septembre 2013 - Fonds Houtman

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Service de Sciences de la famille
Enfance/adolescence et immigration : réalités de la discrimination en
milieu scolaire
Recherche-action-participante commanditée par le Fonds Houtman
Rapport de recherche septembre 2013
Directeur de la recherche : Prof. Willy Lahaye
Chercheurs : Bruno Humbeeck et Frédéric Hardy
Collaboratrice à la recherche : Caroline Casciato
Nous remercions toutes les personnes qui se reconnaîtront comme ayant collaboré de loin ou de prêt à ce
projet de recherche, action-participante qui consiste à permettre aux futurs adultes, élèves aujourd’hui,
d’avoir l’opportunité de pouvoir s’exprimer en étant considéré comme des interlocuteurs crédibles et
réflexifs dans l’optique du débat démocratique.
Nous remercions également les élèves et les équipes pédagogiques des écoles de Péruwelz (Saint
Charles, l’école communale de Bonsecours, l’école des devoirs) et d’Etterbeek (l’Institut Ernest Richard, le
Paradis des enfants), véritables collaborateurs scientifiques, qui par leurs témoignages ont conscientisé,
confirmé et même revendiqué le bien-fondé de mettre en place un espace de communication récurrent à
l’école.
Nous remercions le Fonds Houtman pour son soutien et pour l’intérêt qu’il porte à la problématique de la
discrimination et du harcèlement en milieu scolaire.
Nous remercions l’équipe de Télésambre, partenaire à nos travaux depuis de nombreuses années.
2
Table des matières
Introduction................................................................................................................................................... 4
1.
Mise en place du cadre de la recherche............................................................................................ 6
1.1.
Revue de la littérature sur les phénomènes de discrimination (Cadre conceptuel) ................. 6
1.1.1.
2.
Stéréotypes, préjugés et représentations ......................................................................... 6
Une démarche exploratoire, compréhensive et productrice de sens (cadre méthodologique) .... 24
2.1.
Une démarche exploratoire .................................................................................................... 24
2.2.
Une démarche compréhensive ............................................................................................... 25
3.
Les actions de terrain (cadre organisationnel et qualitatif) ............................................................ 28
4.
Analyses des données et résultats de la recherche ........................................................................ 34
4.1.
Analyse des données ............................................................................................................... 34
4.2.
Analyse descriptive des données ............................................................................................ 35
4.3.
Analyse compréhensive........................................................................................................... 37
4.3.1.
La territorialité................................................................................................................. 37
4.3.2.
Les sentiments des jeunes ............................................................................................... 39
4.3.3.
Les trajectoires de vie ...................................................................................................... 42
5.
Critères de scientificité .................................................................................................................... 44
6.
Production d’outil ............................................................................................................................ 46
Conclusion ................................................................................................................................................... 47
Bibliographie................................................................................................................................................ 51
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Introduction
Nous vivons dans une société caractérisée par des changements psycho-sociaux liés au contexte actuel
de la postmodernité. La société d’aujourd’hui est en constante mutation. Nous baignons dans une époque
où la honte et l’humiliation sont légitimées. Les médias accentuent cette culture de la honte et par
conséquent le phénomène d’hyper-individualisation. À l’heure actuelle, le coût de l’excellence (de
Gaulejac, 1991) et la course aux diplômes imposent à l’individu d’être le meilleur, le plus performant
même si c’est au prix de l’écrasement de l’autre. Cet état de fait met en place un climat prédispositionnel
aux phénomènes de discrimination à l’école où « casser » l’autre est devenu une nécessité afin d’éviter
d’être soi-même « cassé ».
L’école a toujours été le foyer de phénomènes violents et de discrimination, voire de harcèlement.
Cependant, le contexte actuel n’arrange rien face à cette problématique. Les chiffres parlent d’ailleurs
d’eux-mêmes, « en Belgique, environ 100 000 jeunes seraient victimes de « schoolbullying », un
anglicisme utilisé pour désigner le « harcèlement scolaire ». Dans nos écoles, ce phénomène se répand
et est, bien trop souvent, passé sous silence » (cité par Couples et Familles, organisation d'éducation
permanente reconnue par le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 2009). Ainsi, « selon toutes
les études mondiales et belges consacrées à la violence scolaire, de 10 à 15% des élèves seraient
harcelés par leurs camarades » (Le vif express, 2009).
Le harcèlement moral est défini et réprimandé par la loi au niveau professionnel. Toutefois, celui-ci n’est
pas reconnu dans le milieu scolaire alors que l’école représente en quelque sorte le milieu professionnel
de l’élève. Il en va de même pour les faits de discrimination(s). Ainsi, la loi du 30 octobre 1998 introduit un
article 442bis dans le Code pénal :
« Quiconque aura harcelé une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement
par ce comportement la tranquillité de la personne visée, sera puni d’une peine d’emprisonnement de
quinze jours à deux ans et d’une amende de […], ou de l’une de ces
peines seulement » (Note argumentaire sur l'article 442bis du Code pénal belge réprimant le
harcèlement).Le harcèlement à l’école n’est réprimandé par aucune loi belge, cependant, il existe un
décret de la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles), le décret « harcèlement » qui prévoit
de sanctionner les faits de discrimination(s), violence et/ou harcèlement dans l’enceinte de l’école.
L’intention de ce travail de recherche-action-participante n’est pas d’invalider l’école, mais plutôt de
conscientiser que les jeunes d’origine multiculturelle ou non doivent faire face à un certain nombre de
phénomènes de discrimination, de violence et/ou de harcèlement sur les bancs de l’école, dans la rue et
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dans le quartier. Peu de recherches se sont penchées sur ces phénomènes chez les enfants et chez les
adolescents.
La recherche-action-participante « Adolescence et immigration : réalités de la discrimination en milieu
scolaire » s’inscrit dans la continuité d’une expérience pilote menée en 2011 par le Département d’Études
et d’Actions Sociales dirigé par le Professeur Lahaye (Université de Mons). Nous nous intéressons au
phénomène de discrimination, de violence et/ou de harcèlement en milieu scolaire en développant une
approche innovante qui consiste à créer des espaces de communication récurrents au sein de l’espace
scolaire et ainsi réaliser des émissions de télévision éducative où les élèves et les acteurs de l’éducation
deviennent de véritables collaborateurs à la recherche. La finalité étant de produire un outil à destination
des écoles et de la communauté éducative.
L’objectif premier de cette recherche est de donner la parole aux élèves afin de recueillir un éventuel vécu
discriminatoire qui pourrait être empreint de représentations sociales, de stéréotypes, de préjugés, de
violence et/ou de harcèlement. En d’autres termes, notre intention est d’installer un espace de
communication au sein même de l’établissement scolaire afin qu’ils puissent exprimer ce vécu éventuel.
Dans l’optique de conscientiser la communauté éducative sur ces phénomènes pouvant exister sur le
territoire scolaire, nous proposons comme deuxième objectif la création d’émissions de télévision
éducatives afin de permettre d’avoir un levier d’action sur les représentations et par conséquent sur les
comportements violents et discriminants.
Dans un premier temps, nous balisons le cadre de la recherche en présentant la revue de la littérature sur
les phénomènes de discrimination, l’hypothèse semi-exploratoire basée sur un double questionnement,
les objectifs visés en explicitant la démarche (exploratoire) et la méthodologie (qualitative) utilisées. Nous
détaillons également les actions de terrain réalisées et la mise en place du cadre méthodologique de la
recherche.
Dans un second temps, nous présentons l’analyse des données, les résultats de la recherche pour
terminer par une conclusion.
Nous allons maintenant expliciter les notions de stéréotypes, préjugés, représentations sociales et de
discrimination.
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1. Mise en place du cadre de la recherche
1.1. Revue de la littérature sur les phénomènes de discrimination (Cadre conceptuel)
La démarche du chercheur consiste à expliquer le réel afin d’organiser notre représentation de la réalité
(Dépelteau, 2003), c’est-à-dire identifier un cadre de référence afin de produire du sens. Selon Karl
Popper, les théories sont comme « des filets destinés à capturer ce que nous appelons « le monde » ; à
le rendre rationnel, l’expliquer et le maîtriser » (cité par Dépelteau, 2003, p.130).
Afin de décrire précisément et comprendre scientifiquement la problématique qui nous préoccupe, à
savoir l’exploration d’un vécu discriminatoire potentiel en milieu scolaire, il convient de distinguer les
notions de stéréotypes, de préjugés et de représentation sociale par leur mode d’émergence et de
fonctionnement parce qu’ils sont le fondement de l’action discriminante, le carburant de la machine à
discriminer qui s’impose à nous la plupart du temps inconsciemment.
Les phénomènes de discrimination, les différentes formes de manifestations de celle-ci ainsi que ses
conséquences sont ensuite explicités.
1.1.1.
Stéréotypes, préjugés et représentations
Lorsque nous communiquons, nous transmettons et nous échangeons des informations ou des
connaissances significatives avec autrui. La communication est un phénomène complexe qui se produit à
l’aide d’un code, à savoir un ensemble de signes et de règles servant à représenter et à transmettre
l’information. Communiquer c’est aussi décrire et échanger sur le monde vaste et complexe qui nous
entoure. Pour ce faire, nous avons tendance à simplifier cette communication au travers de stéréotypes et
de préjugés parce qu’ils désignent un code reconnu par un pourcentage significatif de personnes.
Stéréotypes, préjugés, et représentations sociales sont des notions que nous utilisons couramment et
dont il convient de clarifier la signification ainsi que de préciser leurs interactions potentielles.
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a. Définitions du stéréotype
Le terme « Stéréotype » provient du XVIIIe siècle et tient son origine du mot grec « stereos » qui signifie
solide, ferme et « tùpos » qui veut dire empreinte, caractère. Au départ, cette notion indiquait une
méthode typographique qui permettait, selon Mortier, de « convertir en planches solides d’un seul bloc
des pages préalablement composées en caractère mobile » (Mortier, 1963, p.116). Ainsi, à l’époque, le
terme stéréotype est utilisé afin de réaliser des impressions de clichés typographiques expéditifs, à
moindre prix, mais également de moins bonne qualité (Légal et Devoulée, 2008).
Au XIXe siècle, ce terme est utilisé en psychiatrie pour indiquer l’immobilité d’une attitude sur le plan
topographique et temporel. (Ashmore et Del Boca, 1981). Ainsi, dès son origine, il présente une
disposition inflexible, répétée, régulière et immobile (Légal et Devoulée, 2008).
C’est au XXe siècle qu’il est utilisé en sciences sociales par le journaliste Walter Lippmann (1922), en
parlant du concept de stéréotype de manière générale comme des « pictures in our heads » (Lippmann,
1922), littéralement « des images dans nos têtes ». Il déclare que les stéréotypes apparaissent sous
forme d’une « zone tampon » comprise entre la réalité objective et l’idée que nous nous en faisons, c’està-dire la perception (Ndobo, 2010).
Selon Lippmann, les individus fonctionnent généralement de manière à percevoir la réalité selon leurs
représentations parce que celle-ci s’avère plus facile à comprendre et à percevoir par rapport à ce qu’il en
est réellement. Étant donné notre environnement complexe et varié, l’individu simplifie la réalité en un
modèle plus aisé à maîtriser et à contrôler : les stéréotypes, afin d’éviter une surcharge mentale (Ndobo,
2010). Il définit les stéréotypes comme des idées socialement partagées, rigides, excessives et souvent
fausses ou mal fondées.
La notion de stéréotype a conduit par la suite à de nombreuses études donnant naissance à de
nombreuses définitions dans la littérature scientifique (Légal et Devoulée, 2008).
D’après Ashmore et Del Boca (1981) et Zanna et Olson (1994), les stéréotypes désignent « un ensemble
de caractéristiques attribuées à un groupe social » (cité par Légal et Devoulée, 2008, p.12). Selon Judd et
Park (1993), c’est « l’ensemble des croyances d’un individu relatives aux caractéristiques ou aux attributs
d’un groupe » (cité par Légal et Devoulée, 2008, p.12). Fischer (1996), quant à lui, définit les stéréotypes
comme « une manière de penser par clichés, c'est-à-dire l'ensemble des catégories descriptives
simplifiées basées sur des croyances et par lesquelles nous qualifions d'autres personnes ou d'autres
groupes sociaux» (Fischer, 1996, p.113). Pour Leyens, Yzerbyt et Schadron (1996), ce sont « des
croyances partagées au sujet des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité,
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mais aussi souvent des comportements, d’un groupe de personnes » (Leyens, Yzerbyt et Schadron,
1996, p.12).
Les stéréotypes sont des croyances généralisées dont voici quelques exemples :
« Les blondes sont idiotes, les italiens roulent vite, les français sont chauvins, les musulmans sont
fanatiques, les femmes sont des mauvaises conductrices, etc. ».
D’autre part, Eagly et Steffen (cité par Ndobo, 2010) précisent que le groupe et /ou l’individu
stéréotypé(s), voire méprisé(s), se comporte(nt) fréquemment selon ce qui est attendu par le stéréotype.
Merton (cité par Légal et Devoulée, 2008) parle de prophéties auto-réalisatrices ou d’effet Pygmalion ou
encore d’effet Rosenthal.
b. Définitions du préjugé
Le terme préjugé est dérivé du mot latin « praejudicium » qui veut dire « le jugement qui précède ». Ce
terme fait référence à un jugement, une opinion préétablie liée à un groupe de personnes donné ou à une
catégorie sociale (Légal et Devoulée, 2008). La définition de la notion de préjugé provient principalement
des travaux du psychologue social Gordon Allport (1954) dans son œuvre « la nature du préjugé ». Il
définit le préjugé comme « une attitude négative ou une prédisposition à adopter un comportement
négatif envers un groupe, ou les membres de ce groupe, qui repose sur une exagération erronée et rigide
» (cité par Ndobo 2010, p.36). Allport (cité par Légal et Devoulée, 2008), explique que les préjugés sont
des croyances négatives envers autrui dont la crédibilité est douteuse.
