12.5%) and
prescription of psychotropic drugs (37.5%). None had physical complications.
Discussion
In children under 13 years of age, the suicide attempt was more frequent for girls
than for boys. However, our sample included 18 girls and 9 boys of 12-years of age
(Sex-ratio of 12-year old: 0.5). There were more boys (16 boys/8 girls) for children
under twelve (Sex-ratio of 8 to 11-year old: 1.6).
Children under eleven used more violent means (p=0.01). Previous literature
supports that when the mean is more violent, there is more risk of death by suicide.
So, suicidal behavior of children under eleven is more a behavior of a person death
by suicide that adolescent suicide attempts.
So by the sex ratio and no violent mean, it’s possible to consider twelve year-old
children to behave like adolescents.
An element that could explain the suicide attempts of children is family cohesion.
Children in this study were most often from dissociated families and had a difficult
relationship with their parents.
From 1981 to 1985, more than fifty percent of children who consulted for a first
suicide attempt were not hospitalized. Now, hospitalization is recommended for all
children who consult for a suicide attempt. They are hospitalized on average 8.9 to
9 days. Individual psychotherapy is systematic. The main difference between the
treatments for adolescents and for children is the importance of the social assistant
who will require legal measures or a change of home when necessary.
25
Conclusion
The sex ratio is more important than the sex ratio in adolescent suicide attempt.
Insecure attachment is found in all families of this sample. This population is
particularly at risk knowing that for adulthood, the risk of death by suicide is
higher when there is a background of attempted suicide by violent methods. These
children should always be hospitalized for a psychological and socioenvironmental evaluation.
26
1/ Introduction
Le suicide est un problème de santé publique. Dans la littérature, l’âge le plus
jeune d’un enfant suicidé est de 5 ans [1] et celui d’un enfant suicidant de 2 ans et
demi [2]. En France, le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de Décès
(CépiDc) a recensé chez les 5-14 ans, 23 garçons et 17 filles, morts par suicide, en
2010, derniers chiffres disponibles [3]. Les tentatives de suicide (TS) sont bien
plus fréquentes mais difficilement estimables devant le nombre d’enfants qui
n’entrent pas dans un parcours de soins à la suite d’une TS. Les tentatives des
enfants de moins de 12 ans représenteraient 10 à 15% des TS des mineurs en
France [4,5]. Un enfant de 7 ans ne comprend pas la représentation achevée de la
mort, c’est à dire l’irréversibilité, la totalité, le déterminisme, l’universalité et
l’imprévisibilité de la mort. Elle n’est acquise que vers 9 ans [6, 7]. Mais il est
capable de décrire précisément un moyen fatal pour se donner la mort [7].
La littérature est abondante sur les tentatives de suicide des adolescents. Elle reste
très pauvre sur celles des moins de 13 ans. Les quelques études existantes incluent
un nombre inférieur à 30 patients sauf une étude (n=97) [5].Cette étude
multicentrique, présente un biais car l’âge de 22 patients a dû être estimé devant
l’absence de date de naissance ou de date de TS. Notre étude est la première
monocentrique incluant autant de patients (n=48) avec un recueil de données aussi
complet. Elle apporte des données nouvelles sur la prise en charge et sur le
diagnostic principal posé lors de l'hospitalisation.
Devant le manque de données dans la littérature, notre but est d’étudier les
tentatives de suicides des enfants uniquement de moins de 13 ans, leur geste, leur
environnement, leur antécédent et leur prise en charge.
Existe-t-il un profil particulier de ces enfants suicidants ?
27
2/Matériels et Méthodes
Cette étude est rétrospective, descriptive et quantitative. Elle inclut 48 enfants âgés
de moins de 13 ans ayant réalisés une tentative de suicide et hospitalisés au
décours.
Leurs dossiers sont sélectionnés à partir d’une base de données répertoriant toutes
les hospitalisations et leurs motifs dans le service de Psychopathologie de l’enfant
et de l’adolescent de l’Hôpital Femme Mère Enfant des Hospices Civils de Lyon,
entre son ouverture, mars 2008 et décembre 2011.
Les enfants ayant 13 ans ou plus, le jour de la tentative de suicide, sont exclus,
ainsi que ceux hospitalisés pour « idées suicidaires ».
Les données des dossiers médicaux sont recueillies au moyen d’une grille de
lecture. Celle-ci provient d'une thèse soutenue en 2007 à l'Université ClaudeBernard Lyon 1, incluant 1106 mineurs, dont 27 enfants de moins de 12 ans, ayant
été hospitalisés pour tentative de suicide [8]. Cette grille de lecture a été créée à
partir des variables les plus fréquemment étudiées et les plus déterminantes,
retrouvées dans la littérature. Les quatre grandes parties de la grille concernent le
geste, l’environnement, les antécédents et la prise en charge.
Les enfants hospitalisés de multiples fois dans ce service pour TS sont inclus
qu’une seule fois lors de leur dernière tentative de suicide avant 13 ans. Ainsi, les
hospitalisations précédentes sont comptabilisées à la question : « Existe-t-il des
antécédents de TS hospitalisées ? » pour évaluer les récidivistes.
Les données sont recueillies sur une base Access 2010, et analysées avec Excel
2010. Les analyses descriptives et statistiques présentées sont réalisées avec le
logiciel R 14.0. Des tests exacts de Fisher ou des Chi2 sont réalisés selon les
effectifs pour les variables qualitatives et le test de Student est réalisé pour les
28
variables quantitatives. Le risque d’inflation de première espèce (inflation du
risque alpha) dû à la multiplicité des tests est écarté raisonnablement par l’analyse
et la cohérence médicale du résultat.
3/Résultats
3.1/Population
Le tableau 1 présente la population selon l’âge, le sexe, la famille, le contexte de
vie et les antécédents des 48 enfants inclus (Tableau 1).
29
Tableau 1: Description de la population
Total
Filles
Garçons
p
48
26
22
ns
11,52 ans
± 1,64 ans
11,9 ans
± 1,44 ans
11 ans
± 1,75 ans
0,047
-
[6-7[ ans
[7-8[ ans
[8-9[ ans
[9-10[ ans
[10-11[ ans
[11-12[ ans
[12-13[ ans
1
0
6
3
2
9
27
0
0
3
1
1
3
18
1
0
3
2
1
6
9
ns
Parents unis
Séparation parentale
Age à la séparation
21
27
15
11
6,5
6
16
2,31
Famille traditionelle
Famille recomposée
Famille monoparentale
Foyer
Foyer+famille monop.
Famille d'accueil
20
7
12
7
1
1
15
6
4
1
0
0
5
1
8
6
1
1
0,01
-
AEMO
AEA
Placement
Aucunes mesures
2
2
8
36
2
1
1
22
0
1
7
14
ns
Médicaux
Chirurgicaux
Psychiatriques :
Tentative de suicide
- hospitalisée
- sans consultation
6
1
5
1
1
0
14
5
9
9
4
5
5
1
4
ns
ns
ns
-
CMP
Autres
Total
13
20
33
5
9
14
8
11
19
0,027
Neuroleptiques
Antidépresseurs
Benzodiazépines
Total
10
5
3
15
3
2
2
5
7
3
1
10
0,051
Alcool
Tabac
Autres
1
4
0
1
3
0
0
1
0
ns
ns
ns
n=
Age moyen
± déviation standart
Répartition d'âge
Séparation
parentale
Famille
Mesures
éducatives
Antécédents
Suivi
psychologique
Traitement
Psychotrope
Habitudes
Toxiques
0,034
0,012
AEMO: Action Educative en Milieu Ouvert
AEA: Action Educative Administrative
CMP: Centre Médical Psychologique
30
On retrouvait une prédominance féminine dans la population, une proportion
importante de familles désunies, un nombre non négligeable d’enfants placés,
l’existence d’antécédent de TS chez plus d’un tiers des enfants, un suivi
psychologique ou pédopsychiatrique préexistant au geste chez 69 %.
Les enfants étaient tous scolarisés, dont trois en Classe d’Inclusion Scolaire
(CLIS). Cinq avaient déjà redoublés, 4 en primaire et 1 au collège.
La violence intrafamiliale était déclarée par l’enfant ou la famille lors de
l’hospitalisation pour 10% des patients.
Les motifs de traitement psychotropes (15 enfants) rapportés par les parents ou les
éducateurs étaient très diversifiés.
Les troubles du comportement et la dépression étaient les plus fréquemment
déclarés.
3.2/Le geste
Le Tableau 2 présente les modalités du geste (Tableau 2).
31
32
Il apparaissait une prédominance des moyens non violents, les moyens violents étant
employés majoritairement par les plus jeunes de façon significative.
De manière globale les garçons utilisaient des moyens plus violents.
Dans 71% des cas, les tentatives de suicide étaient réalisées entre janvier et juin inclus.
Le mois avec la plus grande prévalence était le mois de juin avec 10 cas sur 48.
Le recours à plusieurs procédés n’était jamais retrouvé dans notre étude.
Sept enfants réalisaient la TS avec leur propre traitement psychotrope, soit 27% des
intoxications médicamenteuses volontaires. Ils étaient traités par neuroleptiques ou
antidépresseurs ou les deux.
