rance ventilatoire. Parfois ce dispositif est mal accepté par
les patients dont l’insuffisance respiratoire est particulière-
ment sévère ; la résistance induite par ce système peut être
en cause, mais nous avons vu qu’il existe d’autres détermi-
nants sur lesquels agir en cas de difficulté à l’initiation
d’une respiration autonome sur une canule de trachéoto-
mie. Des systèmes plus complexes assurent l’humidification
des voies aériennes, y compris en ventilation spontanée, à
partir d’un humidificateur chauffant. Nous n’avons pas
l’expérience de ce procédé.
L’oxygénation additionnelle, lorsqu’elle est nécessaire,
peut facilement être réalisée sur le raccord prévu à cet
effet sur le filtre, après avoir déterminé le débit adéquat.
A contrario, l’oxygénation et l’humidification assurées par
un masque cervical placé tant bien que mal en regard de
l’orifice de la canule sont souvent insuffisantes, source
potentielle d’une part de bouchons formés par des sécrétions
tant au niveau de la canule que des voies aériennes proxima-
les et d’autre part d’un niveau d’oxygénation aléatoire.
Exploration de la capacité à expectorer
Parmi les éléments indispensables à une décanulation
sécurisée figure l’aptitude renouvelée du patient à drainer
efficacement son arbre bronchique. L’évaluation de cette
capacité repose en partie sur l’analyse clinique quoti-
dienne, en particulier lors des séances de kinésithérapie
respiratoire, via l’expectoration de sécrétions en prove-
nance de l’arbre bronchique. Il s’agit bien sûr d’une éva-
luation alors essentiellement subjective, qui peut être
corrélée à la fréquence et à l’abondance des aspirations
trachéobronchiques réalisées par les infirmier(e)s. De
nombreux outils ont été développés pour tenter de com-
pléter par des résultats plus objectifs les données de
l’approche clinique, tels que l’analyse des pressions expi-
ratoires maximales [18] ou une mesure plus simple basée
sur le débit expiratoire de pointe [19].
Exploration de la déglutition et reprise
de l’alimentation
La reprise de l’alimentation doit s’envisager dès que pos-
sible, y compris alors que la ventilation mécanique se
poursuit. L’analyse de la capacité à déglutir, le patient
étant placé dans de bonnes conditions (assis, drainage
bronchique réalisé, respiration calme,…), est réalisée au
lit en plusieurs étapes simples par la kinésithérapeute
(Tableau 2). La déglutition de différentes textures est
ensuite testée, en commençant par une structure pâteuse
et en finissant par les liquides lorsque aucune anomalie
n’est mise en évidence. En cas d’échec (absence de déglu-
tition, fausses routes cliniques primaires ou à distance,
toux au décours de l’alimentation,…) une évaluation spé-
cialisée est le plus souvent indiquée [14]. Elle repose dans
un premier temps, chez ces patients encore peu mobilisa-
bles et dépendants d’une assistance ventilatoire, sur une
évaluation des paires crâniennes avec un rôle dans la
déglutition (V, VI, IX, X, XI, XII), et des voies aérodigestives
supérieures. Cet examen est clinique mais aussi nasofi-
broscopique pour une analyse qualitative de la déglutition.
Si le test de déglutition est cliniquement rassurant et la
toux suffisamment efficace, la présence de rares fausses
routes n’est pas une contre-indication absolue à une
reprise de l’alimentation orale avec normalisation pro-
gressive des textures, voire ensuite à la décanulation. Il
faut demeurer très attentif lors des phases d’alimentation
et au décours, pour ne pas méconnaître des fausses routes
silencieuses ou inconstantes. Le ballonnet sera dégonflé
lors du repas si les modalités d’assistance ventilatoire en
cours le permettent. Si les critères de bonne déglutition
ne sont pas réunis, il ne nous paraît pas logique dans un
premier temps d’autoriser l’alimentation sous couvert
d’un ballonnet gonflé qui n’offre pas une protection par-
faite des voies aériennes, et peut contribuer en soi à la
genèse des fausses routes par la gêne occasionnée à
l’élévation du larynx.
En cas d’échec initial de la déglutition, de nouveaux
tests simples doivent être régulièrement réalisés. Si
l’état de conscience et l’autonomie ventilatoire du
patient le permettent, des tests plus complexes apportant
des informations complémentaires à la nasofibroscopie
comme la vidéoradioscopie de la déglutition ou l’électro-
myographie pourront être discutés [14].
Dans le même temps, il convient de s’interroger sur la
voie d’abord de l’alimentation entérale, le plus souvent à
ce stade via une sonde nasogastrique. Son rôle pro-
inflammatoire local est certain, et parfois participe gran-
dement aux troubles de la déglutition observés [14].
Lorsque la durée prévisible d’alimentation via une sonde
s’avère prolongée (on propose classiquement une durée
au-delà de deux à trois mois) la réalisation d’un abord per-
cutané abdominal de l’estomac ou de l’intestin, que ce
soit selon une technique endoscopique, radiologique ou
encore chirurgicale, paraît opportune.
Exploration des voies aérienne supérieures
Cette exploration est un point potentiellement majeur de
la démarche de décanulation. Elle peut être réalisée dans
le même temps que l’exploration de la déglutition ou de
manière plus systématique comme certains auteurs le
recommandent avant la décanulation [20]. Ce caractère
systématique peut-être contestable lorsque aucun symp-
tôme clinique anormal n’est observé, mais cette approche
est indispensable en présence d’un signe d’alarme clinique
et/ou d’une difficulté notamment lors des phases de ven-
tilation spontanée ou bien de déglutition. Il doit s’agir
d’un véritable examen spécialisé des voies aériennes supé-
rieures, à la recherche d’un dysfonctionnement du larynx
et/ou des cordes vocales, d’une inflammation, d’un granu-
lome, d’une sténose…[12]. Cette analyse doit déboucher
sur une thérapeutique adaptée, intégrant par exemple le
choix d’une prothèse d’abord trachéal de caractéristiques
différentes, le retrait de la sonde nasogastrique, un trai-
tement systémique inflammatoire ou local perendosco-
pique, voire même chirurgical dans certains cas de sté-
nose. Il arrive qu’une atteinte d’une ou plusieurs paires
crâniennes soit mise en évidence. Le bilan étiologique est
alors potentiellement très large, pouvant intégrer la
recherche d’une atteinte virale « neurotrope » (citons le
cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, l’Herpes simplex
virus) ou d’une maladie de Lyme, une exploration neurolo-
De la trachéotomie à la décanulation : quels sont les problèmes dans une unité de sevrage ? 45