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Ainsi, l’intérêt général est à la base de la construction des grandes théories du droit
administratif telles que le service public, la domanialité publique, les contrats administratifs, la police
administrative …
Mais l’intérêt général, s’il est au cœur du droit public français, doit nécessairement se trouver
conforté par la loi. Ainsi, la loi, expression de la volonté populaire, particulièrement dans l’Etat
démocratique français, doit être le reflet de l’intérêt général. Or la loi est de plus en plus complexe et
semble même se départir de l’intérêt général tant elle devient, dans une certaine mesure, source
d’insécurité.
Sont en cause la multiplicité des sources du droit (international, communautaire), la
décentralisation (géographique et sectorielle), mais également la demande de lois par les citoyens. En
1998 (loi relative aux 35 heures), 1999 et 2003 (loi relative à l’élection des sénateurs), le Conseil
constitutionnel a rappelé l’exigence de clarté de la loi (et de son caractère complet) et a fait de
l’accessibilité et de l’intelligibilité de la loi un objectif de valeur constitutionnelle. C’est dire si le
Conseil est attaché à la définition et au but premiers de la loi qui doit être l’expression de la volonté
générale, expression qui, en retour, doit être comprise par les citoyens.
A ce titre, le Conseil constitutionnel a censuré en termes très sévères une disposition fiscale
de la loi de finances le 29 décembre 2005 pour défaut d’intelligibilité, eu égard à son caractère
excessivement complexe.
Il est ainsi primordial que l’intérêt général transcrit par la loi puisse faire l’objet, de la part
des citoyens, d’une appréhension optimale, par exemple à travers la refonte des textes législatifs, ou la
codification voire, lorsque cela est possible, la consécration de règles jurisprudentielles par la loi –
dont l’utilité est particulièrement nette en droit public, puisqu’il guide les relations avec les pouvoirs
publics.
Ainsi, l’intérêt général, fondement de la puissance publique, sert également de base à l’action
administrative.
B) L’intérêt général, base de l’action administrative
L’intérêt général est à l’origine des critères et régimes des moyens d’action de
l’administration. Il fonde également la particularité du contentieux relatif à l’administration.
En premier lieu, la notion d’intérêt général se concrétise au niveau de l’action administrative
dans le régime des actes administratifs unilatéraux. Ceux-ci sont caractérisés par les prérogatives de
puissance publique qu’utilisent les autorités administratives (Conseil Constitutionnel, janvier 1987,
Conseil de la Concurrence). Ainsi, l’administration bénéficie, entre autres, du privilège du préalable.
Ses actes ont un caractère exécutoire. En outre, à travers les actes pris dans le cadre de la police
administrative, l’intérêt général fonde l’ordre public qui impose des sujétions particulières aux
administrés. L’intérêt général est ainsi à l’origine de la mise en œuvre de la loi de 1955 relative à l’état
d’urgence il y a quelques mois (Juge des référés du Conseil d’Etat, novembre et décembre 2005, Rolin,
Boisvert et Allouache et C.E, assemblée, 24 mars 2006). L’intérêt général, en équilibre avec le
principe de sécurité juridique, fonde également le régime du retrait des actes administratifs.
En outre, l’intérêt général est au cœur des critères et du régime des contrats administratifs,
qui incarnent une mission de service public ou mettent en œuvre des prérogatives de puissance
publique au bénéfice d’une partie, ou des clauses exorbitantes du droit commun (C.E, [1912], Société
des granits porphyroïdes des Vosges). L’intérêt général justifie la théorie de l’imprévision
(jurisprudence « Gaz de Bordeaux »), la théorie du fait du Prince ainsi que celle des sujétions
imprévues (C.E., 1910, Compagnie générale des tramways).