3.3/La prise en charge
Le tableau 3 décrit la prise en charge ainsi que les diagnostics principaux posés à
l’issue de chaque hospitalisation (Tableau 3).
33
Tableau 3: La prise en charge
Total
Filles
Garçons
Passage aux urgences/ Surveillance simple
SMUR/Réanimation
46
2
26
0
20
2
Moyenne (en jours)
± déviation standart (en jours)
9,6
±10
11
±11,8
8
±7
Trouble de l'adaptation
Trouble dépressif
Réaction à un facteur de stress
Trouble mixte des conduites et émotionnels
Trouble anxieux et dépressif mixte
Trouble envahissant du développement
Trouble des conduites
Trouble obsessionnel compulsif
Trouble panique
Trouble somatoforme indifférencié
18
13
4
4
3
2
1
1
1
1
10
9
3
1
1
0
0
1
1
0
8
4
1
3
2
2
1
0
0
1
Psychotropes
Entrée avec psychotropes
Sortie avec psychotropes
Débutés
Arrêtés
Non modifiés
Modifiés
15
18
4
1
10
4
5
6
2
1
2
2
10
12
2
0
8
2
Signalements
Information préoccupante
Ordonnance de placement provisoire
3
1
1
1
2
0
Relais
Sructures de secteur type CMP
Libéral
Psychologue du foyer
ITEP
Psychologue d'un centre de rééducation
Sortie sans suivi organisé
32
8
8
3
1
1
19
5
1
0
1
0
13
3
7
3
0
1
Sortie
Simple avec retour à domicile
Autre service de pédopsychiatrie
Contre avis médical
Séquelles physiques
43
4
1
0
23
2
1
0
20
2
0
0
Entrée/Suivi
organnique
Durée
d'hospitalisation
Diagnostics
principaux CIM 10
SMUR: Service Médical d'Urgence et de Réanimation
CIM 10: Classification Internationale des Maladies 10ème révision
CMP: Centre Médical Psychologique
ITEP: Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique
34
Tous les enfants sont sortis avec un suivi en relais sauf un dont les parents avaient
refusé toute proposition thérapeutique. Plusieurs types de suivis posthospitalisation étaient souvent associés.
Les deux diagnostics les plus souvent retrouvés étaient un trouble de l’adaptation
ou un trouble dépressif.
Concernant les traitements médicamenteux à la sortie, 77% correspondaient au
maintien d’un traitement antérieur, et 23 % à l’instauration d’un traitement.
Seulement 5 enfants sur 13 avec un trouble dépressif sortaient avec une
prescription d’antidépresseurs.
Les deux enfants ayant un trouble envahissant du développement, celui avec un
trouble obsessionnel compulsif et les 3 sur 4 avec un trouble mixte des conduites et
troubles émotionnels avaient des neuroleptiques.
3.3.1/ Modification de leur cadre de vie
Un changement de lieu de vie au décours immédiat de l’hospitalisation était
organisé pour 6 enfants, dont 3 en internat, 2 en foyer et un quittant le foyer pour
aller vivre chez sa mère. Les autres mesures étaient la mise en place d’un mode de
garde périscolaire (n=1) et un changement d’école (n=1).
3.3.2/L’investissement parental
Le père ne s’est pas manifesté tant auprès de l’enfant que de l’équipe soignante
pendant l’hospitalisation pour 12 enfants, et les mères pour 6 enfants.
Par la suite des visites plus fréquentes du père étaient mises en place pour 2 enfants
placés en foyer.
Une prise en charge psychologique d’un des deux parents était organisée dans 3
cas.
35
4/ Discussion
4.1/Population
4.1.1/Sex ratio
Le sex-ratio est de 0,85, 22 Garçons (G) /26 Filles (F), dans notre étude et de 0,41
à 3 selon la littérature sur les TS des enfants de moins de 13 ans [1, 5, 8, 9, 10, 11,
12]. Les chiffres sont assez variables mais les effectifs sont entre 6 et 28, ce qui est
peu représentatif ; sauf une seule étude, celle de Delamare, qui incluait 97 enfants
de 6-12 ans. Le sex ratio de cette étude était de 0,71. Pour cet auteur, il n’existe pas
de prédominance masculine du geste suicidaire avant 12-13 ans [5]. Nos chiffres
arrivent aux mêmes conclusions, mais la proportion de garçon est beaucoup plus
importante que dans les études s’intéressant à la tranche d’âge 13-18 ans [4, 9, 13].
Le sex-ratio rapporté chez les adolescents suicidants est compris entre 0,32 et 0,09
[4, 8, 12, 14].
Par ailleurs, notre étude inclut 18 filles et 9 garçons entre 12 et 13 ans. Dans cette
tranche d’âge, le sex-ratio est de 0,5, alors qu’il s’inverse à 1,6 dans la tranche
d’âge des moins de 12 ans. Il est possible que les enfants entre 12 et 13 ans se
rapprochent plus du profil des adolescents. Ils sont souvent entrés en sixième.
Le sex ratio des enfants suicidants au collège s’inverse donc par rapport à celui des
enfants en primaire. Etait-il pertinent d’inclure des collégiens dans notre étude ?
4.1.2/Structure familiale
Nous avons comparé nos données à celles d’une étude menée entre 2004 et 2007,
en France métropolitaine, par l’Institut National de la Statistiques et des Etudes
Economiques (INSEE), sur la répartition des enfants dans la population générale
selon le foyer dans lequel ils vivent [15]. Les familles de notre étude sont
différentes de la population générale.
36
Selon l’INSEE,
• 72,8% des 7-13 ans versus 42% (20/48) de notre étude vivent en famille
traditionnelle,
• 9,9% versus 14,5% (7/48) en famille recomposée,
• et 16,6% versus 27% (12/48) en famille monoparentale.
• La différence majeure est le nombre d’enfants vivant hors famille : 0,7% des
7-13 ans selon l’INSEE versus 16,5% dans notre étude.
Ce facteur de risque est retrouvé dans d’autres études [5, 9]. Vivre en foyer ou en
famille d’accueil peut être vécu pour un enfant comme un abandon de la part des
parents. Le sentiment abandonnique est pour certains enfants, le principal facteur
favorisant de leur TS. D’après Duché [12], « en période de latence, l’enfant tend à
haïr l’objet par lequel, il se sent abandonné, mais il lui reste d’autant plus attaché
qu’il en a davantage besoin. L’enfant se sentira coupable et mauvais plutôt que
d’admettre que ses parents le sont ». Ainsi, il souligne l’importance du rôle des
parents dans la construction de l’estime de soi-même.
D’autres facteurs de risque liés à la famille sont également retrouvés dans la
littérature : perturbation des relations et de la communication intrafamiliale [16],
perte d’un parent [11, 16], séparation parentale [11, 16], carence parentale [17],
mauvaise qualité de l'entourage [4], soutien affectif faible au sein de la famille
[18], famille reconstituée et manque d’attention parentale [19].
B. Cyrulnik décrit un lien fort entre la négligence affective dans un milieu
insécurisant et les TS des enfants. Il s’attache particulièrement aux premiers mois
de vie du nourrisson et aux risques d’isolement sensoriel [20]. Une étude conclut
que le taux de suicide des moins de 15 ans n’est pas lié aux circonstances
périnatales (âge maternel, poids de naissance, complications postnatales), ni au
statut socioéconomique [19].
37
Le constat est évident, la carence affective est présente chez les enfants suicidants
et une famille déstructurée est un facteur de risque de tentative de suicide.
4.1.3/Maltraitance, Négligence, violence sexuelle
Dans notre étude, on retrouve peu de violences physiques déclarées et notées dans
le dossier médical, 10% des familles. Pourtant, 23% ont fait l'objet d'une
information préoccupante. En général, les raisons de ces informations
préoccupantes ne sont pas notées dans le dossier médical car elles sont très
antérieures à l’hospitalisation. La violence ne serait-elle pas sous-estimée ? La
maltraitance est un facteur de risque reconnu de TS, ainsi que la négligence ou les
abus sexuels [4, 21]. L’enfant se croit alors blâmable et se mésestime formant le
noyau d’un comportement autodesctructeur ultérieur [22].
Dans une population d’enfants suicidants, il existe plus de victime d'intimidation
que dans celle d’adolescents suicidants [13]. L’étude de Richard Thompson,
retrouve sur une population de 1051 enfants maltraités de 8 ans, 9.9% avec des
idées suicidaires [23].
Il est primordial de rechercher des idées suicidaires chez les enfants victimes de
maltraitance, de négligence ou de violence sexuelle.
4.2/Le geste
Nos résultats sont en accord avec la plupart des rares études sur les TS de l’enfant.
La TS se passe le plus souvent dans le lieu de vie de l’enfant [4, 5, 9, 11]. Le
moyen de procéder est unique [5]. Contrairement aux adolescents, le geste n'est pas
associé à la consommation de drogues ou d’alcool [5]. Les enfants consultent le
plus souvent aux urgences, accompagnés de leurs parents. La TS est rarement
responsable de séquelles somatiques [5, 8, 9, 11, 17].
