5
mais une considération collective, une considération morale que nous adoptons et que
nous souhaitons voir le reste de l’humanité adopter à son tour.
SOCRATE : Dans un tout autre ordre d’idée, je pense que le retour au terme même
serait opportun. « Est indigne, anaxios, ce qui détruit ce qui est digne, axios4. » Ainsi, il
me semble éclairant d’incorporer le concept de dignité à notre réflexion. En effet, si nous
nous jugeons un acte indigne c’est à l’aune d’une dignité humaine que nous conférons à
nos semblables5. Or, qu’en est-il de cette dignité? D’où provient-elle? J’aimerais
proposer l’apport d’un concept similaire à celui de la sympathie, que vous avez
admirablement soulevé, qui est le concept de l’empathie. D’un côté, la sympathie, ce
qu’on éprouve avec autrui, est un partage des émotions avec un ou des semblables, qui
implique donc une distinction entre le moi et l’autre. De l’autre côté, l’empathie, ce qui
est éprouvé en dedans, permet de s’identifier à l’autre et de ressentir, par le fait même, ce
qu’il ressent. Ce concept impliquerait donc une bonne connaissance de soi, afin qu’il
devienne possible de l’étendre aux autres et ainsi accueillir en soi leurs états. J’aimerais
proposer la réflexion suivante : serait-ce à cause de la dignité propre que nous nous
conférons nous-mêmes en tant qu’individus humains que nous attribuons par la suite une
dignité aux autres? De telle sorte que par notre propre capacité à sentir en nous ce que les
autres peuvent ressentir, nous les remarquons aussi dignes que nous-mêmes, et donc nous
leur conférons une dignité semblable à celle que nous nous accordons nous-mêmes. Il en
irait de même pour tous les êtres humains, établissant ainsi une certaine « dignité
humaine » par la ressemblance entre les individus et leur capacité d’empathie. En
conséquence, l’indignation naîtrait d’une considération envers nous-mêmes; meilleure
4 Thomas DE KONINCK, Pourquoi la philosophie?, conférence.
5 Éric FIAT, Grandeurs et misères des hommes, Petit traité de la dignité, p. 23.