2éme trimestre 2008 - Mécénat public des Arts et de la Culture

REPUBLIQUE DU SENEGAL
Ministère de l’Economie et des Finances
Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement
BBuulllleettiinndduuCC
CCEE
EEPP
PPOO
OODD
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http://www.cepodsn.org
Deuxième Trimestre 2008
Biennale de l’Art africain contemporain
Mécénat public des Arts et de la Culture
Spécial Economie et Culture
Dak’Art 2008
Economie et Culture
ISSN 0850 -1327
Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement
Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement
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Bulletin du CEPOD
Aliou FAYE, Directeur du CEPOD
EEddiittoorriiaall
L’Art et l’Economie
Le 18 mai 2008, Monsieur Abdoulaye DIOP, Ministre
d’Etat, Ministre de l’Econoimie et des Finance, a pro-
cédé au vernissage de l’exposition de tableaux et de
tapisseries d’art par laquelle, le ministère de l’Econo-
mie et des Finances a participé à Dak’Art 2008.
Ce vernissage a eu pour cadre les locaux du Centre
d’Etudes de Politiques pour le Développement
(CEPOD) qui a prété ses “murs” pour la circonstance.
Mécénat public de l’art et économie ont été au centre
du propos du Ministre d’Etat, Ministre de l’Economie
et des Finances Monsieur Abdoulaye DIOP.
Au Sénégal, la tradition de mécène des Arts et de la
Culture que l’on peut reconnaitre à l’Etat, remonte au
Président Léopold Sédar Senghor pour qui, la culture
est “l’ensemble des connaissances théoriques et pra-
tiques qui nous permettent de nous connaitre, nous
et les autres hommes, mais aussi notre environne-
ment.”
Si à travers cette définition, la culture se trouve être
le support universel de toute srtratégie de développe-
ment, il a fallu attendre la loi sur la fatalité des coûts
de Baumol et Bowen (1966) pour tenter une justifica-
tion économique, d’ailleurs empirique, du mécénat
public des Arts et de la Culture.
Mieux encore, même si la double causalité qui existe
entre culture et développement semble bien être per-
çue de tous, c’est la mondialisation qui, par un des pa-
radoxes qui la caractérisent et en invitent les nations
en compétition pour les niches de marché à miser sur
les attributs non productibles de leurs produits, fait des
contenus culturels des biens et services des facteurs
incontournables de compétitivité.
La Stratégie de Croissance Accélérée prend en consi-
dération ce rôle particulier de la culture, d’abord, à tra-
vers la grappe “Tourisme, Industrie culturelle et
artisanat d’arts”. Dans le secteur aussi ouvert et
conccurrentiel que le tourisme, la mise à contribution
des attraits culturels spécifiques permettra de requa-
lifier et de repositionner les produits sénégalais.
Plus généralement une identité culturelle forte est le
fondement même de la capacité d’une société à pros-
pérer, croître et à s’adapter aux mutations de l’envi-
ronnement global ;
les activités culturelles améliorent la qualité de la
vie individuelle et collective, promeuvent l’inclusion
sociale, élévent l’estime de soi et élargissent les pers-
pectives
investir dans la culture, génére des rendements
tant économiques qu’humains et renforce le capital so-
cial ;
chacune des éthnies présentes sur le territoire
national contribue à la diversité de notre identité cul-
turelle ;
le développement optimal des ressources cultu-
relles requiert un statut fort des artistes professionnels
et l’apport spécial d’un corps dévoué de volontaires
et d’amateurs ;
les écoles, les institutions post-secondaires, le
secteur privé et les infrastructures publiques contri-
buent ensemble au processus d’éducation et d’appren-
tissage tout au long de la vie.
Ministère de l’Economie et
des Finances
Centre d’Etudes de Politiques
pour le Développement
Trimestriel du CEPOD
Numéro 02 - avril 2008
ISSN 0850-1327
Avenue Carde, Dakar - Sénégal, BP
4017
Tel : (+221) 33 823 34 27 - Fax :
(+221) 33 821 83 12
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Directeur de la Publication
Aliou FAYE, Directeur du CEPOD
Comité de rédaction
Aliou FAYE
Directeur du CEPOD
Oumar DIAKHATE
Expert économiste en
Dévelopement Institutionnel
Babacar NDIR
Expert économiste en charge des
NTIC
Aboubacry SOW
Expert économiste en Finances
Publiques
Mamadou NDONG
Expert économiste en Monnaie et
Economie Internationnale
Abdoulaye FAYE
Chargé de Communication
Cheikh THIAM
Conseiller Technique MEF
Photo MEF
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Bulletin du CEPOD
CEPOD
CEPOD, renforcement de capacités
, renforcement de capacités
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Mécénat public des Arts et de la Culture
Aliou FAYE, Directeur du CEPOD
Dans les faits, le mécénat culturel consiste en des dons
en numéraire, en compétences, en nature ou en tech-
nologie au profit d’organismes et d’œuvres d’intérêt
général. Il se traduit par :
la sauvegarde, l’enrichissement et la valorisation
de monuments, musées, archives, livres, archéologie
etc. ;
la diffusion du spectacle vivant : musique, danse,
théâtre, cinéma, cirque etc. ;
le soutien à la création contemporaine par l’ac-
quisition d’œuvres originales d’artistes vivants dans
les domaines des arts plastiques, audiovisuels, numé-
riques etc. ;
le soutien à l’interprétation musicale par l’achat
et le prêt d’instruments de musique à des musiciens
de haut niveau, ou à fort potentiel ;
la diffusion de la littérature, de la langue et des
connaissances scientifiques nationales ;
les actions au croisement de la culture et du so-
cial.