Les garçons utilisent des moyens plus violents que les filles (p=0,048).
38
Les enfants de moins de 11 ans utilisent aussi des moyens plus violents que les 1112 ans (p=0,01).
On retrouve aussi que les moyens violents sont employés par des enfants plus jeunes
(p=0,013).
Cela est cohérent avec la littérature. Il est souvent interprété que plus l’enfant est
jeune (moins de11 ans), plus le procédé est violent [1, 5, 13, 14, 16, 24]. Cela est
particulièrement vrai chez les garçons [4, 5, 14, 16].
Par ailleurs, on retrouve que plus le moyen utilisé est dangereux, plus
l’intentionnalité suicidaire et le risque de décès par suicide sont importants [8, 25].
Au niveau du sexe, le sex ratio d’enfants suicidants par procédé violent de notre
étude (13G/8F) et le sex ratio d’enfant suicidés de 5 à14 ans, en France, en 2010
(23G/17F) appuient l’hypothèse que ce sont les garçons qui utilisent des méthodes
plus violentes et sont plus à risque de décéder par suicide [3]. Les garçons suicidants
sont plus à risque de mourir par suicide que les filles en France. Ces tendances
parfois s’inversent dans d’autres pays où c’est une majorité de petites filles qui se
suicident comme en Chine, en Corée, en Colombie, en Norvège et dans de
nombreux autres pays [20]. En Europe, c’est une majorité de petits garçons qui se
suicident. La pression sociale est différente, la responsabilisation de l’enfant et
l’engagement attendu selon le sexe, change en fonction du pays, de la société, de la
culture. D’après B.Cyrulnik, la responsabilisation et l’engagement sont des facteurs
protecteurs [20].
Au niveau de l’âge, les enfants suicidants de moins de 11 ans ont plus de risque de
récidive et de décès par suicide que les plus âgés usant de méthodes non violentes.
Pourquoi cette gravité pour les enfants ? Pour penser au suicide à moins de 11 ans,
il faut que la situation soit grave. Ne trouvant que cette solution comme
échappatoire, leur désir de mort est peut-être plus important. Nous rejoignons
39
l’hypothèse de Kosky [26] pour qui la population des enfants suicidants se
rapprochent plus de celle des suicidés que de celle des adolescents suicidants.
4.3/Prise en charge
4.3.1/Intérêt d’un diagnostic et lien entre pathologie psychiatrique et TS
Dans notre étude, il n’existe pas de différence entre les différentes pathologies
psychiatriques et l’âge ou le sexe. Mais il est intéressant de noter que le diagnostic
majoritaire de l’étude est le trouble de l’adaptation et le deuxième la dépression.
La dépression est plus fréquente dans notre échantillon que dans la population
générale. Mais Delamare, lui n’en retrouve que 4,4% et affirme qu’il n’existe pas
de lien entre pathologies psychiatriques et TS chez l’enfant [5]. Le lien entre
pathologies psychiatriques et tentatives de suicide reste une controverse dans la
littérature. Certains disent qu’elles aggravent le pronostic [4], d’autres comme
l’organisation mondiale de la santé qu’elles en sont la cause [22], d’autres encore
qu’elles ne sont que rarement responsables de TS [16]. Les types de pathologies
psychiatriques associées varient aussi en fonction des études : la dépression est la
plus souvent retrouvée [4, 9, 16, 21, 22], viennent ensuite les troubles des
conduites [10,16], les troubles psychotiques [4, 9], les troubles bipolaires [4, 16],
les troubles anxieux [21,22] et les troubles du comportement [22]. Bien que le
trouble de l’adaptation soit le diagnostic principal de notre étude, il n’est que
rarement retrouvé dans la littérature. Dans une précédente étude, Desombre
explique « qu’à la limite entre le pathologique et la réaction normale adaptative, le
trouble de l’adaptation est un diagnostic souvent retrouvé à l’hôpital où beaucoup
de troubles de l’enfant sont expliqués par le dépassement transitoire de ses
capacités adaptatives devant certaines situations. » [27]. Chez un sujet en
développement, ce diagnostic est précieux dans la discussion avec les parents, car
il permet de prendre le contre-pied à la foi d’un déni éventuel d’un problème
40
psychique et de la notion d’immuabilité des troubles psychiatriques encore très
présente dans la population générale (car un trouble de l’adaptation est par
définition transitoire) [27]. Ce diagnostic semble tout à fait adapté en considérant
qu’une tentative de suicide peut être une manifestation d’inadaptation devant une
détresse extrême. Il s’agit souvent de sujets qui ne sont pas parvenus à acquérir une
tolérance à la frustration.
4.3.2/Hospitalisation
Dans l’étude de Monier de 1981 à 1985, plus de 50% des premières TS des
mineurs n’avaient pas donné lieu à une hospitalisation. En 1981, 56,2% sortaient
d’hospitalisation en médecine sans avis psychiatrique [17]. En 1994, en France,
seulement un jeune suicidant sur 4 est hospitalisé et 17% quittent l’hôpital dans les
12h [14]. Deux études américaines ont montré que le taux d’hospitalisation varie
selon le praticien : le taux d’hospitalisation est inversement proportionnel à
l’expérience (nombre d’année de pratique) du clinicien [27, 28]. En 1998,
l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES),
maintenant dénommée, Haute Autorité de Santé (HAS), recommande une
hospitalisation systématique après toute tentative de suicide. L’hospitalisation a un
rôle très important. Elle permet en tant que cadre de donner un espace de
représentation et de verbalisation, dont l’utilisation dépendra des possibilités du
sujet [29]. Elle permet une séparation symbolique du jeune et de ses parents, et
donc une différenciation, le jeune étant souvent pris dans des problématiques
complexes dominées par des oscillations entre fusion et défusion [27]. Elle permet
d’éviter une banalisation du geste. Cette hospitalisation n’est pas toujours
immédiate. Elle ne l'est pas pour 8% des enfants dans notre étude et 7 à 24% dans
la littérature [5, 8].
La durée moyenne d’hospitalisation retrouvée dans la littérature est de 3-4 jours
41
pour les 6-14 ans [11], 3,4 jours pour des 6-18 ans [17] mais pour les 6-12 ans, elle
augmente, étant de 9 jours [5] et 8,9 ± 6,5 jours [8]. Nos chiffres sont similaires:
9,6 jours ± 10 jours. La durée de séjour diminue avec l’âge [14].
L’élément central de l’hospitalisation est la psychothérapie [9]. La psychothérapie
individuelle de l’enfant est fondamentale mais un travail familial est aussi souvent
proposé. Durant l’hospitalisation, le psychiatre favorise les rencontres avec les
parents et si besoin avec les frères et sœurs. Delamare insiste sur
l’accompagnement familial [5]. Il conseille aussi un suivi psychologique durant au
moins un an.
L’évaluation et la prise en charge sociale sont systématiques dans le cadre de
l’hospitalisation des TS de l’enfant, contrairement à celle de l’adulte. Les contextes
de vie particulièrement difficiles de ces enfants obligent parfois à mettre en place
des mesures très spécifiques comme changer de mode de garde, changer de lieu de
vie, changer d’école. Cela peut aussi déboucher sur la mise en place d’une mesure
éducative. Les mesures de protection judiciaire sont plus ou moins fréquentes.
Dans la littérature, une information préoccupante ou un signalement judiciaire
étaient effectués dans 5 à 26% des cas [5, 8, 17], nos résultats vont également dans
ce sens.
Dans notre étude, les psychotropes sont prescrits pour 37% des enfants à la sortie
d’hospitalisation, alors que 31% en avaient à l’entrée. Il est initié dans 8,3% des
cas et seulement dans 6,8% des cas dans l’étude de Delamare [5]. L’évaluation
d’un traitement psychotrope sur la diminution ou l’augmentation des récidives des
TS chez l’enfant est à rattacher en premier lieu avec la pathologie psychiatrique
traitée.
42
4.4/Limites
Notre étude ne portant que sur des patients hospitalisés dans le service de
pédopsychiatrie, les patients ayant été admis pour TS et hospitalisés dans d’autres
services faute de place ou du fait de la spécificité du tableau clinique (chirurgie du
fait d’un geste traumatique), sous-estime peut être le nombre.
Comme toutes études rétrospectives, il est souvent difficile de retrouver toutes les
données dans le dossier médical, notamment ici sur la prise en charge sociale. Une
réflexion est actuellement en cours afin que les dossiers soient le plus exhaustif
possible.
43
5/ Conclusion
Cette population apparaît bien spécifique car elle se différencie des populations
d’adolescents suicidants par un sexe ratio plus élevé à 0,85 versus 0,09 à 0,32 selon
les études [4, 8, 12, 14]. Les filles (26) restent plus nombreuses que les garçons
(22). Les moyens violents sont également surreprésentés à cet âge,
particulièrement chez les garçons. En moyenne, ils sont plus jeunes (p = 0,047) et
ils utilisent des moyens plus violents (p = 0,048) que les filles.
