CAS CLINIQUE
Figures 1. Adénopathies jugulo-carotidiennes (A), multiples et bila-
térales (B).
B
A
14 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale 319 -octobre-novembre-décembre 2009
Mots-clés
Nasopharynx – Tuberculose – Histology
Keywords
Nasopharynx – Tuberculosis – Histology
Tuberculose du naso-pharynx :
à propos d’un cas
Nasopharyngeal tuberculosis: a case report
B. Bouaity*, K. Nadour*, A. Aljalil*, N. Touihem*, H. Attifi*, M. Kettani*, R. Kada*, W. Itoua*, M. Elakhiri*, M. Chihani*,
B. Hemmaoui*, N. Errami*, F. Benariba*
* Service d’ORL, d’imagerie, d’anatomopathologie et de neurologie de l’hôpital mi-
litaire d’instruction Mohammed-V, Rabat, Maroc.
L
a tuberculose du cavum est une infection chronique rare
représentant moins de 1 % des formes de cette maladie.
Cette atteinte peut être primaire, par inhalation, ou
secondaire à une localisation à distance – surtout pulmo-
naire. Elle semble être en recrudescence depuis l’apparition
du sida. La forme la plus habituelle est une lésion du naso-
pharynx associée à des adénopathies cervicales. Le problème
de diagnostic différentiel se pose essentiellement avec le
cancer du cavum, et seule la biopsie permet de trancher.
Observation
Ce patient âgé de 18 ans, sans antécédents pathologiques
notables – en particulier pas de notion de contage tubercu-
leux –, bien vacciné par le BCG, a consulté pour des épis-
taxis modérées répétées depuis un mois, dans un contexte
d’altération de l’état général. Lexamen a retrouvé des poly-
adénopathies cervicales bilatérales (figures 1 A et B), jugulo-
carotidiennes et spinales, peu sensibles, fermes et mobiles à
la palpation. La rhinoscopie postérieure, complétée par la
nasofibroscopie a objectivé une lésion suspecte, ulcéro-bour-
geonnante, du cavum (figure 2). La tomodensitométrie du
cavum et du cou a objectivé un processus tissulaire ne prenant
pas le produit de contraste, localisé à la paroi postéro-latérale
gauche du cavum, avec de multiples adénopathies spinales
et jugulo-carotidiennes (figures 3 A et B). Une biopsie de
cette lésion a été réalisée, et l’étude anatomopathologique
a retrouvé un processus granulomateux spécifique épithéloïde
et giganto-cellulaire, sans nécrose caséeuse, compatible avec
une étiologie tuberculeuse (figure 4).
La recherche d’autres localisations a été effectuée : la radio-
graphie pulmonaire s’est révélée normale, la recherche du
Infection
CAS CLINIQUE
Figure 4. Muqueuse respiratoire dont le chorion est le siège de granulomes
tuberculoïdes (grossissement x 40).
Figures 3.
TDM du cavum montrant un
processus tumoral (*) de la
paroi postero-latérale gauche
en coupe axiale (A), la coupe
coronale montre en plus
des adénopathies (B).
Figure 2.
Image endoscopique
ulcéro-bourgeonnante
du naso-pharynx.
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale 319 -octobre-novembre-décembre 2009 | 15
bacille de Koch (BK) dans les crachats et les tubages gastriques
a été négative, l’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine
était fortement positive à 17 mm et la VS était à 60 mm à
la première heure ; enfin, la sérologie du VIH était négative.
Étant donné le caractère endémique de la tuberculose dans
notre pays, le diagnostic de la tuberculose du cavum a été
retenu, et le patient a été adressé au service de pneumo-
phtisiologie, il a reçu un traitement antibacillaire associant
isoniazide, rifampicine et pyrazinamide pendant deux mois,
puis l’association isoniazide et rifampicine pendant sept mois.
Lévolution a été marquée par une nette amélioration clinique
et radiologique. Le patient a été suivi tous les mois en consul-
tation ORL jusqu’à la fin du traitement antibacillaire, puis tous
les trois mois. Il est bien portant 5 ans et 10 mois après sans
aucun signe de rechute ou de récidive.