Par ailleurs, les préjugés, à la différence des stéréotypes, possèdent une charge affective. Les préjugés
étant une attitude, ils engendrent un jugement de valeur élémentaire à l’égard d’un groupe social ou d’une
personne provenant de ce groupe. A ce titre, Gergen Gergen et Justras (1981) désignent le préjugé
comme « une prédisposition à réagir défavorablement à l’encontre d’une personne sur la base de son
apparence à une classe ou une catégorie de personnes » (cité par Légal et Delouvée, 2008 p.9). De ce
fait, les préjugés ont une connotation plus négative (ex. : « je n’aime pas les italiens ») que les
stéréotypes, qui eux, peuvent s’avérer parfois positifs dans leur contenu (ex. : « les grands-mères
italiennes font bien à manger »).
Selon Allport (cité par Ndobo, 2010) la définition du préjugé se décline suivant trois aspects : l’attitude
négative menée vers autrui, la rigidité de cette attitude et la généralisation excessive de celle-ci.
Lorsqu’un individu appartient à un groupe, il revêt systématiquement les particularités et les préjugés qui
composent le groupe. Par conséquent, il apparaît justifié de reporter les préjugés du groupe sur chacun
de ces membres et de le considérer comme un modèle substituable (Ndobo, 2010).
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En outre, d’après Allport, les préjugés reposent sur deux facteurs complémentaires : un facteur «
attitudinal » et un facteur « cognitif » (cité par Ndobo, 2010). En d’autres termes, les facteurs attitudinaux
font référence à nos postures envers autrui (ex. : « Je ne peux pas loger des Noirs ») et les facteurs
cognitifs font référence à nos croyances envers autrui (ex. : « Les Noirs sentent mauvais »).
Les travaux de Légal et Delouvée (2008) montrent que les préjugés seraient constitués de trois éléments
indissociables. Premièrement, un élément qui motive autrui à agir d’une certaine façon à l’encontre d’un
groupe. Deuxièmement, un élément plutôt affectif qui conduit à la sympathie ou au contraire à la
répulsion. Et troisièmement, un élément à tendance cognitive qui renvoie aux croyances et aux
stéréotypes à l’encontre du groupe. Les auteurs observent également qu’il n’existe pas de préjugés sans
stéréotypes. L’affirmation de l’inverse n’est cependant pas valide, les stéréotypes ne se manifestent pas
nécessairement sous forme de préjugés. Les préjugés sont des attitudes négatives préconçues telles que:
« Les blancs sont supérieurs aux personnes de couleur, le plus grand est plus fort que le plus petit, les
hommes sont supérieurs aux femmes, ne pas aimer les professeurs, car ils sont trop sérieux, détester les
Français, les musulmans, etc.
c.
Formation des stéréotypes et des préjugés
Il n’est pas aisé d’expliciter l’origine des stéréotypes et des préjugés. Il existe en effet de nombreuses
sources communes ou spécifiques aux deux notions (Ndobo, 2010).
Selon Eagly et Steffen (1984), le contact direct d’individus avec d’autres stigmatisés engendre des
préjugés et des stéréotypes. De même que les rumeurs, les opinions ou les commentaires généralement
transmis sur les groupes stigmatisés produisent également des stéréotypes et des préjugés. Ainsi, très
vite, ces opinions se répandent et s’établissent à l’intérieur du groupe social pour être inculquées et
intériorisées par chacun de ses membres.
Selon Mackie, Queller, Stroessner et Hamilton (cité par Ndobo, 2010), ces opinions deviennent
progressivement des certitudes difficiles à faire disparaître. Autrement dit, les stéréotypes et les préjugés
découlent de la communication et de l’éducation. Effectivement, ils se transmettent à la fois par nos
interactions avec les membres évocateurs de notre groupe tels que nos parents ou nos pairs et à la fois
par « notre exposition au contenu des médias de masse » (cité par Ndobo, 2010). Toutefois, les
stéréotypes et les préjugés sont assurément transmis par la manière dont les individus imitent les
attitudes d’autrui telles que les enfants envers leurs parents (Ndobo, 2010).
En outre, les conflits historiques entre les différents groupes sociaux peuvent expliquer la formation des
stéréotypes et des préjugés. Les guerres territoriales et les colonisations qui sont la cause des conflits
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historiques contribuent au maintien et à la formation des préjugés et des stéréotypes. Les conflits
historiques persistent au travers des époques et favorisent les représentations erronées que nous avons
d’autrui. Les représentations en question résultent de la victoire ou de la défaite des groupes à l’origine
des conflits. Ainsi, les groupes sociaux vaincus se sentent frustrés et blessés et le temps ne guérit pas
toujours leurs blessures (Ndobo, 2010).
De nombreux travaux démontrent que la venue d’une population étrangère dans un pays d’accueil génère
des stéréotypes et des préjugés (Ndobo, 2010). En outre, l’arrivée des immigrés dans un pays d’accueil
engendre une série de difficultés pour les autochtones comme la concurrence au niveau du marché du
travail (Bobo et Hutchings, 1996). Les autochtones éprouvent la crainte de bouleversements pouvant être
occasionnés par l’implantation d’immigrés dans leur cadre de vie (augmentation de la population), dans
leurs habitudes culturelles (conflits des systèmes symboliques) et dans leur qualité de vie (déplacement
des prestations sociales) propice au fondement des préjugés et des stéréotypes (Ndobo, 2010).
Ndobo, (2010), précise que la formation des stéréotypes et des préjugés peut également provenir d’un
fonctionnement individuel. Celui-ci serait relié à des croyances répondant à des frustrations subies dans
l’enfance. En fait, les craintes et les menaces sur soi ou sur le groupe d’appartenance produisent un outil
de justification des stéréotypes et des préjugés (Ndobo, 2010). Les études de Stephan (cité par Ndobo,
2010), montrent que les stéréotypes et les préjugés sont entretenus par l’ensemble des manifestations
qui affectent les membres d’un groupe social sur le bien-être physique, matériel ainsi que sur leurs
valeurs.
Duckitt (1992), lui, propose quatre causes plausibles à l’apparition des stéréotypes et des préjugés :
-
« Le niveau génétique des causes sur lequel on n’a peu de prise mais qui peut éventuellement
être affecté par les modifications apportées aux autres niveaux de causalités » (cité par Ndobo,
2010, p.39).
-
« Le niveau du statut et des relations intergroupes (qui fait référence aux lois, à la régulation, et
aux normes de ségrégation et d’inégalité d’accès aux ressources qui maintiennent le pouvoir des
groupes dominants sur les groupes dominés) » (cité par Ndobo, 2010, p.39).
-
« Le niveau du contexte relationnel et de la communication (l’influence des médias, du système
éducatif, ou de la structure et du fonctionnement des organisations professionnelles) » (cité par
Ndobo, 2010, p.39).
-
« Le niveau personnel avec l’accent mis sur les différences interpersonnelles en matière de
sensibilité aux préjugés et d’acceptation des attitudes intergroupes spécifiques » (cité par Ndobo,
2010, p.39).
10
d. Lien entre préjugés et stéréotypes
Préjugés et stéréotypes sont des notions reliées entre elles au travers de leur évolution. En effet, elles
font, toutes deux, référence à des réalités qui ont une tendance négative et qui sont punissables du point
de vue de la morale (Ndobo, 2010).
Selon Brown (1995), les préjugés sont composés de stéréotypes et découlent ainsi des croyances
ordinaires des individus. Asshmore et Del Boca (1981), ajoutent que celles-ci renvoient à des croyances
imprécises et intériorisées et à des généralisations excessives et rigides. Devine (1989) met en évidence
certaines similitudes entre les notions telles que la vitesse et l’automatisme avec lesquels elles
apparaissent, ainsi que leur façon d’être appliquées.
Ainsi, les stéréotypes et les préjugés se forment tout au long de l’existence de l’individu et ils sont ancrés
dans la culture de chaque groupe social. C’est pourquoi, tous les individus en sont plus ou moins porteurs
; de ce fait, ils participent à les transmettre et à les faire vivre souvent inconsciemment. Toutefois, ce n’est
pas parce que nous possédons des stéréotypes envers un groupe que nous ressentons nécessairement
des préjugés envers ce groupe. Effectivement, les préjugés viennent parfaire la croyance stéréotypique
en ajoutant une charge affective et émotionnelle telle que la manifestation de sentiments négatifs à
l’encontre d’un groupe (Légal et Devoulée, 2008). Ainsi, nous pouvons constater que ces deux notions
vont de pair.
e. Le concept stigmate de Goffman
Nous ne pouvons pas parler de stéréotypes et de préjugés sans s’arrêter sur le concept de stigmatisation
de Goffman qui en constitue un prolongement complémentaire. Le terme « stigmate » découle du latin «
sigma » qui signifie « marqué au fer rouge ». Historiquement, celui qui portait ces marques était un
criminel ou un esclave. Les stigmates permettaient ainsi d’exposer ce qui était inhabituel et détestable
(Goffman, 1975). Le stigmate désigne toutes caractéristiques ou différences fâcheuses propres à
l’individu qui le disqualifient si celles-ci sont connues ou qui le font passer pour une personne d’un
moindre statut l’empêchant pleinement d’être accepté par la société (Goffman, 1975). Il évoque trois types
de stigmates différents :
-
Les monstruosités du corps renvoient aux infirmités et aux apparences physiques hors normes
telles que l’obésité, l’anorexie, le handicap,…
-
Les tares du caractère désignent les passions répressibles, le manque de volonté de l’individu
provenant de son passé et/ou de sa personnalité. Anciennement cette catégorie correspondait
aux malades mentaux ou aux personnes alcooliques. Aujourd’hui, nous parlerons de troubles
psychiques, de dépression ou de troubles additifs.
11
-
Les stigmates tribaux renvoient à tout ce qui peut se transmettre d’une génération à l’autre tel que
la nationalité ou la religion.
f.
Lien entre stigmates, stéréotypes et préjugés
Le stigmate se construit à travers un désaccord entre l’identité sociale réelle d’un individu, c’est-à-dire ce
qu’il est et l’identité sociale virtuelle d’un individu, c'est-à-dire ce qu’il devrait être (Goffman, 1975). Ainsi,
l’auteur définit le stigmate en termes de relation étant donné que ce ne sont pas les particularités de
l’individu, mais nos attitudes envers lui qui produisent le stigmate.
Dès lors, le stigmate est lié aux interactions entre différents groupes sociaux. « Le normal et le stigmatisé
ne sont pas des personnes, mais des points de vue » (Goffman, 1975, p.161).Tout un chacun est donc
susceptible d’être stigmatisé dans certains cas.
Le stigmate est lié à des stéréotypes et des préjugés parce que les personnes ont tendance à généraliser
l'incapacité des personnes porteuses d'un stigmate. « Afin d'expliquer son infériorité et de justifier qu'elle
représente un danger, nous bâtissons une théorie du stigmate (...). Observant une imperfection, nous
sommes enclins à en supposer toute une série » (Goffman, 1975, p.15).
D’autre part, Dubet (1992) observe que « lorsqu’un groupe est stigmatisé, une des manières d’échapper à
l’étiquetage consiste à revendiquer pour soi le stigmate négatif, à l’exacerber afin de le retourner contre
ceux qui stigmatisent » (Dubet, 1992, p7).
Aujourd’hui, nous pouvons constater que la stigmatisation est toujours présente dans notre société.
Toutefois, les personnes ciblées (personnes avec un handicap physique ou mental, les homosexuels, les
personnes dépressives,…) ne sont plus exactement les mêmes qu’auparavant. À l’heure actuelle, les
discours politiques font apparaître d’autres catégories de personnes stigmatisées telles que les chômeurs,
les riches, les clandestins, etc.
g. Le concept de représentation sociale
Le concept de représentation sociale est si riche et si complexe qu'il n'est pas toujours évident de cerner
sa définition. Le terme « représenter » provient du latin « repraesentare » qui veut dire rendre présent. Le
dictionnaire Larousse décrit, d’un point de vue philosophique, la représentation comme « ce par quoi un
objet est présent à l’esprit (image, concept, etc.) (Le petit Larousse, 2009, p. 879) ». Et d’un point de vue
psychologique comme « une perception, une image mentale, etc., dont le contenu se rapporte à un objet,
12
à une situation, à une scène, etc., du monde dans lequel vit le sujet » (Le petit Larousse, 2009, p.879). Ou
encore de manière générale, la représentation est définie comme « l'action de rendre sensible quelque
chose au moyen d'une figure, d'un symbole, d'un signe » (Le petit Larousse, 2009, p.879).
Il existe un bon nombre de travaux réalisés sur les représentations notamment en psychologie sociale.
Ainsi, les représentations sociales sont nées du concept sociologique de représentations collectives
énoncé par Durkeim en 1898. C’est Moscovici en 1961 qui reprend et renouvelle les acquis de Durkeim.
Selon lui, les représentations sociales sont exercées dans un milieu limité, dans des petites structures ou
au sein des classes sociales ; à l’inverse des représentations collectives de Durkeim. C’est pourquoi les
représentations sociales sont beaucoup plus abondantes, variées, limitées, fractionnées. Elles changent
plus vite que les représentations collectives. (Bonardi et Roussiau, 1999).
Ainsi, Moscovici (cité par Seca, 2010) présente plusieurs définitions complémentaires des représentations
sociales afin de ne pas limiter les recherches. Seca (2010) ajoute que la définition des représentations
sociales peut évoluer selon la position du chercheur. Effectivement, nous pouvons l’étudier sous diverses
formes telles que « ses fonctions de communication », dans sa structure ou dans les liens avec les
rapports sociaux, statutaires ou organisationnels » (Seca, 2010). Dès lors, Moscovici perçoit les
représentations sociales comme « des ensembles dynamiques […], « des théories » ou des « sciences
collectives » destinés à l’interprétation et au façonnement du réel. Elles renvoient à […] un corpus de
thèmes, de principes, ayant une unité et s’appliquant à des zones, d’existence et d’activités particulières
[…]. Elles déterminent le champ des communications possibles, des valeurs ou des idées présentes dans
les visions partagées par les groupes, et règlent, par la suite, les conduites désirables ou admises » (Cité
par Saca, 2010, p.40).
De manière générale, les représentations sociales se définissent comme « une forme de connaissances
courantes, dites « de sens commun », caractérisées par les propriétés suivantes : elle est socialement
élaborée et partagée ; elle a une visée pratique d’organisation, de maîtrise de l’environnement (matériel,
social, idéel) et d’orientation des conduites et communications ; elle concourt à l’établissement d’une
vision de la réalité commune à un ensemble social (groupe, classe, etc.) ou culturel donné » (Jodelet,
1991, p.668).
