De la trachéotomie à la décanulation : quels sont les problèmes

MISE AU POINT
De la trachéotomie à la décanulation : quels sont
les problèmes dans une unité de sevrage ?
Tracheostomy to decannulation: what are problems
in a weaning unit?
G. Beduneau
a,*
, P. Bouchetemble
b
, A. Muller
a
a
Service de réanimation médicale, Upres EA 3830, hôpital Charles-Nicolle, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen
cedex, France
b
Service dotorhinolaryngologie et de chirurgie cervicofaciale, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex,
France
Disponible sur internet le 23 janvier 2007
MOTS CLÉS
Trachéotomie ;
Décanulation ;
Ventilation mécanique
prolongée
Résumé Cette mise au point concerne la gestion quotidienne dune trachéotomie, chez un
adulte ventilé depuis sa réalisation jusquà son retrait. Durant la période de ventilation méca-
nique, les problèmes liés à la trachéotomie sont secondaires à un changement de canule, à
une complication locale, ou à une mauvaise adaptation de la prothèse. La canule de trachéo-
tomie doit être changée sur des critères ne relevant pas dune attitude systématique. La
décanulation est une démarche qui associe le sevrage de la ventilation mécanique, lévalua-
tion et si nécessaire la prise en charge de la déglutition, de lexpectoration et de la parole.
La collaboration avec les spécialistes concernés simpose en cas de difficulté avec entre
autre, une exploration des voies aériennes supérieures. Cette démarche sappuie sur une
décroissance régulière du diamètre de la canule, qui est obstruée 24 à 72 heures avant le
retrait.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
droits réservés.
KEYWORDS
Tracheotomy;
Decannulation;
Prolonged mechanical
ventilation
Abstract The purpose of the present review is to discuss the daily practice of tracheostomy
management in mechanically ventilated patients from cannulation to decannulation. During
mechanical ventilation, tracheotomy difficulties are related to change in cannula or to local
complication. Rather than systematic, replacement of cannula should be considered individu-
ally according to oro-tracheal requirements. The décannulation process includes weaning of
mechanical ventilation, evaluation of swallowing, cough and speech. A multidisciplinary
approach, with an exploration of upper-airway, may be necessary in case of difficulties. For
this decannulation protocol, tracheostomy tube should be subsequently step by step down-
sized and obstructed for one to three days before removing cannula from trachea.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
droits réservés.
Réanimation 16 (2007) 4248
*
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (G. Beduneau).
1624-0693/$ - see front matter © 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2006.12.007
available at www.sciencedirect.com
journal homepage: http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Cette mise au point se focalise sur les difficultés de la
« gestion » au quotidien dune trachéotomie dun adulte ven-
tilé jusquà son retrait [1]. Nous naborderons pas les ques-
tions de la modalité de labord trachéal, du débat pour ou
contre la trachéotomie, de la définition du moment optimal
de sa réalisation, ou encore du choix de la modalité tech-
nique [2,3]. De même, nous naborderons ni la ventilation
mécanique, ni le sevrage, du patient trachéotomisé [4,5].
Bien quil soit fréquent quun patient soit trachéotomisé
et ventilé dans un service de réanimation (11 % des
patients) [4], la littérature concernant cette situation est
peu fournie [6]. Plusieurs des attitudes que nous proposons
relèvent de lexpérience développée lors de lactivité quo-
tidienne auprès des patients admis dans une unité spéci-
fique de sevrage, telle que celle qui se trouve au sein du
service de réanimation médicale du CHU de Rouen, entre
autre pour la prise en charge de patients ayant développé
au cours de leur hospitalisation en réanimation une dépen-
dance à la ventilation mécanique. Cependant, nous espé-
rons ne pas être tombés dans le piège de la « vehement-
based medicine », qui se distinguerait de « levidence-
based medicine » par loubli de la confrontation des prati-
ques aux données scientifiques disponibles [6].
La canule de trachéotomie pendant
la ventilation mécanique
Durant la période de ventilation mécanique, les problèmes
relatifs à la trachéotomie sont essentiellement en rapport
avec un changement de canule ou une complication locale.