L’évaluation socio-environnementale montre que ces enfants ont une famille plus
souvent désunie que ceux de la population générale. Ils ont plus souvent fait l’objet
de mesures de placement ou de mesures éducatives. On perçoit combien
l’insécurité environnementale empreinte d’expériences de pertes ou de séparations,
peut entraîner un dépassement des capacités d’adaptation de l’enfant qui répond
par un passage à l’acte.
Ainsi cette population est particulièrement à risque d’autant plus qu’à l’âge adulte,
le risque de décès par suicide est plus grand lorsqu’il existe un antécédent de
tentative de suicide par méthode violente.
De manière générale, les enfants ayant réalisés une TS devraient être hospitalisés
systématiquement, permettant une évaluation psychologique et socioenvironnementale. La psychothérapie ultérieure est fondamentale. Il serait
intéressant de poursuivre cette étude en observant les enfants de moins de 11 ans.
Les caractéristiques des enfants de [12-13[ans semblent plus se rapprocher de
celles des populations d’adolescents suicidants. Un suivi longitudinal de ces
enfants jusqu’à l’âge adulte ou tout au moins jusqu’à un âge plus avancé dans
l’adolescence permettrait d’évaluer leur devenir en fonction de l’évaluation initiale
et des mesures médico-psycho-sociales mises en place.
44
IV. A propos de l’article
1/Généralités
1.1/Définition de la tentative de suicide
Le sociologue Emile Durkheim définit la tentative de suicide comme un suicide
arrêté avant que la mort ne survienne , et le suicide comme "Tout cas de mort qui
résulte directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif, accompli par la
victime elle-même et qu'elle savait devoir produire ce résultat." [30].
L’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (actuellement succédée
par la haute autorité de santé), en 1998, délimite cette conduite comme "ayant pour
but de se donner la mort sans y aboutir." [31]
Pour l'Organisation Mondiale de la Santé, une tentative de suicide est " tout acte
délibéré, visant à accomplir un geste de violence sur sa propre personne
(phlébotomie, précipitation, pendaison, arme à feu, intoxication au gaz...) ou à
ingérer une substance toxique ou des médicaments à une dose supérieure à la dose
reconnue comme thérapeutique." [22].
1.2/Epidémiologie
1.2.1/Prévalence du suicide chez les enfants
La prévalence du suicide des enfants semble de l’ordre de 1 à 10 pour 100 000 [3234]. Mais ces données sont élargies jusqu’à l’âge de 14 ans. D’après Tanney, le
suicide des enfants de moins de 10 ans ne représenterait que 2% des suicides des
moins de 14 ans, soit 1 à 10 pour 10 millions d’enfants de moins de 10 ans [35].
45
De 1933 à 1990, aux Etats-Unis:
De 5 à 9 ans, il y avait habituellement moins de 5 suicides par an.
Et de 10 à 14 ans, il y avait approximativement 50 à 200 suicides par an [36].
Les statistiques québécoises du Bureau du Coroner démontrent une légère hausse
au fil des ans. On comptait pour 100 000 habitants, chez les 10-14 ans, en 1989, 3
suicides, contre 8 en 1999, 8 en 2000 et 12 en 2006 [37].
Les statistiques canadiennes révèlent 18 cas de suicide chez les 5 à 9 ans entre
1970 et 1992. » [38]
Entre 1950 et 1992, on n’a recensé au Canada aucun cas attesté de suicide dans le
groupe d’âge de 0 à 4 ans. Au cours de la même période, 18 cas de suicide ont été
constatés pour la tranche d’âge des 5 à 9 ans (13 des victimes étaient de sexe
masculin), et le taux de suicide selon l’âge pour ce groupe (garçons et filles
confondus) a culminé en 1975, avec une incidence de 0,2 décès pour 100 000
habitants. Avant 1970, aucun suicide n’était rapporté. Deux hypothèses sont
possibles, soit ils n’étaient pas reconnus comme tel avant 1970, soit il s’agit d’un
nouveau phénomène [38].
1.2.2/Ratio suicide/TS
Le ratio de suicides réussis/ tentatives, est difficile à estimer. Il serait moindre que
chez l’adulte, de l’ordre de 1/50 [12].
D’après une seule étude, les taux de suicide par rapport aux tentatives aux Etats
Unis sont plus élevés chez les garçons que chez les filles et le sont aussi plus chez
les blancs que chez les non blancs [24].
46
1.2.3/Ratio idées suicidaires/TS
Dans l’étude de M. Kovacs le ratio des idées suicidaires/tentative de suicide est de
6/1 avec une moyenne d’âge de 11 ans [45].
1.3/Facteurs de risque
Les facteurs de risque de tentative de suicide chez l’enfant sont très peu connus.
Les seuls qui sont vraiment bien identifiés sont le contexte familial et l’antécédent
de tentative de suicide ou d’idées suicidaires.
Duché D.-J. remarque que la conduite suicidaire entre 4 et 12 ans s'inscrit dans un
contexte de déséquilibre et de malaise affectif. On retrouve régulièrement dans les
antécédents, des dissociations familiales, des situations d'abandon, de rupture, de
violence, de deuil [12].
Plusieurs études prospectives de grande ampleur ont montré que les tentatives de
suicide au cours de l’enfance sont un facteur de risque pour le suicide à
l’adolescence ou à l’âge adulte [7, 34, 47, 48].
Les tentatives de suicide au cours de l’enfance sont un des principaux facteurs de
risque et donc l’un des meilleurs prédicteurs de tentative de suicide et de mort par
suicide à l’âge adulte [47, 48].
Les idées suicidaires, beaucoup plus fréquentes que les gestes suicidaires, ont une
valeur prédictive à long terme presque équivalente en ce qui concerne la «
suicidalité » adolescente ou adulte.
Ce fait, de prime abord surprenant, s’explique ainsi : les idées suicidaires sont, à
47
tous les âges, plus fréquentes que les actes suicidaires. Or, la prévalence des idées
suicidaires semble assez stable au cours du développement, alors que la prévalence
des conduites suicidaires augmente régulièrement avec l’âge. Mais les enfants qui
passent à l’acte, se retrouvent presque exclusivement parmi ceux qui avaient
antérieurement des idées suicidaires. De ce fait, la proportion, parmi les enfants
ayant des idées suicidaires, de ceux qui passent à l’acte augmente régulièrement
avec l’âge, ce qui rend compte de la valeur prédictive de l’idéation suicidaire
infantile en ce qui concerne la suicidalité ultérieure [48].
1.4/Facteurs protecteurs
Pour l'OMS, les facteurs protecteurs de suicide de personne de tout âge sont:
[22]
Appui des membres de la famille, des amis et d'autres relations importantes,
Croyances religieuses, culturelles et ethniques,
Engagement communautaire,
Une vie sociale satisfaisante,
Intégration sociale, par exemple, à travers le travail, l'emploi constructif du temps
libre,
Accès aux traitements et aux services de santé mentale.
1.5/ Controverse de la possibilité d'idées suicidaires chez
l'enfant
Le suicide est resté longtemps tabou, gardé secret dans les limites de la sphère
familiale. Le suicide a été reconnu en France comme une priorité de santé publique
à partir de la fin des années 90.
La reconnaissance du suicide de l’enfant a longtemps fait l’objet de polémiques et
48
continue à ce jour, surtout au sujet des enfants les plus jeunes. Dans la littérature,
M. Durand Fardel (1855) fut le premier auteur français rapportant des cas de
suicide chez l’enfant. Pour cet auteur : « l’idée du suicide est si peu compatible
avec celle de l’enfance, qu’on se résigne difficilement à voir, dans leur
rapprochement, autre chose qu’une monstrueuse exception » [1]. En 1964, Weill
avançait que « la TS n’existe pas chez l’enfant » [40].
Si la plupart des auteurs estiment que la notion de suicide est discutable avant neuf
ans, en raison de leur immaturité du concept de mort, quelques cliniciens décrivent
des comportements suicidaires chez les enfants d’âge préscolaire [2,41,42].
D'autres iront jusqu'à nier la TS chez l’enfant alors qu'ils tentent de la définir. Ils
doutent de la réalité de l'acte suicidaire quand le suicidant n’a pas encore acquis le
caractère inéluctable de la mort.
"L'observation d'un enfant de onze ans venant de faire une tentative de suicide
permet de constater que celle-ci était précédée depuis plusieurs années par des
idées suicidaires caractéristiques et récurrentes" [7].
"Une deuxième observation, celle d'une fillette suicidaire de 6 ans permet de
constater que l'existence des idées suicidaires clairement exprimée et accompagnée
de la représentation d'un mode opératoire efficace est compatible avec une
représentation immature de la mort" [7].
Dans les écoles primaires, un enfant sur sept a déjà songé à s'enlever la vie, selon
une étude menée à Montréal, en 1995, par Brian Mishara, directeur du Centre de
recherche d'intervention et de prévention du suicide de l'UQAM. Son échantillon
était restreint (65 écoliers), mais ses résultats sont similaires à ceux des recherches
américaines.