Bonardi et Roussiau (1999) mettent en évidence trois éléments communs dans la majorité des définitions
issues de la psychologie :
-
« la communication » ; en effet, les représentations sociales fournissent aux individus « un code
pour leurs échanges et un code pour nommer et classer de manière univoque les parties de leur
monde et de leur histoire individuelle ou collective » (Moscovici, 1961, P.11). Ainsi, d’après
13
Trognon et Larrue (cité par Bonardi et Roussiau, 1999), la communication est un lieu de création
des représentations sociales.
-
« la (re)construction du réel » ; effectivement, les représentations sociales « nous guident dans la
façon de nommer et de définir ensemble les différents aspects de notre réalité de tous les jours
dans la façon de les interpréter, statuer sur eux et, le cas échéant, prendre une position à leur
égard et la défendre » (Jodelet, 1989a, p.31). L’individu est perçu comme un acteur qui construit
et reconstruit les informations reçues par l’intermédiaire d’autres individus concernant des
éléments qui lui semblent importants (Bonardi et Roussiau, 1999).
-
« la maîtrise de l’environnement », ce qui signifie que « l’ensemble de ces représentations permet
à l’être humain de se situer dans son environnement et de le maîtriser » (Bonardi et Roussiau,
1999, p.22).
Abric (1987), quant à lui, définit la représentation sociale comme « le produit et le processus d’une activité
mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté, et lui attribue une
signification spécifique » (Abric, 1987, p.67). Ainsi, l’auteur perçoit les représentations sociales comme
des « filtres interprétatifs » et « des instruments de décodages » privilégiant « une production originale
et un remodelage complet de la réalité où les attitudes et les opinions et les valeurs prennent une place
essentielle aussi bien dans le produit que dans le mécanisme même de sa constitution » (Abric,1987,
p.67-68).
Le concept de « représentation sociale <javascript:void(0)> » permet de mieux comprendre les individus
et les groupes en analysant la façon dont ils se représentent eux-mêmes, les autres et le monde.
h. Composition d’une représentation sociale
Une représentation sociale est composée « d’un ensemble d’idées, d’images, d’informations, d’opinions,
d’attitudes, de valeurs, etc. » (1999, Bonardi et Roussiau). Moscovici (cité par Bonardi et Roussiau, 1999)
précise qu’une représentation sociale se compose de trois dimensions :
-
« Un ensemble d’informations » qui renvoie à la somme et à l’organisation des connaissances sur
l’objet. Celles-ci peuvent s’avérer plus ou moins nombreuses, variées, précises ou stéréotypées.
-
« Une attitude générale » qui exprime un positionnement, une orientation générale, positive ou
négative par rapport à l'objet de la représentation.
-
« Un champ de représentation » qui correspond à un ensemble d’informations organisées et
structurées relatives à un objet.
Les trois dimensions précitées sont dynamiques. Cet ensemble dynamique récapitule la façon dont
l’individu s’empare de la réalité afin de passer d’un objet « nouveau » à un objet « familier » (Bonardi et
Roussiau, 1999).
14
i.
Élaboration des représentations sociales
Selon Moscovici (cité par Bonardi et Roussiau, 1999), deux processus se mettent en œuvre lors de la
création d’une représentation, à savoir : l’objectivation (avec la constitution d’un noyau figuratif) et
l’ancrage.
i.1. L’objectivation
Le processus d’objectivation permet aux individus de s’approprier et d’assimiler des phénomènes ou des
savoirs complexes. Concrètement, « l’individu va privilégier certaines informations au détriment d’autres et
les dissocier de leur contexte social initial, beaucoup trop complexe pour lui » (Bonardi et Roussiau, 1999,
p.23). Ce processus se réalise en trois temps :
-
Trier les informations : ce tri se réalise par rapport aux critères culturels en excluant ainsi
quelques éléments.
-
Formation d’un noyau figuratif : cette formation se concrétise avec les informations retenues et
s’organise afin de créer un noyau « simple, concret, imagé et cohérent avec la culture et les
normes sociales ambiantes » (Rouquette et Rateau, 1998, p.32).
-
Naturalisation des éléments auxquels les individus attribuent des propriétés ou des caractères. Le
noyau figuratif prend alors un statut de certitude et devient une réalité. C’est autour de ce noyau
que l’ensemble des représentations sociales sont construites.
i.2. L’ancrage
Le processus d’ancrage permet aux individus d’intégrer l’objet de représentation dans leur système de
valeurs. Ainsi, pour intégrer de nouvelles données dans le système de pensée préexistant des individus,
ils doivent les classer et les ranger dans des cadres de pensée socialement établis. « L’objet nouveau se
trouvera ainsi appartenir à l’une des catégories existantes, moyennant quelques adaptations
indispensables. Il sera alors ancré » (Bonardi et Roussiau, 1999, p.24).
Les individus créent un langage commun entre eux à partir d’une représentation sociale partagée qui leur
permet de communiquer entre eux. Le processus d’objectivation et d’ancrage se complète afin que les
individus s’approprient le réel. De plus, ces processus contribuent aussi à transformer une représentation
sociale (Bonardi et Roussiau, 1999).
i.3. Fonctionnalité des représentations sociales
15
Selon Bonardi et Roussiau (1999), les fonctions d’une représentation sociale sont multiples. Ainsi, ils
décrivent la fonction de savoir, la fonction d’orientation des conduites et des comportements, la fonction
identitaire et la fonction de justification des pratiques.
Les représentations sociales permettent aux individus de comprendre et d’expliquer des situations
concrètes du réel (fonction de savoir). Par ailleurs, elles sont porteuses de sens et créent du lien (fonction
sociale). Elles permettent aux individus de communiquer et d’agir avec leur environnement. C’est
pourquoi, elles produisent des attitudes, des opinions et des comportements (fonction d’orientation des
conduites et des comportements). Les représentations sociales comme produit collectif « permettent de
définir et de distinguer le groupe qui les produit des autres groupes » (Bonardi et Roussiau, 1999, p.25).
Par conséquent, les représentations sociales fournissent une identité au groupe social ainsi qu’au
membre de ce groupe (fonction identitaire). En outre, elles permettent aussi de justifier les comportements
des individus (fonction de justification des pratiques).
La communication peut être une mise en scène des trois notions que sont les stéréotypes, les préjugés et
les représentations sociales. Il est nécessaire à présent de découvrir comment ces mêmes notions sont à
la base de la construction des phénomènes de discrimination.
j. La discrimination
Notre communication est le berceau de stéréotypes et préjugés transmis au travers de nos
représentations sociales. Ceux-ci peuvent se manifester sous forme de comportements discriminatoires. Il
s’agit donc maintenant de préciser le terme « discrimination » pour mieux saisir le sens que les auteurs lui
accordent afin de mettre en évidence les relations qui existent entre discrimination, stéréotypes, préjugés
et représentations sociales.
j.1. Définitions et précisions
La notion de discrimination est un sujet au centre des préoccupations politiques et sociales ainsi qu’au
centre de nombreux travaux réalisés dans divers domaines. Cependant, le concept de discrimination n’est
pas défini de manière claire et précise. En effet, cette notion est constamment en mutation dans ses
manifestations et dans son domaine d’application (Ndobo, 2010).
Le terme discrimination provient du latin « discrimanare » et de « crimen » qui veulent dire point de
séparation. Ainsi, selon le dictionnaire « Le petit Robert » (2014) la discrimination est désignée comme «
16
l’action de discerner, de distinguer les choses les unes des autres avec précision, selon des critères
définis » (Le petit Robert, 2014, p.750). De manière plus précise, « Le petit Larousse » (2014), définit la
discrimination comme « l’action de distinguer et de traiter différemment certains individus ou groupe
entier par rapport au reste de la collectivité » (Le petit Larousse, 2014, p.568). Ce terme est d’ailleurs
utilisé en mathématique et définit l’action de distinguer et de discerner des objets les uns des autres. De
même, en sciences économiques, la discrimination tarifaire désigne le fait de vendre un même produit
selon des prix différents dans la même région ou dans des régions différentes (Charléty et Contensou,
2007). En effet, au sens large, nous pourrions dire que toute différence de traitement est une
discrimination. Discriminer, c’est réaliser une distinction, établir une séparation ou une différenciation
entre des objets (Danièle Lochak, 2003-2004).
Toutefois, le mot « discrimination » est chargé d’une connotation négative. En effet, discriminer « ce n’est
pas simplement séparer, mais en même temps hiérarchiser, traiter plus mal ceux qui, précisément, seront
dits victimes d’une discrimination. L’adjectif « discriminatoire » désigne ainsi exclusivement un acte ou un
agissement qui tend à distinguer un groupe humain ou une personne des autres, à son détriment »
(Danièle Lochak, 2003-2004, p.15).
Pour Dovido et Gaertner (1986), la discrimination se définit comme « un comportement négatif et non
justifiable dirigé contre les individus membres d’un exogroupe envers lequel nous entretenons des
préjugés » (cité par Légal et Delouvée, 2008, p.60).
De manière plus générale, le concept de discrimination est associé aux notions respectives de
stéréotypes et de préjugés. La discrimination est « en quelque sorte « la mise en actes » des préjugés et
des stéréotypes » (Légal et Dévoulée 2008, p.60). Ainsi, la discrimination correspond au traitement
inéquitable subi par des individus ou des groupes qui rendent ce traitement légitime au travers d’une
attitude négative (les préjugés) et de croyances négatives (les stéréotypes). C’est pourquoi la notion de
discrimination va de pair avec les notions de préjugés et de stéréotypes (Ndobo, 2010).
En outre, dans un souci d’aborder la notion de discrimination dans son ensemble, nous évoquons
également le principe de discrimination positive. Selon « Le Larousse » en ligne, la discrimination positive
se définit comme «
l’action de favoriser certains groupes de personnes victimes de discriminations
systématiques (liées à l’origine ethnique ou sociale, à des critères religieux, culturels, etc.) ; c’est une
politique qui vise donc à rétablir l’égalité des chances » (Larousse en ligne, 2013). En d’autres mots, il
s’agit d’instituer un traitement préférentiel à une minorité sociale afin de rétablir l’égalité des chances.
Cependant, ce principe engendre des effets pervers. Effectivement, la discrimination positive entraîne des
préférences envers les minorités sociales. Ainsi, la population lui reproche « une discrimination inversée
» (Calves, 1999).
17
j.2. Lien entre discrimination, préjugé et stéréotype
Discrimination, stéréotype et préjugé sont des notions étroitement connectées entre elles. Les stéréotypes
(les croyances) justifient et expliquent le comportement discriminatoire d’un individu envers des
personnes ou un groupe donné. De même que les comportements discriminatoires alimentent et
maintiennent l’existence des stéréotypes et des préjugés (Légal et Devoulée, 2008).
Stéréotype
Préjugé
Discrimination
Figure 1 : « les relations entre stéréotype, préjugé et discrimination »
(Légal et Devoulée, 2008, p.9).
Toutefois, bien que la notion de discrimination s’appuie sur des stéréotypes et des préjugés, cette
articulation n’est pas automatique (Ndobo, 2010). Effectivement, « la relation entre attitudes (préjugés) et
comportements (discrimination) est loin d’être systématique » (Légal et Devoulée, 2008, p. 63).
Pour exemple, l’étude de Lapierre en 1934 confirme cette non-automaticité. Il réalise un voyage aux
États-Unis avec un couple d’amis asiatiques. Lors de ce voyage, ils visitent une centaine de restaurants et
d’hôtels différents. À cette époque, les préjugés sur les Chinois étaient assez courants. Pourtant, ils y sont
accueillis dans 99% des cas. Lapierre envoie ensuite par courrier postal un questionnaire à ces mêmes
restaurants et hôtels. À la question : « accepteriez-vous des individus de race chinoise comme clients
dans votre établissement? ». La réponse était « non » à 90 %. (Légal et Devoulée, 2008 et Ndobo 2010).
Il existe aussi un décalage entre les attitudes (préjugés) et le comportement (discrimination). Selon Légal
et Devoulée (2008), la relation entre les préjugés, les stéréotypes et la discrimination résulte de la
puissance des certitudes individuelles et de l’accès aux préjugés, mais surtout de la situation et des
conditions. En effet, les auteurs ajoutent qu’il se peut que le comportement discriminatoire, même si une
personne possède beaucoup de préjugés, soit retenu ou maîtrisé par les normes sociales, la présence
d’autrui ou encore par crainte de représailles judiciaires. Inversement, selon ces mêmes auteurs, une
18
personne possédant peu de préjugés peut manifester un comportement discriminatoire envers une
personne ou un groupe social sous la pression, notamment de la hiérarchie. Ceci rejoint l’idée d’Allport
(1954) qui explique que des individus, par pure stratégie ou « désirabilité sociale », ne vont pas appliquer
leurs préjugés sur autrui (cité par Ndobo, 2010). Autrement dit, « le préjugé ne peut s’actualiser en
conduite discriminatoire que si le contexte politique et moral est favorable. Dans le cas contraire, soit le
lien ne s’opère pas, soit le préjugé s’exprime de manière indirecte » (Ndobo, 2010, p.52).
j.3. Les différents types de discrimination
La discrimination s’exprime à travers différents niveaux et peut apparaître selon diverses manières. En
effet, ces manifestations peuvent s’exprimer sous forme d’un comportement non verbal tel qu’un regard
singulier ou un simple évitement, jusqu’aux insultes, au rejet de l’autre ou même parfois aboutir à l’atteinte
physique de la personne (Légal et Devoulée, 2008).
« La discrimination est fondée sur l’intolérance et le refus de la différence » (Amnesty International, 2012).
Comme il
existe autant de différences qu’il existe d’individus, la discrimination se décline sous des
apparences multiples. Voici une liste non exhaustive des différents types de discriminations qui
apparaissent le plus fréquemment dans notre société actuelle.
-
Les discriminations raciales et/ ou ethniques ; sont fondées sur l’ethnie, les origines nationales, le
milieu d’origine et le lieu de vie des individus. En d’autres termes, cela correspond à la mise en
œuvre d’un traitement différent et défavorable envers des personnes d’origine étrangère.