Changement(s) de canule
Le changement est le plus souvent simple. Cependant, pour
ne pas exposer le patient à des difficultés pouvant engager
le pronostic vital, il doit être réalisé en respectant certai-
nes règles classiques de prudence (hyperextension de la
tête, écarteurs adaptés, matériel daspiration fonctionnels,
matériel dintubation disponible, serrage du cordon tête
fléchie,) et par des mains suffisamment expérimentées.
Une attention particulière doit être apportée au premier
changement, aux changements en cas de difficulté préa-
lable, ou lorsquil est réalisé dans lurgence. Pour les tech-
niques chirurgicales le premier changement est classique-
ment conseillé à 48 heures et idéalement réalisé par le
chirurgien. Quand une technique percutanée a été utilisée,
le changement est réalisé entre sept et dix jours après la
trachéotomie. Lusage dun guide ou dun mandrin (souvent
fourni par lindustriel dans le kit comportant la canule)
pour cathétériser le trachéostome est une précaution utile.
Il nexiste pas, à notre connaissance, de recommanda-
tion concernant la fréquence de changement des canules
de trachéotomie, que ce soit en milieu hospitalier et plus
particulièrement de réanimation [7], ou dans le cadre
dune trachéotomie définitive chez un patient ambulatoire.
Il ne paraît pas indispensable ni même utile de changer la
canule de façon systématique, nous réservons ce geste aux
situations limposant (canule ou ballonnet défectueux,
retrait accidentel,) ou dans le cadre dune modification
argumentée du type de canule (changement de diamètre
de la canule, de type de ballonnet ou de matériau compo-
sant la canule,). En cas dusage prolongé de la canule, il
nest pas possible de fixer une durée maximale dutilisa-
tion. En présence dinfection pulmonaire récurrente à ger-
mes avides de matière inerte tels que les bacilles Gram
négatif [8], un changement de canule est parfois proposé,
sans réelle donnée scientifique publiée. En pratique, au
sein de lUnité de sevrage et de réhabilitation (USR) du ser-
vice, nous avons arbitrairement choisi de ne pas dépasser
une durée maximale de deux mois, que la canule utilisée
dispose ou non dune chambre interne. Les soins locaux
sont fondamentaux. Lorifice cutané est nettoyé tous les
jours afin déviter la stagnation périorificielle des sécré-
tions. Les soins apportés à la canule et particulièrement à
la chambre interne sont également quotidiens. Laspiration
trachéale est pratiquée lorsque nécessaire avec le maxi-
mum dasepsie, une sonde souple non traumatique, une
pression daspiration modérée, et une technique adaptée
pour éviter de traumatiser la muqueuse.
Complication(s) de la trachéotomie
Durant la ventilation mécanique, plusieurs types de compli-
cations locales peuvent survenir, se manifestant souvent
par des saignements ou des stigmates locaux dinfection
(inflammation, écoulement sale,). Lorsque le symptôme
est inhabituel ou persistant, lavis spécialisé dun otorhino-
laryngologiste (ORL) nous paraît indispensable pour son ana-
lyse et sa prise en charge. Dans le Tableau 1 sont présentées
les complications de la trachéotomie relevées dans létude
de Goldenberg et al. [9].
