A L’HEURE OÙ LES FRONTIÈRES ENTRE LA CRÉATION ARTISTIQUE ET LA CRÉATION AMA-
TEUR S’ESTOMPENT GRÂCE AU DÉCLOISONNEMENT DES PRATIQUES ET DE LA CULTURE,
ON PEUT S’INTERROGER SUR LA PLACE DE L’ART DANS NOS QUOTIDIENS ET NOTAMMENT
DANS LE MILIEU DE LA PUBLICITÉ. QUELS LIENS EXISTENT-ILS ENTRE CES DEUX DOMAINES
ET COMMENT LES PUBLICITAIRES DÉTOURNENT-ILS L’ART DANS UNE OPTIQUE COM-
MERCIALE? COMMENT LES MARQUES SE POSITIONNENT-ELLES COMME DES ICÔNES DE
L’HISTOIRE ET DU PATRIMOINE FRANÇAIS? NOUS VOUS PROPOSONS UN SUPPLÉMENT
SPÉCIAL DE LA REVUE INFLUANCIA SUR CETTE NOTION D’ARKETING POUR VOUS PARLER
D’UNE NOUVELLE TENDANCE QUI MÊLE ART ET MARKETING, À LA FOIS DANS UN OBJECTIF
DE CRÉATION DE VALEUR ET D’EXTENSION DES TERRITOIRES DE MARQUE. LES MARQUES
ONT BIEN COMPRIS QU’IL S’AGIT LÀ D’UN VÉRITABLE ENJEU DE SOCIÉTÉ. DÉSORMAIS, LA
CULTURE N’EST PLUS UN LUXE OU UNE EXCUSE,
ELLE EST UNE STRATÉGIE...
DES ARTISTES ET DES PUBLICITAIRES
Dali, Mondrian, Toulouse-Lautrec, Léonard de Vinci
et bien d’autres… autant d’artistes qui ont marqués les
époques et les esprits grâce à leurs Œuvres, toujours
plus émouvantes, toujours plus touchantes ou
controversées. L’Art ! Un bien grand mot pour signifier
la beauté de l’expression de soi, du talent et du savoir-
faire de génies. L’Art, qui traverse les époques est
ancrée en chacun de nous et l’attachement que nous
avons à lui fait qu’il s’immisce, furtivement, dans nos
vies et même… dans la publicité.
Et oui, l’Art et la Publicité sont deux domaines
auxquels on pourrait trouver des points communs :
les deux disciplines lient créativité et transmission de
message. C’est d’ailleurs pour cette raison que dès le
19ème siècle les publicités, alors appelées réclames,
prenaient des airs d’estampes artistiques aux messages
commerciaux.
On a surtout vu l’Art être utilisé dans la publicité
dans les années 50 avec l’arrivée du Pop Art et de la
consommation de masse. Il était alors une source
d’inspiration inépuisable pour les communicants. Et
quand nous dégustions, avec les yeux écarquillés de
bonheur, les sucettes Chupas Chups, nous étions loin
d’imaginer que ce n’était autre que Salvador Dali le
créateur du logo de la marque. Arracher un vulgaire
papier en plastique d’une sucette… voilà quel était
l’usage de l’œuvre d’un grand maitre.
Si les artistes tels que Dali et Warhol se prêtaient
au jeu des marques, les marques aussi s’emparaient
du jeu des artistes. Et c’est ainsi que dans les années
80, Nestlé, en quête d’une identité pour de nouveaux
yaourts au lait entier utilisa le tableau «La Laitière» de
Vermeer (1658) pour faire d’un simple lait caillé, la star
des rayons laitiers, au goût authentique, fabriqué avec
un grand savoir-faire. Ingénieux, non ? L’Oréal, à la
même époque, n’a pas hésité à créer le packaging de sa
gamme Studio Line entièrement inspiré du style de Piet
Mondrian.
Mais pourquoi un tel engouement pour l’Art
dans le milieu du marketing ? Du côté de la rédaction,
nous sommes allés interroger les consommateurs
d’aujourd’hui. Conclusions ? L’Art donne une dimension
symbolique aux produits. Il transmet des ambiances,
des valeurs et une image, aussi vraie soit-elle. Le
consommateur s’approprie le produit grâce à des codes
et des valeurs qui lui sont chères.
Le produit devient alors plus qu’un bien matériel
et consommable ; il représente un style de vie et des
émotions. Lorsque nous mangeons une mousse au
chocolat La Laitière, nous fondons d’émotions. Et ce
n’est pas le chocolat qui nous procure ce plaisir, mais
plutôt le doux souvenir de notre enfance…
L’Art que l’on retrouve dans les packagings ou
les publicités est ainsi une manière de nous toucher plus
durablement, nous, consommateurs, qui transformons
un simple objet en outil identitaire.
Les mass market se sont donc appropriées l’Art
pour toucher le plus grand nombre, et sont devenues
les marqueurs d’une époque, touchant le quotidien des
consommateurs à tel point qu’elles peuvent se mettre
en scène au travers d’expositions muséales. Aujourd’hui,
il existe près de 1500 musées de marques dont Coca-
Cola, Perrier et Haribo!
Pour mieux comprendre cette tendance au
détournement des produits par l’Art, nous avons
rencontré Alain Thuleau, Directeur de l’Agence Artevia
spécialisée dans le développement de projets culturels.
Est-ce que l’appropriation de l’Art par la publicité est
une tendance qui tend à se développer davantage?
A.T: Depuis qu’Andy Warhol l’a peinte en noir en 1985,
la vodka Absolut axe l’essentiel de sa communication sur
le détournement de son produit par des artistes. L’apéritif
Suze, lui, se fait chaque année habiller par Christian
Lacroix. Les marques et la publicité aiment flirter avec le
monde de l’art.
Dans le genre happening, en 2002, Kenzo Parfums a
planté 180000 coquelicots dans les rues de Paris, suivant
une idée de Patrick Corillon, artiste contemporain belge.
Le passant pouvait découvrir des messages poétiques
enroulés autour des tiges. Mettre l’art au service