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DOSSIER
QUELLE ATTITUDE DEMAIN ?
ELLE SERA PRUDENTE DANS LA MESURE
OÙ AUCUN TEXTE LÉGISLATIF NE PRÉVOIT
EXPRESSÉMENT LA QUALITÉ DU MÉDECIN
EN CHARGE DE LA PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE
Le nombre d’anesthésistes-réanimateurs n’est plus celui
que nous avons connu il y a une vingtaine d’années.Les
établissements hospitaliers fleurissaient encore partout
en France et les hôpitaux publics ou participant au ser-
vice public étaient soumis à la tutelle de l’Etat qui approu-
vait leur budget et fixait unilatéralement le montant des
ressources hospitalières devant être versées par les
organismes d’assurance maladie.
Ainsi,les hôpitaux avaient-ils les moyens d’employer un
nombre important de praticiens.D’autre part,le besoin
de reconnaissance de l’anesthésiste-réanimateur passait
par le nécessaire affichage de sa compétence médicale.
L’anesthésiologiste avait investi la prise en charge non chi-
rurgicale du patient opéré.Il faut dire qu’elle ne rapportait
rien au chirurgien !
Dans le but de s’affilier des médecins anesthésistes pour
leur propre spécialité,les chirurgiens n’ont pas hésité à
mettre certains lits du service de chirurgie à disposi-
tion.Ainsi,les anesthésiologistes peuvent-ils exercer leur
art dans des enclaves chirurgicales appelées « soins inten-
sifs » dont les lits, rappelons-le, appartiennent au ser-
vice de chirurgie.Il ne pouvait en être autrement puisque
l’activité libérale des chirurgiens est calculée à partir de
la dimension du service,il n’est nullement question de se
départir de quelques lits !
Dans quelques situations favorables, l’activité exercée
par le médecin anesthésiste est comptabilisée dans celle
du service d’anesthésie-réanimation,sous la forme d’un
K50,mais cela n’est pas le cas partout.
En dehors des soins intensifs,il peut également jouer le
rôle de médecin généraliste (pour ne pas dire de l’interne)
du service de chirurgie.En effet,il arrive qu’il effectue la
visite des patients hospitalisés en unité d’hospitalisation
chirurgicale. La prescription d’un comprimé de
benzodiazépine ou de la prévention de la maladie
thrombo-embolique requiert-elle une compétence
médicale spécialisée ?
L’ANESTHÉSISTE RÉANIMATEUR :
UN MÉDECIN SPÉCIALISTE COMME LES AUTRES
Après des années de combat pour la reconnaissance et la
médicalisation de la spécialité,les anesthésiologistes doivent
être traités de la même manière que les autres médecins et
la reconnaissance de notre spécificité doit être encouragée.
L’anesthésiste-réanimateur est un médecin spécialiste comme
le cardiologue ou le pneumologue.A ce titre,il devrait avoir
un rôle de consultant,au sein des services de chirurgie.De
même, le chirurgien téléphone au radiologue lorsqu’il a
besoin d’un examen tomodensitométrique pour mettre en
évidence une complication postopératoire, il devrait faire
appel à l’anesthésiologiste dès lors qu’il requiert sa compé-
tence. Or,le plus souvent,ce dernier est appelé par l’infir-
mière pour des tâches ou des prescriptions qui sont du res-
sort de l’interne.Ailleurs,où il n’y a pas d’interne de spécialité,
certains services n’hésitent pas à employer des internes de
médecine générale voire des médecins généralistes,l’anes-
thésiologiste restant ce consultant que l’on appelle pour un
avis spécialisé.Dans d’autres services,de telles organisations
ne sont pas possibles.Il est alors impératif de rédiger des pro-
tocoles précisant les domaines d’intervention et les res-
ponsabilités du chirurgien et celles de l’anesthésiste-réani-
mateur.Ces règles de fonctionnement seront définies après
concertation de tous les intervenants,admises et formalisées
dans un document de référence.En situation d’urgence, le
praticien présent devra engager les manœuvres de réani-
mation dans l’attente du praticien compétent.Un médecin
ne peut se défiler face à sa responsabilité.Le Code de déon-
tologie est là pour nous le rappeler.
La responsabilité médicale telle que l’envisagent les juges
aujourd’hui doivent conduire à une réflexion de la pratique
des anesthésistes-réanimateurs dans les services de chirur-
gie.S’il existe,au sein de l’équipe,une zone de compétence
commune dans laquelle les responsabilités du chirurgien et
de l’anesthésiste peuvent être toutes deux engagées,la res-
ponsabilité de chacun demeure personnelle au regard de
ses obligations propres. Il faut, pourtant, garder à l’esprit
que la répartition et la spécialité des médecins anesthésistes
ne doivent plus aujourd’hui conduire à un rôle de médecin
en formation ou de médecin généraliste. Les temps ont
changé et la pratique médicale a évolué.Il s’agit d’une don-
née nouvelle dont il faudra désormais prendre en compte.
Michel DRU- Vice président
Rappelons que si anesthésistes-réanimateurs et
chirurgiens interviennent chacun dans leur domaine
de compétence, la diligence exclut qu’en situation
d’urgence, un médecin se retranche derrière sa spé-
cialité pour s’exonérer de sa mission d’assistance en cas
de complication postopératoire quelle qu’en soit la
nature.
RÉFÉRENCES :
1- Décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de
fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de
l’anesthésie et modifiant le code de la santé publique (troisième partie :Décrets)
(J.O.du 8 décembre 1994)
2- Recommandations concernant l’anesthésie du patient ambulatoire.SFAR,sept.1990.
3- Recommandations concernant les relations entre anesthésistes-réanimateurs,
chirurgiens et autres spécialistes ou professionnels de santé.Ordre National
des Médecins,mai 1994.Nouvelle édition décembre 2001
4- Code de la santé publique.Dalloz,2000.