Le succès des chaînes logistiques amont tendues : Le rôle de la GRH

Sophie CLAYE-PUAUX
Maître de Conférences - CRET-LOG, Université de la Méditerranée
sclaye@univ-aix.fr
La chaîne logistique amont tendue est une forme organisationnelle ultra-perfor-
mante sur le plan de la logistique, mais également très fragile. Quel est le rôle de la
GRH dans le succès de cette chaîne, c’est-à-dire dans le maintien de la continuité et
de la fluidité de ses flux ? Telle est la question à laquelle nous cherchons réponse, à
travers une étude de cas réalisée dans le secteur automobile. L’interprétation des
données du terrain nous conduit à souligner le caractère stratégique de la GRH
dans les chaînes logistiques amont tendues, mais également le caractère contradic-
toire des exigences imposées à la GRH.
La notion de chaîne logistique peut abriter des
réalités variées, tant les pratiques de gestion
des flux peuvent différer d’une chaîne à
l’autre. Parmi la multitude de chaînes possi-
bles, nous distinguons un modèle spécifique
que nous nommons Chaîne Logistique Amont
Tendue (CLAT). Fondée sur une volonté forte
d’optimisation des coûts, de la qualité et des
délais, cette chaîne de nature industrielle, que
l’on observe par excellence dans le secteur
automobile, repose sur la démarche du
juste-à-temps. Elle réalise donc un pilotage
par l’aval de son processus logistique afin de
répondre exactement à la demande réelle à
chaque étape du flux, ni plus, ni moins.1La
performance logistique de la CLAT est ainsi
inscrite dans ses paramètres de conception
mêmes ; ceci s’illustre à travers l’injonction
des cinq zéros : zéro stock, zéro délai, zéro
défaut, zéro panne, zéro papier.
Si la performance de la CLAT est posée, le
succès de cette chaîne demeure quant à lui
incertain. En effet la démarche de
juste-à-temps, tout en rendant la CLAT
ultra-performante sur le plan logistique, la
rend dans le même temps extrêmement fragile
puisqu’elle se traduit par l’élimination des
marges de sécurité, c’est-à-dire des stocks, au
sein de la chaîne. Or en l’absence de stock, la
rupture en un point de la chaîne signifie, à très
brève échéance, l’arrêt de l’ensemble de la
chaîne (Colin, 1996). Ainsi la CLAT est
condamnée au succès, c’est-à-dire au main-
tien durable de la continuité et de la fluidité de
ses flux. Ceci suppose la préservation d’une
parfaite coordination des flux physiques et
d’information et d’une parfaite réactivité aux
aléas dans et entre les organisations compo-
sant la CLAT, ainsi qu’un primat quasi-incon-
ditionnel des impératifs logistiques, l’objectif
de satisfaction du client devant toujours être
prioritaire.
Or le succès de la CLAT ainsi défini repose en
grande partie sur les compétences des salariés
de la chaîne. Il sollicite en effet la capacité
d’autonomie des salariés, afin d’anticiper la
survenue d’aléas et de prendre les mesures
nécessaires pour faire passer les « caprices du
Logistique & Management
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1 - Notons toutefois qu’au sein
de la CLAT la démarche de JAT
n’est pas nécessairement
diffusée de façon complète et
homogène. Nous renvoyons sur
ce point à Calvi (1998) et
Claye-Puaux (2002).
Le succès des chaînes logistiques amont
tendues : Le rôle de la GRH
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flux » (Clot et al., 1990). L’autonomie des
salariés apparaît dans ce contexte comme une
condition d’efficacité de l’organisation
(Chambrier, 2000). Il sollicite également une
coopération inter-personnelle accrue, pour
maximiser l’efficacité non pas d’opérations
isolées, mais de l’ensemble du processus :
« Là où primait l’efficience de l’opération,
prime désormais l’efficience de l’inter-opéra-
tion. » (Veltz et Zarifian, 1993, p.15). Enfin le
succès de la CLAT suppose une capacité
d’apprentissage de la part des salariés :
ceux-ci doivent utiliser les évènements consti-
tuant l’activité comme occasion d’apprentis-
sage pour enrichir leur répertoire d’actions
efficaces (Veltz et Zarifiant, 1993). Ainsi à
une gestion purement routinière et réactive
des pannes peut faire place une gestion cons-
tructive de ces aléas qui permettra d’éliminer
leur cause (Clot et al., 1990).
