cette question est restée très longtemps en suspens, qu'elle a fait l'objet de vifs débats et
d'une série de projections imaginaires. À partir de la découverte du Nouveau Monde, un
topos de notre vision de ces cultures s'est lentement formé autour de cette question, qui les
a réduites au statut de «traditions orales». Il s'agit d'une idée persistante, d'un topos
rhétorique si enraciné dans la mentalité courante qu'il peut paraître irréfutable. Avant de
commencer à étudier quelques exemples de pictographie amérindienne dans la perspective
que nous avons esquissée au chapitre précédent, il est donc important de rappeler combien
il a été difficile, pour la pensée occidentale, de saisir la vraie nature de ces graphismes.
L'idée, aujourd'hui courante, que les populations indiennes d'Amérique ont été de façon
constitutive dépourvues de techniques graphiques capables de préserver la parole, n'eut rien
d'évident pour les premiers découvreurs du continent américain. Elle ne fut pas non plus
immédiatement admise par les auteurs qui, à partir des premières décennies du XVIe siècle,
commencèrent à écrire l'histoire de la découverte du Nouveau Monde. Pour un certain
nombre d'entre eux, ce fut tout naturel, bien au contraire, de croire que les populations
autochtones de l'Amérique possédaient depuis toujours une technique de préservation des
savoirs et qu'elles connaissaient, sinon les lettres d'un alphabet, du moins des signes à
déchiffrer, des parchemins couverts de textes ou même des livres entiers. Tout au long du
XVIe siècle, on voit apparaître une identification des premières pictographies provenant du
Mexique avec une forme originaire d'écriture, et en particulier avec les hiéroglyphes
égyptiens, ces hieroglyphica qui suscitèrent tant d'intérêt dans les milieux humanistes
italiens, de Pier Valeriano (1556) à Michèle Mercati (1598).
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