En 1999, Jean-Jacques Breton a dû se battre pour que le ministère de la Santé
accepte de questionner les enfants au sujet du suicide aux fins de l'Enquête sociale
49
et de santé auprès des enfants et des adolescents. Et il a eu raison : 8 % des 1300
enfants de 9 ans interrogés ont répondu oui à la question suivante: «As-tu
sérieusement pensé à te tuer au cours de la dernière année?» [39]
L’idée que les enfants ne se suicident pas est tellement ancrée dans notre société
que l’OMS a retenu cette idée dans sa liste des mythes à combattre pour améliorer
la prise en charge des suicidants. Le mythe est explicité de la manière suivante :
« Les enfants ne se suicident pas parce qu'ils ne savent pas que la mort est
définitive et parce qu'ils sont cognitivement incapables d'entreprendre un acte
suicidaire. » Ils insistent pour infirmer cette idée : Bien qu'ils le fassent rarement,
les enfants se suicident et tout geste suicidaire à tout âge, devrait être pris au
sérieux [22].
1.6/ Age de l'acquisition du concept de la mort
Les résultats actuels de la psychologie du développement semblent établir que le
concept de mort n’est véritablement maîtrisé qu’aux alentours de neuf ans [7].
La plupart des auteurs estime que la notion de suicide est discutable avant neuf ans
[2,41,42].
Mishara affirme que 82 % des enfants de 10 à 12 ans « ne comprennent pas
complètement que la mort peut survenir, même si une personne est prudente et a de
la chance, par suite d’un processus interne » [6]. Le processus interne fait
notamment allusion à la survenue d’une maladie mortelle. L’enfant ne comprend
pas qu’on puisse mourir de maladie.
La maturité du concept de mort est liée au niveau de développement cognitif et
affectif de l’enfant. Ce dernier évolue en lien avec l’environnement (vécu
50
personnel de l’enfant, vécu et discours des parents). Les enfants développent une
compréhension du suicide par trois sources : les discussions avec les enfants plus
âgés, la télévision et l’acte suicidaire d’un membre de l’entourage [6].
Un travail classique mais très ancien de Piaget avait montré que la notion d’être
vivant se différencie très lentement de la notion d’un objet non vivant. L’enfant
confond pendant très longtemps la vie et la motricité. Les concepts de vie et de
mort ne sont véritablement compris que vers neuf ou dix ans [43]. Normand et
Mishara ont étudié, au moyen d’entretiens semi-structurés, les représentations
d’écoliers québécois de 6 à 13 ans concernant la mort et le suicide [6, 44]. Ils
confirment des travaux antérieurs montrant que le concept infantile de la mort
change au cours du développement.
Les quatre notions pour avoir une compréhension totale de la mort sont acquises à
des âges différents.
La notion mature de mort comprend les idées d’irréversibilité (finalité) de la mort
(le mort ne peut pas revivre, la mort est un état définitif), d’universalité (tout le
monde meurt un jour, il n’y a pas d’exception), d’imprévisibilité (on sait qu’on
mourra, mais on ne peut savoir à l’avance quand). À ces notions, Mishara ajoute
celle d’inévitabilité, qui ne se différencie de celle d’universalité que par une plus
grande extension ; c’est-à-dire l’enfant comprend que l’universalité de la mort ne
concerne pas seulement les êtres humains, mais s’applique à l’ensemble des êtres
vivants dont les plantes [6]. La notion mature de la mort intègre l’idée d’un
déterminisme de la mort, c’est-à-dire que la mort ne survient pas sans raison,
qu’elle est la conséquence d’événements ou de processus internes (accidents,
maladies, vieillesse). On peut supposer que c’est seulement lorsque ces quatre
aspects sont compris que l’enfant peut former, en toute connaissance de cause, de
véritables idées de suicide comparables à celles des adolescents ou des adultes [6].
51
Les enfants comprennent l’irréversibilité de la mort dès l’âge de six ou sept ans.
Deux seulement des 65 sujets de Mishara, tous deux âgés de moins de huit ans,
croyaient encore que les morts pouvaient revivre. Mais les deux tiers des enfants
de six à sept ans déclaraient que les morts peuvent sentir et voir. Cette croyance est
encore partagée par 20 % des enfants de 11 ans. [6].
1.7/Hypothèses expliquant le taux de suicide
Pour l'Organisation Mondiale de la Santé, le suicide résulte d'une interaction
complexe de facteurs biologiques, génétiques, psychologiques, sociologiques,
culturels et environnementaux [22].
Il y a plus de 100 ans, Émile Durkheim montrait dans son ouvrage fondateur « Le
Suicide », le lien existant entre le taux de mortalité par suicides et la qualité du lien
social caractérisant une société donnée à un moment de son histoire.
Selon cet auteur, l’anomie sociale – c’est-à-dire dans notre langage actuel le
délitement du lien social – est corrélée avec l’augmentation du nombre de suicides.
Cette observation reste pertinente aujourd’hui et depuis un siècle, de nombreux
travaux épidémiologiques, médicaux et psychologiques ont précisé la nature du
lien entre souffrance sociale et désespoir pouvant conduire au geste suicidaire [30].
D’après Dagenais, le suicide des jeunes débute en parfaite coïncidence avec la
crise de la famille qui a commencé dans les années 1960 dans la plupart des
sociétés occidentales. Il s’agit d’un phénomène occidental en ce qu’il apparaît lié à
un type de société.
Cette dimension sociétale apparaît aussi en lien avec la chronologie du phénomène.
Le suicide des jeunes s’étend à la grandeur de l’Occident et il émerge au moment
52
où ce type de société connaît des bouleversements importants. Commençant au
cours des 30 Glorieuses, le suicide des jeunes coïncide avec la période de notre
histoire récente où les deux piliers de la société capitaliste, famille et industrie, sont
profondément bouleversés.
Il correspond au passage vers une société post-industrielle.
Inexistant tout au long du XX e siècle, le suicide jeune surgit pour les deux sexes à
partir des années 1960, mais il est marqué par une forte surmortalité masculine,
elle-même constituant une amplification de la surmortalité masculine qui était
propre aux sociétés industrielles [36].
Pour Dagenais, le suicide chez les jeunes " témoigne, d’une manière dramatique,
des conséquences liées à l’effondrement de l’institution familiale."[36]
1.8/Hérédité
Pour Duché, on ne peut conclure que, mise à part la mélancolie, il n'y a pas de
facteur génétique prédisposant au suicide [12].
Kallmann s'est efforcé de reprendre la question, par l'étude de couples de jumeaux
homozygotes et hétérozygotes. Il a pu trouver 10 paires de jumeaux homozygotes
et 17 de jumeaux hétérozygotes où il y avait eu un suicide de l'un des jumeaux. Or
aucun des jumeaux survivants, qu'il soit homo ou hétérozygote, ne s'est suicidé
[52]. Ces résultats ne permettent pas de conclure à un facteur héréditaire.
1.9/Sens donné à la TS
Pour Duché, la tentative de suicide est un pari, une sorte de fuite impulsive et
immédiate devant l'obstacle, sans se soucier des conséquences de ce geste. Le geste
suicidaire résout une tension insupportable. Il apporte une conclusion absurde mais
53
immédiate à un problème qui apparait comme sans solution; mais sans souci aucun
de sa signification [12].
Pour Dagenais, le suicide peut être appréhendé comme le meurtre d’une identité
[36].
Il y a quatre fonctions de l’acte suicidaire chez l’enfant : la fuite devant une
situation jugée intolérable, l’appel à l’aide, l’autopunition et le désir de rejoindre
un être cher perdu [12, 46].
2/Résultats non publiés
2.1/Population
2.1.1/Répartition d’âge selon le sexe en diagramme
Figure 1 : Nombre de garçons et de filles par tranche d'âge
20 18 18 16 14 12 10 9 8 6 6 4 2 3 3 3 2 1 1 1 1 0 6 ans 8 ans 9 ans Filles 10 ans 11 ans 12 ans Garçons 54
2.1.2/Structure familiale
2.1.2.1/Mode de garde
Les familles des garçons semblaient plus déstructurées. Il existait plus de garçons
que de filles vivant en foyer (p=0.03). Il existe une différence significative entre le
mode de garde des filles et celui des garçons (p=0.0002). Comme l’explicite la
figure 2, les garçons étaient plus souvent gardés uniquement par leur mère, en
foyer ou en famille d’accueil (n=16) et les filles, étaient plus souvent gardées par
leurs deux parents soit ensemble soit en garde alternée (n=21).
Figure 2 : Mode de garde en fonction du sexe
Mode de garde Filles Garçons 5 8 1 6 1 Parents ensembles Garde alternée Famille d’accueil Au domicile de la mère 1 Foyer Mère + Foyer 55
2.1.2.2/Contact avec les parents
Les contacts avec les parents étaient irréguliers pour 21 enfants, soit 44%.
Chez les moins de 11 ans, ils étaient 7 sur 12, ce qui représente 58% de cette
tranche d’âge et chez les 11-12 ans, ils étaient 14 sur 26, soit 39%. Nous allons
décrire le contexte de chacun.