Au final, l’implication de la ressource
humaine paraît fondamentale dans le succès
de la CLAT. Partant, on peut s’interroger sur le
rôle de la gestion des ressources humaines
(GRH) dans le succès des CLAT. Des prati-
ques de GRH spécifiques permettent-elles au
projet de la CLAT de se réaliser ?
Cette question de recherche nous place dans
une approche à la fois stratégique (Miles et
Snow, 1984 ; Arthur, 1994 ; Schuler et Jack-
son, 1999) et contextualiste (Pettigrew, 1987 ;
1990) de la GRH. Nous concevons en effet la
GRH comme une source potentielle de perfor-
mance organisationnelle et inter-organisa-
tionnelle et pensons que les pratiques de GRH
sont déterminées de manière spécifique par le
contexte dans lequel elles sont développées.
Pour répondre à cette question à caractère
exploratoire, dans le cadre d’une recherche
doctorale, une étude qualitative a été menée
dans une CLAT du secteur automobile. Les
résultats de cette étude ont été produits à la fin
de l’année 2002. Nous en présentons ici une
synthèse partielle, articulée de la manière sui-
vante : nous préciserons tout d’abord la
méthode de recherche mise en œuvre, puis
nous exposerons notre interprétation du maté-
riau empirique collecté, d’abord sous l’angle
positif des pratiques de GRH identifiées
comme déterminantes dans le succès de la
CLAT, puis à travers une réflexion sur la diffi-
culté pour la GRH de réaliser les objectifs
contradictoires imposés par la CLAT.
L’étude de cas :
une CLAT du secteur automobile
La méthode d’investigation retenue s’inscrit
dans les principes de la méthodologie de la
théorie enracinée (Glaser et Strauss, 1967 ;
Glaser, 1992 ; Strauss et Corbin, 1994). Il s’agit
d’une méthodologie qualitative mobilisant un
ensemble systématique de procédures de col-
lecte et d’analyse des données, afin de dévelop-
per de manière inductive une théorie ancrée
dans un phénomène. Les procédures spécifi-
ques de la méthode précisent les modalités :
de sélection des unités analysées : en cons-
tituant un échantillon à la représentativité
théorique et non statistique ;
d’attribution d’un sens aux données : en uti-
lisant la méthode de comparaison systéma-
tique pour coder les données et articuler les
codes entre eux ;
de développement de la théorie : par l’itéra-
tion collecte-analyse.
Ce système méthodologique de référence a
été appliqué dans le cadre d’une étude de cas
unique, particulièrement appropriée à cette
recherche de nature exploratoire et portant sur
un phénomène complexe (Wacheux, 1996).
L’unité d’analyse théoriquement représenta-
tive retenue est un segment de CLAT du sec-
teur automobile. Le secteur automobile
s’avère en effet composé de CLAT exemplai-
res, ce qui s’explique par l’ancienneté des
démarches de diffusion du JAT impulsées par
les constructeurs (Womack et al., 1990). La
figure 1 présente le schéma de coordination
logistique externe entre les organisations de la
CLAT étudiée. On y voit deux fournisseurs de
premier rang (ALPHA et BETA) et deux four-
Figure 1 – La coordination externe des flux dans la CLAT étudiée
2
2 - SPARTE :
Système de Programmation des
Approvisionnements Rationalisé
par une Technique Economique.
Il s’agit du terme utilisé par PSA
pour désigner la planification
détaillée des approvisionnements
à court terme, dans laquelle le
client envoie ses ordres fermes
au fournisseur à J-x. Les pièces
ainsi approvisionnées peuvent
être livrées directement à la
chaîne de montage (Sparte
« adressé ») ou à un magasin de
stockage proche des chaînes de
montage (Sparte « magasin »).