La malposition de la canule dans la trachée, parfois
appelée conflit trachéoprothétique, se manifeste par des
difficultés de ventilation mécanique avec des pressions
dinsufflation élevées ou une hypoventilation selon le
mode de ventilation utilisé. Ce conflit survient si lextré-
mité distale de la canule ne se situe pas dans laxe tra-
chéal, et peut se localiser au niveau des murs antérieur ou
postérieur, ou bien au niveau du trachéostome. Ce pro-
blème peut bien sûr se rencontrer dès les premières heures
après la réalisation de la trachéotomie, mais aussi au
décours dun changement de canule, dun effort de toux
ou encore dune mobilisation du patient. Un bilan endosco-
pique est indispensable, afin de préciser les rapports anato-
miques puis dapporter une correction en replaçant la
canule ou en choisissant le cas échéant une nouvelle canule
plus adaptée. Dans ce contexte, le cas particulier que
constitue la mise en évidence dune trachéomalacie relève
Tableau 1 Complications de 1130 trachéotomies [9]
Complications Nombre (%)
Sténose trachéale 21 (1,85)
Hémorragie 9 (0,87)
Fistule trachéocutanée 6 (0,53)
Infection 5 (0,44)
Pneumothorax 3 (0,26)
Décannulation/Obstruction de sonde 1 (0,08)
Emphysème sous-cutané 1 (0,08)
Fistule trachéo-œsophagienne 1 (0,08)
De la trachéotomie à la décanulation : quels sont les problèmes dans une unité de sevrage ? 43
dune prise en charge individualisée. La mise en place de
canule de plus gros diamètre et/ou plus longue peut être
proposée, avec le risque dune dilatation croissante de la
trachée conduisant à la majoration régulière des tailles
des canules. Dans de rares cas de trachéobronchomalacie,
la mise en place de prothèse trachéale et/ou endobron-
chique peut être discutée [10].
Démarche de décanulation
Le succès de cette démarche implique à lévidence un
sevrage de la ventilation mécanique. Elle doit être initiée
précocement, dès le retour à un niveau de vigilance satis-
faisant et dès quil existe une autonomie ventilatoire par-
tielle. Le patient entre alors dans une phase dynamique
durant laquelle la canule de trachéotomie va progressive-
ment passer du stade de prothèse participant au maintien
dune fonction vitale à celui dun obstacle dans les voies
aériennes. Durant cette période de nombreuses étapes
vont être franchies, en sappuyant sur une collaboration
entre les médecins (réanimateur, ORL, et aussi souvent
dautres spécialistes pneumologue, neurologue, nutrition-
niste, psychiatre) et le kinésithérapeute.
Début de la ventilation spontanée, reprise
de la parole
Le passage en ventilation spontanée sans assistance méca-
nique représente une étape majeure. Déterminer quand
réaliser la première tentative, chez un patient jusque-là
en échec de sevrage ventilatoire, repose sur un ensemble
variable de critères que nous naborderons pas. Lorsque le
clinicien estime le moment venu, une alternance de phase
de ventilation mécanique et de ventilation sans respirateur
est dans un premier temps progressivement mise en place.
Lors des phases de respiration sans machine, la canule
soppose à lécoulement physiologique de « lair », et
peut donc participer à un échec. Idéalement, afin de mini-
miser cette résistance, toute phase de ventilation sans
assistance mécanique via une trachéotomie se fait donc
avec un ballonnet dégonflé. Très récemment, Nava et al.
ont publié de très intéressantes données physiologiques en
faveur du dégonflage du ballonnet de la canule lors dune
épreuve de ventilation spontanée [11].
En cas déchec du passage en ventilation spontanée, et a
fortiori en présence dune symptomatologie clinique orien-
tant vers un obstacle des voies aériennes supérieures, une
exploration spécialisée simpose depuis la sphère laryngée
jusquà la carène, afin déliminer un facteur étiologique
local (inflammation avec œdème, granulome, sténose,)
[12]. Selon le résultat de cette exploration, un traitement
spécifique est proposé, sappuyant sur les axes suivants :
contrôle dune situation pro-inflammatoire (retrait de la
sonde nasogastrique (SNG), traitement antireflux), traite-
ment anti-inflammatoire systémique, geste local (laser, chi-
rurgical). En labsence de facteur local déchec, ou après le
contrôle de celui-ci, il faut réduire le diamètre de la canule
(y compris au prix de fuite modérée lors des phases de
reprises de la ventilation mécanique), et/ou choisir un
modèle à ballonnet plaqué, afin de réduire le caractère
obstructif de la prothèse endotrachéale [12].
En ventilation spontanée la mise en place sur la canule
dune valve dite phonatoire (en pratique : elle empêche
lexpiration via la canule et dirige le flux aérien vers les
voies naturelles) permet au patient de recouvrer la parole.