Chez les moins de 11 ans, il y avait 4 garçons et 3 filles :
1. Un garçon était en famille d’accueil et gardé 1 jour sur 14 par ses deux parents
encore ensemble.
2. Un garçon vivait en foyer et ne voyait son père qu’une fois par an. ,
3. Un garçon qui n’a pas connu son père, parti pendant la grossesse, habitait
alternativement en foyer et chez sa mère.
4. Un garçon vivait en foyer et avait des visites de sa mère en présence d’une
médiation.
5. Une fille ne voyait plus jamais son père depuis l’âge de 3 ans.
6 et 7. Les 2 autres filles étaient en garde alternée.
Chez les 11-12 ans, il y avait 7 garçons et 7 filles :
Deux filles n’avaient plus de contact avec leur père, dont une qui avait des visites
médiatisées très courtes de sa mère 1 heure/14 jours.
Une fille vivait avec sa mère et ne voyait plus son père depuis un mois et demi car
ses parents s’étaient séparés.
Un garçon voyait son père deux fois par an.
56
Un autre garçon n’avait plus de nouvelles de sa mère depuis de nombreuses
années.
Quatre avaient des visites épisodiques du père.
Deux n’avaient plus que des contacts téléphoniques avec leur père.
Les 3 derniers étaient en garde partagée.
2.1.2.3/Fratrie
Au niveau de la fratrie, treize étaient enfants uniques (27%) dont huit qui avaient
des demi-frères ou des demi-sœurs mais seulement deux vivaient avec eux.
En général, ils n’appartiennent pas à des familles nombreuses. Ils avaient en
moyenne 1,2 frères et sœurs et 0,6 demi-frères et demi- sœurs. Il existait un tiers
d’ainés, un tiers de cadets.
Tableau 4 : Fratrie
Moyenne des:
Frères et sœurs
Dans une famille
Dans une famille
unie (n=21)
recomposée (n=27)
1,8 frères et sœurs
0,8 frères et sœurs
Total
1,2 frères et
sœurs
Demi-frères et
0,3 demi-frères et
1,3 demi-frères et
0,9 demi-frères et
demi-sœurs
demi-sœurs
demi-sœurs
demi-sœurs
Fratrie totale
2,1 au total
2,1 au total
2,1 au total
Fratrie totale à
1,6 à domicile
0,8 à domicile
1,2 à domicile
domicile
57
2.1.3/Contexte de vie difficile
2.1.3.1/Décès d’un proche
Aucun des enfants n’avait de parent décédé.
Le décès d'un proche, oncle, tante, grands-parents, beaux-parents ou ami des
parents, était survenu dans l'année précédente dans 21% des cas. Les moins de 11
ans avaient plus été confrontés à des décès récents (p=0,04) que les 11-12 ans.
2.1.3.2/Placement
Huit enfants étaient placés soit en foyer, soit en famille d’accueil. Ces enfants
avaient quelques différences avec les autres enfants de l‘échantillon :
Les parents étaient toujours séparés (p=0,031). Ils avaient plus souvent redoublé
(p=0,029). Ils avaient plus de difficultés scolaires (p=0,0053). Le père était plus
souvent absent pendant l’hospitalisation (p=0,025).
2.1.3.3/Difficultés relationnelles
Des difficultés relationnelles étaient rapportées par l'enfant (77%) et plus
fréquemment chez les garçons (p=0.0062). Les difficultés les plus souvent
rapportées étaient avec les parents ou les éducateurs.
2.1.3.4/Difficultés scolaires
Tous les enfants étaient scolarisés, 17 étaient en primaire et 26 au collège et 50%
n’avaient pas de difficultés scolaires. Pour cinq enfants, les données étaient
manquantes. Là encore, c’était les garçons qui avaient plus de difficultés scolaires
(p=0.016).
58
2.1.3.5/Fugues
Cinq enfants avaient déjà fugué, soit 10% des 48 enfants. Leurs parents étaient tous
séparés.
2.1.3.6/Suivi psychologique antérieur
Les motifs de suivi psychologique antérieur rapportés par les parents ou les
éducateurs étaient très diversifiés. C’étaient les suivant :
Troubles du comportement (n= 4), Dépression (n=4), Tentatives de suicide (n=3),
Troubles somatoformes indifférenciés (n= 2, malaises à répétition, aphonie),
Encoprésie (n= 2), Anxiété (n=2), Retard des apprentissages scolaires (n= 2),
Troubles du sommeil (n=2), Episodes d’agitation (n=2), Séparation parentale
(n=2), Trouble psychotique (n= 1), Phobie sociale (n=1), Trouble des conduites
(n= 1), Trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité et impulsivité (n= 1),
Etat de stress post-traumatique (n= 1, enlèvement), Violence physique (n=1),
Conflit avec la mère (n=1).
2.1.4/Antécédents
2.1.4.1/Antécédents personnels médicaux
Six avaient présenté des pathologies médicales particulières et les six avaient eu un
suivi psychologique antérieur.
1 : un urticaire géant et une pyélonéphrite,
2 : exérèse d’une tumeur du tronc cérébral,
3 : prématurité et retard staturo-pondéral,
4 : leucémie en rémission complète et épilepsie nécessitant une hospitalisation de
jour, 2 fois par semaine,
5 : encoprésie jusqu’à l’âge de 10 ans,
59
6 : pathologie cardiaque, retard staturo-pondéral et retard du langage en cours
d’exploration. Cette dernière présentait aussi des éléments psychotiques.
2.1.4.2/Antécédents personnels de traitements psychotropes
Quinze avaient déjà un traitement psychotrope. C‘étaient des neuroleptiques
(cyamémazine, halopéridol, rispéridone, olanzapine, tiapride), des antidépresseurs
(amitriptyline, fluoxétine) ou des benzodiazépines (clonazépam, bromazépam,
clobazam).
Les garçons étaient plus nombreux à être traité par psychotrope que les filles mais
le résultat n’était pas significatif bien qu’à la limite de la significativité de 0,05
(p=0,0508).
2.1.4.3/Antécédents familiaux psychiatriques
Il existait 15 enfants rapportant un ou plusieurs problèmes psychiatriques dans leur
entourage. Ils étaient en majorité confronté à une dépression, le plus souvent c’était
un de deux parents, mais aussi à une tentative de suicide, un suicide, une psychose,
une addiction ou plusieurs associés.
Tableau 5 : Antécédents psychiatriques familiaux :
Antécédents psychiatriques familiaux
n=
Fréquence
Aucun
33
68,8%
Dépression
7
14,6%
Tentative de suicide
5
10,4%
Psychose
4
8,3%
Suicide
3
6,3%
Addiction
3
6,3%
60
2.2/Le geste
2.2.1/Répartition des TS par mois de l’année
Figure 3 : Répartition des TS par mois de l’année
12 Nombre de TS 10 8 6 4 2 0 Janv Fév Mars Avri Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Déc 2.2.2/Moyens utilisés pour la TS
Figure 4 : Moyens utilisés pour la TS
tentaPve de pendaison: 3 tentaPve de stangulaPon: 4 tentaPve de noyade: 1 IMV: 26 tentaPve de défenestraPon: 12 mise de la tête dans le four: 1 ingesPon de produits causPques: 1 61
2.2.3/Enfant ayant réalisé la TS avec leur traitement habituel
Figure 5: Enfants ayant réalisé la TS avec leur traitement habituel
5 4 NeurolepPque et AnPdépresseur 3 NeurolepPque 2 Benzodiazépine 1 AnPdépresseur 0 6 ans 8 ans 11 ans 12 ans Les 8 autres enfants traités par psychotropes n’ont pas réalisé d’IMV. Voici la
répartition du traitement en fonction de l’âge :
Figure 6 : Enfants traités par psychotrope n’ayant pas réalisé de TS avec leur
traitement
6 5 NeurolepPque et AnPdépresseur 4 NeurolepPque 3 Benzodiazépine 2 1 AnPdépresseur 0 8 ans 9 ans 10 ans 11 ans 12 ans 62
Aucune famille de traitements psychotropes semble favoriser particulièrement
l’IMV avec son propre traitement. L’âge jeune n’est pas un facteur de risque de
faire une IMV avec son propre traitement.
Les 19 autres réalisaient une IMV avec des médicaments sans lien avec leur
traitement habituel.
2.2.4/Violence du geste selon les [6-11[ans et les [11-13[ans
Figure 7 : Répartition des moyens violents ou non violents selon le sexe et la
tranche d’âge des plus ou moins 11 ans.
17 Filles≥11 ans 4 1 Filles<11 ans 4 7 Garçons≥11 ans 8 2 Garçons<11 ans 5 0 2 4 6 Non violent 8 10 12 14 16 18 Violent Il apparaît que les moyens non violents sont majoritaires chez les filles de 11-12
ans et les moyens violents sont utilisés plus fréquemment que les non violents chez
tous les autres (filles de moins de 11 ans et tous les garçons). Ce classement en 2
catégories reflète peut-être deux maturités différentes : les adolescents (filles de
11-12 ans) et les enfants (filles de moins de 11 ans et garçons de moins de 13 ans).