Discussion
La tuberculose constitue un vrai problème de santé publique
dans notre pays. Sa localisation aux voies aéro-digestives supé-
rieures est peu fréquente au niveau du larynx et du pharynx,
elle est rare au niveau des fosses nasales et du cavum. Les
premiers cas de tuberculose du cavum ont été rapportés par
Graff en 1936 qui avait identifié histologiquement ce type
de tuberculose chez 30 % des 118 tuberculeux pulmonaires
étudiés (1), puis P. Buffe avait regroupé une trentaine de cas
en 1984 (2) ; T. Boussoumi a publié une observation en 1992
venant s’ajouter aux huit cas tunisiens rapportés par El Azzouz
en 1973 (3). M. Alouane a quant à lui rapporté deux cas en
1996 (1).
Cette pathologie commence même à intéresser les pays déve-
loppés à cause du sida (4-6). La tuberculose du cavum touche
le sujet jeune âgé en moyenne de 10 à 20 ans avec des âges
extrêmes se situant entre 8 et 62 ans. Elle touche aussi bien
les hommes que les femmes (1). La plupart des cas publiés
concernent des patients d’origine maghrébine, ce qui atteste
de l’endémicité de cette pathologie (1, 4-6).
La contamination se fait surtout par voie aérienne directe, par
inhalation de poussière contaminée par le bacille d’un sujet
porteur de tuberculose pulmonaire active. Cette voie est la
plus probable chez notre patient. De façon moins fréquente,
la contamination se fait par voie hématogène ou lymphatique,
à partir d’un foyer infectieux tuberculeux loco-régional. Plus
rarement encore, la contamination se fait par ingestion de lait
cru souillé par le bacille bovin. L’affection est le plus souvent
primitive au niveau du cavum, l’association avec l’atteinte
pulmonaire étant devenue rare (1).
Cliniquement, la tuberculose du cavum emprunte la sympto-
matologie d’une tumeur maligne paucisymptomatique
dominée par un syndrome ganglionnaire (cette lymphophilie
s’explique par la richesse en lymphatique du nasopharynx),
puis un syndrome rhinologique avec une obstruction nasale
ou des épistaxis, et enfin un syndrome otologique sous forme
d’otite séro-muqueuse. Par ailleurs, le contexte d’altération de
l’état général est omniprésent (4, 7). Le temps fort de l’examen
Vol. I - N° 1
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2008
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clinique est la nasofibroscopie, qui peut objectiver une lésion
ulcéro-bourgeonnante et saignante de la muqueuse du cavum ou
une hyperplasie du tissu lymphoïde du cavum. Par ailleurs, il faut
rappeler que la tuberculose est très déroutante et peut se présenter
sous divers aspects macroscopiques (ulcération, infiltration, etc.).
Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet-
tent de faire le bilan des lésions et de rechercher d’éventuelles
adénopathies souvent associées. L’IDR à la tuberculine oriente le
diagnostic, alors que la recherche du BK dans les crachats et le
tubage gastrique est souvent négative. Mais seules la biopsie et
l’étude histologique donnent le diagnostic de certitude. Il est par
ailleurs nécessaire de rechercher une deuxième localisation tuber-
culeuse, surtout pulmonaire, de faire un dépistage de tuberculose
dans l’entourage du patient et, surtout, de réaliser une sérologie
VIH, principale cause de la recrudescence de la tuberculose dans
les pays développés.
Le problème du diagnostic différentiel se pose essentiellement
avec les tumeurs malignes du cavum, et seules la biopsie et l’étude
anatomo-pathologique permettent de trancher (1, 8).
En cas de tuberculose à bacilles sensibles, le traitement repose sur
l’association rifampicine (10 mg/kg), isoniazide (4 à 5 mg/ kg) et
pyrazinamide (25 mg/kg), à laquelle on peut adjoindre de l’étham-
butol (15 mg/kg) pendant deux mois, puis de la rifampicine et de
l’isoniazide pendant quatre à sept mois. La chirurgie n’est que
complémentaire ; elle permet les prélèvements histologiques et
bactériologiques et une éventuelle adénectomie d’adénopathies
persistantes. Lévolution est généralement favorable (1, 5).
Conclusion
La tuberculose du cavum est rare malgré son endémicité dans
les pays en voie de développement et sa recrudescence dans les
pays développés. Elle est souvent prise à tort pour un cancer du
cavum, et seule la biopsie et l’histologie permettent d’établir
le diagnostic. Le traitement antibacillaire classique permet la
guérison sans séquelles.
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Références bibliographiques
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