RECOR :
Remplacement d’En-cours basé
sur la COnsommation Réelle.
Ceci correspond au système kan-
ban : le client consomme les
composants et les fait instanta-
nément renouveler par container
plein. On distingue le Recor
« direct » (livraison sur les chaî-
nes de montage) du Recor
« magasin » (livraison à un ma-
gasin de stockage proche des
chaînes de montage).
SYNCHRONE :
l’ordre d’approvisionnement est
automatiquement émis par le
véhicule en cours de montage :
le fournisseur doit alors
produire et/ou livrer ses
composants dans l’ordre exact
de passage des véhicules sur la
ligne de montage et
les acheminer jusqu’en bord
de ligne où ils sont
immédiatement consommés.
nisseurs de second rang (GAMMA et
DELTA) agissant sur la chaîne logistique de
PSA-Peugeot-Citroën (site de Sochaux).
La période de réalisation de l’étude s’est
étendue de février à décembre 2001, par pha-
ses successives d’immersion sur le terrain
d’une durée unitaire moyenne d’une semaine.
Au sein de chaque entreprise, les données ont
été collectées par :
Entretiens semi-directifs auprès des infor-
mateurs principaux (responsables logisti-
ques, responsables de production et
responsables des ressources humaines),
soit 11 entretiens semi-directifs ;
Entretiens libres avec les informateurs se-
condaires (directeurs d’usine, chefs
d’équipe de production, agents logistiques)
et d’opportunité (autres responsables opé-
rationnels), soit 26 entretiens libres ;
Observation directe (organisation et vie des
ateliers et des magasins, réunions de pro-
duction, interactions avec les partenai-
res…) ;
Analyse documentaire (tous documents
concernant les objectifs, les procédures et
outils, les résultats, logistiques ou de
GRH).
Le matériau ainsi collecté a été exploité en
réalisant une codification inductive, dans un
premier temps, des entretiens semi-directifs
effectués avec les informateurs principaux.
L’arborescence des codes obtenue a ensuite
été appliquée aux entretiens libres, aux comp-
tes-rendus des phases d’observation et aux
documents rassemblés. Les données nouvel-
lement intégrées ont permis d’affiner l’arbo-
rescence des codes. L’étape de codification a
été facilitée par le recours au logiciel de déve-
loppement théorique NVivo qui a notamment
permis de ne pas condenser les données issues
des entretiens mais de les conserver dans leur
intégralité.
Les pratiques de GRH au cœur
du succès de la chaîne logistique
Le dispositif d’étude de cas mis en œuvre a
permis de recueillir un matériau empirique
important qui a été interprété de manière
inductive au regard de notre question de
recherche. Nous présentons le fruit de cette
interprétation sous une forme linéaire et ana-
lytique dans un premier temps puis de façon
plus synthétique, en visualisant le processus
de la chaîne logistique.
Quelles pratiques de GRH pour quels
objectifs de la CLAT ?
Nous avons dans un premier temps dégagé un
ensemble de pratiques de GRH liées au succès
de la CLAT. Nous avons choisi de regrouper
ces pratiques sous forme de grappes3consti-
tuant des leviers de GRH assurant l’atteinte
des objectifs de la CLAT. Le tableau 1 pré-
sente ces résultats.