Il sagit à nouveau dune phase non dénuée de risque
déchec, car ces valves imposent un travail respiratoire
discrètement majoré qui peut être excessif lors des situa-
tions où lautonomie respiratoire est précaire [13]. Dans
cette situation, le recours aux options précédemment
décrites pour diminuer lencombrement intratrachéal de
la canule est préconisé [12]. La mise en place dune valve
phonatoire favorise également la toux en favorisant la for-
mation physiologique dune zone de surpression lors de
locclusion des cordes vocales [12]. De plus, la réafférenta-
tion progressive des muqueuses du carrefour aérodigestif
suite au passage du flux aérien par les voies naturelles
joue un rôle majeur dans la rééducation de la déglutition
[14,15].
Afin de faciliter le passage du flux aérien par les voies
naturelles, une canule fenêtrée est parfois recommandée
[12], avec changement de chambre interne selon les moda-
lités ventilatoires en cours (chambre interne fenêtrée lors
des phases de ventilation spontanée, non fenêtrée en ven-
tilation mécanique). Compte tenu dune part de la fré-
quence des granulomes rencontrés avec ce type de canule
et des problèmes parfois majeurs quils provoquent, et
dautre part de la multiplication des manipulations quelles
induisent, nous avons renoncé totalement à lusage de ces
canules depuis plusieurs années. Par ailleurs, certains
auteurs ont démontré, sur banc, leffet positif sur le travail
respiratoire du retrait de la chambre interne [16]. Cette
attitude est contestable en pratique au vu des conséquen-
ces alors majorées déventuels bouchons, mais cela est une
illustration du facteur obstacle joué par la canule de tra-
chéotomie.
En pratique, les moyens daction sur lécoulement du
flux aérien reposent donc sur le caractère gonflé ou non
du ballonnet, le diamètre de la canule utilisée, et lajout
dune valve phonatoire. Il existe un choix important de
canule sur le marché, et il est très important dêtre attentif
aux diamètres internes et totaux des canules, ainsi quà
«lencombrement » du ballonnet lorsquil est dégonflé.
Modalités de loxygénation et de lhumidification
Lune des premières difficultés rencontrées lors du sevrage,
même partiel lors du nycthémère, de la ventilation méca-
nique est liée à la perte de lhumidification des voies
aériennes assurée auparavant par un filtre échangeur
dhumidité ou un humidificateur chauffant. Cette fonction
est pour autant capitale afin de lutter contre lobstruction
de la canule en labsence dun tel procédé, lorsque la ven-
tilation par les voies naturelles et lhumidification en
découlant nest pas suffisante. Il nexiste, à notre connais-
sance, pas de recommandation pratique à ce sujet, tant du
point de vue de lindication des différents systèmes que de
leur gestion quotidienne [7].
Plusieurs méthodes sont disponibles pour assurer cette
humidification [17]. Nous privilégions volontiers la mise en
place dun filtre échangeur dhumidité à lextrémité de la
canule, avec une très satisfaisante efficacité clinique en
termes de sécrétion et le plus souvent une excellente tolé-
G. Beduneau et al.44
rance ventilatoire. Parfois ce dispositif est mal accepté par
les patients dont linsuffisance respiratoire est particulière-
ment sévère ; la résistance induite par ce système peut être
en cause, mais nous avons vu quil existe dautres détermi-
nants sur lesquels agir en cas de difficulté à linitiation
dune respiration autonome sur une canule de trachéoto-
mie. Des systèmes plus complexes assurent lhumidification
des voies aériennes, y compris en ventilation spontanée, à
partir dun humidificateur chauffant. Nous navons pas
lexpérience de ce procédé.
Loxygénation additionnelle, lorsquelle est nécessaire,
peut facilement être réalisée sur le raccord prévu à cet
effet sur le filtre, après avoir déterminé le débit adéquat.
A contrario, loxygénation et lhumidification assurées par
un masque cervical placé tant bien que mal en regard de
lorifice de la canule sont souvent insuffisantes, source
potentielle dune part de bouchons formés par des sécrétions
tant au niveau de la canule que des voies aériennes proxima-
les et dautre part dun niveau doxygénation aléatoire.