-
Les discriminations sexuelles ou de genre ; sont formées sur le genre et sur l’orientation sexuelle
des individus. De manière générale, c’est réaliser un traitement différent et défavorable envers les
femmes et les homosexuels.
-
Les discriminations physiques ; sont fondées sur l’apparence physique des individus. Par
conséquent, les individus perçus comme disgracieux ou possédant un signe particulier (la tenue
vestimentaire, le port du piercing,..) ou encore un handicap sont plus sujets à un traitement
différent et défavorable.
-
Les discriminations scolaires ; sont construites sur base des différents niveaux d’enseignements
tels que le niveau général, technique, professionnel, spécialisé et de promotion sociale. Ainsi, les
élèves inscrits en enseignement professionnel sont considérés différemment par leurs
professeurs que les élèves de l’enseignement général.
19
-
Les discriminations liées à l’âge ; sont basées inévitablement sur l’âge des individus. En effet, une
personne avancée en âge (jeunes adultes ou adultes avancés) éprouve beaucoup de difficultés à
trouver un emploi à notre époque.
-
Les discriminations sur l’état de santé ; sont fondées sur les difficultés de santé (physiques ou
psychologiques), qui peuvent être de courte ou de longue durée et qui contraignent une personne
à s’absenter régulièrement.
-
Les discriminations liées à la grossesse ; concernent indéniablement les femmes qui, dû à leur
état, rencontrent un traitement défavorable notamment dans la sphère professionnelle. Nombre
de femmes sont discriminées parce qu’elles sont enceintes ou parce qu’elles présentent un
risque de future grossesse.
-
Les discriminations religieuses ; naissent suite à l’appartenance des individus à une religion
spécifique.
-
Les discriminations sociales ; sont créées sur base de la situation économique et sociale des
individus. Ainsi, les personnes vivant une situation économique et sociale précaire (les pauvres,
les chômeurs, les toxicomanes,…) sont souvent stigmatisées et sujettes à des traitements
différents.
-
Les discriminations à propos de la situation familiale ; concernent souvent les femmes. Elles se
construisent sur base de la situation familiale de l’individu (état civil, nombre d’enfants, désir
d’enfants, nom de famille,…).
-
Les discriminations à l’embauche ; sont axées sur les traitements défavorables liés à l’emploi. Le
milieu professionnel est un lieu propice où un bon nombre de discriminations peuvent se
manifester. Nous retrouvons dans cette catégorie les discriminations raciale, sexuelle, physique,
religieuse, sociale, mais aussi les discriminations liées à l’âge, à l’état de santé, à la grossesse et
à la situation familiale.
Par ailleurs, un même individu peut cumuler plusieurs formes de discriminations, nous parlerons dans ce
cas de discriminations multiples. « Les discriminations de ce genre représentent des inégalités sociales
particulièrement graves, difficiles à combattre en raison de leur complexité et dont les effets négatifs
s’additionnent » (Confédération mondiale contre le racisme de l’ONU, 2001).
20
j.4. Discriminations directes et indirectes
En Belgique, toute forme de discrimination est proscrite par la loi et passible de condamnation en vertu de
la loi anti-discrimination du 10 mai 2007. La définition juridique des discriminations sépare les
discriminations en deux catégories : d’une part les discriminations directes et d’autre
part les
discriminations indirectes.
j.4.1.
Discrimination directe
Une discrimination directe est définie comme un comportement discriminatoire volontaire et intentionnel
envers un individu ou un groupe d’individus. Cet acte évident implique un discriminant et un discriminé où
le premier détient un certain pouvoir envers le second (Collectif Manouchian, 2012). En d’autres termes, il
s’agit d’une personne qui reçoit un traitement différencié et défavorable, comparé à une autre, dans une
situation identique, sans justification valable (Portail des services publics belges, 2012).
Une discrimination directe est une intention de produire une inégalité de traitement :
-
« Je ne veux pas de couples homosexuels comme locataires »
-
« Interdit aux personnes non voyantes »
-
« Je n’engage pas des personnes non- européennes »
-
Etc.
j.4.2.
Discrimination indirecte
Une discrimination indirecte est définie comme un comportement discriminatoire sans intentionnalité
raciste ou du moins lorsqu’on ne peut pas démontrer « un racisme- idéologique » ou « un racisme-préjugé
» délibéré à l’encontre d’un individu ou d’un groupe d’individus. Toutefois, il existe quand même un
traitement différencié qui défavorise négativement une personne ou un groupe social souvent minoritaire.
De manière plus générale, la discrimination indirecte est décrite par des traitements guidés selon un
critère qui semble impartial, mais qui est susceptible d’engendrer une inégalité entre les groupes.
(Collectif Manouchian, 2012).
Une discrimination indirecte correspond à une situation qui se manifeste lorsqu’une pratique
vraisemblablement neutre conduit à un désavantage particulier envers des personnes catégorisées par
l’une de ces pratiques qui est protégée par loi et qui n’est pas justifiable (Portail des services publics
belges, 2012) :
-
« Je veux louer à un couple traditionnel »
21
-
« Interdit aux chiens (d’assistance) »
-
« La langue maternelle du candidat doit être le français »
-
Etc.
j.5. Conséquences de la discrimination et de la stigmatisation
j.5.1.
Les effets émotionnels
Selon Légal et Devoulée (2008), lorsqu’un individu est victime d’un comportement discriminatoire ou croit
en être victime, celui-ci engendre des conséquences sur l’estime de soi et sur la construction identitaire.
Selon les auteurs, c’est souvent le cas lorsqu’un préjugé ou un stigmate est
invisible (ex. :
l’homosexualité) à l’inverse d’un préjugé visible (ex. : couleur de la peau) et surtout lorsque celui-ci se
répète de manière assidue. Cependant, Croizet et Leyens (2003) précisent que la discrimination et la
diminution de l’estime de soi ne vont pas toujours de pair. En effet, le soutien de l’entourage ajouté à
quelques « stratégies de protection » individuelles peut jouer un rôle non-négligeable afin de préserver
une bonne estime de soi.
j.5.2.
Les réactions émotionnelles
Par ailleurs, la discrimination ou la stigmatisation peuvent entraîner des effets néfastes sur les réactions
émotionnelles de la personne (Légal et Devoulée, 2008). Stein et Bertolino (cité par Légal et Devoulée,
2008) ajoutent que les personnes victimes de discrimination peuvent ressentir un certain sentiment
d’injustice et également des affects négatifs comme la honte ou la dépression. Dans le même ordre
d’idées, Major, Quinton et McCoy (2002) expliquent que « c’est également chez ces personnes que la
tendance à interpréter les incidents négatifs comme de la discrimination sera la plus forte » (cité par Légal
et Devoulée, 2008, p.74).
D’après Légal et Devoulée (2008), une personne peut ressentir de l’anxiété et une souffrance émotive si
les comportements discriminatoires ou stigmatisants se répètent de façon régulière. Ce ressentiment peut
conduire la personne à se méfier ou à être parfois agressive envers la société dominante. Ainsi,
l’accumulation d’épisodes négatifs engendre une impuissance et un manque de contrôle sur les
événements pouvant conduire à
des complications importantes au niveau de la santé psychique et
physique de l’individu.
Dion (cité par Légal et Devoulée, 2008) explique également que l’individu a tendance à s’identifier
davantage à son groupe d’appartenance parce que la discrimination est une atteinte à l’identité sociale
pouvant compromettre son intégration dans la société.
22
j.5.3.
La menace du stéréotype
Un autre effet du comportement discriminatoire envers autrui est la menace du stéréotype. Steele et
Aronson, en 1995, fondateurs de cette notion la définissent comme « la pression que rencontre un
individu lorsqu’il se trouve en situation de risquer de confirmer un stéréotype négatif pertinent pour le soi »
(cité par Légal et Devoulée, 2008, p.77).
Cela signifie qu’un individu sachant qu’il est la cible d’un
stéréotype ou d’un stigmate, se sentant menacé, va produire des performances intellectuelles moindres.
La peur d’un individu d’affirmer les stéréotypes et les stigmates à son égard se manifeste donc sous
forme d’une menace qui agit sur les performances à réaliser une tâche. Cette notion est apparue afin de
mieux comprendre les rumeurs concernant l’existence d’une certaine infériorité intellectuelle de certaines
populations par rapport à d’autres (Légal et Devoulée, 2008).
j.5.4.
Conséquence de l’activation inconsciente des stéréotypes
Un nombre conséquent de travaux (Bargh, 1996, Dijksterhuis et Van Kinippenberg, 2000, Nelson et
Norton 2005, et Al.) ont démontré que nous activions des stéréotypes de manière inconsciente, ce qui
engendre une série d’effets sur nos performances intellectuelles. Ainsi, en 1996, Bargh, Chen et Burrows
ont réalisé une enquête basée sur un test qui consistait à activer nos stéréotypes de manière inconsciente
en démontrant qu’ils agissaient sur nos comportements. En effet, selon Prinz (cité par Légal et Devoulée,
2008), nos structures mentales qui nous permettent de nous représenter des comportements sont
fortement liées à celles qui nous permettent de produire ces mêmes comportements.
Les comportements discriminatoires ou stigmatisants engendrent des conséquences potentielles sur la
santé psychique et physique d’un individu, mais qu’ils peuvent également produire des effets plus subtils.
La répétition de ces différentes formes de communication négative aboutit à la réalité vécue et pourtant
invisible du harcèlement scolaire, canal producteur de violences symboliques humiliantes, voire de
violences physiques.
Nous y reviendrons lors de la présentation des résultats issus des données récoltées suivant une
démarche exploratoire inspirée des principes de co-éducation.
23
2. Une démarche exploratoire, compréhensive et productrice de sens (cadre méthodologique)
2.1. Une démarche exploratoire
La démarche poursuivie se veut exploratoire. En effet, nous avons appréhendé le terrain et les acteurs de
l’éducation sans savoir quelles seraient leurs réactions, leurs craintes et sans pouvoir garantir que la
proposition de donner la parole aux élèves au sein de l’espace scolaire à propos de la discrimination à l’école
avait du sens pour eux.
Notre hypothèse de travail interroge les relations pouvant exister entre la mise en place d’un espace de
communication récurrent sur le territoire scolaire et la possibilité d’agir sur les représentations des élèves
afin que celles-ci ne débouchent pas sur l’expression de comportements violents symboliques ou
physiques ?
Autrement dit, peut-on agir sur les représentations des élèves afin de conscientiser la
communauté éducative sur les phénomènes de discrimination et de harcèlement pouvant exister à l’école,
en organisant des espaces de communication au sein de l’espace scolaire ? L’idée étant que cette
conscientisation peut permettre d’avoir un levier d’action sur les phénomènes de discrimination.
L’hypothèse de la présente recherche ne s’est construite qu’au fur et à mesure de nos investigations sur
le terrain, c’est pourquoi nous parlerons d’hypothèse exploratoire. Notre action de terrain s’est échafaudée
suivant un double questionnement :
-
Comment des jeunes de toutes origines issus de l’enseignement secondaire traditionnel,
technique et professionnel s’expriment à propos des discriminations potentielles vécues à l’école
?
-
Lorsque nous créons des groupes de parole, la communication première n’est-elle pas basée sur
des représentations ? Autrement dit, si la communication avec les élèves n’existe qu’à de rares
moments isolés, celle-ci n’est-elle pas basée en grande partie sur les représentations
productrices de comportements violents verbalement, voire physiquement ?
Notre démarche a également été balisée par un quadruple objectif :
-
Etablir un climat propice à une communication participante à l’école où les élèves deviennent
collaborateurs à la recherche dans une démarche commune exploratoire.
-
Recueillir des informations sur un éventuel vécu discriminatoire auprès d’élèves d’instituts
secondaires traditionnel, professionnel et technique.
-
Créer avec eux huit émissions de télévision éducative sur les thèmes de la discrimination et du
24
harcèlement à l’école en les considérant en tant que réels collaborateurs à la recherche, suivant
une démarche qualitative compréhensive.
-
Donner une visibilité du travail effectué vers la communauté (conscientiser)/évaluer les effets de
notre action sur les représentations des élèves et des enseignants
L’échantillon ayant participé à la présente recherche est composé de deux Instituts secondaires et de
deux écoles communales primaires :
-
L’Institut Saint Charles, enseignement général, technique et professionnel à Péruwelz (Tournai) (8
classes pilotes)
-
L’Institut Ernest Richard, enseignement technique et professionnel à Etterbeek (1 classe pilote)
-
L’école communale de Bon Secours à Péruwelz (1 classe pilote)
-
L’école communale « Le paradis des enfants » à Etterbeek (1 classe pilote)
L’ensemble des élèves et des enseignants et/ou éducateurs ont été sollicités pendant toute la durée du
projet.
2.2. Une démarche compréhensive
La méthodologie utilisée s’inspire de la méthode de l’entretien de type compréhensif de Kaufmann (2001)
adaptée à un entretien de groupe appelé « focus groupe ».
« Le focus groupe est un dispositif de méthodologie qualitative. Cette méthode participative permet de
réaliser une exploration des phénomènes de discrimination et de harcèlement en recueillant également des
données sur les représentations des adolescents» (Slocum, 2006). « Il s’agit d’une bonne méthode pour
identifier les principales thématiques ou problématiques à isoler dans le cadre d’une recherche plus
approfondie » (Kuhn, 2000). « Toutefois, le but n’est pas de créer un groupe de parole au sens thérapeutique
du terme, mais plutôt un groupe de travail où les jeunes sont acteurs : ils expriment leur vécu, échangent
leurs points de vue et expérimentent de nouvelles pratiques relationnelles. Cet espace de parole, orienté
autour des questions de recherche en cours permet d’alimenter le recueil de données, et de les affiner
puisque, dans ce cadre, un contact direct entre le chercheur et l’enquêté est possible. (Lahaye, Humbeeck,
Hardy, 2013).
L’objectif de notre démarche est d’une part, de choisir une thématique inhérente aux « discriminations en
milieu scolaire » et à la question de la recherche qui nous occupe, d’autre part, « de recueillir l’avis des
jeunes, de les faire tous participer et réagir à la parole des uns et des autres. De cette façon, les idées
développées peuvent être davantage étayées que lors d’un entretien individuel » (Lahaye, Humbeeck, Hardy,
2013). En d’autres termes, la dynamique de groupe est enrichissante afin d’alimenter les données recueillies
25
et inciter les participants à approfondir, expliciter et justifier leurs prises de position.
