JANVIER 2014 64 PRATIQUES
47
lance retenu 10, le chef d’escorte doit veiller à ce
que les mesures de sécurité mises en œuvre n’en-
travent pas la confidentialité de l’entretien médical.
Si, à la demande des autorités pénitentiaires, le
médecin intervenant dans l’établissement péni-
tentiaire peut délivrer des documents médicaux 11,
ceux-ci ne doivent contenir que les renseignements
strictement nécessaires, à l’exclusion de tout
élément de diagnostic.
...au partage d’informations
Une circulaire 12 publiée le 21 juin 2012 définit le
cadre et les limites du partage d’informations opéra-
tionnelles entre les professionnels de santé exer-
çant en milieu pénitentiaire et ceux de l’adminis-
tration pénitentiaire et de la protection judiciaire
de la jeunesse. Ce partage a pour objectif de
préserver la santé et la sécurité de la personne
détenue, mais également de participer à la sécu-
rité de l’ensemble des personnes intervenant en
milieu pénitentiaire. Il s’exerce dans le respect du
droit au secret médical, garanti aux personnes
détenues par l’article 45 de la loi pénitentiaire
n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.
La consultation de la commission pluridisciplinaire
unique (CPU) 13, présidée par le chef de l’établis-
sement pénitentiaire ou son représentant, est obli-
gatoire pour l’examen des parcours d’exécution
de peine (PEP) des personnes condamnées 14 (et
facultative pour toute autre situation la justifiant).
Elle a pour objectif une connaissance partagée de
la situation globale d’une personne détenue tout
au long de son parcours de détention.
Les professionnels de santé représentant des unités
sanitaires sont invités à y participer en fonction de
l’ordre du jour et y apporter des éléments permet-
tant une prise en charge plus adaptée des patients
détenus grâce à une meilleure articulation entre
les professionnels, dans le respect du secret médical 15,
et ce après en avoir informé les personnes détenues
concernées de l’échange d’informations envisagé.
Si une personne condamnée à un suivi socio-judi-
ciaire avec injonction de soin est incarcérée, elle
doit l’être dans un établissement où elle pourra
bénéficier d’un suivi médical et psychologique 16.
Le juge d’application des peines pourra l’inciter
à des soins. Ne pas s’y soumettre empêchera la
personne condamnée de bénéficier d’aménage-
ments et de réductions de peine. Le juge d’appli-
cation des peines pourra demander une attesta-
tion de suivi 16 qui devra être remise en mains
propres au détenu.
Et des faits
Les médicaments ne sont plus distribués en cellule
par les surveillants, parfois sous forme pilée et
diluée (la « fiole ») et ne doivent plus être absorbés
devant le surveillant. Pourtant, comment assurer
la confidentialité des soins, quand les médicaments
doivent être pris en présence des codétenus d’une
cellule commune ? Quand l’exiguïté de certains
locaux de soins ne laisse entre les surveillants
chargés de la sécurité de l’unité sanitaire (US) et
la salle de consultation qu’une simple porte, qui
ne ferme pas toujours ? Quand le surveillant appelle
les détenus pour la distribution journalière des
médicaments à l’US ou accompagne l’infirmière
pour la distribution en cellule ? Quand les fouilles
des cellules permettent aux surveillants d’identi-
fier les médicaments de chacun – quoi de plus
facile que taper « Atripla » ou « Kaletra 17 » sur un
moteur de recherche pour savoir quelle maladie
on traite ? Comment imposer le silence au surveil-
lant d’US connaissant le statut séropositif – et ils
finissent toujours par le connaître – d’un détenu
blessé lors d’une rixe lorsqu’un de ses collègues
est victime d’une exposition au sang ?
Et on ne s’étonne pas d’apprendre que nombre
de détenus vivant avec le VIH préfèrent taire leur
statut et interrompre leur traitement pendant le
temps de leur incarcération, au péril de leur santé.
Comment, à la consultation hospitalière, concilier
la surveillance constante d’un détenu objet d’une
surveillance de niveau 3, et la confidentialité de
l’entretien médical ? Que répondre au collègue
des urgences qui nous informe en toute bonne foi
qu’il n’a pas pu examiner notre patient, le surveil-
lant refusant de quitter la salle ? Insoluble dilemme
de la sécurité, de l’obligation de soins – les mêmes
que pour tout le monde, dit la loi – et de l’obliga-
tion de secret.
Et on ne s’étonne pas des refus par certains détenus
d’extractions médicales pourtant nécessaires.
Sans oublier les pressions fréquentes, pour ne pas
parler de harcèlement, de l’administration péni-
tentiaire, des services d’insertion et de probation,
pour soutirer plus de précisions sur l’état de santé
d’un détenu, « dans son intérêt premier », ce qui
est particulièrement vrai des commissions pluri-
disciplinaires uniques, auxquelles de nombreuses
Unités sanitaires refusent de participer.
Ni celles du juge d’application des peines, qui non
satisfait de l’attestation de suivi, demande plus d’in-
formations sur la nature et les modalités de ce suivi,
pour « mieux adapter sa décision aux réalités
médico-psychologique du détenu », plaçant de fait
le médecin traitant dans la position intenable, et
interdite, d’expert 18.
L’espace est étroit, qu’administration pénitentiaire
et justice n’ont de cesse de vouloir franchir, entre
partage d’informations et secret partagé !
Si, peut-être plus qu’ailleurs, le droit au secret
médical pour les personnes placées sous main de
justice est affirmé et encadré par de nombreuses
DOSSIER
MENACES SUR LE SECRET
2
…/…
Pratiques 64 _NFPratiques45C 10/02/14 12:58 Page47