
Y. EL HARRECH et coll.Prolapsus génitaux chez la femme : voie haute ou voie basse ? prothèse ou non ? hystérectomie ou non ?
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La défaillance du système de soutien peut être
segmentaire ou globale, constituée (patente) ou
potentielle (risque de décompensation).
QUELLE VOIE D’ABORD CHOISIR : HAUTE OU
BASSE ?
Le choix de la voie d’abord dépend des conditions
générales et locales, mais également parfois de choix
d’école. Etant donné les avantages et inconvénients
propres à chaque voie d’abord, il faudra insister avant
tout sur les polyvalences chirurgicales permettant de
proposer tout un éventail de techniques et donc de
voies d’abord en fonction de chaque cas particulier.
Cette polyvalence demande, par conséquent, la maîtrise
des différentes techniques ou au moins des différentes
voies d’abord par un chirurgien ou tout du moins par
une équipe.
Les études ayant comparé la voie abdominale et la voie
vaginale sont peu nombreuses et leurs conclusions
confuses.
Dans une étude rétrospective publiée en 1996,
Hardiman et Drutz [5] ont comparé les résultats à long
terme de la sacrospinofixation selon Richter à la
promontofixation. Un total de 205 patientes ont été
étudiées avec un suivi moyen de 2,2 ans dans le groupe
Richter et de 3,9 ans dans le groupe promontofixation.
Aucune différence en terme de récidive (respectivement
de 2,4 et 1,3%) n’a été mise en évidence entre les deux
groupes. Au plan sexuel, toutes les femmes ayant des
rapports avant l’intervention ont continué à en avoir
après. Aucune différence n’était constatée sur ce plan
entre les deux groupes sans qu’aucune précision ne
soit donnée par les auteurs.
Trois études prospectives randomisées comparant voie
abdominale et voie vaginale ont été publiées. La plus
ancienne a été réalisée par Benson et al. en 1996 [6].
Cette étude comparait sacrospinofixation (associée si
besoin à une colporraphie antérieure et/ou postérieure)
et promontofixation (associée si besoin à une colpopexie
rétro-pubienne). Dans cette étude, 48 patientes ont été
opérées par voie vaginale et 40 par voie abdominale.
Le suivi moyen était de 2,5 ans (1 à 5,5 ans). Le groupe
vaginal a présenté des récurrences plus précoces et
plus fréquentes, un taux moindre de satisfaction des
patientes et plus de dyspareunie que le groupe
abdominal. Le taux de récidive des cystocèles était de
29% dans le groupe vaginal et de 10% dans le groupe
abdominal. Le taux de récidive de prolapsus de l’utérus
ou du fond vaginal était de 12% dans le groupe vaginal
et de 3% dans le groupe abdominal. Le taux de
dyspareunie était de 15% dans le groupe vaginal (sur
26 patientes sexuellement actives) et de 0% dans le
groupe abdominal (sur 15 patientes sexuellement
actives).
Deux autres études ont été publiées en 2004. La
première par Roovers et al. [7], comparait chirurgie
vaginale associant hystérectomie avec fixation vaginale
aux ligaments utéro-sacrés et colporraphie antérieure
et/ou postérieure et chirurgie abdominale par
promontofixation. 41 patientes ont été opérées par voie
abdominale et 41 par voie vaginale. En termes de
résultats anatomiques, un an après l’intervention, le
taux de récidive était de 5% dans les deux groupes
pour le prolapsus utérin, de 37% pour le fond vaginal
et de 32% pour la cystocèle. Les deux groupes étaient
comparables en termes de résultats anatomiques mais
un avantage pour la voie vaginale en termes de
satisfaction des patientes était observé.
La deuxième étude a été publiée par Maher et al. [8].
Elle comparait promontofixation et sacrospinofixation
dans le traitement du prolapsus du fond vaginal après
hystérectomie. Au total, 48 patientes étaient opérées
par voie vaginale et 47 par voie abdominale. Le suivi
moyen était de 24 mois dans le groupe abdominal et
de 22 mois dans le groupe vaginal. Le taux de succès
subjectif (absence de symptomatologie) était de 94%
dans le groupe abdominal et de 91% dans le groupe
vaginal (différence statistiquement non significative).
Le taux objectif (absence de prolapsus de stade supérieur
à 1) était de 76% dans le groupe abdominal et de 69%
dans le groupe vaginal (différence statistiquement non
significative). En termes de satisfaction, le taux était de
85% dans le groupe abdominal et de 81% dans le
groupe vaginal (différence statistiquement non
significative). A noter que dans cette étude, le taux de
dyspareunie de novo était très faible dans les deux
groupes (5 et 7%) et que près de 40% des dyspareunies
préopératoires se sont résolues après chirurgie avec
l’une ou l’autre des techniques.
Cette revue de la littérature permet de constater que la
supériorité de la voie abdominale sur la voie vaginale
n’est en fait pas démontrée. Quelle que soit la voie
d’abord utilisée, les résultats semblent satisfaisants y
compris à long terme pour le traitement du prolapsus
du fond vaginal ou de l’hystéroptose. En revanche, le
traitement de la cystocèle reste un challenge non encore
résolu.
En pratique, la voie abdominale est supposée avoir des
résultats plus durables à très long terme et provoque
moins de cicatrices vaginales, au prix d’un risque
général plus important : elle est donc souvent proposée
à la femme jeune. La voie périnéale est indiquée de
préférence à partir de la ménopause et chez les femmes
à haut risque chirurgical en raison du moindre
retentissement postopératoire et, en particulier, d’un
risque d’embolies pulmonaires moindre par rapport
aux laparotomies. Cette voie est préférée de même
qu’en cas d’obésité morbide, pour des questions de
facilité technique.
Ne pas oublier aussi que la voie basse a profité ces
dernières années de l’évolution apportée par l’utilisation
de nouvelles prothèses et par l’apparition de nouveaux
concepts chirurgicaux permettant de meilleurs résultats
notamment chez la femme jeune. C’est ainsi que