Revue the
´matique
Les modifications du sommeil avec l’a
ˆge
Sleep changes with aging
CHRISTOPHE ARBUS
1
VALE
´RIE COCHEN
2
1
Service de psychiatrie,
Hoˆ pital universitaire Purpan,
Toulouse
2
Service de neurologie,
Hoˆ pital universitaire Gui
de Chauliac, Montpellier
Tire
´sa
`part :
C. Arbus
Re
´sume
´.Les facteurs qui contribuent a` alte´ rer le sommeil chez les seniors sont multiples.
La majorite´ des plaintes exprime´ es par les sujets aˆge´ s peuvent eˆ tre explique´ es par les
changements dans l’organisation du sommeil qui sont observe´ s dans cette population.
L’architecture du sommeil est alte´re´ e par le vieillissement. L’insomnie, la somnolence
diurne sont des troubles pouvant refle´ ter une alte´ ration de la re´ gulation des rythmes circa-
diens. On observe aussi, fre´ quemment, des maladies intrinse` ques au sommeil comme le
syndrome des jambes sans repos, les mouvements pe´ riodiques des membres infe´ rieurs
ou encore le syndrome d’apne´ es du sommeil, situations pathologiques mal repe´re´es et
pourtant a` l’origine d’une alte´ ration significative de la qualite´ de vie. La question des trou-
bles du sommeil chez les patients Alzheimer reste une pre´ occupation quotidienne que ce
soit a` domicile ou en institution. Les modifications des rythmes et les troubles spe´ cifiques
du sommeil sont fre´ quents dans cette population fragile et conduisent parfois a` des trou-
bles du comportement perturbateurs. Avant toute prescription d’hypnotiques ou autres
psychotropes, devant une plainte du sommeil, il paraı
ˆt indispensable de sensibiliser les
sujets aˆge´ s aux risques inhe´ rents a` ce type de prescription qui ne devrait plus repre´ senter
l’unique et automatique recours dans ces situations.
Mots cle
´s:sujets aˆge´s,insomnie,somnolence diurne,rythme circadien,sommeil
Abstract. Many factors contribute to the alteration of sleep in older adults. Most of their
complaints can be explained by the modifications of the sleep organisation observed in
this population. Sleep architecture is altered with aging. Insomnia and excessive daytime
sleepiness can reflect an alteration of the circadian rhythm. This population is also fre-
quently exposed to specific sleep disorders such as the restless leg syndrome, periodic
limb movements or obstructive sleep apnea syndrome. Sleep disorders in patients with
Alzheimer’s disease is a daily preoccupation at home or in institution. Circadian rhythm
modifications and sleep disorders are frequent in this frail population and can induce dis-
turbing behavior disorders. Before the prescription of hypnotics and psychotropic drugs,
facing a sleep complaint practitioners should take into account the risks induced by these
treatments that should no longer be the unique and reflex treatment in these situations.
Key words: elderly,insomnia,daytime sleepiness,circadian rythm
L
are´ gulation circadienne du sommeil s’alte`re
avec le vieillissement et les sujets aˆge´ s dorment
moins profonde´ ment, leur sommeil est plus
fragmente´ . Les personnes aˆge´ es se plaignent tre` s fre´-
quemment de leur sommeil. Elles sont sujettes a` plus
de troubles du sommeil chroniques que les adultes jeu-
nes. Un sommeil non re´ parateur, des re´ veils pre´ coces,
des difficulte´ s d’endormissement, des re´ veils intra
sommeil, des somnolences diurnes sont les dole´ ances
les plus fre´ quentes des sujets aˆge´ s concernant leur
sommeil. Malheureusement, ces plaintes conduisent
souvent a` des prescriptions inadapte´es et a`unme´ su-
sage des hypnotiques. En France, pre` s de la moitie´
des prescriptions d’hypnotiques le sont pour les sujets
aˆge´ s de plus de 65 ans.
Les facteurs qui contribuent a`alte´ rer le sommeil chez
les seniors sont multiples. A
`coˆte´ du vieillissement et de
la modification du fonctionnement des me´canismes
neurobiologiques responsables de la re´gulationdusom-
meil, on e´ voque fre´ quemment l’impact des pathologies
somatiques, de l’usage des me´dicaments et des modifi-
cations de l’activite´ physique quotidienne, ainsi que
de la re´ duction de l’exposition a`lalumie` re. Finalement,
les sujets aˆge´s, meˆ me s’ils sont en bonne sante´,
se plaignent souvent d’une alte´ration de la qualite´
de leur sommeil et les e´ tudes polysomnographiques
confirment la base objective de ces plaintes. Il existe
des modifications de l’architecture du sommeil expli-
quant la diminution du sommeil lent profond ainsi que
la fre´ quence des re´ veils intra sommeil.
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2010 ; 8 (1) : 7-14
doi: 10.1684/pnv.2010.0205
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La non reconnaissance et l’absence de diagnostic
des troubles du sommeil des sujets aˆge´ s peuvent eˆ tre
responsables d’une morbi-mortalite´ significative avec,
en premier lieu, des conse´ quences ne´ fastes secondai-
res au me´ susage des hypnotiques, mais aussi des com-
plications lie´es a` la somnolence diurne excessive.
Mieux connaı
ˆtre les troubles du sommeil des sujets
aˆge´ s et savoir analyser leur plainte pourrait permettre
une meilleure prise en charge. L’e´ ducation the´ ra-
peutique axe´ e sur l’information concernant les de´ ter-
minants de l’alternance veille-sommeil, les rythmes
circadiens et l’usage des me´ dicaments permettrait une
prise de conscience sanitaire chez des sujets qui peu-
vent eˆ tre, depuis de nombreuses anne´ es, de´ pendants
a` un traitement hypnotique.