L’âge de l’adolescence peut être défini vers 11 ans chez les filles et 12-13 ans chez
63
les garçons. Nous allons calculer la différence de la violence du geste en fonction
de l’entrée dans l’adolescence dans le paragraphe suivant.
2.2.5/Violence de la TS en fonction de l’âge de l’entrée dans
l’adolescence.
Tableau 6 : Comparaison de la violence de l’acte avant et après l’âge moyen de
l’entrée dans l’adolescence.
Moyens
Enfants :
Adolescents :
Filles [6-11[ans et
Filles [11-13[ans
Garçons [6-13[ans
Non violents : 10
17
Violents :
4
17
Test exact de Fischer : p=0,0034
Odds Ratio : 0,1449 Intervalle de confiance à 95% [0,0274 ; 0,6111]
D’après l’odds ratio, on a 7 fois plus de risque d’utiliser une méthode violente
avant l’adolescence qu’après. On retrouve une différence très significative
(p=0,0034) entre les moyens violents et non violents selon l’entrée dans
l’adolescence (Tableau 6).
2.2.6/Facteurs déclenchants
Aucun facteur déclenchant n’était mis en évidence dans 37,5% des cas, soit 18 cas.
Les facteurs déclenchants observés dans la majorité des cas étaient un conflit
affectif comme une dispute avec un parent, un éducateur, une personne de la
famille ou un ami (n=22).
64
La rupture amoureuse était le facteur déclenchant pour 3 filles de plus de 12 ans et
9 mois. Les autres facteurs déclenchants étaient uniques comme un message vocal
du père qui ne veut plus voir son enfant, un attouchement, l’annulation de la visite
du père au foyer, le jour de la vente de la maison familiale, des hallucinations lui
demandant de mourir.
2.3/La prise en charge
2.3.1/Les durées moyennes d’hospitalisation selon l’âge et le
sexe.
L’hospitalisation durait en moyenne 9,6 jours avec un écart type de 10 jours.
Tableau 7: Moyenne des durées d’hospitalisation selon l’âge
Moyenne de
la durée moyenne d’hospitalisation
Selon les tranches
d’âge :
6 ans
9 jours DS : 0
8 ans
7 jours DS : 3,4
9 ans
10 jours DS : 1
10 ans
12 jours DS : 4,2
11 ans
15 jours DS : 19
12 ans
8 jours DS : 7,1
65
Tableau 8: Moyenne des durées d’hospitalisation selon le sexe
Selon le sexe :
Femme
11 jours DS : 11,8
Homme
8 jours DS : 7
Il n’y a pas de différence significative des durées moyennes d’hospitalisation selon
l’âge ou le sexe.
2.3.2/Psychotropes
Les traitements psychotropes ne sont pas modifiés pour 10 enfants.
Il est arrêté dans un cas d’IMV avec son traitement.
Il est débuté dans 4 cas (8% des 48). Des petites doses de neuroleptique sont
ajoutées pour trouble somatoforme indifférencié chez un enfant et pour trouble
mixte des conduites et troubles émotionnels chez un autre.
La quatrième, une fille de 11,8 ans, a commencé un antidépresseur devant une
dépression.
Et le dernier, un antihistaminique anxiolytique est prescrit pour réaction à un
facteur de stress.
Le traitement est modifié dans 4 cas :
1. un arrêt d’antidépresseur et début d’antipsychotique devant un trouble
envahissant du développement,
2. un ajout d’un neuroleptique devant un trouble obsessionnel compulsif,
3. un ajout d’antihistaminique à un antidépresseur devant un trouble dépressif,
4. et dans le dernier cas, un 2ème neuroleptique (risperidone) est ajouté au 1er
(tiapride) devant un trouble dépressif.
66
Les garçons traités par psychotropes semblaient plus jeunes (10,57 ans) que les
filles (12,44 ans) mais la différence n’était pas significative (p= 0,2).
Plus de la moitié des enfants sortaient sans traitement (30/48).
2.3.3/Information préoccupante et signalement judiciaire
Pendant l’hospitalisation, les médecins ont déclaré 3 enfants au conseil général par
une information préoccupante (ou un complément pour l’un d’eux) et une enfant
au procureur de la république qui a ordonné un placement provisoire. C’était une
fille de 12 ans, victime de violence physique de la part de sa mère. Le juge des
enfants avait déjà mis en place une Aide Educative en Milieu Ouvert (AEMO). La
jeune fille demandait à être placée depuis plusieurs années. La TS intervenait dans
ce cadre-là. A la suite, elle fut placée en foyer.
2.3.4/L’investissement parental
Les mères étaient plus souvent présentes pendant l’hospitalisation que les pères.
A la suite de la TS de leur enfant, la mobilisation parentale augmente. Certains
dont le contact était rompu avec un parent le voyaient pendant l’hospitalisation.
L’hospitalisation était un temps fréquemment utilisé pour organiser des rencontres
plus régulières entre l’enfant et ses parents à la suite de tentative de suicide.
Il est à noter que les enfants dont leur père était absent pendant l’hospitalisation
(n=12/48), avaient tous leurs parents séparés (p=0,00036) et avaient plus souvent
eu un suivi psychologique que ceux dont le père était présent (p=0,0088).
67
3/Eléments de discussion non publiés
3.1/Population
3.1.1/Différence des garçons
Sur cet échantillon, les contextes de vie des garçons sont significativement
différents de ceux des filles. Leurs parents sont plus souvent séparés et à un âge
plus jeune pour l’enfant. Ils ont des contacts plus irréguliers et sont moins souvent
gardés par les deux. Ils ont plus de difficultés relationnelles, plus de difficultés
scolaires. Un suivi psychologique et des mesures éducatives sont plus souvent mis
en place. Nous pouvons conclure que les garçons suicidants de 6-12 ans ont des
contextes de vie plus difficiles que les filles du même âge. Pourtant dans la
population générale, il n’existe pas plus de garçons que de filles ayant des
contextes de vie difficile. Pourquoi le sont-ils dans cette population de suicidant ?
Sont-ils plus fragiles que les filles ? Une première piste de réflexion est la
signification de l’absence du père pour les garçons. A cet âge-là, une fille a moins
besoin de son père qu’un garçon pour se construire. Dans un même contexte de vie
difficile, une fille peut trouver d’autres référents alors qu’il est plus difficilement
remplaçable pour le garçon.
D’après Boris Cyrulnik, la principale explication est la pression sociale plus forte
sur les petits garçons que sur les petites filles dans nos pays industrialisés [20].
3.1.2/Place dans la fratrie
Nos résultats ne font pas ressortir particulièrement de lien entre la place dans la
fratrie et les tentatives de suicide. Nous avons recueilli la donnée de la place dans
la fratrie sans spécifier si c’était la dernière place, ce qui aurait été intéressant.
On peut noter qu’il existe peu de familles très nombreuses. Si le lien peut être
considéré comme facteur protecteur, les grandes fratries le sont peut-être.
68
Dans l'étude de Lawler, sur 22 enfants, 7 sont les ainés, 5 les derniers, 3 enfants
uniques et 7 ont une autre place [9]. Ces résultats n’apportent pas plus d’arguments
pour valider une place dans la fratrie comme plus à risque.
Une étude, en 1949, a cherché si la place de l'enfant dans la fratrie avait un lien
avec les tentatives de suicides:
Tableau 9 : Résultats de la place de la fratrie
Rangs dans
Enfant
la fratrie:
unique
N
7
Ainé
2ème
3ème
4ème et au
dela
49
19
10
17
L'auteur considère que les difficultés affectives propres à l’ainé peuvent
conduire à des perturbations qui favorisent les tentatives de suicide [52].
3.1.3/Suivi psychologique antérieur à la TS : critère de
gravité?
S’il n’existe pas de suivi psychologique avant l’hospitalisation (n=15), les enfants
sortent sans mesure particulière, sans signalement, sans traitement psychotrope et
leurs pères sont toujours présents pendant l’hospitalisation. Est-ce que la présence
ou l’absence de suivi antérieur change le pronostic ?
Le fait d’avoir déjà eu un suivi psychologique semble détecter des enfants plus
fragiles :
en majorité des garçons (p=0,03),
les parents sont souvent séparés (p=0,001),
leur famille est moins souvent unie (p=0,0004),
un changement de cadre de vie est décidé lors de l’hospitalisation (p=0,04),
69
et le père est plus souvent absent pendant l’hospitalisation (p=0,009).
Et inversement, ceux qui n’ont jamais vu de psychologue ou psychiatre ont des
contextes socio-familiaux plus faciles. Nous ne pouvons pas conclure que c’est un
critère de gravité mais le fait d’avoir un suivi psychologique antérieur permet au
médecin des urgences qui reçoit un enfant suicidant de rechercher tout
particulièrement des éléments de famille insécure dans l’histoire de l’enfant.
Nous pouvons nous poser la question de l’amélioration de la prise en charge
psychologique ou psychiatrique de ces enfants.