La coordination des flux physiques est
rendue possible par une activité de GRH ren-
voyant au domaine de la gestion de l’emploi et
de l’organisation du travail qui peut être
décomposée en trois leviers :
lLa synchronisation inter-organisation-
nelle des activités :
Dans le cadre du JAT, l’exacte synchronisa-
tion des flux physiques, entre donneurs
d’ordres et fournisseurs, constitue une base du
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Vol. 12 – N°1, 2004 25
Tableau 1 – Les pratiques de GRH au service des objectifs de la CLAT
Objectif
de la CLAT Leviers de GRH Pratiques de GRH
Coordination
des flux
physiques
Synchronisation
inter-organisationnelle des
activités
Gestion des horaires, organisation du
travail et gestion des congés
harmonisées sur les pratiques du client
et réactives
Synchronisation
intra-organisationnelle
des activités
Gestion des horaires et organisation du
travail harmonisées entre les différents
services en interne
Flexibilité quantitative de
la ressource humaine
Recours structurel à l’emploi
intérimaire et embauche en CDI
parcimonieuse ; vigilance dans la
gestion de l’absentéisme
Coordination
des flux
d’information
Adaptation aux
technologies de
l’information
Formation aux nouvelles technologies
ou reclassement et embauche des
compétences exigées ;
revalorisation des métiers
Décloisonnement
interne
Remodelage de la structure
hiérarchique ; développement de la
communication interne ;
clarification des rôles
Réactivité aux
aléas
Efficacité de la
communication externe
Sélection du personnel d’interface pour
ses aptitudes relationnelles ; pratiques
de socialisation externe
Adaptabilité de la
ressource humaine
Reconnaissance de la disponibilité ;
développement de la polyvalence
(multiples habilitations) ; action sur la
sécurité des conditions de travail
Primat des
impératifs
logistiques
Développement de la
culture logistique
Actions participatives, actions de
communication sur les objectifs
logistiques et actions d’implication
Préservation du climat
social
Maintien des relations sociales et
développement de la reconnaissance
de l’implication
3 - Nous renvoyons à MacDuffie
(1995) pour la notion de grappe
de pratiques de GRH.
fonctionnement de la relation d’échange.
Cette synchronisation des flux de marchandi-
ses s’accompagne nécessairement d’une syn-
chronisation de l’activité de travail supportant
la circulation des flux. Du point de vue de la
GRH, ceci oblige le fournisseur à la mise en
place d’horaires de travail et d’une organisa-
tion du travail calés sur l’activité du client.
Comme le soulignait l’un des responsables
des ressources humaines rencontrés
(ALPHA) : « les équipes sont clairement déci-
dées par le client. » De plus, les périodes de
congés sont également affectées par les choix
du donneur d’ordres. Ce sont en fait les dispo-
sitions prises par le constructeur qui se réper-
cutent en cascade jusqu’aux fournisseurs de
deuxième niveau. L’évolution chronologique
comparée des horaires de travail et périodes
ouvrées des différentes entreprises étudiées a
très clairement montré ce phénomène. En
outre la réactivité de la fonction RH peut être
sollicitée pour assurer cette nécessaire syn-
chronisation de l’activité avec le donneur
d’ordres. Ainsi dans notre cas, le constructeur
PSA a engagé les productions de nuit puis de
week-end, sur Mulhouse puis sur Sochaux,
pour faire face aux succès commerciaux de
ses deux derniers modèles de petites voitures,
la 206 et la 307, se traduisant par une forte
montée en cadence de production. Les four-
nisseurs directs ont disposé de six semaines
pour constituer des équipes de travail nuit et
week-end et pour transmettre les directives
aux fournisseurs de deuxième niveau concer-
nés (ici DELTA).
lLa synchronisation intra-organisation-
nelle des activités :
La continuité et la fluidité des flux ne doit pas
être réalisée uniquement à l’externe entre les
partenaires de la chaîne, mais également en
interne, au sein de chaque maillon de la
chaîne. La synchronisation des différentes
activités réalisées en interne est donc aussi
essentielle que la synchronisation externe
évoquée plus haut. Ceci suppose une parfaite
harmonisation des horaires entre les différents
services concourant à la réalisation du proces-
sus logistique.