L’entretien compréhensif «
emprunte d’abord aux divers techniques de recherche qualitative et
empirique, principalement aux techniques ethnologiques de travail avec des informateurs. […] les
données recueillies sont concentrées dans la parole recueillie sur bande magnétique, qui va devenir
l’élément central du dispositif. Elle emprunte donc aussi à la technique habituelle de l’entretien semidirectif » (Kaufmann, 2001, p.8). Cette démarche qualitative est définie comme « une stratégie de
recherche utilisant diverses techniques de recueil et d’analyses qualitatives dans le but d’expliciter, en
compréhension, un phénomène humain ou social ». (Mucchielli, 1996, p.151).
Ainsi, cette technique d’entretien n’est pas très éloignée des autres méthodes qualitatives empiriques. A
ce titre, elle s’inspire de la méthode anthropologique où l’on considère que les enquêtés possèdent un
savoir précieux et où l’on accorde une importance spécifique à l’informateur.
Selon Kaufmann « le terrain n’est plus une instance de vérification d’une problématique préétablie, mais le
point de départ de cette problématisation » (Kaufmann, 2001, p.20). Ainsi, l’entretien compréhensif
présente « un renversement du mode de construction de l’objet de recherche » (Kaufmann, 2001, p.19).
En d’autres termes, l’objet de la recherche n’est pas déterminé dès le départ, mais se constitue
progressivement à partir d’hypothèses construites sur le terrain (Kaufmann, 2001). Par conséquent,
l’entretien compréhensif s’articule entre l’observation des faits sur le terrain et la construction évidente
d’une « théorie » (Kaufmann, 2001).
Dès lors, la présente recherche s’inscrit dans un paradigme à la fois descriptif puisqu’elle vise dans un
premier temps à décrire les témoignages en fonction du ressenti des jeunes et un paradigme compréhensif
puisqu’elle recherche le sens de ces mêmes témoignages.
La scientificité de la méthode
Selon Kaufmann « l’entretien compréhensif, comme les autres méthodes qualitatives, ne peut prétendre à
un même degré de présentation de la validité de ses résultats que des méthodologies plus formelles, car il
renferme une part d’ « empirisme irréductible » (Kaufmann, 2001, p.26). D’ailleurs, l’auteur affirme que
vouloir formaliser l’entretien compréhensif serait une erreur, car il perdrait dans son investissement ainsi que
dans sa productivité.
Toutefois, il construit son objet de recherche à partir de « l’observation des faits » et non à partir d’une
hypothèse construite dès le départ. Cette technique fait référence à une méthodologie a posteriori qui
consiste à aller sur le terrain sans hypothèse formulée explicitement et d’observer les faits afin de voir ce qu’il
26
va s’y dégager. Ensuite, le chercheur va exprimer des hypothèses et des interprétations par rapport aux faits
observés (Pourtois, Desmet et Lahaye 2011-2012). Ainsi, le chercheur « s’attache à la variété des
événements qui se produisent plutôt qu’à la variation des éléments » (Pourtois, Desmet et Lahaye 20112012, p.9).
Dès lors, le chercheur doit mettre en œuvre des éléments qui vont lui permettre d’éviter les biais inhérents à
cette démarche. Selon Kaufmann, la validité des résultats doit se vérifier autrement. «D’abord dans la
cohérence de l’ensemble de la démarche de recherche, la façon dont les hypothèses sont appuyées sur des
observations, dans l’analyse précise du modèle qui est dégagé, et dans son adéquation aux faits »
(Kaufmann, 2001, p.27). De plus, le chercheur doit rester fidèle à la réalité et veiller à ne pas tomber dans
une surinterprétation des données.
Cette démarche se voit souvent discutée sur la crédibilité accordée aux données récoltées. Comment savoir
si les informations recueillies sont de bonne qualité en sachant qu’elles peuvent être soumises à l’émotion et
à la désirabilité sociale ? Pour atténuer l’émotion et la désirabilité sociale, nous pouvons utiliser plusieurs
critères de scientificité tels que :
-
la triangulation interne qui s’intéresse au rapport qui existe entre l’information et les caractéristiques
de l’informateur. Il s’agit de comprendre les motivations des personnes à donner l’information.
-
La triangulation des sources où il s’agit de récolter l’information auprès d’informateurs multiples
ou de plusieurs documents.
-
La critique d’autorité où il s’agit de trouver des preuves qui valident l’information donnée, mais aussi
de cerner les différences entre les différents témoignages.
-
La critique d’originalité qui s’intéresse au lien qui existe entre l’informateur et l’information, entre
l’informateur et l’événement.
-
La validité de la signifiance qui consiste à retourner voir les enquêtés afin de s’assurer de la
compréhension réciproque entre les informateurs et l’intervieweur.
Nous nous sommes également inspirés du carnet de terrain utilisé dans l’observation participante lors
d’enquêtes anthropologiques. Ainsi, il nous a semblé essentiel de tenir un carnet de bord du chercheur
dans lequel nous avons inscrit l’ensemble de nos observations sur le terrain, mais également celles
provenant des théories. Ce carnet de bord contient diverses informations au sujet de nos pensées, de nos
idées, de notre ressenti. Autrement dit, ce carnet de bord a constitué en quelque sorte « la mémoire vive
de la recherche ».
27
3. Les actions de terrain (cadre organisationnel et qualitatif)
La mise en place du cadre méthodologique n’a pas été sans difficulté. Nous avons dû respecter une série
de démarches afin de recevoir les autorisations pour organiser des focus groupes au sein des écoles
constituant notre échantillon et ensuite réaliser les émissions de télévision éducative.
Nous avons rencontré les Bourgmestres de deux sites (Tournai et Etterbeek) afin de les informer du projet
et recueillir leur aval pour travailler avec une école secondaire et primaire de leur entité ainsi que
d’organiser des tournages au sein de ces mêmes écoles.
Nous avons ensuite sollicité les directions des écoles concernées. Après avoir eu leur accord, deux
conférences ont été dispensées aux enseignants afin d’expliciter nos intentions de recherche et avoir
l’adhésion d’enseignants souhaitant collaborer avec leur classe à la mise en place d’espace de parole au
sein de l’école. Cinq enseignants, titulaires d’une classe, ont accepté de collaborer à cette présente
recherche.
Nous nous sommes dès lors entretenus avec les élèves afin de leur exposer les objectifs de la recherche
et de leur proposer un partenariat avec l’Université de Mons et le Fonds Houtman. Les jeunes ayant
marqué leur accord, nous les avons rencontrés à nouveau pour planifier les séances de travail pour
mener à bien nos objectifs. C’est ainsi que nous avons convenu des dates où nous pouvions réaliser les
entretiens. Nous nous sommes répartis, avec l’équipe de recherche, la mise en place et l’organisation des
focus groupes avec la collaboration des enseignants titulaires.
Nous nous sommes montrés très attentifs et à l’écoute du moindre élément tout en restant modestes et
discrets afin qu’ils se sentent mis en avant. En effet, « c’est l’informateur qui est en vedette, et il doit le
comprendre à l’attitude de celui qui est en face de lui, faite d’écoute attentive, de concentration montrant
l’importance accordée à l’entretien » (Kaufmann, 2001, p.51). C’est au fur et à mesure des échanges,
lorsque les enquêtés se sont sentis écoutés et non interrogés sur leurs opinions, et surtout lorsqu’ils ont
pris conscience qu’ils détenaient un savoir précieux, qu’un climat approprié s’est installé entre nous. Par
ailleurs, nous avons également utilisé l’humour comme point d’ancrage. Comme le souligne Kaufmann «
pour l’informateur, l’enquêteur idéal est un être étranger, un anonyme, à qui on peut tout dire puisqu’on ne
le verra plus, […] parallèlement, le temps de l’entretien, il doit devenir aussi proche qu’un familier,
quelqu’un que l’on connaît ou croit connaître intimement, à qui on peut tout dire puisqu’il est devenu
intime » (Kaufmann, 2001, p.53).
Toutefois, nous avons dû livrer quelques bribes de notre histoire de vie personnelle sans lesquelles nous
n’aurions pas pu instaurer une certaine confiance mutuelle. En effet, « l’enquêteur qui reste sur sa
28
réserve empêche donc l’informateur de se livrer : ce n’est que dans la mesure où lui-même s’engagera
que l’autre à son tour pourra s’engager et exprimer son savoir le plus profond » (Kaufmann, 2001, p.52).
En ce qui concerne le type de questions posées aux enquêtés, selon Kaufmann « pour trouver une
bonne question, il n’est d’autre solution que de se mettre intensément à l’écoute de ce qui est dit et d’y
réfléchir pendant que l’informateur parle » (Kaufmann, 2001, p.49). De plus, nous avons utilisé plusieurs
techniques d’entretiens telles que la reformulation, la relance, le reflet, le recentrage, l’écho-miroir, la
demande d’informations supplémentaires, la demande d’éclaircissement et les marques d’écoute.
Nous avons convenu ensuite de tourner huit émissions avec l’équipe de télévision de Télésambre portant
sur les thèmes de la discrimination dans tous ses états.
En résumé, différentes étapes ont été essentielles dans la faisabilité de ce projet. Il s’agit d’une
succession de démarches à respecter sans jamais pouvoir déterminer celle qui pourrait éventuellement
mettre un terme à la continuité d’une recherche-action-participante qui ambitionne de donner la parole aux
élèves au sein de l’espace scolaire, dans la tradition scientifique du débat démocratique :
-
Mise en place du cadre organisationnel de la recherche : contact avec le politique, adhésion des
directions d’école, conférences à destination des enseignants, choix de l’échantillon, adhésion de
l’échantillon.
-
Mise en place d’un cadre propice à la création de focus groupes : rencontres avec les élèves,
présentation des objectifs, favoriser un climat de confiance et de partenariat, justification de notre
démarche, choix des thèmes à traiter, élaboration des scenarii.
-
Mise en place de focus groupes en enseignements primaire et secondaire pour réaliser les
émissions (avec la collaboration de la direction et des enseignants).
-
Mise en place de focus groupes élargis en enseignements primaire et secondaire suite à la
réalisation des émissions (avec la collaboration de la direction et des enseignants).
29
-
Visibilité à propos des émissions via la création d’affiches diffusées dans la région de Tournai et
Etterbeek à destination des autres élèves, des parents, des enseignants, des associations du
secteur éducatif, du politique.
-
Mise en place d’un dispositif de co-éducation (école-famille-communauté) afin de conscientiser
les acteurs de l’éducation sur les phénomènes étudiés et ainsi proposer des pistes de médiation
où le groupe classe devient ressource au problème en institutionnalisant un espace de
communication organisé mensuellement au sein des établissements scolaires concernés.
-
Diffusion des actions menées lors d’un cycle de conférences et formations dispensées dans le
Brabant wallon et portant sur le thème du Harcèlement, bullying et autres violences
discriminantes vécues à l’école.
-
Réalisation d’analyses de contenus à partir des témoignages obtenus lors des émissions et lors
des groupes de parole (focus groupe) révélant le concept de sentiment de justice et/ou injustice
différentiée en fonction de l’espace géographique où le travail de recherche a été réalisé.
30
Voici, le planning des actions de terrain réalisées sur les sites de Péruwelz et d’Etterbeek
Actions de terrain sur les sites de Péruwelz et Etterbeek (Septembre 2012-Juin 2013) Septembre 2012 Exposé du projet à Mme C.Depodt, directrice de l’école Saint Charles et à M P.Doms, directeur de l’école
communale de Bonsecours. Novembre 2012 - Mise en place des focus groupes sur Péruwelz (École
secondaire Saint Charles) - Écriture des scenarii des émissions 1 et 2 et Tournage de l’émission « le
sentiment de justice à l’école ». - Tournage de la capsule « école primaire » à l’école de devoirs de Péruwelz.
Mise en place d’un focus groupe. - 21 novembre 2012 / Présentation du projet à M. De Wolf, projet « Une
éducation presque parfaite, version adolescents » construit avec les élèves de l’Institut Reine Fabiola (IRF-voir
appel à projet), le 21 novembre 2012. - Novembre : Transfert de l’expérience mise en place à l’IRF vers
l’Institut Ernest Richard (Enseignement communal d’Etterbeek) où les réalités de la mixité sociale et culturelle
sont aussi présentes. - Présentation du projet à Muriel Degreef, Coordinatrice de l’enseignement à Etterbeek
afin d’obtenir une entrevue avec M. Deférière, directeur de l’Institut Ernest Richard, le 22 novembre 2012. Présentation du projet à Guy Couche, Directeur du « Paradis des enfants », enseignement fondamental afin
d’impliquer les élèves de primaire pour réaliser la minute enfantine où ils pourront émettre leur avis ou
questionnement à propos des thèmes développés dans le cadre du projet du Fonds Houtman, le 26 novembre
2012. - Entrevue avec les enseignants du cours de morale du « Paradis des enfants », enseignement
fondamental pour organiser la préparation des thèmes et la planification des tournages par Télésambre, le 27
et 28 novembre 2012.
Décembre 2012 - Mise en place de trois focus groupes sur Péruwelz sur base de l’émission 1 et
élargissement du projet aux sections professionnelles. Écriture des scénarii des émissions 3 et 4
(Harcèlement dans les cours de récréation, discriminations sociales à l’école). - Organisation d’une
conférence à destination des enseignants sur la problématique du harcèlement dans les cours de récréation
soulevé lors du tournage de l’émission. - Mise en place d’un focus groupe à l’école communale de
Bonsecours. - Etterbeek : Écriture des scénarii et préparation des premières thématiques abordées, à savoir
la discrimination sociale, scolaire, raciale et ses dérives, harcèlement à l’école… Novembre-décembre 2012 /
Rencontre des équipes Péruwelz-Bruxelles - Rencontre avec M. Deférière. Soutien et adhésion au projet, le
17 décembre 2012. Janvier 2013 - Tournage des capsules et des émissions « cours de récréation et
harcèlement, discrimination sociale à l’école) - Saint Charles - Mise en place d’un projet de prévention du
harcèlement au sein de l’école Saint Charles. Présentation du projet à l’ensemble des enseignants Organisation d’une conférence pour l’équipe pédagogique de la première implantation de l’Institut Ernest
Richard en utilisant le feed-back existant suite au travail réalisé avec l’IRF, le 17 janvier 2013. - Rencontre
avec quatre enseignants titulaires qui investissent leur groupe classe dans le projet avec le soutien de M.
