Les glycosides digitaliques ont-ils encore une place dans la

LES GLYCOSIDES DIGITALIQUES ONT-ILS ENCORE UNE PLACE
DANS LA THÉRAPIE DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE CHEZ LE
CHIEN ?
Introduction
Il n’y a pas si longtemps de cela, l’insuffisance cardiaque était classiquement traitée par des
diurétiques et des glycosides digitaliques tels que la digoxine et la digitoxine. Plus que la
digitoxine, c’est la digoxine qui était et est encore utilisée chez le chien, et ceci pour diverses
raisons. La digitoxine ayant une demi-vie sérique courte chez le chien, contrairement à
l’homme, elle devrait être administrée plusieurs fois par jour. Par ailleurs, il existe bien plus
d’études scientifiques concernant la digoxine que la digitoxine. Dans l’article qui suit, nous
nous limiterons par conséquent à traiter de la digoxine.
Au cours de ces dernières décennies, un certain nombre de « nouveaux » médicaments firent
leur entrée dans la thérapie de l’insuffisance cardiaque chez le chien : les IECA (Inhibiteurs
de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine) et les inodilatateurs tels que le pimobendan.
Le coefficient thérapeutique de ces nouveaux médicaments étant élevé, contrairement à celui
de la digoxine, leur usage s’en est trouvé facilité dans la pratique.
De là à supprimer la digoxine de la liste des thérapies de l’insuffisance cardiaque en général
et chez le chien en particulier, il n’y a qu’un pas. Disparaîtraient du même coup la
problématique du dosage et de l’intoxication à la digoxine.
Dans ce débat, on distingue l’utilisation en cas d’insuffisance cardiaque de l’utilisation en cas
de troubles rythmiques, principalement dans la fibrillation auriculaire.
La digoxine et l’insuffisance cardiaque
En médecine humaine, plusieurs études, effectuées parfois sur des milliers de patients, ont
examiné l’influence de la digoxine sur la durée et la qualité de vie de patients insuffisants
cardiaques. Elles ont démontré que la digoxine n’allongeait pas la durée de vie mais était en
mesure d’influencer positivement la qualité de vie. Cette amélioration se manifestait
notamment par une hospitalisation moins fréquente. Le bénéfice était le plus grand chez les
patients souffrant d’une insuffisance cardiaque avancée. Une aggravation a également été
constatée en cas d’arrêt de la thérapie à base de digoxine chez les patients traités avec des
IECA. Une autre constatation intéressante chez les patients humains : un effet positif de la
digoxine sur l’insuffisance cardiaque peut apparaître lors de faibles dosages (non inotropes).
Ceci démontre que les effets positifs sont à imputer à l’un ou à plusieurs des nombreux autres
effets de la digoxine (notamment une augmentation du tonus parasympathique).
Dans la plupart des études à grande échelle, aucun bêta-bloquant n’a été utilisé (ou dans très
peu de cas), ce qui fait subsister la question de savoir si la digoxine s’avèrerait superflue dans
le cas de l’utilisation de bêta-bloquants. Des études limitées chez des patients souffrant
d’insuffisance cardiaque et de fibrillation auriculaire montrent que, combinés, la digoxine et
un bêta-bloquant donnent de meilleurs résultats qu’administrés séparément.
Folia veterinaria
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Chez le chien, les principales causes d’insuffisance cardiaque sont l’insuffisance mitrale
chronique (IMC) et la cardiomyopathie dilatée (CMD) idiopathique.
Avant l’apparition des IECA et des inodilatateurs, l’IMC était principalement traitée avec des
diurétiques, associés à la digoxine dans les stades avancés. Chez les patients souffrant d’une
CMD, on administrait d’emblée la digoxine en raison de son effet inotrope positif et de son
effet dromotrope négatif, réduisant la fréquence ventriculaire dans le cas d’une fibrillation
auriculaire. En effet, chez les patients souffrant d’une CMD, cette affection s’accompagne
souvent d’une fibrillation auriculaire, particulièrement chez les grandes races et races
géantes.
Puis vinrent les IECA. Des études cliniques assez approfondies démontraient qu’un
traitement classique (diurétiques +/- digoxine) associé à un IECA donnait de meilleurs
résultats que la thérapie classique seule. Ceci vaut surtout pour la qualité de vie, mais dans
toute une série d’études, une influence positive sur la durée de vie a également pu être
constatée. Ce qui rejoint les constatations faites chez les patients humains insuffisants
cardiaques.
Récemment, un inodilatateur (pimobendan) a été commercialisé pour le chien. Comme
l’indique le nom, cette substance active possède à la fois un effet vasodilatateur et un effet
inotrope positif. Des études cliniques avec le pimobendan ont entre autres souligné sa
supériorité par rapport à la digoxine en ce qui concerne l’amélioration de la qualité et de la
durée de vie de chiens insuffisants cardiaques.
