TL Art plastiques Lycée Jeanne d’Arc Rouen Portes ouvertes 2011 (en lien avec
l’exposition du réseau rive droite « Fictions et réalités », et avec le défilé « Jeanne d’arc » du
mois de Mai 2011) Annie Boulon-Fahmy
CHIMERES
Monstres et merveilles, de la mythologie à l’imaginaire contemporain…
Dans la mythologie grecque, la chimère était un monstre femelle crachant des flammes.
« Lion par devant, dragon par derrière et chèvre par le milieu », c’est ainsi qu’Homère la
décrivait dans le livre VI de l’Iliade. Issue de l’âge des titans, voire du chaos antérieur au
Cosmos, elle dévasta la Carie et la Lycie jusqu’au jour où le grec Bellérophon, monté sur
Pégase, la terrassa.
Au fil de l’histoire, du Moyen- âge à la Renaissance, Chimère et son cortège de monstres
hybrides continueront à incarner les forces obscures et les puissances diaboliques.
Mais à la fin du XVIème siècle, un nouveau sens apparaîtra, celui « d’imagination vaine, que
l’on a tendance à considérer comme réalité », l’adjectif « chimérique » signifiant « insensé ».
Chimère s’éloignera alors, pour un temps, de l’univers du bestiaire monstrueux pour entrer
dans celui de l’imaginaire, mais aussi celui du rêve et du fantastique.
Depuis, de Goya à Gérard de Nerval et Flaubert, des Symbolistes aux Surréalistes, jusqu’aux
images plus actuelles d’Annette Messager, la chimère erre entre ses significations
paradoxales, animal mythique, archaïque, images douces à caresser, mirages, songes, utopies
ou obsessions nocturnes et cauchemars…
"Nos chimères sont ce qui nous ressemble le mieux." disait Monsieur Madeleine dans Les
Misérables de Victor Hugo.
Mais que nous révèlent ces chimères sur nous-mêmes ?
Que disent-elles de nos rêves, de nos fantasmes, de nos peurs, de nos désirs refoulés et de nos
archaïsmes ?
En leur donnant formes et en les revêtant, quelque chose de nous-mêmes se dira peut-être,
tout en nous protégeant de leur pouvoir maléfique …
En devenant armures ou parures, ces chimères proposeront au regard d’autrui une lecture de
notre subjectivité, de notre « être au monde », mais se feront également enveloppes, « moi-
peau », interfaces, entre notre corps propre et le monde extérieur.
La chimère est paradoxale, bienfaisante et monstrueuse. La nature humaine se constitue elle
aussi de ces ambivalences et le vêtement, qui épouse notre corps et le cache tout autant, joue
de ces contradictions.
Il révèle notre corps, mais en multipliant les épaisseurs, les excroissances, il donne
également à voir un autre corps …
Et si c’était une chimère ?
NB : le vêtement « chimère » sera réalisé avec des collants, en excluant, si possible, tout autre matériau
( référence : workshop de l’école des Beaux-arts de Rouen en 2010, avec le collectif QQCOQ)