Fontenay-aux-Roses, le 23 février 2010
COMMUNIQUE DE PRESSE
Chikungunya : du nouveau sur la maladie
Des chercheurs du CEA
1
, de l’Université Paris-Sud 11, de l’INRA
2
et de l’Ecole nationale
vétérinaire de Nantes-Oniris, avec la collaboration de partenaires de l’IRD, du CNRS, et des
universités de la Méditerranée et de Paris Descartes, viennent de décrypter certains
mécanismes de la pathologie du Chikungunya
3
grâce à un modèle animal particulièrement
représentatif de ce qui se passe chez l’Homme. Les chercheurs ont montré pour la
première fois que les macrophages
4
sont le siège de la conservation du virus dans
l’organisme, suggérant leur rôle dans la persistance des symptômes observés plusieurs
mois après la phase aiguë de l’infection. Ces travaux, publiés online par la revue Journal
of Clinical Investigation, ouvrent des pistes pour le développement de thérapies, aussi
bien préventives que curatives, pour cette pathologie qui représente un véritable enjeu de
santé publique.
Entre 2005 et 2006, près de 300 000 cas de Chikungunya ont été recensés sur l’Ile de la
Réunion, ce qui correspond à 38 % de la population. Près de 2 200 patients ont dû être
hospitalisés et 250 sont décédés. À ce jour, il n’existe aucun vaccin ou traitement spécifique de
l’infection chez l’Homme. L’émergence récente, ou la réémergence, du virus responsable du
Chikungunya en Inde et dans les îles de l’Océan Indien, rend urgente la nécessité de mieux
comprendre cette maladie afin de trouver ensuite les moyens de la prévenir.
Comprendre les mécanismes de mise en place de la maladie (pathogénèse) est particulièrement
difficile chez l’Homme. D’une part parce qu’il est impossible d’obtenir des échantillons biologiques
pertinents, comme les tissus profonds (foie, rate…) dans lesquels le virus se réplique et, d’autre
part, du fait de la multiplicité des antécédents médicaux et des maladies chroniques des patients.
En effet, les cas les plus sévères de Chikungunya sont plus fréquents chez des patients âgés et
fragilisés par d’autres pathologies préexistantes (cardiaques, rénales et hépatiques…). Comment
alors trouver le virus dans l’organisme, caractériser ses interactions avec les cellules de l’hôte
dans leur contexte tissulaire, comprendre les mécanismes de défense que l’individu met
naturellement en place et discriminer les atteintes dues spécifiquement au virus de celles déjà
existantes liées à d’autres pathologies? Quelques éléments de réponse sont apportés par des
1
Service d’immuno virologie de l’Institut des maladies émergentes et thérapies innovantes (iMETI), Direction des
sciences du vivant du CEA, Fontenay-aux-Roses
2
UMR 703 INRA /Ecole nationale Vétérinaire, Agroalimentaire et de l’Alimentation Nantes Atlantique - Oniris
3
Chikungunya : maladie infectieuse tropicale, due à un alphavirus (noté CHIKV, pour Chikungunya virus) transmis
par des moustiques du genre Aedes.
4
Macrophages : cellules du système immunitaire.
modèles de l’infection développés chez les rongeurs. Ces modèles, qui font appel à des animaux
soit nouveaux nés, soit adultes mais dépourvus de défenses naturelles du fait de modifications
génétiques, ne sont que très partiellement représentatifs de ce qui se passe chez l’Homme. De
plus, ils sont généralement inappropriés pour tester un vaccin ou un traitement.
Forts de leur expérience sur la pathogénèse du Sida, les chercheurs ont développé un modèle de
la maladie chez des macaques cynomolgus adultes ayant un système immunitaire fonctionnel et
une physiologie très similaires à ceux de l’Homme. Ils ont montré que ces animaux, infectés par
le virus du Chikungunya isolé chez les patients au cours de l’épidémie de l’Ile de la Réunion,
présentent toutes les caractéristiques virologiques et cliniques observées chez l’Homme. Ils ont
mis en évidence certaines caractéristiques propres de la pathologie comme des atteintes du foie
en phase aiguë. Mais la découverte la plus marquante est le fait que ce virus infecte, notamment,
des cellules impliquées dans les premières étapes des mécanismes de défense de l’organisme :
les macrophages et les cellules dendritiques. Ces cellules peuvent héberger le virus plusieurs
mois et possèdent également la propriété d’infiltrer des tissus comme les articulations, les
muscles, les organes lymphoïdes et le foie. Ceci peut expliquer les symptômes typiques de cette
maladie, comme les douleurs musculaires et articulaires très invalidantes observées à long terme
chez les patients. Les macrophages infectés, mis en évidence par les auteurs de cette étude,
représentent donc une cible potentielle pour le développement de nouvelles thérapies pour les
atteintes chroniques.
Ces résultats, qui permettent de mieux comprendre les mécanismes conduisant à la maladie,
constituent une étape importante dans le processus de l’innovation en thérapeutique. Les
chercheurs du CEA disposent maintenant des outils qui permettent de tester de nouveaux
traitements en laboratoire. Ceci est essentiel puisque les traitements actuels à la disposition des
médecins sont uniquement symptomatiques.