Exploration de la capacité à expectorer
Parmi les éléments indispensables à une décanulation
sécurisée figure laptitude renouvelée du patient à drainer
efficacement son arbre bronchique. Lévaluation de cette
capacité repose en partie sur lanalyse clinique quoti-
dienne, en particulier lors des séances de kinésithérapie
respiratoire, via lexpectoration de sécrétions en prove-
nance de larbre bronchique. Il sagit bien sûr dune éva-
luation alors essentiellement subjective, qui peut être
corrélée à la fréquence et à labondance des aspirations
trachéobronchiques réalisées par les infirmier(e)s. De
nombreux outils ont été développés pour tenter de com-
pléter par des résultats plus objectifs les données de
lapproche clinique, tels que lanalyse des pressions expi-
ratoires maximales [18] ou une mesure plus simple basée
sur le débit expiratoire de pointe [19].
Exploration de la déglutition et reprise
de lalimentation
La reprise de lalimentation doit senvisager dès que pos-
sible, y compris alors que la ventilation mécanique se
poursuit. Lanalyse de la capacité à déglutir, le patient
étant placé dans de bonnes conditions (assis, drainage
bronchique réalisé, respiration calme,), est réalisée au
lit en plusieurs étapes simples par la kinésithérapeute
(Tableau 2). La déglutition de différentes textures est
ensuite testée, en commençant par une structure pâteuse
et en finissant par les liquides lorsque aucune anomalie
nest mise en évidence. En cas déchec (absence de déglu-
tition, fausses routes cliniques primaires ou à distance,
toux au décours de lalimentation,) une évaluation spé-
cialisée est le plus souvent indiquée [14]. Elle repose dans
un premier temps, chez ces patients encore peu mobilisa-
bles et dépendants dune assistance ventilatoire, sur une
évaluation des paires crâniennes avec un rôle dans la
déglutition (V, VI, IX, X, XI, XII), et des voies aérodigestives
supérieures. Cet examen est clinique mais aussi nasofi-
broscopique pour une analyse qualitative de la déglutition.
Si le test de déglutition est cliniquement rassurant et la
toux suffisamment efficace, la présence de rares fausses
routes nest pas une contre-indication absolue à une
reprise de lalimentation orale avec normalisation pro-
gressive des textures, voire ensuite à la décanulation. Il
faut demeurer très attentif lors des phases dalimentation
et au décours, pour ne pas méconnaître des fausses routes
silencieuses ou inconstantes. Le ballonnet sera dégonflé
lors du repas si les modalités dassistance ventilatoire en
cours le permettent. Si les critères de bonne déglutition
ne sont pas réunis, il ne nous paraît pas logique dans un
premier temps dautoriser lalimentation sous couvert
dun ballonnet gonflé qui noffre pas une protection par-
faite des voies aériennes, et peut contribuer en soi à la
genèse des fausses routes par la gêne occasionnée à
lélévation du larynx.
En cas déchec initial de la déglutition, de nouveaux
tests simples doivent être régulièrement réalisés. Si
létat de conscience et lautonomie ventilatoire du
patient le permettent, des tests plus complexes apportant
des informations complémentaires à la nasofibroscopie
comme la vidéoradioscopie de la déglutition ou lélectro-
myographie pourront être discutés [14].
Dans le même temps, il convient de sinterroger sur la
voie dabord de lalimentation entérale, le plus souvent à
ce stade via une sonde nasogastrique. Son rôle pro-
inflammatoire local est certain, et parfois participe gran-
dement aux troubles de la déglutition observés [14].
Lorsque la durée prévisible dalimentation via une sonde
savère prolongée (on propose classiquement une durée
au-delà de deux à trois mois) la réalisation dun abord per-
cutané abdominal de lestomac ou de lintestin, que ce
soit selon une technique endoscopique, radiologique ou
encore chirurgicale, paraît opportune.
