A. Esquisse de définition
1. De l'utile recours à l'étymologie
La notion de "fantaisie" semble d'emblée
échapper au domaine de la critique sérieuse. C'est à peine
si l'on ose, à son égard, employer le terme de "concept",
comme si ce dernier se réservait la part du sérieux
épistémologique. Et de fait, on a du mal à se départir,
dans le vocabulaire de la critique littéraire, de la sacro-
sainte dichotomie existant entre ce qui appartient à
l'ordre du sérieux, et ce qui se trouve rejeté du côté du non
sérieux. Je dis "non sérieux", puisque le comique, depuis —
et sans doute avant — Aristote peut se circonscrire
facilement comme objet d'études, aussi bien comme
interrogation philosophique que comme langage à part
entière. Ainsi, la fantaisie, par essence, pose problème,
puisqu'elle est comprise, la plupart du temps, comme un
sous-genre de la
vis comica,
ou bien comme un surgeon
d'une forme dégradée d'humour relevant de la futilité
aérienne. Or, le
"Grand Dictionnaire Universel"
du XIXe
siècle
1
propose une définition érudite et tout à fait
passionnante quant aux sources étymologiques :
Du grec
phantasia,
action de se montrer, apparition,
imagination ; de
phantos :
visible, qui vient de
phainein.
Ce dernier mot
est dérivé par l'addition de la terminaison
nô
qui caractérise la
cinquième conjugaison sanscrite du primitif
phaô :
briller, de même que la
racine
bhâ :
briller, brûler, d'où
bhâtas :
ardent, brillant, visible,
exactement le grec
phantès.
On peut le constater aisément, le concept prend sa
source directe dans le domaine de la perception sensible,
et plus particulièrement dans celui du visuel. La fantaisie
peut donc se définir comme un objet — un phénomène au
sens kantien — qui apparaît au regard dans sa lumineuse
1
Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle,
Pierre Larousse, Tome
8, Paris, 1872, [dorénavant GDUl.
9