Quelles sont ces conditions de forme ?
PB : Dans le secteur du BTP, les partenaires sociaux ont exigé que la délégation de pouvoir fasse
l’objet d’un écrit.
En outre, la délégation de pouvoirs ne pourrait se déduire d’une clause insérée dans le contrat de
travail qui aurait un caractère trop peu précis ; la clause contractuelle conférant à un directeur de
travaux une mission générale de surveillance et d'organisation des mesures de sécurité sur les
chantiers, sans être accompagnée de directives plus précises, ne pourrait caractériser l’existence
d’une délégation valable et exonératoire de responsabilité pour le chef d’entreprise (Cass. crim.
28-1-1975 n° 74-91.495 : Bull. crim. n° 32). La précision de l’objet de la délégation est analysée
strictement. La délégation doit être dépourvue d’ambiguïté. Par exemple, la stipulation
contractuelle selon laquelle « le salarié engage sa responsabilité personnelle quant aux
conséquences que sa propre gestion ou l'action de ses collaborateurs pourraient avoir sur le plan
pénal » ne constitue nullement une délégation.
De manière générale, il est conseillé de ne pas inclure la délégation dans le contrat de travail lui-
même, mais de rédiger un document annexe ad hoc. Rappelons aussi que le salarié peut refuser, en
cours d’exécution du contrat de travail, de signer un tel document sans que ce refus caractérise une
cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les subdélégations étant nombreuses dans le secteur du BTP, comment suit-on la chaîne des
délégations ? Quid notamment si l’un des membres de la chaîne quitte l’entreprise ?
PB : En règle générale, les délégations de pouvoirs sont matériellement gérées soit par la DRH,
soit par la direction juridique. La gestion doit être naturellement rigoureuse et actualisée en cas de
changement de fonction ou de poste, voire en cas de départ, non seulement du ou des délégants
mais aussi des différents délégataires. Heureusement, des logiciels dédiés sont disponibles pour
gérer les situations les plus complexes.
La multiplication des délégations de pouvoirs sur un même chantier entraîne-t-elle des
incertitudes quant à ses effets ?
PB : Effectivement, cette diversification, associée à la pluralité des intervenants sur un chantier,
fait que l’on peut assister à un cumul et à une superposition de délégations, voire à une totale
confusion. Par exemple, en cas d’accident du travail mortel, on peut avoir du mal à déterminer sur
qui pèse en définitive la responsabilité pénale, lorsqu’une infraction a été commise sur un chantier
complexe.
Dans le cas fréquent où des sociétés forment un groupement d'entreprises et où chacune désigne le
même délégataire de pouvoirs, en cas d'accident du travail, les infractions aux règles d’hygiène et
de sécurité des travailleurs commises par le délégataire de pouvoirs désigné engagent la
responsabilité pénale de la seule personne morale, membre du groupement, qui est l'employeur de
la victime (Cass. crim. 13-10-2009 n° 09-80.857 : RJDA 2/10 n° 146). Cette solution a le mérite
d’assurer une certaine sécurité juridique lorsque l'organisation d'un chantier est assurée par
plusieurs entreprises regroupées au sein d'une même entité, avec des délégations successives au
profit de salariés d'appartenance différente. Il faut toutefois insister sur le fait que le retour récent à