Ainsi défini, le mécénat culturel interpelle tous les ac-
teurs : Etats, organisations, entreprises et individus. Il
se retrouve également dans ce que Abdou SYLLA
dans le numéro 80 de la Revue Ethiopiques appelle le
mécénat d’Etat pour désigner la politique culturelle au
Sénégal des années 1960-1980. Sous l’impulsion et la
supervision du Président Senghor, a été progressive-
ment mis en place tout un ensemble de textes législa-
tifs et réglementaires qui devaient servir de
fondements aux structures et institutions de prise en
charge et de dynamisation de la vie culturelle natio-
nale. Egalement, ont été progressivement installées
ces structures et institutions chargées tant de préserver
que de promouvoir et de diffuser tout un ensemble de
formes d’expression artistique, nationales et étran-
gères, traditionnelles et modernes, sous le double
éclairage de l’enracinement et de l’ouverture.
Ainsi, le ministère de la Culture a été créé en 1966,
le Service des archives culturelles en 1967, le Centre
d’études des civilisations en 1964, la Manufacture na-
tionale de tapisserie en 1966 avant de devenir la Ma-
nufacture négalaise des arts coratifs, le Théâtre
national Daniel Sorano en 1965 avec une salle de
spectacle, une troupe nationale dramatique, un ensem-
ble lyrique spécialisé dans le chant et la musique tra-
ditionnelle et de deux corps de ballets (Linguère et
Sidra Badral), le Musée dynamique en 1966 dans le
cadre du premier Festival mondial des arts nègres de
1966, l’Institut national des Arts (Beaux Arts, Conser-
vatoire de Musique, danse, arts dramatiques) en 1972.
Le Musée ethnographique, créé par l’administration
coloniale en 1938, a été régulièrement enrichi et mo-
dernisé et des centres culturels régionaux ont été ins-
tallés dans les capitales régionales. Le Mécénat d’Etat
en direction des artistes a été à l’origine de la mise en
place de l’Ecole de Dakar des arts plastiques (peinture,
sculpture, architecture, arts graphiques et communi-
cations, environnement et tapisserie). Les produits des
membres choisis sur arbitrage direct du Président Sen-
ghor étaient montrés dans les expositions à l’étranger
ou tissés par les manufactures et les tapisseries puis
achetés par l’Etat.
En appui, la loi du 1% de 1968 faisait à tout construc-
teur obligation de consacrer 1% du coût total de toute
construction publique à financer la décoration des bâ-
timents publics. De même, le Fonds d’aide aux artistes
et au développement de la culture de 1978 était char
d’accorder des aides et des subventions aux artistes
dans le cadre d’actions diverses.
Sur le plan financier, l’investissement global pour
l’ensemble du secteur culturel couvrait 30% du budget
national. C’est dire donc que plus qu’un mécénat,
c’était une option politique qui avait choisie de confé-
rer à la culture un rôle stratégique dans le processus de
développement économique et social.
Soumis quasi exclusivement aux critiques du Prési-
dent Senghor, l’Ecole de Dakar n’a, cependant, pas eu
à s’exposer aux exigences d’une demande multi-cul-
turelle et ne fut pas en marge des critiques. Par ail-
leurs,cette politique ne pourra se poursuivre au-delà
des années 1970, période pendant laquelle la tutelle
de l’Etat s’essouffle sous l’effet de l’ajustement struc-
turel et de la libéralisation économique. De dirigiste,
l’Etat devient au plus accompagnateur, d’abord dans
l’élaboration de la Charte culturelle dans le cadre d’un
processus de construction consensuel ; ensuite, à tra-
vers l’édition de la Biennale de Dakar (Dak’Art) ; le
tout dans une perspective globale d’aménagement cul-
turel du territoire à travers la décentralisation de l’ac-
tion culturelle, et la défense de la diversité culturelle.