Deférière pour organiser le focus groupe élargi et la planification des séances avec le chercheur et
l’organisation des tournages, le 23 janvier 2013. - Rencontre avec le focus groupe élargi afin de mettre en
31
place une séance d’enregistrement du débat provoqué par le chercheur avec les jeunes (données pour
l’analyse de contenu), le 31 janvier 2013. - Organisation d’une conférence pour l’équipe pédagogique de la
deuxième implantation de l’Institut Ernest Richard en utilisant le feed-back existant suite au travail réalisé
avec l’IRF, le 31 janvier 2013. - Supervision avec l’équipe de l’Umons (organisation interne et suivi du plan
expérimental) Février 2013 - Réunion directeur/enseignants pour les modalités d’actions (focus
groupe/préparation des émissions/tournage/focus groupe post tournage/dissémination/visibilité), le 7 février
2013. - Mise en place de l’organisation de deux tournages avec M. Duterre et Mme Descamps, enseignants
responsables du groupe d’élèves destinés à la création des émissions : Mail/tél (Du 18 février au 28 février)
Mars 2013 - Rencontre avec le focus groupe destiné aux tournages/Explication du projet/implication du
chercheur (montrer sa valeur éthique et sociale)/ Enregistrement des premiers témoignages/ discrimination
raciale, scolaire, sociale (hors tournage émissions) le 4 mars 2013. - Deuxième séance d’enregistrement de
témoignages/ discrimination raciale, scolaire, sociale (hors tournage émissions) le 6 mars 2013. - Réunion
directeur/enseignants du primaire (école « Le paradis des enfants ») pour les modalités d’actions (focus
groupe/préparation des émissions/tournage/focus groupe post tournage/dissémination/visibilité), le 7 Mars
2013. - Enregistrement de témoignages sur la discrimination par l’humour (Ernest Richard), le 11 mars 2013.
- Préparation et construction de l’émission « La discrimination par l’humour » (Ernest Richard), le 20 mars
2013. - Focus groupe primaire « Le paradis des enfants » / discrimination raciale, scolaire, sociale (hors
tournage émissions), le 25 mars 2013. - Préparation et construction de l’émission « La discrimination de
genre» (Ernest Richard), le 20 mars 2013. Avril 2013 - Tournage avec les élèves du paradis des enfants : la
discrimination par l’humour/discrimination de genre + Tournage avec les élèves d’Ernest Richard, le 15, 17 et
25 avril 2013. Mai/juin 2013 - Diffusion auprès des autres écoles/élèves/parents/enseignants/acteurs du
secteur social/acteurs du secteur politique. - Retour des focus groupes/analyse de contenu. - Supervision
avec l’équipe de l’Umons (organisation interne et suivi du plan expérimental). - Cycle de conférences et
formations dans le Brabant Wallon (Prévention de la violence en milieu scolaire) : diffusion d’information à
propos de la recherche/présentation des émissions comme outil de médiation, de conscientisation, de
pédagogie active. - Écriture d’un livre (en cours) en parallèle avec les émissions réalisées à destination de la
communauté éducative/volonté d’accompagner le livre d’un coffret DVD. - Création d’affiches (visibilité du
projet) Juillet/Août/Septembre 2013 - Analyse des données/décodage - Analyse des résultats - Rédaction du
rapport Septembre 2013/Octobre 2013 - Présentation du rapport aux élèves, aux enseignants et acteurs de
l’éducation des établissements concernés - Projet de dossier de presse - Projet d’un livre accompagné d’un
coffret comprenant les huit émissions réalisées
32
En résumé pour Péruwelz :
3 classes générales
2 classes techniques
3 classes professionnelles
1 classe primaire
9 enseignants pilotes
Participation de toute l’école
15 focus groupes (15 x 1 heure) : 12 pour le secondaire et 3 pour le primaire
6 premières émissions
En résumé pour Etterbeek :
1 classe professionnelle
1 classe primaire
5 enseignants pilotes
Participation de toute l’école
6 focus groupes (15 x 1 heure) : 4 pour le secondaire et 2 pour le primaire
2 dernières émissions
33
4. Analyses des données et résultats de la recherche
Cette partie concerne le traitement des données. Celles-ci ont été récoltées lors de focus groupes guidés
par un canevas d’analyses basées sur les phénomènes de discrimination. Ainsi, les données provenant des
focus groupes et celles issues du carnet de bord du chercheur ont fait l’objet d’une analyse de contenu
thématique (Bardin, 2001). Nous avons mis en place deux systèmes de catégorisation afin de réaliser notre
analyse (par « boîte » et par « tas » Bardin, 2001).
La première classification concerne les concepts liés à la problématique étudiée et issus de notre cadre
conceptuel. La deuxième classification provient d’une analyse de contenu effectuée au plus près du texte et
issue des témoignages de notre échantillon. Cette présente analyse a été associée à la première afin de faire
ressortir le contenu latent des verbalisations des jeunes à propos des phénomènes de discriminations.
L’analyse de contenu s’est donc effectuée en deux temps. Dans un premier temps, nous avons procédé à
une analyse descriptive des données au travers de six grands thèmes ressortant des focus groupes. Dans un
deuxième temps, nous avons procédé à une analyse compréhensive des données au travers de ces mêmes
thèmes. Les deux analyses ont donc été croisées.
4.1. Analyse des données
Technique d’analyse utilisée : l’analyse de contenu thématique (Bardin, 2001)
Nous avons d’abord réalisé une lecture « flottante » de l’ensemble des entretiens retranscrits (Bardin,
2001, p.126). Nous avons ensuite visionné les interviews filmées. Cette manière de procéder nous a
permis d’élaborer des fiches où nous avons écrit nos impressions sur d’éventuelles catégories porteuses
de sens qui se dégageraient déjà à l’écoute et à la lecture des interviews. Ce procédé inspiré par la
méthodologie de l’entretien compréhensif de Kaufmann (2001), nous a permis de considérer davantage la
richesse de l’oral constitué de ses rythmes, de ses intonations, de ses gestes, de ses attitudes pouvant
apporter un certain sens au texte.
Nous avons soumis l’ensemble des données recueillies lors des focus groupes et les notes provenant du
carnet de bord à l’analyse de contenu thématique.
La catégorisation s’est effectuée selon deux démarches inverses : d’une part, la procédure par « boîtes »
et d’autre part, la procédure par « tas » (Bardin, 2001). Nous avons donc procédé à la classification
associative et progressive des unités d’enregistrements pour obtenir un système de catégories. Ainsi,
34
selon Bardin (2001) « le système de catégorie est donné au départ et l’on répartit de la meilleure façon
possible les éléments au fur et à mesure de leur rencontre. C’est la procédure par « boîte » » (Bardin,
2001, p.152). Ici, notre système de catégorisation correspond à notre cadre conceptuel.
Un autre système de catégorie a ensuite vu le jour. Ainsi, selon Bardin (2001) « le système de catégorie
n’est pas donné, mais est la résultante de la classification analogique et progressive des éléments. C’est
la procédure par « tas » ». Ici, notre système de catégorisation découle de notre analyse des unités de
sens.
4.2. Analyse descriptive des données
Pour rappel, la présente étude a pour objectif de recueillir des informations sur un éventuel vécu
discriminatoire auprès d’élèves issus d’instituts traditionnel, technique et professionnel à réalité
multiculturelle.
L’analyse descriptive nous a permis de répondre à notre premier questionnement, à savoir : Comment
des jeunes d’origine multiculturelle issus de l’enseignement traditionnel, technique et professionnel de
Tournai et de Bruxelles s’expriment à propos du harcèlement et des discriminations potentielles vécues à
l’école ?
L’analyse descriptive se décline en deux temps, par « boîte » et par « tas », (Bardin, 2001) suivant six
grands thèmes identifiés : les constructions mentales simplifiées (stéréotypes, préjugés et représentations
sociales), les actions discriminantes (discrimination : raciale, scolaire, sexuelle, physique, religieuse,
sociale, liée à la situation familiale, à l’âge, à la grossesse et à l’embauche), violences/harcèlement
(physique et/ou symbolique), les sentiments (justice/ injustice, estime de soi), le territoire (communication
positive et communication négative) et enfin les trajectoires de vie (indices de résilience).
Synthèse des analyses descriptives à Péruwelz et Etterbeek
La première analyse descriptive (par « boîte ») effectuée nous a permis d’une part d’identifier :
-
27 préjugés, 23 stéréotypes et 31 représentations sociales associés à l’utilisation d’un vocabulaire
à forte connotation rabaissante, dénigrante, voire violente.
-
28 représentations sociales associées à une fonction sociale et à une fonction d’orientation des
conduites et des comportements ainsi que 15 représentations sociales à fonction identitaire et 16
représentations sociales à fonction de justification des pratiques.
35
-
deux sortes d’activation des phénomènes de discrimination : d’une part, une discrimination vécue
concrètement par les jeunes et d’autre part, une discrimination pensée par ceux-ci.
-
24 discriminations scolaires, 22 discriminations sexuelles (ou de genre), 11 discriminations
raciales ainsi que 8 discriminations raciales indirectes qu’il faut associer à plusieurs
discriminations (scolaire, liée à l’embauche, liée au logement).
-
27 discriminations pensées par les jeunes significativement associées à une discrimination
raciale.
-
37 discriminations pensées par les jeunes significativement associées à une discrimination
sociale.
-
9 actes de violence physique au travers des témoignages des jeunes, dont un fait de violence
vécu au sein de l’établissement.
D’autre part, au cours de la deuxième analyse descriptive (par « tas ») nous avons pu isoler trois
nouvelles catégories :
-
La territorialité ; nous avons pu percevoir que quand l’espace de communication est positif, il n’y a
aucune forme d’expression violente parce que l’espace de communication est un espace
constructif et enrichissant favorisant le développement et l’émancipation des élèves. Par contre,
lorsque la communication est négative nous avons constaté que les verbalisations des jeunes
sont empreintes de violence physique et/ou symbolique.
-
Les sentiments des jeunes ; nous avons découvert que lorsque les jeunes se heurtent à des
phénomènes discriminatoires et/ou de harcèlement, ceux-ci ressentent un réel sentiment
d’injustice et une perte de l’estime de soi.
-
Trajectoire de vie ; nous avons relevé 27 indices de résilience dans les témoignages des jeunes.
Le point suivant propose une analyse compréhensive des résultats.
36
4.3. Analyse compréhensive
Cette présente étude a pour objectifs d’établir un climat propice à une communication participante où les
élèves deviennent collaborateurs à la recherche dans une démarche commune exploratoire et de créer
ensemble huit émissions de télévision éducatives afin d’apporter une visibilité au travail effectué vers la
communauté.
C’est pourquoi, l’analyse compréhensive nous a permis de répondre à notre deuxième question de
recherche, à savoir : lorsque nous créons des groupes de parole, la communication première n’est-elle
pas basée sur des représentations ? Autrement dit, si la communication avec les élèves n’existe qu’à de
rares moments isolés, celle-ci n’est-elle pas basée en grande partie sur les représentations productrices
de comportements violents verbalement et/ou physiquement ?
A présent, nous allons essayer de mieux comprendre les phénomènes de discrimination, de violence
et/ou de harcèlement au travers des trois catégories issues de l’analyse descriptive par « tas ».
En effet, nous avons découvert que les catégories relatives à la territorialité (communication positive et
négative), aux sentiments des jeunes (sentiment d’injustice et estime de soi) et aux trajectoires de vie
(indices de résilience) étaient présentes au sein de chaque catégorie issue de notre première analyse
descriptive par « boîte », c’est-à-dire énoncées au sein des constructions mentales simplifiées
(stéréotypes, préjugés et représentations sociales), des actions discriminantes (discrimination scolaire,
sexuelle, raciale directe et indirecte) et des violences et/ou harcèlement ( violence physique et/ou violence
symbolique).
4.3.1.
La territorialité
Lors de l’analyse descriptive, nous nous sommes aperçus que les phénomènes de préjugés, de
stéréotypes, de représentations sociales, de discriminations et de violences et/ou harcèlement sont tous
liés à une idée de territorialité et plus précisément à celle d’un espace de communication.
En effet, nous avons constaté une verbalisation différente influencée par un certain espace de
communication.
Lorsque l’espace de communication est empreint de respect mutuel, la communication se déroule sans
difficulté. Ainsi, l’espace est propice à une communication constructive où l’élève se sent valorisé. L’école
est alors perçue comme un espace de développement, d’apprentissage et d’éducation. Dans ce cas, nous
considérons que l’espace de communication est positif. Nous avons d’ailleurs pu remarquer pendant les
focus groupes qu’un discours chargé de représentations sociales pouvait basculer en une prise de
37
conscience objective et spontanée, suscitée par la mise en débat avec le groupe.
Ainsi, selon Watzlawick, le troisième axiome de la communication est le suivant : « la nature d’une relation
dépend de la ponctuation des séquences de communication entre les partenaires » (Cité par Surgis, p.1,
2008). A ce titre, l’auteur démontre que la communication est un système d’échanges entre un ou
plusieurs interlocuteurs. Autrement dit, le comportement de l’un des locuteurs infère le comportement de
l’autre et vice versa.
Toutefois « l’individu a tendance à considérer son attitude en réaction au comportement de l’autre, en
minimisant l’impact de sa propre attitude » (Cité par Surgis, p.1, 2008). « Moi aussi je lui réponds parce
qu’il m’a traitée de bordel » (Sumitra).
Dès lors, nous constatons que lorsque le respect mutuel n’est pas établi entre les interlocuteurs, la
communication s’avère pénible, voire impraticable sans verbalisation violente. « Le respect je suis désolé
mais c’est réciproque… Il me respecte pas et c’est moi qui dois le respecter ?! » (Sumitra).
Dans ce cas, nous considérons que la communication est négative. De ce fait, elle s’exprime au travers
de nombreuses manifestations de violences symboliques mais aussi de violences physiques. Par
conséquent, la communication n’est plus constructive et l’élève se sent dévalorisé et rabaissé. L’école est
alors perçue comme le foyer de violences symboliques discriminantes.