lLa flexibilité quantitative de la ressource
humaine :
La coordination des flux inter-organisation-
nels suppose un ajustement continu au volume
d’activité. La variabilité de la demande dans
un système en JAT impose d’assurer un niveau
de flexibilité quantitative de la main d’œuvre
pour éviter la sous-capacité (introduisant un
risque de rupture des flux) ou la surcapacité
(diminuant la fluidité des flux comprise ici en
termes de moyens humains engagés – et donc
de coûts salariaux). Ainsi l’ensemble des sites
étudiés recourt à l’intérim pour maintenir un
volant de flexibilité à court terme, situé entre
15 et 20% des effectifs de production en acti-
vité haute. « L’activité est lisse sur l’année à
hauteur de 80%. Les 20% de variation d’acti-
vité sont absorbés par les intérimaires, qui
sont notre volant de flexibilité. » (Directeur
d’Usine GAMMA). De plus, en contexte
d’effectifs au plus juste, la gestion de l’absen-
téisme planifié (comprenant les congés payés,
les congés de RTT et les absences pour forma-
tion) devient critique au sein des équipes de
production, à plus forte raison depuis la négo-
ciation sur la réduction du temps de travail,
qui s’est traduite chez les fournisseurs par
l’augmentation du nombre de jours de congé.
Ainsi la mission de gestion de l’absentéisme
est devenue plus complexe pour les chefs
d’équipe, qui autorisent dans les sites étudiés
jusqu’à 15% d’absentéisme planifié par jour.
La coordination des flux d’information est
rendue possible par une activité de GRH ren-
voyant aux domaines de la formation et de la
communication qui peut être décomposée en
deux leviers :
lL’adaptation aux technologies de l’infor-
mation et de la communication :
La coordination opérationnelle inter-organi-
sationnelle à la base du fonctionnement de la
chaîne logistique suppose un échange d’infor-
mation continu sur les quantités à produire et
livrer mais aussi sur les quantités effective-
ment livrées, leur nature, leur destination
précise. Ainsi à chaque ordre d’approvision-
nement (dit DELINS pour delivery instruc-
tion) correspond un avis d’expédition
(AVIEX). Concrètement, cet échange d’infor-
mation bidirectionnel peut prendre diverses
formes : électronique (EDI ou webEDI),
papier (fax, bon de livraison papier), étiquette
normée avec code-barres. Petit à petit, le
papier disparaît au profit des ordres électroni-
ques. Les évolutions en cours sont imposées
par les donneurs d’ordres aux fournisseurs,
qui doivent adapter leurs moyens technologi-
ques mais aussi leurs compétences, sous la
menace de perdre leur marché. L’activité de
formation est donc critique, mais également
celle de reclassement (et embauche externe) si
l’essor des qualifications n’est pas réalisé en
interne. « Quand les technologies évoluent,
des plans de formation sont mis en place.
Mais il y a aussi des actions de reclassement
pour le personnel qui ne souhaite pas suivre. »
(Responsable de production ALPHA). L’évo-
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lution des technologies de l’information peut
avoir un impact plus fort sur certains métiers,
nécessitant une revalorisation des postes.
Ainsi le métier de cariste a été le plus large-
ment touché : « Les caristes sont devenus des
interlocuteurs privilégiés des lignes d’assem-
blage et ils ont maintenant une préparation
informatique. Ce métier s’est informatisé ; le
fait d’avoir un permis cariste et de charger les
camions devient mineur par rapport à leur
travail de saisie informatique ou d’analyse
des besoins des clients. […] Il y a eu une
grosse action de formation à l’informatique
pour des caristes présélectionnés, avec
ensuite évolution des qualifications, des coef-
ficients, des salaires forcément. » (Respon-
sable de production ALPHA).
lLe décloisonnement interne :
La coordination des flux d’information est
tout aussi indispensable au niveau intra-orga-
nisationnel qu’au niveau inter-organisation-
nel. Les cloisonnements entre groupes et entre
fonctions se révèlent alors être des obstacles
majeurs à sa réalisation. Certaines structures
apparaissent dans ce cadre plus à même de
favoriser le décloisonnement entre les fonc-
tions. En regroupant plusieurs fonctions sous
une même autorité hiérarchique, les informa-
tions circulent de manière plus fluide et les
arbitrages entre fonctions sont facilités. Par
exemple, le choix d’intégrer production et
logistique (chez ALPHA) ou production,
logistique et maintenance (chez BETA) est
vécu comme un levier de la communication et
de la coordination entre ces fonctions. De
plus, pour que les informations utiles circu-
lent aisément, dans et entre les services, des
conditions favorables peuvent être réunies. Il
s’agit de fournir des espaces de communica-
tion ou de spécifier des temps d’échanges (au
moment des prises d’équipe, à travers des réu-
nions intra ou inter-services ou par des habitu-
des de communication informelle), afin
d’encourager la coordination des informa-
tions. Enfin, la circulation de l’information
pertinente peut souffrir d’un manque de clarté
dans l’attribution des rôles de chacun. Pour
que l’information soit transmise de manière
fiable et efficace, les rôles d’interface doivent
être clairement définis. « Il y a le problème du
« qui fait quoi ». Où s’arrête le domaine de
responsabilité de chaque service et quelles
sont les interfaces ? On perd beaucoup
d’énergie et de temps à vérifier ça. Et la fiabi-
lité de l’information est nulle : par exemple ce
matin, les pièces pour [client X] étaient là,
mais elles sont restées toute la journée dans
un coin, personne ne les a prises pour les
livrer ! » (Responsable logistique DELTA).
