18-Bibliothèque-06_Mise en page 1 22/05/12 15:37 Page146 Bibliothèque français sont aussi et avant tout des gens qui, par exemple, se marient – et sont tenus en se mariant de respecter la loi française, qui leur demande de se marier civilement avant de le faire religieusement. Qui ont des enfants (parfois non désirés), qui divorcent, prient, étudient, achètent à crédit (des maisons et d’autres objets), meurent… et sont confrontés aux prescriptions spécifiques de leur religion. Que faire devant ces choses de la vie dans un pays où l’islam manque de contexte, quels accommodements intérieurs avec la foi sont envisageables, lesquels sont impossibles ? vis-à-vis – à la fois nécessaire et problématique – du lecteur, c’est la définition de l’humanité (comme qualité) d’êtres singuliers et collectifs et la transmission de cette qualité. Le judaïsme apparaît, en miroir de cette exploration du lien entre les Juifs et la Bible, comme une quête infinie de cette définition, non pas seulement de son énonciation, mais aussi de ce qui peut lui permettre de se maintenir, de se transmettre – d’où toute la Tradition qui accompagne, entoure, voire met à distance la Bible. Telle est sans doute, à l’heure où, comme l’écrit Attias, Dieu est peut-être mort, non pas la définition, mais le travail de l’élection pour que perdure ce grain de sable dans les rouages d’un monde sans lequel ce monde ne serait pas tout à fait luimême. Il faut préciser toutefois : l’enquête de Bowen vise une minorité, celle des musulmans – et des responsables musulmans – concernés personnellement par la question d’un « islam à la française », et donc en fin de compte ceux qui sont acteurs du changement. Dans ce cadre, il s’intéresse avant tout aux lieux d’études et de formation, aux mosquées, aux instituts de recherche, à ceux qui dirigent et animent ces institutions ou y participent en tant qu’intervenants, à leurs discours, à leurs différences, aux méthodes de travail qu’ils emploient, aux sources et aux autorités islamiques dont ils se réclament pour répondre à ceux des fidèles qui posent des questions ou exposent des scrupules. Dans ces lieux d’enseignement, l’arabe et le français sont utilisés, mais il ne faut pas surestimer l’usage du premier, car souvent il n’est pas connu des Français musulmans. La tradition juridique, le fiqh, y est l’objet de réinterprétations différentes, de Jean-François Bouthors John R. Bowen L’Islam à la française. Enquête Paris, Steinkis éd., 2011, 382 p., 22 € Le grand intérêt de cet ouvrage vient de l’enquête de terrain, précise et sur une durée de plusieurs années, effectuée par J. R. Bowen, professeur à la Washington University de Saint-Louis et spécialiste des islams dans le monde. Elle révèle d’autres facettes de cet « islam français » que nous ne connaissons souvent qu’à travers le prisme des banlieues dangereuses et les usages politiques qui en sont faits. Bowen rappelle d’abord que les musulmans 146