Hardy (2005) considère que la violence s’exprime la plupart du temps suite à l’envahissement d’un
territoire qu’il soit symbolique ou matériel : Ce qui ne peut être dit dans une relation de communication
positive ressort alors suivant des codes de survie qui impliquent des mécanismes de défense violents
verbalement et/ou physiquement ».
Cet envahissement se traduit par des comportements de
domination/soumission (comportement de rituel et de survie) où le dominant impose sa domination au
dominé. Les verbalisations des jeunes témoignent de ce rapport entre la domination et la soumission. «
C’est les profs qui passent d’abord, pas les élèves » (Cala).
En effet, d’après Hardy (2005, 2007, 2012), les espaces dans lesquels nous évoluons sont fortement
connectés avec notre propre espace intérieur, notre bulle écologique qu’il nomme le territoire du soi
(Hardy, 2005, 2007, 2012).
Ainsi, l’auteur présente nos espaces de vie comme une extension de notre territoire du soi, sorte de bulle
invisible qui nous protège des agressions extérieures. Ainsi, si le territoire matériel, effectif, est en reliance
symbolique avec l’individu, l’envahissement de celui-ci, provoquera par conséquent l’envahissement du
territoire du soi de l’individu, ce qui engendre la production de violences, soit symboliques soit physiques
(Hardy 2012). Si cette bulle écologique est envahie, il s’ensuit un mécanisme de défense qui s’exprime
sous forme d’agression soit verbale, soit physique.
De plus, l’école est un endroit restreint où les élèves et les professeurs se côtoient pendant plusieurs
38
heures par jour dans une certaine promiscuité (Perrenoud, 2000). Selon Perrenoud (2000), l’école est un
endroit où la sphère personnelle est assez étroite. Ainsi, l’envahissement du territoire du soi est largement
plus susceptible de se manifester sur le territoire de l’école.
De ce fait, nous avons pu constater que l’espace scolaire est toujours connecté avec cette idée de bulle
écologique issu du territoire du soi. C’est pourquoi, lorsque l’espace scolaire est affecté par une difficulté,
l’espace intérieur de la personne se voit également affecté par cette même difficulté. Ceci est valable tant
pour les élèves que pour les enseignants.
En effet, lors de l’analyse précédente nous avons pu percevoir que le territoire de l’école est marqué du
sceau des discriminations et des faits de violence et/ou harcèlement. Nous sommes d’ailleurs interloqués
par l’ampleur de ces phénomènes vécus au quotidien. Si bien que nous avons pu nous rendre compte
que les jeunes expriment toute l’importance et le soulagement d’avoir accès à un espace de
communication au sein de l’établissement scolaire en présence de leur professeur. « Ça soulage… »
(Sumitra), « Oui c’était chouette » (Fatima), « Oui ça soulage, c’est vrai »(Amina), « Ça fait du bien d’en
parler ici » (Manuella).
De surcroît, lors de l’analyse descriptive, nous avons pu percevoir que les identités de ces jeunes ne sont
plus affirmées ni dans leur pays d’accueil, ni dans leur pays d’origine. « On part en Afrique on y est pas
en Europe non plus…on est perdu, on est perdu… » (Sumitra).
Les jeunes ayant collaboré à la présente recherche éprouvent un véritable besoin d’avoir un lieu où ils se
sentent intégrés, où ils peuvent s’exprimer et surtout être écoutés à leur juste valeur. Ils revendiquent la
considération au travers d’un espace de communication récurrent, organisé par les enseignants au sein
de l’espace scolaire. Incontestablement, le territoire scolaire contient un potentiel considérable pour ces
jeunes pour peu que l’équipe éducative soit conscientisée du désarroi et de la souffrance que provoquent
ces phénomènes s’ils ne sont pas gérés.
4.3.2.
Les sentiments des jeunes
Notre analyse descriptive a également dévoilé un réel sentiment d’injustice ainsi qu’une perte visible
d’estime de soi lorsque les jeunes se heurtent à des phénomènes de discrimination, de violence et/ou de
harcèlement.
Nous constatons qu’à chaque fois que l’estime de soi est atteinte, les jeunes ressentent un sentiment
d’injustice.
D’après R.Paradis et F.Vitaro (1992), l’estime de soi est un regard général sur soi qui correspond à un
jugement de sa valeur en tant que personne. Ainsi, c’est la valeur que l’individu s’octroie. Elle est produite
sur la perception que l’individu a de lui-même et sur la confiance en ses capacités, en ses compétences et
en son individualité. L’estime de soi est une dimension importante de la personnalité. Elle entretient des
39
rapports complexes, évolutifs et parfois paradoxaux avec le domaine des conduites affectives de la
personne. Ainsi, le besoin d’estime de soi est primordial pour le bien-être de l’individu.
D’autre part, selon Homans et les différents auteurs à l’origine de la théorie de l’équité (cité par Kellerhals,
2003), « il y a impression de justice lorsque les acteurs en présence sont gratifiés proportionnellement à
leurs mérites. Dans cette perspective, si la répartition concrète des efforts et des ressources s’éloigne de
cet équilibre, les lésés se sentent frustrés et tendent à le rétablir, les nantis se sentent coupables et
prennent tous les prétextes pour diminuer la qualité ou la valeur des efforts des lésés (Cité par Kellerhals,
2003, p.138-139). Ainsi, il y a recherche d’un certain équilibre. Cette quête d’équilibre renvoie à l’égalité
de traitement qui est, selon ces auteurs, « unique » et « universelle ».
En effet, l’impression d’un
sentiment d’injustice engendre « un malaise psychologique » qui entraîne un désir de vouloir réinstaller la
justice (Rebzani, 2002). L’acteur avantagé éprouve de la culpabilité tandis que l’acteur désavantagé
éprouve de la colère. Par conséquent, ces sentiments entraînent une volonté de rééquilibrer la situation.
Nous avons pu le constater au travers des propos des jeunes notamment de ceux relatés par Manuella : «
Il y avait moyen de nous remonter pour qu’on travaille et qu’on réussisse. Pourquoi nous casser ?
Pourquoi nous rabaisser ? Nous, on sait qu’on a raté mais franchement je ne sais même pas pourquoi ».
Elle ne comprend pas le motif de son échec, ce qui engendre une frustration visible parce qu’elle souhaite
rétablir la justice. « Oui elle nous donne pas cours et après elle nous dit que c’est nous qui sommes pas
capables » (Manuella). Le professeur se sent coupable et diminue les efforts de Manuella en prétendant
qu’elle n’est pas capable. Effectivement, le professeur en question tente de rétablir un certain équilibre au
travers d’un ajustement psychologique.
Selon Walster (cité par Rebzani, 2002), l’ajustement psychologique consiste à modifier la perception de la
réalité (« déformation cognitive ») en diminuant la valeur de la participation ou des efforts effectués par
l’acteur désavantagé. Autrement dit, l’objectif caché de ce type d’ajustement est de créer une impression
de justice distributive. L’auteur illustre ces propos par l’exemple notable des chômeurs : nous leur
reprochons souvent qu’ils se complaisent dans leur situation ou qu’ils ne fournissent pas suffisamment
d’efforts pour trouver un emploi. Alors qu’« en réalité on est incapable de leur procurer un emploi »
(Rebzani, 2002, p.166).
D’autre part, nous avons pu découvrir que les jeunes ressentaient un véritable sentiment d’injustice
associé aux phénomènes de discrimination et de violence. « Je comprends pas. C’est vrai, on peut ne pas
aimer les noirs et tout mais normalement on doit être égaux tu vois de la même façon que les blancs
travaillent, ben les noirs et tout on fait la même chose » (Sumitra), « il y avait moyen de nous relever… »
(Manuella), « Pourquoi il me traite de bordel ? » (Sumitra), « J’aimerais qu’on juge les filles comme on
juge les garçons […] c’est injuste ! » (Nicole), « C’est facile d’insulter les autres… » (Fatima), Etc.
Selon Rebzani (2002), le sentiment d’injustice des jeunes provenant des pratiques discriminatoires
40
auxquelles ils sont confrontés peut expliquer leurs réactions que nous désignons comme déviantes. Selon
l’auteur, nous avons tendance à accuser le comportement du jeune comme étant responsable de son
échec. Pourtant, la vraie raison de cet échec n’est pas à trouver au niveau du comportement, mais plutôt
à chercher dans l’environnement social qui n’est pas favorable à leur intégration. Ainsi, l’auteur précise
que tous les jeunes étrangers ou non peuvent exprimer des attitudes ou des comportements déviants à
l’égard de leur famille, de l’école ou du
milieu professionnel, etc. Par conséquent, ce ne sont pas
exclusivement des jeunes d’origine étrangère qui auraient une image négative de l’école. Cependant, « le
sentiment des jeunes concernant leur mise à l’écart, en raison évidemment de leur appartenance
étrangère, aura en partie une incidence sur leur réaction ou, mieux sur leurs différentes stratégies
d’ajustement » (Rebzani, 2002, p.164). L’auteur précise cependant que d’autres variables peuvent aussi
intervenir comme facteur compréhensif de leur réaction.
Comme nous avons pu l’observer, le sentiment d’injustice peut provoquer de fortes réactions
émotionnelles de la part du jeune d’origine étrangère, ce qui peut s’expliquer au travers de postures
injustifiées dont il est victime au quotidien. « Bande de chimpanzés basiques », « tu te crois chez toi, sale
bordel », « t’es noire, je te vois pas », « à 15, 16 ans, vous êtes tous perdus comme en Afrique ».
En effet, d’après Rebzani (2002) l’attitude agressive ou le mal-être des jeunes s’explique au travers de
leurs mises à l’écart injustifiées. Dès lors, ce sentiment d’injustice peut engendrer un renforcement
identitaire des jeunes envers leur groupe d’origine, ce qui les éloigne davantage de la société d’accueil
(exogroupe). C’est pourquoi, d’après l’auteur, le sentiment d’appartenance pointu à leur groupe d’origine
conduit à un isolement social malgré les efforts produits par l’école pour les intégrer dans la société
d’accueil.
Cette mise à l’écart injustifiée entraîne aussi une diminution de l’estime de soi des jeunes. « Je me suis
sentie plus que cassée quoi. Je me suis dit je ne vaux plus rien »(Manuella), « ça marque et tout à vie. On
nous considère pas, on est comme des animaux » (Sumitra), « lui ça a marqué sa vie parce qu’à cause
de ça il a changé » (Fatima).
Cependant, ces atteintes à l’estime de soi dépendent de « l’attribution des causes à leur mise à l’écart »
(Rebzani, 2002, p.164). Dans le cas où leur mise à l’écart est répétitive, le jeune doit pouvoir extérioriser
les raisons de son échec. Ainsi s’il l’attribue à une cause extérieure telle que l’employeur ou le professeur
par exemple l’estime de soi aura plus de chance d’être préservée. Au contraire, s’il attribue son échec à
leur prétendue incompétence leur estime de soi sera affectée et dévalorisée (Rebzani, 2002). « Je me
suis dit : « J’essaye pour avoir mon diplôme même s’ils m’ont cassée je sais que je mérite mieux parce
que moi je sais que j’ai réussi chez tout le monde et c’est pas pour eux deux que je vais me casser »
(Manuella).
D’autre part, Vanoutrice, Friant et Derobertmasure (2011) mettent en évidence la valeur de respect vécue
41
comme très importante et souvent au centre des injustices pour les jeunes vivant dans un environnement
scolaire basé sur le mérite. D’ailleurs, Desvignes et Meuret (2009) observent que « le respect contribue
davantage au sentiment général de justice […]» (cité par Vanoutrice, Friant et Derobertmasure, 2011, p.
131). Les auteurs ajoutent que les actes de non- respect envers leur personne aliment leur sentiment
d’injustice. D’ailleurs, Dubet et Merle (cité par Vanoutrice, Friant et Derobertmasure, 2011) constatent
également l’importance du respect, notamment lorsque les jeunes dénoncent les humiliations et les
injures faites à leur égard.
Effectivement, les jeunes revendiquent la valeur de respect mutuel. Ainsi, le manque de respect accordé
à leur égard produit une dévalorisation de leurs capacités et/ou un manque de considération du jeune qui
entraîne une perte de l’estime de soi. « Ça marque et tout à vie. […] on nous considère pas, on nous
minimise tout le temps quoi ».
En résumé, les jeunes interviewés se retrouvent au sein du territoire scolaire où professeurs et élèves se
fréquentent pendant plusieurs heures par jour dans une promiscuité manifeste accompagnée de
phénomènes de discrimination et de violence qui produisent un sentiment d’injustice et une perte d’estime
de soi.
4.3.3.
Les trajectoires de vie
Nous avons pu constater dans le témoignage des jeunes des indices de résilience.
La résilience est définie comme « le processus à partir duquel une personne ou un groupe manifeste sa
capacité à bien se développer, à continuer à se projeter dans l’avenir en présence d’éléments
déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes sévères et/ou répétés ou pour identifier le
mécanisme complexe qui signe la reprise d’un développement après un fracas » (Pourtois, Humbeeck,
Desmet, 2011, p.11).
Nous avons observé des éléments de résilience dans le quotidien des jeunes. En effet, nous retrouvons
dans leurs verbalisations des éléments qui montrent qu’ils ont continué à se développer suite à des
difficultés quotidiennes répétées.
En effet, ils n’acceptent pas le sentiment d’injustice vécu. D’ailleurs, nous avons constaté que, malgré les
violences symboliques répétées dont ils sont victimes, ils continuent à se battre, à croire en eux et veulent
revendiquer leur culture ou leur appartenance sociale même s’ils les remettent en question.
« Nous constatons que tout individu a besoin, pour vivre et se développer, d’appuis et de soutien.
Beaucoup ont trouvé sur leur chemin un tuteur qui leur a permis d’être propulsés vers l’avant. Ce tuteur de
développement peut être une personne (par exemple un professeur) ou une institution (la famille,
42
l’école…). […] Une figure - personne ou institution- est intervenue pour agir comme catalyseur, stimulant
du développement de l’individu. Elle a activé, voire réorienté le cours modal de la trajectoire » (Cyrulnik et
Pourtois, 2007, p.431-432).