Enfin, la portée de ces observations pourrait certainement dépasser le cadre du Chikungunya. La
persistance des virus dans les macrophages et les cellules dendritiques pourrait être un
phénomène commun à plusieurs virus de la même famille, les arbovirus, transmis par les
arthropodes.
sang
Peau
Ganglions
Rate
cellules
dendritiques
cellules
endothéliales
fibroblastes
Macrophages
Foie
Rougeur
Macrophages
cellules
endothéliales
Capillaire sanguin
Hépatites Muscle, articulation
Peau
Virus inoculés
par un
moustique
Arthralgies
Myalgies
Encéphalite
induite par une forte virémie
Passage vers le cerveau
fibroblastes
sang
Peau
Ganglions
Rate
cellules
dendritiques
cellules
endothéliales
fibroblastes
Macrophages
Foie
Rougeur
Macrophages
cellules
endothéliales
Capillaire sanguin
Hépatites Muscle, articulation
Peau
Virus inoculés
par un
moustique
Arthralgies
Myalgies
Encéphalite
induite par une forte virémie
Passage vers le cerveau
fibroblastesfibroblastes
Légende : Modalités d’infection par le virus et symptômes associés.
muscle
articulation
Equipes de recherche :
- Service d’immuno virologie, Institut des maladies émergentes et thérapies innovantes, UMR-E1, CEA
Fontenay-aux-Rose/Université Paris-Sud 11, Orsay
-
UMR 703 INRA / Ecole Nationale Vétérinaire Agroalimentaire et de l’Alimentation Nantes Atlantique - Oniris
- Service de virologie, Université Paris Descartes/Hôpital Cochin-St Vincent de Paul, Paris
- UMR 5086, Institut de biologie et chimie des protéines, CNRS/Université Claude Bernard Lyon1, Lyon.
- Unité des virus émergents, Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II)/Institut de Recherche pour le
Développement, Marseille.
Réference : Chikungunya disease in nonhuman primates due to long-term viral persistence in
macrophages. K. Labadie, T. Larcher, C. Joubert, A. Mannioui, B. Delache, P. Brochard, L. Guigand, L. Dubreil, P.
Lebon, B. Verrier, X. de Lamballerie, A. Suhrbier, Y. Cherel, R. Le Grand, and P. Roques. Journal of Clinical
Investigation, online, 2010.
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Contact presse :
Damien Larroque – 01 64 50 20 97 damien.larroq[email protected]
Contacts chercheurs :
Pierre Roques 01 46 54 91 67 pierre.roques@cea.fr
Roger Le Grand – 01 4 54 87 57 – roger.legrand@cea.fr
Thibaut Larcher – 02 40 68 78 74 – thibaut.[email protected]r
Yan Cherel – 02 40 68 76 56 – yan.cherel@oniris-nantes.fr
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Direction des sciences du vivant du CEA:
La Direction des sciences du vivant (DSV) du CEA compte plus de 2 400 collaborateurs. Elle se structure
autour de 8 instituts et d’un centre de recherche dédié situé à Fontenay-aux-Roses. La DSV est
également responsable pour le CEA des programmes transverses Technologies pour la santé et
Toxicologie. Ses équipes mènent une recherche de pointe dans différents domaines : radiobiologie,
toxicologie nucléaire et environnementale, imagerie médicale, biologie à grande échelle, ingénierie des
protéines, bioénergies, biotechnologies….
Institut des maladies émergentes et thérapie innovantes (iMETI) :
L’Institut des maladies émergentes et des thérapies innovantes (iMETI) a été créé en 2007 pour
compléter la mission du CEA en sciences et technologies pour la santé. Il se concentre sur des domaines
spécifiques dans lesquels il a déjà fait preuve de son excellence et de programmes fortement compétitifs :
les prions et agents infectieux atypiques ; l’immunologie des infections virales et le développement de
nouveaux vaccins ; la thérapie cellulaire et la thérapie génique pour les hémopathies.
L’iMETI bénéficie depuis longtemps d’une interaction étroite avec l’école de médecine de Harvard et
quelques autres universités étrangères. Il comprend plusieurs laboratoires de recherche mixtes de
l’Inserm, du CNRS et d’universités et collabore avec des sociétés en biotechnologie hébergées dans ses
locaux. Il profite d’un important réseau de collaborateurs mondialement reconnus et de partenariats
hospitaliers pour les essais cliniques. L’iMETI est également le membre fondateur et le coordinateur de
Neuroprion, le réseau paneuropéen de recherche sur les prions.
UMR 703 INRA / Ecole nationale Vétérinaire, Agroalimentaire et de l’Alimentation Nantes Atlantique -
Oniris :
L’UMR 703 est un laboratoire affilié au Département Santé Animale de l’INRA et à Oniris. Son équipe
APEX travaille plus particulièrement sur la physiopathologie des maladies animales et sur les modèles
animaux de maladies humaines, notamment par le développement de techniques de phénotypage cellulaire
et tissulaire en complément des méthodes traditionnelles anatomo-pathologiques.
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