La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 5-6 - mai-juin 2013 | 153
ÉDITORIAL
”
Certes, une partie de la radiologie, de la chirurgie, en particulier la chirurgie
cardiaque, et de la médecine interventionnelle s’oriente vers cette médecine
de l’ingénieur. Mais l’essentiel de la médecine, y compris de la chirurgie, reste
une médecine de l’individu éminemment variable et largement imprévisible.
Les progrès de l’imagerie, de la génétique et de l’ingénierie ont permis de
réduire cette variabilité, mais elles ne l’ont pas supprimée tant elle semble
consubstantielle à la singularité humaine. “On compare souvent le chirurgien
à un pilote d’avion”, explique Laurent Sedel. “C’est une grossière erreur.”
Eneffet, dit-il, “siun pilote a un crash, en général il n’en a qu’un dans sa
carrière, alors que tout grand chirurgien a forcément plusieurs crashs, mais
ils’agit pour lui d’être capable de ramener le patient à bon port !” Ce qui fait
legrand chirurgien, ajoute Laurent Degos, dans son livre Santé : sortir des
crises ? cen’est pas seulement le respect des procédures mais l’expérience de
l’artisan et le talent de l’artiste. De même, ce qui fait la différence en termes
de morbimortalité postopératoire, ce n’est pas seulement l’expertise
du chirurgien, mais aussi, et tout autant, la qualité du travail d’équipe entre
chirurgiens, anesthésistes, médecins responsables du postopératoire et
paramédicaux. D’où l’importance qu’il y ait des équipes stables ayant
l’habitude de travailler ensemble, et prenant le temps d’analyser les raisons
deleurs échecs.
Quant au grand défi de notre système de santé, la prise encharge
de15millions de patients atteints de maladie chronique, dont 8millions
inscrits en affection de longue durée (ALD) pour lesquels sont dépensés 60 %
dubudget de la Sécurité sociale, il ne relève pas de la “médecine industrielle”
mais de la “médecine intégrée” (biomédicale, psychosociale et pédagogique).
Hélas, toutes les réformes du système desanté depuis près de 20 ans ont été
pensées par des managers, des économistes etquelques médecins ultra-
spécialisés partageant la pensée unique de la“médecine industrielle”.
Il est temps de rompre avec ce paradigme partiel etpartial pour adopter
un modèle pluriel.
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