Le Minisre de l’Economie et des Finances participe, au
titre du nat public de l’art, à la Biennale DaK’aRT
2008 en exposant sur les murs du CEPOD sa collection de
tableaux et de tapisseries. Ce faisant, sous l’impulsion du
Ministre d’Etat, Ministre de lEconomie et des Finances,
le département répond favorablement à une sollicitation
vieille de plus de 70 ans et émanant d’un Economiste illus-
tre, Sir John Meynard Keynes. Cependant, les économistes
se sont intéressés à l’art sur le tard et ont mis du temps pour
reconnaître à la culture un rôle économique et à trouver en
elle un champ d’application de leurs lois et approches. Il a
fallu lapport des avancées récentes de la micrconomie
pour intégrer l’exception culturelle et établir la rationalité
des comportements culturels.
Cette exception qui caractérise le secteur de la culture est
mise en avant pour justifier lintervention de lEtat et déter-
miner les politiques publiques culturelles tout comme elle
semble commander une approche spéciale de léconomie
de la culture. Pour rendre compte de cela, le présent article
traite successivement des relations entre les grands écono-
mistes et lart, de la contribution originale de William Bau-
mol et de William Bowen, des politiques culturelles et du
péritre de léconomie de la culture.
Les grands économistes et l’art : Quelques économistes, du
fait exclusif de leurs inclinaisons pour (ou contre) lart, ont
posé, comme par accident, les jalons de l’économie de la
culture. Pour Adam Smith et David Ricardo, qui comptent
parmi les pères fondateurs de léconomie, la dépense pour
les arts relève de lactivité des loisirs et ne saurait contribuer
à la richesse de la nation. Pour Smith, particulièrement,
tout travail non productif tel que « la déclamation de l’ora-
teur, le débit de lorateur ou les accords du musicien, séva-
nouit au moment même où il est produi.
Cependant, se fondant sur les investissements longs et c-
teux ainsi que sur la grande habileté que requièrent leurs
prestations, Smith consire que « la rétribution cuniaire
des peintres, des sculpteurs, des gens de loi et des médecins
doit donc être beaucoup plus forte ». Par ailleurs, Smith
soulignait déjà les retomes positives des investissements
culturels en indiquant que « de superbes palais, de magni-
fiques maisons de campagne, de grandes bibliothèques, de
riches collections de statues, de tableaux et d’autres curio-
sités de l’art et de la nature font souvent l’ornement et la
gloire, non seulement de la localité qui les posde, mais
même de tout le pays. Versailles embellit la France et lui fait
honneur, comme Stowe et Wilson à lAngleterre. » Smith
définit également les conditions et les objectifs d’une in-
tervention de l’Etat en faveur de lart et de la culture : « si
lEtat encourageait ( ) tous ceux qui, pour leur propre in-
térêt, voudraient essayer damuser et de divertir le peuple,
sans scandale et sans indécence, par des peintures, de la
psie, de la musique et de la danse, par toutes sortes de
spectacles et de représentations dramatiques, il viendrait ai-
sément à bout, dans la majeure partie du peuple, de cette hu-
meur sombre et de cette disposition à la mélancolie qui sont
presque toujours laliment de la superstition et de la (perte)
denthousiasme. »
Alfred Marshall, quant à lui reconnaît « la loi qui fait que
plus l’on écoute de la musique, plus le goût pour celle-ci
augmente » ; ce qui voudrait dire que contrairement à la
théorie de la décroissance de lutilité marginale d’un bien
économique ordinaire, léconomie de l’art et de la culture
est à tir sur la théorie de la croissance de l’utilité margi-
nale des produits artistiques ou culturels.
Conséquemment, Marshall écrit dans « Principles of Eco-
nomics » publié en 1891, « il est impossible dévaluer les
objets tels que les tableaux de mtre ou les monnaies rares,
puisquils sont uniques dans leur genre, n’ayant ni équiva-
lent ni concurrent (identique).» Il ajoute que « le dévelop-
pement des faculs artistiques des personnes est en
lui-même un objectif de la plus haute importance, et devient
un facteur clef de lefficacité industrielle.»
John Meynard Keynes, le fondateur de la macroéconomie
en 1936, a négligé de considérer le bien-fondé d’une ap-
proche économique de la culture, mais en collectionneur
avi d’œuvres d’art, a su convaincre le chancelier de
l’Echiquier (le ministre des Finances du Royaume-Uni)
dacquérir des collections artistiques et de grands mécènes
privés de participer au financement dune caisse de garantie
des revenus des artistes émergents.
