On se souvient que dans son célèbre arrêt Costa
, la Cour de Justice des
Communautés Européennes différenciait le droit dont on lui confiait la garde, des
traités internationaux ordinaires, considérant que le traité CEE « a institué un ordre
juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres lors de l’entrée en vigueur
du traité qui s’impose à leurs juridictions ». Le Conseil constitutionnel
, soucieux de
promouvoir la norme qui l’a instauré, rappelle pour sa part, en citant l’article 88-1 de
la Constitution
, que « le constituant a ainsi consacré l’existence d’un ordre juridique
communautaire intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique
international ». Quant à la Cour de cassation
, elle reconnaîtra, également, dans son
arrêt Jacques Vabres, que le traité du 25 mars 1957 institue « un ordre juridique propre
intégré à celui des Etats membres », ce qui lui permet de conclure que cet ordre
juridique est directement applicable aux ressortissants des Etats et s’impose à leurs
juridictions. Elle se livre alors au contrôle de conventionnalité que le Conseil
constitutionnel, dans sa célèbre décision du 15 janvier 1975
, n’a pas souhaité lui-
même exercer ; elle sera rejointe 14 ans plus tard par le Conseil d’Etat
dont le goût,
ou en tout cas l’engouement, pour le dialogue n’est décidemment pas d’une totale
évidence. La présence de la même expression – « ordre juridique intégré », dans
chacune des décisions, pour qualifier le droit de l’Union est-elle l’expression du
dialogue des juges ? Elle est plutôt, nous semble-t-il, l’illustration de cette intégration
européenne à laquelle tous les juges sont confrontés, chacun essayant de tirer de cette
réalité juridique un moyen d’asseoir son existence. Le Conseil constitutionnel
maintient sa pyramide normative contre vents et marées européens
et la Cour de
cassation saisit l’opportunité du contrôle de conventionnalité pour examiner la loi,
CJCE 15 juillet 1964
Conseil constitutionnel 19 novembre 2004, n° 2004-505 DC, Traité établissant une Constitution pour
l’Europe, cons n° 11. C’est nous qui soulignons.
Dans sa rédaction d’alors, cette disposition posait que « La République participe aux communautés
européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les
ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences ». Restait à considérer qu’une telle
disposition est bien normative…
C Cass, ch mixte, 24 mai 1975.
Conseil constitutionnel 15 janv 1975 n° 74-54 DC.
CE 20 octobre 1989, Nicolo.
C constit 19 nov 2004, op cit , cons n° 10 : « Considérant, en particulier, que n'appelle pas de remarque de
constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité ; qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5,
relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur
l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne ».