CAS CLINIQUE Infection Mots-clés Nasopharynx – Tuberculose – Histology Keywords Nasopharynx – Tuberculosis – Histology Tuberculose du naso-pharynx : à propos d’un cas Nasopharyngeal tuberculosis: a case report B. Bouaity*, K. Nadour*, A. Aljalil*, N. Touihem*, H. Attifi*, M. Kettani*, R. Kada*, W. Itoua*, M. Elakhiri*, M. Chihani*, B. Hemmaoui*, N. Errami*, F. Benariba* L a tuberculose du cavum est une infection chronique rare représentant moins de 1 % des formes de cette maladie. Cette atteinte peut être primaire, par inhalation, ou secondaire à une localisation à distance – surtout pulmonaire. Elle semble être en recrudescence depuis l’apparition du sida. La forme la plus habituelle est une lésion du nasopharynx associée à des adénopathies cervicales. Le problème de diagnostic différentiel se pose essentiellement avec le cancer du cavum, et seule la biopsie permet de trancher. A Observation Ce patient âgé de 18 ans, sans antécédents pathologiques notables – en particulier pas de notion de contage tuberculeux –, bien vacciné par le BCG, a consulté pour des épistaxis modérées répétées depuis un mois, dans un contexte d’altération de l’état général. L’examen a retrouvé des polyadénopathies cervicales bilatérales (figures 1 A et B), jugulocarotidiennes et spinales, peu sensibles, fermes et mobiles à la palpation. La rhinoscopie postérieure, complétée par la nasofibroscopie a objectivé une lésion suspecte, ulcéro-bourgeonnante, du cavum (figure 2). La tomodensitométrie du cavum et du cou a objectivé un processus tissulaire ne prenant pas le produit de contraste, localisé à la paroi postéro-latérale gauche du cavum, avec de multiples adénopathies spinales et jugulo-carotidiennes (figures 3 A et B). Une biopsie de cette lésion a été réalisée, et l’étude anatomopathologique a retrouvé un processus granulomateux spécifique épithéloïde et giganto-cellulaire, sans nécrose caséeuse, compatible avec une étiologie tuberculeuse (figure 4). La recherche d’autres localisations a été effectuée : la radiographie pulmonaire s’est révélée normale, la recherche du ▲ Figures 1. Adénopathies jugulo-carotidiennes (A), multiples et bilatérales (B). ▼ B * Service d’ORL, d’imagerie, d’anatomopathologie et de neurologie de l’hôpital militaire d’instruction Mohammed-V, Rabat, Maroc. 14 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 319 -octobre-novembre-décembre 2009 CAS CLINIQUE ◀ Figure 2. Image endoscopique ulcéro-bourgeonnante du naso-pharynx. ◀ Figures 3. TDM du cavum montrant un processus tumoral (*) de la paroi postero-latérale gauche en coupe axiale (A), la coupe coronale montre en plus des adénopathies (B). ▼ ▼ Figure 4. Muqueuse respiratoire dont le chorion est le siège de granulomes tuberculoïdes (grossissement x 40). bacille de Koch (BK) dans les crachats et les tubages gastriques a été négative, l’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine était fortement positive à 17 mm et la VS était à 60 mm à la première heure ; enfin, la sérologie du VIH était négative. Étant donné le caractère endémique de la tuberculose dans notre pays, le diagnostic de la tuberculose du cavum a été retenu, et le patient a été adressé au service de pneumophtisiologie, où il a reçu un traitement antibacillaire associant isoniazide, rifampicine et pyrazinamide pendant deux mois, puis l’association isoniazide et rifampicine pendant sept mois. L’évolution a été marquée par une nette amélioration clinique et radiologique. Le patient a été suivi tous les mois en consultation ORL jusqu’à la fin du traitement antibacillaire, puis tous les trois mois. Il est bien portant 5 ans et 10 mois après sans aucun signe de rechute ou de récidive. Discussion La tuberculose constitue un vrai problème de santé publique dans notre pays. Sa localisation aux voies aéro-digestives supérieures est peu fréquente au niveau du larynx et du pharynx, elle est rare au niveau des fosses nasales et du cavum. Les premiers cas de tuberculose du cavum ont été rapportés par Graff en 1936 qui avait identifié histologiquement ce type de tuberculose chez 30 % des 118 tuberculeux pulmonaires étudiés (1), puis P. Buffe avait regroupé une trentaine de cas en 1984 (2) ; T. Boussoumi a publié une observation en 1992 venant s’ajouter aux huit cas tunisiens rapportés par El Azzouz en 1973 (3). M. Alouane a quant à lui rapporté deux cas en 1996 (1). Cette pathologie commence même à intéresser les pays développés à cause du sida (4-6). La tuberculose du cavum touche le sujet jeune âgé en moyenne de 10 à 20 ans avec des âges extrêmes se situant entre 8 et 62 ans. Elle touche aussi bien les hommes que les femmes (1). La plupart des cas publiés concernent des patients d’origine maghrébine, ce qui atteste de l’endémicité de cette pathologie (1, 4-6). La contamination se fait surtout par voie aérienne directe, par inhalation de poussière contaminée par le bacille d’un sujet porteur de tuberculose pulmonaire active. Cette voie est la plus probable chez notre patient. De façon moins fréquente, la contamination se fait par voie hématogène ou lymphatique, à partir d’un foyer infectieux tuberculeux loco-régional. Plus rarement encore, la contamination se fait par ingestion de lait cru souillé par le bacille bovin. L’affection est le plus souvent primitive au niveau du cavum, l’association avec l’atteinte pulmonaire étant devenue rare (1). Cliniquement, la tuberculose du cavum emprunte la symptomatologie d’une tumeur maligne paucisymptomatique dominée par un syndrome ganglionnaire (cette lymphophilie s’explique par la richesse en lymphatique du nasopharynx), puis un syndrome rhinologique avec une obstruction nasale ou des épistaxis, et enfin un syndrome otologique sous forme d’otite séro-muqueuse. Par ailleurs, le contexte d’altération de l’état général est omniprésent (4, 7). Le temps fort de l’examen La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 319 -octobre-novembre-décembre 2009 | 15 CAS CLINIQUE clinique est la nasofibroscopie, qui peut objectiver une lésion ulcéro-bourgeonnante et saignante de la muqueuse du cavum ou une hyperplasie du tissu lymphoïde du cavum. Par ailleurs, il faut rappeler que la tuberculose est très déroutante et peut se présenter sous divers aspects macroscopiques (ulcération, infiltration, etc.). Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent de faire le bilan des lésions et de rechercher d’éventuelles adénopathies souvent associées. L’IDR à la tuberculine oriente le diagnostic, alors que la recherche du BK dans les crachats et le tubage gastrique est souvent négative. Mais seules la biopsie et l’étude histologique donnent le diagnostic de certitude. Il est par ailleurs nécessaire de rechercher une deuxième localisation tuberculeuse, surtout pulmonaire, de faire un dépistage de tuberculose dans l’entourage du patient et, surtout, de réaliser une sérologie VIH, principale cause de la recrudescence de la tuberculose dans les pays développés. Le problème du diagnostic différentiel se pose essentiellement avec les tumeurs malignes du cavum, et seules la biopsie et l’étude anatomo-pathologique permettent de trancher (1, 8). En cas de tuberculose à bacilles sensibles, le traitement repose sur l’association rifampicine (10 mg/kg), isoniazide (4 à 5 mg/­kg) et pyrazinamide (25 mg/kg), à laquelle on peut adjoindre de l’éthambutol (15 mg/kg) pendant deux mois, puis de la rifampicine et de l’isoniazide pendant quatre à sept mois. La chirurgie n’est que complémentaire ; elle permet les prélèvements histologiques et bactériologiques et une éventuelle adénectomie d’adénopathies persistantes. L’évolution est généralement favorable (1, 5). Conclusion La tuberculose du cavum est rare malgré son endémicité dans les pays en voie de développement et sa recrudescence dans les pays développés. Elle est souvent prise à tort pour un cancer du cavum, et seule la biopsie et l’histologie permettent d’établir le diagnostic. Le traitement antibacillaire classique permet la guérison sans séquelles. ■ Références bibliographiques 1. Alouane M, Abrouq A, Zouhair A, Azendour B, Benboumehdi M, Messari H. La forme pseudo-tumorale de la tuberculose du cavum : à propos de deux cas. Maghreb Med 1996;301:26-8. 2. Buffe P, Trannoy P, Cudennec YF, Gouteyron JF. Une localisation peu fréquente de la tuberculose des VADS : le cavum. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1984;101:601-2. 3. Boussoumi T, Kammoun N, Majri A et al. Deux aspects rares de la pathologie rhinopharyngée : tuberculose et lymphome. Cahiers d’ORL 1992;27:206-11. 4. Srirompotong S, Yimtae K, Jintakanon D. Nasopharyngeal tuberculosis: manifestations between 1991 and 2000. Am Acad Otolaryngol Head Neck Surg 2004; 131:762-4. 5. Abouhassan K. La tuberculose du rhinopharynx : à propos de deux cas. Thèse de médecine n° 121, Rabat, 1986. 6. Kuran G, Sagit M, Saka C et al. Nasopharyngeal tuberculosis: an unusual cause of nasal obstruction and snoring. B-ENT 2008;4:249-51. 7. Ellouz R, Tabbane F, Ben Attia R, Cammoun M. Aspect pseudotumoral de la tuberculose extra-pulmonaire en dehors des ganglions. Tunis Med 1973;51:147-50. 8. Hollender AR. The nasopharynx: a study of 140 autopsy specimens. Laryngoscope 1946;56:282-304. Vol. I - N° 1 janv-fév-mars 2008 Vol. I - N° 1 janv-fév-mars 2008 a n ç a is e n la n g u e fr e n o ti a rm d e fo P é ri o d iq u e fran çai se n en lan gue de form atio Pér iod iqu e Abonnez-vous à La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale revues 20 revues dont notre nouvelle revue et accédez à plus de 20 Il vous est possible de télécharger gratuitement le premier exemplaire paru ce : DaTeBe SAS Société éditri ISSN : en cours CPPAP en cours Trimestriel e site l r u s s u o .fr k r a Rendez-v m i d ww.e w