Ces enfants qui sont plus fragiles sont déjà entrés dans un parcours de soins. Ces
suicidants ne sont pas des jeunes « sans soin ». Ils ont déjà été dépistés mais la
régularité, la compliance et la satisfaction de la prise en charge « psy » posent
problème [14]. Quel est l’avis de l’enfant sur la poursuite de cette prise en charge
psychologique? Choquet M. compare l’avis du suicidant hospitalisé et celui du
médecin hospitalier sur 543 jeunes de 12-24 ans dont 150 ayant déjà un suivi
antérieur. Les médecins pensent que les chances de suivi ultérieur sont plus
grandes pour eux (75%) que pour ceux sans suivi (48%). Mais ils surestiment
beaucoup les intentions des jeunes qui déclarent se rendre aux consultations
prévues en post-hospitalisation :
- dans 50% des cas pour ceux avec un suivi antérieur
- et seulement pour 25% des cas de ceux sans suivi.
Les enfants de plus de 12 ans déjà suivis auraient donc plus de chance de continuer
leur suivi. Mais ce suivi antérieur ne les a pas empêchés de faire cette tentative de
suicide. Nous ne savons pas comment ils jugent leur prise en charge mais ils
veulent continuer pour 50% d’entre eux. Devant ces jeunes déjà suivis réalisant
tout de même une TS, on peut se poser la question de l’efficacité de la prise en
charge psychiatrique. Ainsi, Laurence a mené une étude entre 1997 et 2006, au
70
Canada, comparant 8279 enfants de 5 à 17 ans entrant pour la première fois dans
une prise en charge de soins psychiatriques à 353 050 n’ayant jamais eu de soins.
Les enfants en soins ont une morbi-mortalité plus élevée que la population
générale avec plus de suicides et plus de tentatives de suicide mais cette morbimortalité diminue ensuite [51].
La conclusion est rassurante. La prise en charge psychiatrique diminue le nombre
de tentatives de suicide et de suicides.
3.1.4/ L’impulsivité, liée aux troubles psychiatriques, est-ce un
facteur de risque de tentative de suicide ?
L’impulsivité du geste est corrélée aux troubles psychiatriques dans l’étude des 619 ans de Halayem et se relève surtout chez ceux qui avaient un « trouble de la
personnalité » comme un état limite ou histrionique [4]. Ceci n’est pas retrouvé
dans notre étude puisqu’aucun trouble de la personnalité n’a été décelé. La
personnalité de l’enfant de 6-12 ans est en phase de développement. Le trouble ne
peut pas encore être porté. Notre étude n’apporte pas d’éléments nouveaux à cette
question. L’impulsivité des enfants est difficile à juger surtout dans une étude
rétrospective.
3. 2/Le geste
3.2.1/Périodicité annuelle
La périodicité annuelle bien connue chez l'adulte, a été retrouvée identique chez
l'enfant. Pour les suicides, il a été constaté chez des sujets de 8 à 17 ans un
maximum de mars à juillet, comme chez l'adulte. Il en est également ainsi pour les
tentatives de suicide [23]. Jacobziner note la répartition suivante pour les tentatives
de suicides des enfants: Janvier à Mars (27%), Avril à Juin (33%), Juillet à
71
Septembre (25%), Octobre à Décembre (15%) [53]. Ceci corrobore l'opinion qui
paraît bien classique et qui est défendue par Durkheim: "Ce n'est ni en hiver, ni en
automne que le suicide atteint son maximum, mais pendant la belle saison."[30].
3.2.2/Facteur déclenchant
Dans notre étude, 35% n’ont pas de facteur déclenchant mais lorsqu’ils existent, ce
sont principalement des disputes avec un parent, ce qui est retrouvé aussi chez
Monier [17] ou Halayem [4]. La littérature met en évidence la prédominance de
facteurs déclenchants futiles [1] ou leur absence [16]. Le facteur déclenchant est
important à relever, notamment son absence qui est généralement considéré
comme facteur de gravité. Son absence est associée à un risque ultérieur plus élevé
de mortalité dans l’étude d’Otto [49]. Et la présence d’un facteur déclenchant futile
interroge sur les capacités altérées de l’enfant à vivre des évènements de déception
affective. Pour Boris Cyrulnik, la trace du manque préexistant ne s’efface pas et
peut se réveiller à l’occasion d’un évènement banal comme une dispute, une
absence momentanée de la mère, une mauvaise note. « Une privation affective,
anodine pour un enfant ayant acquis un attachement sécure, prend pour un enfant
carencé l’effet d’un vide vertigineux que seule une violente auto-agression pourra
calmer. Se donner la mort apparaît soudain comme la seule solution possible pour
soulager un sentiment de perte insoutenable. » [20]. La famille peu sécurisante,
n’étant pas apte à créer un contenant pour l’enfant, accroit sa sensibilité aux
évènements extérieurs. Le passage à l’acte lors d’évènements apparemment bénins
est alors facilité en ravivant des craintes abandonniques [8].
72
3.2.3/Prépondérance
d’une
méthode
violente
avant
l’adolescence
L’étude retrouve une prépondérance de méthodes violentes avant l’adolescence.
L’âge de 11 ans est un âge charnière dans le développement de l’enfant. C’est à cet
âge-là que commence l’adolescence chez les filles. Chez les garçons, l’adolescence
commence plus tard vers 12-13 ans. En divisant, la population en enfant et
adolescent, on note une différence encore plus marquée qu’en les divisant à la
limite d’âge de 11 ans.
En comparant, les enfants avec les adolescents, l’odds ratio est à 7 (p=0,0034) pour
les moyens violents.
En comparant, les moins de 11 ans avec les 11-12 ans, l’odds ratio est à 5,8
(p=0,01) pour les moyens violents.
Ce résultat n’était pas publiable car il compare un groupe d’adolescents sans
garçons avec un groupe d’enfants comprenant des garçons et des filles. Ceci est dû
au fait que l’âge de l’adolescence d’un garçon est estimé à 12-13 ans et que l’étude
n’inclut que des suicidants de 6 à 12 ans.
La conclusion de l’article est qu’il existe une limite d’âge à 11 ans qui identifie une
population où le contexte familial, la psychopathologie et la violence du geste sont
nettement plus graves que chez les plus âgés. Il paraît plus pertinent de placer la
limite à l’entrée dans l’adolescence et non à un âge précis identique pour les
garçons et les filles.
73
3. 3/La prise en charge
3.3.1/Psychotrope
Dans le rapport d’office parlementaire sur le bon usage des médicaments
psychotropes, il est souligné que « Les données issues de quelques essais
thérapeutiques ont suggéré que ces médicaments pourraient augmenter la
fréquence des idées suicidaires (mais pas des décès effectifs par suicide), en
particulier chez les enfants et adolescents » [50].
L’évaluation d’un traitement psychotrope sur la diminution ou l’augmentation des
récidives des TS chez l’enfant n’a jamais été évaluée en prospectif. Mais
l’autorisation de mise sur le marché d’un psychotrope est mise pour traiter une
pathologie et non un risque de récidive de TS.
74
75
BERTHOD Christelle
Les tentatives de suicide de 48 enfants, âgés de 6 à 12 ans entre 2008 et 2011.
Th. Méd. : Lyon 2013; n°
Les tentatives de suicide des enfants de moins de 13 ans sont très peu décrites dans la littérature.
L’objectif de notre étude est de mieux décrire cette population.
Cette étude est descriptive, rétrospective et monocentrique, dans le service de psychopathologie du
développement de l’Hôpital Femme Mère Enfant des Hospices Civils de Lyon. Tous les patients de
moins de 13 ans hospitalisés pour tentative de suicide entre 2008 et 2011 ont été inclus. L’analyse de
l’ensemble des dossiers s’est faite à l’aide d’une grille de lecture permettant de décrire le geste,
l’environnement, les antécédents et la prise en charge.
Les filles sont majoritaires (sex-ratio : 22 garçons/26 filles). En moyenne, les garçons sont plus jeunes (p
= 0,047) et ils utilisent des moyens plus violents (p = 0,048) que les filles. Les enfants utilisant des
moyens violents sont plus jeunes que ceux utilisant des moyens non violents (p= 0,013). Les deux
diagnostics principaux d’hospitalisation sont les troubles de l’adaptation (37,5%) et la dépression (27%).
L’étude de cette population montre un sex-ratio (0,85) différent de celui des populations d’adolescents
suicidants (0,09 à 0,32 selon les études). Les moyens violents sont également surreprésentés sur cette
tranche d’âge.
Cette population est particulièrement à risque sachant qu’à l’âge adulte, le risque de décès par suicide est
plus fort lorsqu’il existe un antécédent de tentative de suicide par méthode violente. Ils doivent être pris
en charge au décours d’une hospitalisation systématique, permettant une évaluation psychologique et
socio-environnementale.
MOTS CLES
-tentative de suicide
-enfants
-épidémiologie
-suicide
JURY
Président : Pf FOURNERET
Membres : Pf JAVOUHEY,
Pf GIRIER,
Dr DESOMBRE,
Dr LIBERAS.
DATE DE SOUTENANCE
21 Mai 2013
ADRESSE DE L'AUTEUR
44 rue Montesquieu 69007 Lyon
76
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