Voici toute l’importance de créer un espace de communication au sein de l’établissement scolaire. Nous
l’avons constaté, l’école est un lieu qui cristallise un bon nombre de difficultés. C’est pourquoi, si nous
construisons cet espace, il se pourrait très bien que celui-ci puisse être le « tuteur de développement »
(Cyrulnik et Pourtois, 2007, p.432) de certains jeunes.
« J’ai rebondi […]. J’ai vu que je pouvais faire plusieurs choses bien et que je pouvais réussir »
(Manuella).
43
5. Critères de scientificité
Nous avons accordé, tout au long de la présente recherche, une attention particulière à la validité de
reliance.
En effet, « le concept de validité est généralement utilisé dans le cadre de la recherche pour désigner le
degré de confiance que l’on peut accorder aux inférences tirées à partir des données » (Pourtois, Desmet
et Lahaye, 2011-2012, p.26). En d’autres termes, il s’agit de se poser la question suivante: « dans quelle
mesure les réponses données aux interrogations de la recherche sont-elles valides ? » (Pourtois, Desmet
et Lahaye, 2011-2012, p.26).
Pour répondre à la validité de signifiance, Pourtois, Desmet et Lahaye (2011-2012) fournissent plusieurs
critères de scientificité à respecter lors d’une recherche qualitative. Nous révélons quatorze critères de
scientificité qui ont accompagné notre démarche lors de cette recherche.
La validité interne examine dans quelle mesure les conclusions de la recherche découlent bien des
observations effectuées et non d’autres éléments qui interviennent à l’insu du chercheur.
La fiabilité correspond à la qualité objective des données. Cette recherche possède une bonne fiabilité parce
que les données sont indépendantes du chercheur.
La validité de contenu permet de vérifier si l’instrument couvre tous les aspects importants du domaine
investigué. Il s’agit de faire appel au raisonnement, au jugement et à la connaissance de la littérature
scientifique. En effet, cette recherche est basée sur un certain nombre d’auteurs et est enrichie de nos
réflexions.
La validité empirique consiste à vérifier l’adéquation de l’outil utilisé avec les faits constatés dans
l’expérience. Effectivement, notre instrument est confronté à la réalité des faits.
La validité rationnelle met en évidence dans quelle mesure l’instrument englobe les caractéristiques du
champ traité. Elle détermine dans quelle mesure la réflexion du chercheur permet de compléter l’outil utilisé.
La validité rationnelle est respectée parce que nous avons souvent fait appel à une attitude réflexive sur nos
impressions, réflexions et pratiques au travers du carnet de bord, en vue de compléter au maximum les
informations que les entretiens nous ont fournies.
La critique d’identité (ou triangulation interne) porte sur les caractéristiques de l’informateur et du
chercheur. Il s’agit de comprendre ce qui motive l’individu à livrer l’information traitée. Dans le cadre de la
présente recherche ce sont les élèves qui ont accepté de participer à la recherche. Ainsi, elle interroge le
chercheur par rapport à ses choix, son positionnement ainsi que sur la subjectivité.
La critique d’autorité permet de trouver des preuves qui valident l’information donnée, mais aussi de
44
cerner les différences entre les différents témoignages. C’est le crédit accordé à l’informateur. Les élèves
ont relaté des récits d’histoire de vie personnelle devant l’ensemble de la classe.
La critique de restitution est la distance qui sépare l’information obtenue de l’événement original.
La critique d’originalité permet d’identifier le lien qui existe entre l’informateur et l’information, entre
l’informateur et l’événement. Nous souhaitions recueillir des informations sur un éventuel vécu
discriminatoire empreint de violence et/ou de harcèlement.
La critique d’interprétation permet d’examiner le degré de compréhension entre le chercheur et
l’informateur. Nous avons rencontré les jeunes suite à cette recherche afin de leur faire valider les
résultats obtenus.
La triangulation des sources permet d’identifier si l’information est récoltée auprès d’informateurs multiples
ou de plusieurs documents.
La triangulation des observateurs correspond à la présence de plus d’un observateur dans le processus
de la recherche pour contrôler les sources de biais dans la production des résultats. Les focus groupes
ont été réalisés en partenariat avec l’équipe de recherche de l’UMONS.
La triangulation théorique permet de décrypter les informations recueillies et d’interpréter les résultats du
traitement des données avec des théories complémentaires ou concurrentes. C’est effectivement le cas
dans cette recherche. Le décryptage des informations et l’interprétation des résultats font appel à des
théories complémentaires venant renforcer les résultats de la recherche.
La triangulation par combinaison de niveaux consiste en l’utilisation de plusieurs niveaux d’analyse au
cours de l’examen des données et/ou de l’interprétation des résultats. Lors de cette recherche, nous
avons effectué deux analyses descriptives différentes, l’une par « boîte » et l’autre par « tas ». De plus,
nous avons confronté ces résultats au travers d’une analyse compréhensive.
45
6. Production d’outil
-
Huit émissions réalisées avec des élèves des écoles fondamentales « Bon secours » (Tournai) et
« Le paradis des enfants (Bruxelles) et des adolescents des Instituts « Saint-Charles »,
enseignement général (Tournai) et « Ernest Richard, enseignement technique et professionnel
(Bruxelles). Les élèves, collaborateurs à la recherche, ont voulu témoigner des thèmes suivants
afin d’envisager la discrimination dans tous ses états.
Émission 1 : « Le sentiment de justice et d’injustice »
Émission 2 : « La tyrannie des marques, comment résister ? »
Émission 3 : « Le harcèlement à l’école »
Émission 4 : « Je suis différent… et alors ? »
Émission 5 : « Mon enfant est malade »
Émission 6 : « Mon enfant a un chagrin d’amour »
Émission 7 : « La discrimination par l’humour… quand l’humour casse »
Émission 8 : « La discrimination de genre… être fille/femme aujourd’hui »
46
Conclusion
Nous avons investigué la problématique des phénomènes de discrimination, de violence et/ou de
harcèlement au sein de l’espace scolaire.
Notre objectif était de donner la parole aux jeunes élèves d’origine multiculturelle scolarisés dans un
établissement secondaire général, technique et professionnel afin de recueillir un éventuel vécu
discriminatoire empreint de représentations sociales, de violence et/ou de harcèlement à l’école.
Nous souhaitions ainsi interroger les relations pouvant exister entre la mise en place d’un espace de
communication sur le territoire scolaire et la possibilité d’agir sur les représentations sociales des élèves
afin que celles-ci ne débouchent plus sur des attitudes violentes.
L’analyse descriptive des témoignages issus de notre échantillon a tenté de découvrir s’il existait une
présence significative de phénomènes de discrimination(s) et de violence et/ou harcèlement dans les
verbalisations des jeunes.
Nous avons bien remarqué que le discours des jeunes est empreint de représentations sociales
composées de stéréotypes et de préjugés. D’ailleurs, Lippmann (cité par Ndobo, 2010) affirme que les
individus fonctionnent de manière à percevoir la réalité selon leurs représentations, car celles-ci s’avèrent
plus faciles à comprendre et à percevoir par rapport à ce qu’il en est réellement.
Selon Mackie, Queller, Stroessner et Hamilton (cité par Ndobo, 2010), ces opinions deviennent
progressivement des certitudes difficiles à faire disparaître. Effectivement, nous avons observé que les
stéréotypes et les préjugés étaient toujours présents lors de la communication.
D’ailleurs, Bonardi et Roussiau (1999) attestent que les représentations sociales permettent à l’individu de
communiquer parce qu’elles lui fournissent un code lui permettant d’échanger sur le monde qui l’entoure.
De plus, nous avons également retrouvé, dans les témoignages des jeunes, les différentes fonctions
d’une représentation sociale selon ces mêmes auteurs.
De fait, Légal et Delouvée (2008) certifient que la discrimination est « la mise en acte » des
représentations sociales, des stéréotypes et des préjugées. Lors de notre analyse, nous avons pu
distinguer que chaque phénomène de discrimination était associé à une représentation sociale et
indéniablement à des stéréotypes et à des préjugés à l’égard des élèves.
47
Dès lors, nous avons identifié plusieurs types de discrimination notamment la discrimination scolaire,
sociale, la discrimination sexuelle (ou de genre) et la discrimination raciale.
Ainsi, le collectif Manouchian (2012) distingue deux types de discrimination. Les discriminations directes,
définies comme un comportement discriminatoire volontaire et intentionnel envers un individu ou un
groupe d’individus. Effectivement, nous avons relevé plusieurs discriminations scolaires, sociales,
sexuelles et raciales directes qui impliquaient un discriminant et un discriminé.
Les discriminations indirectes définies par le collectif Manouchian (2012) comme étant un comportement
discriminatoire qui n’est pas énoncé clairement, mais qui effectue quand même un traitement différentiel.
En effet, nous avons relevé plusieurs discriminations raciales et sociales indirectes associées à d’autres
discriminations.
Nous avons également recensé plusieurs actes de violences symboliques et de violences physiques lors
des témoignages des élèves issus de notre échantillon. Ainsi, Troger (cité par Catheline, 2008) affirme
que « ce qui domine, ce sont ce qu’on appelle aujourd’hui les « incivilités » (insultes et menaces) et les «
violences physiques sans arme (insolence et bagarres) » (cité par Catheline, 2008, p.19). Effectivement,
nous avons relevé de nombreuses violences symboliques humiliantes dans les dires des jeunes.
L’analyse compréhensive nous a permis de mieux cerner les différentes manifestations de discrimination,
de violence et/ou d’harcèlement au travers de la territorialité, des sentiments des jeunes et de la
trajectoire de vie. De plus, elle s’interroge sur un possible lien dans la communication entre élèves et
professeurs et dans l’expression de comportements discriminatoires.
Dès lors, nous avons découvert que lorsque la communication est positive, le jeune se sentait écouté et
valorisé et aucune expression de violence n’était recensée dans les témoignages. Par contre, lorsque la
communication bascule dans un mode associé à la survie suite à un envahissement du territoire du soi,
bulle écologique propre à chacun (Hardy, 2012), nous avons relevé plusieurs expressions de violence
dans le discours des jeunes. Ainsi, Perrenoud (2000), affirme que l’école est un endroit restreint où la
sphère personnelle de l’élève et du professeur est assez étroite. C’est pourquoi, ils sont sujets à un bon
nombre de confrontations symboliques, mais aussi physiques.
Hardy (2005) confirme ces propos en considérant que les phénomènes de violence s’expriment suite à
l’envahissement d’un territoire symbolique ou matériel. En effet, lorsque la communication est négative,
elle est associée à un vocabulaire violent.
Par ailleurs, selon Cara et Faggianelli (2011), le harcèlement ou « schoolbullying » est défini comme une
conduite agressive intentionnelle, répétée au sein d’une relation entre un dominé et un dominant. Nous
avons retrouvé ce caractère répétitif lors des témoignages des jeunes ainsi qu’un rapport de
domination/soumission. De ce fait, Hardy (2005) développe que l’envahissement d’un territoire, d’un
48
espace de vie se traduit par des comportements de domination/soumission (comportement de rituel et de
survie).
Aussi, Légal et Delouvée (2008) indiquent que les personnes victimes de discrimination peuvent ressentir
un certain sentiment d’injustice.
Nous avons pu mettre en évidence que chaque fois que l’estime de soi des jeunes était atteinte par une
discrimination et/ou une violence, ils ressentent un réel sentiment d’injustice qui provoque une dynamique
où l’acteur avantagé éprouve de la culpabilité tandis que l’acteur désavantagé éprouve de la colère.
Ceux-ci recherchent un certain équilibre parce que le sentiment d’injustice engendre « un malaise
psychologique » qui entraîne une volonté de rétablir l’égalité. C’est pourquoi l’individu utilise un
ajustement psychologique (« déformation cognitive ») en réduisant par exemple les efforts effectués par
l’acteur avantagé. Ce qui produit une impression de justice distributive (Rebzani, 2002).
Ce sentiment d’injustice peut également expliquer les réactions des jeunes que nous qualifions de
déviantes ou trop impulsives. Bien que nous sachions que d’autres variables interviennent également.
Enfin, Pourtois et Cyrulnik affirment qu’ « entre le passé et l’avenir, entre l’ancien et le nouveau, le
résilient tisse des liens qui restructurent sa transmission. Ce travail permet une réappropriation du passé
au nom d’une meilleure maîtrise de l’avenir » (cité par Pourtois et Cyrulnik, p.127). En effet, nous avons
décelé des indices de résilience qui s’expliquent au travers de leurs trajectoires de vie difficile et leur désir
de rebondir.
Le résultat le plus étonnant de notre analyse est la richesse des témoignages, et le panel de phénomènes
de discrimination et de violence auxquels ces jeunes se heurtent au quotidien. Nous sommes conscients
que nos résultats concernent uniquement notre échantillon.
L’ensemble de ces résultats nous a permis de constater, au nom de la validité de signifiance, qu’après
l’expérience menée, les élèves témoignaient de l’importance d’avoir un espace de communication comme
celui-ci à l’école. « Ça soulage d’en parler ici » (Manuella) ou « on n’a jamais pu s’exprimer comme ça à
l’école et ça nous fait un bien fou » (Fatima)… Toutefois, cet espace de communication, selon les élèves,
doit être récurrent et encadré par les enseignants. Ces dires proviennent d’une post-séance où nous
avons présenté les résultats de la présente recherche aux élèves et où ils ont exprimé leur
reconnaissance d’avoir cru en eux.
Nous avons produit un outil avec les élèves où ils ont pu créer huit émissions de télévision éducative afin
de diffuser le travail réalisé vers la communauté éducative. Dès lors, cet outil va servir aux écoles et va
permettre de conscientiser les professeurs, les parents ainsi que les acteurs de l’éducation de la
communauté.
49
Nos analyses mettent en évidence un levier de discrimination raciale nettement ancré dans les réalités
quotidiennes des élèves de Bruxelles par opposition à une discrimination basée sur des différences
sociales, scolaires, physiques ou vestimentaires dans les réalités tournaisiennes.
Les résultats de la présente recherche établissent un lien entre la mise en place d’un espace de
communication récurrent sur le territoire scolaire et la possibilité d’agir sur les représentations et par
conséquent, sur l’expression de comportements violents.
50
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