La réactivité aux aléas est rendue possible
par une activité de GRH renvoyant au
domaine de la valorisation du potentiel
humain (Mahé de Boislandelle, 1988)4qui
peut être décomposée en deux leviers :
lL’efficacité de la communication externe :
Pour que les aléas, susceptibles de se répercu-
ter en cascade au long de la CLAT, puissent
être gérés rapidement, la communication in-
ter-organisationnelle doit être efficace. Il
s’agit de se comprendre parfaitement, pour
pouvoir coordonner au mieux ses actes lors de
la survenue d’un dysfonctionnement, une
panne machine, une défaillance de transport,
une erreur de saisie informatique, etc. A cette
fin, le repérage de qualités de communicateur,
voire de négociateur lorsqu’il s’agit de trouver
une solution commune à un problème, guide
la sélection du personnel réalisant l’interface
avec les fournisseurs et les clients. D’autre
part, la mise en place de pratiques de sociali-
sation externe permettent le développement
d’une connaissance de l’autre, d’une repré-
sentation partagée des situations rencontrées,
d’un langage commun qui favorise la commu-
nication inter-organisationnelle. Cette sociali-
sation peut être naturelle, en se jouant sur le
registre des liens amicaux. Il en résulte une co-
opération très spontanée : « Il y a des chauf-
feurs, les réguliers qu’on voit souvent, ils
connaissent bien nos caristes, et il y a avec eux
une très bonne entente. Alors au lieu de ne
rien dire s’ils ont un ennui sur la route, ils
nous appellent pour qu’on puisse prévenir le
client d’un retard probable. Mais cela, tous
n’y penseront pas. » (Chef d’équipe ALPHA).
Cette socialisation externe peut également
être encouragée par les pratiques de visite de
site, de rencontre inter-personnelle entre
correspondants ou de réunion inter-organisa-
tionnelle.5L’attention est alors tout particuliè-
rement tournée vers l’amélioration de la
relation au client. La proximité géographique
apparaît dans ce cadre comme un avantage
important aux yeux des entreprises étudiées :
« la proximité avec les clients et fournisseurs
permet d’avoir des contacts. Je n’imagine pas
être autrement vis-à-vis d’un client. […] En
cas de problème, on est sur place, on y va, on
va voir les gens, quand on les rencontre sou-
vent c’est plus facile de discuter, et d’organi-
ser les progrès. » (Responsable logistique
BETA).
lL’adaptabilité de la ressource humaine :
La survenue d’un aléa impose de prendre rapi-
Logistique & Management
Vol. 12 – N°1, 2004 27
4 - La valorisation du potentiel
humain vise l’enrichissement
des salariés sur les plans du
savoir, du savoir-faire, du
confort matériel et de la
reconnaissance.
5 - Mentionnons ici les
résultats intéressants produits
par M. Detchessahar (1998) qui
constate que l’homologie des
trajectoires
socio-professionnelles des
personnels en contact favorise
la coopération
inter-organisationnelle en
renforçant notamment la
confiance inter-personnelle. Ce
constat pourrait peut-être à
l’avenir inspirer les démarches
de sélection des personnels
d’interface.
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