DDaakk AArrtt 22000088
Economie et Culture Aliou FAYE, Directeur du CEPOD
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CEPOD, renforcement de capacités
, renforcement de capacités
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Economie et Culture
John Kenneth Galbraith a consacré un chapitre à l’écono-
mie et lart dans son livre « The Liberal Hour » publ en
1960 où il reconnaît à lartiste un rôle économique impor-
tant. Mais il faudra attendre les avancées des méthodes et
les champs nouveaux de la microéconomie pour voir les
grands économistes jeter les bases de léconomie de la cul-
ture et celles de sa reconnaissance institutionnelle.
Ainsi William Baumol et William Bowen vont démontrer
en 1965-66 que léconomie culturelle est tributaire des sub-
ventions publiques. Gary Becker, quand à lui, prend à son
compte la théorie de lutili marginale croissante et tente
détablir la rationalité des comportements culturels. Cest
également au milieu des années 1960 que Max Weber a
trou des causes culturelles à lapparition d’un nouveau
capitalisme à partir du 17ième scle dans léthique religieuse
des protestants (en particulier des puritains) tournée vers la
production et lépargne.
Au cours des années 1970, les économistes américains de
l’école institutionnaliste, notamment John K. Galbraith
(1973) et Kenneth Boulding (1978), confirmeront le rôle
économique des arts et de la culture, en particulier celui de
créer et de faire circuler l’information.
Plus généralement, la reconnaissance de l’économie de la
culture est due à trois facteurs :la mise en avant des consi-
dérations relatives à la création d’emplois et de revenus ; le
besoin dévaluation des politiques et des décisions cultu-
relles ; lextension de léconomie publique à des domaines
nouveaux comme les activités non marchandes, les organi-
sations et institutions, l’information et l’incertitude, au prix
parfois dune révision du présupposé de rationalité. Le reste
de larticle est consacré aux travaux de Baumol et Bowen,
aux politiques culturelles et au ritre de léconomie de
la culture.
Le travail original de Baumol et Bowen
Le besoin de mécénat public pour leveloppement des
arts a été documenté pour la premre fois au milieu des
années 1960 par William Baumol et William Bowen qui
portaient alors leur attention à l’économie du spectacle vi-
vant. Cest ce travail original en ce qu’il s’appuie sur un
volume impressionnant de données quantitatives dans un
domaine culturel qui a créé le consensus qui existe au-
jourd’hui pour reconnaître à ses auteurs davoir créé léco-
nomie de la culture, l’économie de lart comme discipline
à part entière dans la science économique moderne. Dans
leur ouvrage « Performing Arts The Economic Di-
lemma » publié en 1966, Baumol et Bowen se sont penchés
sur la situation financière et les activités des organisations
du spectacle vivant, à travers des sujets allant du nombre de
spectateurs/vsiteurs aux prix des tickets dentrée.
Leur travail empirique est rendu compte dans 34 tableaux,
39 graphiques et une annexe statistique de près de 150
pages. Baumol et Bowen avaient pour ambition de donner
une explication valable à lorigine des difficultés financières
auxquelles les organisations du spectacle vivant sont géné-
ralement confrontées. Les données quils avaient collectées
leur avaient permis de constater que les charges supportées
lors des énements couverts croissaient plus vite que les
recettes qui en étaient tirées.
Pour autant que ce constat ressortait de dynamiques struc-
turelles, il mettait en relief une certaine déconnexion entre,
dune part, les forces à la base de l’évolution des charges
liées aux évènements et au travail artistique et, dautre part,
celles qui caractérisent la demande des produits artistiques
ou culturels.
Baumol et Bowen ont ainsi propo la loi de la fatalité des
coûts (cost disease) pour indiquer quen réalité, comme tous
les autres secteurs qui ont une productivi plus faible, en
dautres termes qui connaissent des progrès techniques plus
faibles que le reste de léconomie, lart et la culture voient
la dynamique de leurs coûts détermie par les secteurs qui
réalisent des gains de productivi plus importants.
Certes, ces secteurs pourront vendre à lart et à la culture des
intrants relativement moins chers du fait de leur producti-
vité accrue, mais également ils pourront distribuer des re-
venus plus élevés à leurs travailleurs et contribuer ainsi au
relèvement du niveau général des salaires que les cachets et
les servitudes ne sauraient continuer à ignorer. De cette loi
de la fatalité des cts qui repose sur une situation de fait
(dans toute économie et à tout instant il y a toujours des
secteurs plus productifs que dautres), lon peut simplement
tirer que les secteurs comme lart et la culture auront plus
souvent que dautres à conntre la rigueur dun déficit de
recettes (income gap) qui sera supporté par les acteurs, les
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