Aucune étude clinique chez le chien ne permet de déterminer si l’omission de la digoxine
chez les patients traités avec une thérapie combinée (p. ex. digoxine + IECA + diurétique)
modifierait leur qualité et leur durée de vie.
La digoxine et la fibrillation auriculaire
Chez le chien, la cardioversion (rétablissement du rythme sinusal) en cas de fibrillation
auriculaire étant très difficile, le traitement se limite souvent à réduire la fréquence
ventriculaire. Les stimulations électriques anarchiques, issues des oreillettes via le nœud
auriculo-ventriculaire induisent une tachycardie ventriculaire néfaste pour la fonction
myocardique et capable d’ engendrer, à terme, une cardiomyopathie.
Les médicaments à effet dromotrope négatif ralentissent la conduction des impulsions par le
nœud atrio-ventriculaire et réduisent ainsi la fréquence ventriculaire chez les patients
souffrant de fibrillation auriculaire. Les médicaments à effet dromotrope négatif sont entre
autres : la digoxine, les bêtalytiques et les antagonistes calciques.
Autant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire, il existe un consensus assez
général sur le fait que la digoxine garde ici sa place dans la thérapie cardiaque. Elle ralentit la
fréquence ventriculaire chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire. Cet effet est
cependant surtout perceptible chez les patients au repos et non pas durant un effort,
contrairement aux bêtalytiques et aux antagonistes calciques qui induisent cet effet même
pendant l’effort. D’un autre côté, l’avantage de la digoxine réside dans le fait qu’elle n’a pas
d’effet inotrope négatif comme c’est le cas des bêtalytiques et des antagonistes calciques.
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Commentaire et conclusion
Les études montrent que pour le traitement d’attaque de l’insuffisance cardiaque, la
préférence va aujourd’hui à d’autres médicaments que la digoxine, particulièrement dans les
cas où le patient a un rythme sinusal. Les IECA et le pimobendan sont plus efficaces,
beaucoup plus fiables et donc plus faciles à l’usage que la digoxine. La digoxine pourra
éventuellement être administrée lorsque le résultat s’avère insuffisant et à condition d’éviter
les surdosages (voir plus loin). Dans le cas d’une fibrillation auriculaire, la digoxine est
encore fréquemment utilisée, aussi bien en médecine humaine que vétérinaire.
Etant donné que la fibrillation auriculaire chez le chien est souvent accompagnée d’une
insuffisance myocardique (p. ex. cardiomyopathie dilatée idiopathique), la thérapie à base de
digoxine constitue seulement un supplément à la thérapie de l’insuffisance cardiaque (voir
plus haut).
Le clinicien doit toujours expérimenter un peu pour trouver la dose individuelle adaptée et
éviter l’intoxication qui demeure un problème aussi bien en médecine humaine qu’en
médecine vétérinaire. Les conseils suivants peuvent contribuer à éviter l’intoxication.
Une dose d’attaque ou des injections intraveineuses de la digoxine sont déconseillées. La
dose initiale sera calculée sur base de la surface corporelle (0,20 mg/m2 de surface corporelle,
deux fois par jour per os). On tient compte ainsi de la capacité de clairance directement
proportionnelle à la surface corporelle et non pas au poids corporel. La clairance est par
ailleurs le facteur déterminant pour les concentrations moyennes à l’état d’équilibre (si la
fraction absorbée, la dose et l’intervalle entre les doses sont constants).
Pour calculer la surface corporelle, il faut d’abord soustraire les excédents estimés d’eau
et/ou de graisse du poids réel, car l’eau et la graisse ne participent pas à la clairance
corporelle totale de la digoxine. Le pourcentage d’eau excédentaire dans le cas d’une ascite
ou d’un hydrothorax peut être très élevé (p. ex. 8 litres chez un chien de 30 kg).
Certains médicaments tels que le furosémide ou les antagonistes calciques peuvent diminuer
la clairance de la digoxine, diminuant ainsi le besoin en digoxine.
La détermination des concentrations sériques de la digoxine peut fournir une information
utile pour la gestion de la posologie, à condition de respecter un certain nombre de mesures
de précaution (voir Folia Veterinaria 2004 n°2).
Si la dose en digoxine permet l’obtention de concentrations thérapeutiques mais que la
diminution de la fréquence ventriculaire chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire
est insuffisante, il est déconseillé d’augmenter la dose en digoxine. Pour mémoire, l’objectif
à atteindre est une fréquence cardiaque au repos d’environ 120-140/minute. On administrera
alors en complément un autre médicament à effet dromotrope négatif tel qu’un bêtalytique ou
un antagoniste calcique.
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