Exploration des voies aérienne supérieures
Cette exploration est un point potentiellement majeur de
la démarche de décanulation. Elle peut être réalisée dans
le même temps que lexploration de la déglutition ou de
manière plus systématique comme certains auteurs le
recommandent avant la décanulation [20]. Ce caractère
systématique peut-être contestable lorsque aucun symp-
tôme clinique anormal nest observé, mais cette approche
est indispensable en présence dun signe dalarme clinique
et/ou dune difficulté notamment lors des phases de ven-
tilation spontanée ou bien de déglutition. Il doit sagir
dun véritable examen spécialisé des voies aériennes supé-
rieures, à la recherche dun dysfonctionnement du larynx
et/ou des cordes vocales, dune inflammation, dun granu-
lome, dune sténose[12]. Cette analyse doit déboucher
sur une thérapeutique adaptée, intégrant par exemple le
choix dune prothèse dabord trachéal de caractéristiques
différentes, le retrait de la sonde nasogastrique, un trai-
tement systémique inflammatoire ou local perendosco-
pique, voire même chirurgical dans certains cas de sté-
nose. Il arrive quune atteinte dune ou plusieurs paires
crâniennes soit mise en évidence. Le bilan étiologique est
alors potentiellement très large, pouvant intégrer la
recherche dune atteinte virale « neurotrope » (citons le
cytomégalovirus, virus dEpstein-Barr, lHerpes simplex
virus) ou dune maladie de Lyme, une exploration neurolo-
De la trachéotomie à la décanulation : quels sont les problèmes dans une unité de sevrage ? 45
gique centrale étendue jusquaux noyaux des paires crâ-
niennes, une tomodensitométrie cervicothoracique de la
base du crâne à la crosse de laorte en cas datteinte
récurrentielle.
Retrait de la canule de trachéotomie
La décision de retrait dune canule de trachéotomie est
bien sûr fonction de la disparition de la cause ayant
conduit à sa mise en place. La multiplicité des étiologies
possibles responsable dune ventilation mécanique prolon-
gée expose volontiers dans la période initiale de sevrage
de la ventilation mécanique, au risque de fatigue muscu-
laire, dinadaptation transitoire des centres respiratoires,
ou de récidive de la détresse respiratoire [12]. Ceriana et
al. ont récemment publié leur arbre décisionnel [21]
(Fig. 1), véritable démarche de décanulation validée
auprès de 145 patients consécutifs. Notre pratique quoti-
dienne, au sein de lUSR, sen inspire fortement,
puisquelle associe le sevrage de la ventilation mécanique,
lévaluation et si nécessaire la prise en charge de la déglu-
tition et de lexpectoration, lexploration au moindre
doute des voies aériennes supérieures depuis la bouche
jusquà la carène, et sappuie sur une décroissance régu-
lière du diamètre de la canule. De plus, lorsque les diffé-
rentes étapes décrites ont été franchies, nous avons
lhabitude de mettre en place pendant 24 à 72 heures un
bouchon obstruant la canule. Si sa mise en place est bien
tolérée sur le plan ventilatoire, et en labsence de recours
à des aspirations endotrachéales, la canule est retirée.
Peu dauteurs se sont intéressés aux conséquences phy-
siologiques dune décanulation. Après lexploration de
neuf patients consécutifs porteurs dune pathologie neuro-
musculaire, Chadda et al. [22] ont montré une augmenta-
tion dau moins 30 % du travail respiratoire. Cette aug-
mentation est, dans cette étude, secondaire à un
accroissement de lespace mort, et conduit les auteurs à
proposer une particulière prudence dans un contexte
dinsuffisance respiratoire restrictive.
La fermeture du trachéostome est en règle aisée, et
effective en quelques heures à quelques jours. Dans de
rares cas, cette fermeture peut ne pas être complète, ou
la cicatrisation nest pas satisfaisante. Ces deux situations
relèvent dune prise en charge spécialisée ORL. Il nous
paraît prudent de conserver au décours de la décanulation
une surveillance en milieu de réanimation ou de soins
intensifs afin de pouvoir réaliser en cas de mauvaise tolé-
rance un nouvel abord trachéal. Le plus souvent il est alors
aisé dutiliser le même trajet de trachéotomie ; en cas
Tableau 2 Bilan clinique initial de déglutition du patient trachéotomisé (réalisé par la kinésithérapeute au lit du malade)
G. Beduneau et al.46
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