Nous aborderons dans cet article les modifications
de l’architecture du sommeil ou des rythmes circadiens
lie´ es au vieillissement. Nous parlerons des troubles
spe´ cifiques lie´ s au sommeil qui sont fre´ quents chez le
sujet aˆge´ et, enfin, nous e´ voquerons les alte´ rations du
sommeil retrouve´ es chez les sujets de´ ments et notam-
ment, les patients pre´ sentant une maladie d’Alzheimer.
Le vieillissement a
`l’origine
d’alte
´rations physiologiques
du sommeil et de sa re
´gulation
Modifications de l’architecture du sommeil
La majorite´ des plaintes exprime´ es par les sujets
aˆge´ s peuvent eˆ tre explique´ es par les changements
dans l’organisation du sommeil qui sont observe´s
dans cette population. Le sommeil se modifie significa-
tivement et continuellement avec l’avance´ e en aˆ ge.
L’architecture du sommeil est alte´re´ e avec le vieillisse-
ment et on constate une augmentation du pourcentage
du temps passe´ en stade I et une diminution du pour-
centage de temps passe´ en stades III et IV [1]. Ces modi-
fications sont moins remarquables chez les femmes
que chez les hommes. Le pourcentage de temps passe´
en sommeil paradoxal ne diminue que le´ge` rement du
milieu de la vie a` l’aˆ ge avance´ . Les fragmentations du
sommeil augmentent. Les re´ veils brefs sont fre´ quents
meˆ me chez les patients ne pre´ sentant pas de trouble du
sommeil comme, par exemple, un syndrome d’apne´e
du sommeil. L’efficacite´ du sommeil diminue avec
l’aˆ ge et on assiste a`unde´ clin de 86 % aux alentours
de 45 ans a` 79 % chez les sujets aˆge´ s de 70 ans [2].
Les e´ve´ nements phasiques du sommeil comme les
complexes K, les fuseaux du sommeil et la densite´ des
mouvements oculaires rapides diminuent aussi avec
l’aˆ ge [3, 4]. La latence d’apparition du sommeil para-
doxal est e´ courte´e.
Les me´ canismes qui sous-tendent ces modifications
d’architecture sont peu connus. Des changements
neuro-hormoraux peuvent eˆ tre corre´le´ s avec ces der-
nie` res : la diminution de l’hormone de croissance avec
le temps passe´ en stades III et IV, les taux de cortisol
matinaux e´ leve´ s avec la diminution du sommeil para-
doxal et l’augmentation de l’interleukine-6 avec l’aug-
mentation des phe´ nome` nes de somnolence [5].
La diminution observe´ e des taux de me´ latonine
avec l’avance´ e en aˆ ge pourrait participer a` l’expression
des troubles du sommeil chez les sujets aˆge´ s. Le niveau
de me´ latonine circulante a e´te´ trouve´ significativement
plus bas, avec un de´ but de se´ cre´ tion et un pic retarde´
chez des sujets aˆge´ s pre´ sentant une insomnie lors-
qu’on les compare a` des sujets controˆ les de meˆme
aˆ ge. De plus, les traitements me´ latoninergiques chez
les sujets aˆge´ s pre´ sentant une insomnie en lien avec
un de´ ficit de me´ latonine, semblent avoir e´te´ efficaces
dans l’initiation et le maintien du sommeil [6].
Les troubles des rythmes circadiens :
le cycle veille-sommeil
La fre´ quence des endormissements diurnes (sieste),
l’incapacite´a` passer rapidement et aise´ment dune
phase de sommeil a` une phase d’e´veil et la tendance a`
s’endormir plus pre´ cocement sont des phe´nome` nes qui
caracte´ risent les troubles du rythme veille-sommeil chez
les sujets aˆge´ s. Le fait de ne pouvoir soutenir une phase
d’e´ veil suffisamment longue sans endormissement ou
bien de maintenir des phases de sommeil sans interrup-
tions peut refle´ ter des changements fondamentaux
lie´s a`laˆ ge et implique la re´ gulation home´ostatique et
circadienne du sommeil [7].
Somnolence diurne excessive
La sieste est fre´ quente chez les sujets aˆge´ s. Cepen-
dant, ils ressentent plus la pression du sommeil que les
sujets jeunes bien avant l’heure a` laquelle ils vont se
coucher le soir. C’est une pe´ riode (fin d’apre` s-midi) au
cours de laquelle, habituellement, le corps re´ siste au
sommeil. Une e´ tude re´ cente comparant le sommeil
d’un groupe de sujets jeunes a` un groupe de sujets
aˆge´s au cours d’un protocole en routine constante a
montre´ que les sujets aˆge´ s pouvaient s’endormir plus
facilement que les sujets jeunes au cours de cette
pe´ riode. Dans cette e´ tude, les auteurs ont montre´ que
ce phe´ nome` ne n’e´ tait en relation ni avec l’avance de
C. Arbus, V. Cochen
8Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 8, n
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phase du cycle veille-sommeil ni avec une modification
de la pe´ riode de se´ cre´ tion de la me´ latonine. Cependant,
une diminution de la se´ cre´ tion de me´ latonine a e´te´
mise en e´ vidence dans le groupe des sujets aˆge´s.
Les auteurs sugge´ raient que la propension au sommeil,
modification due a` l’aˆ ge, pouvait eˆ tre en relation avec
un affaiblissement du signal circadien plutoˆ t qu’avec
une modification du processus home´ ostatique du
sommeil [8].
Qu’est-ce que le processus home´ ostatique ? Il faut
penser aujourd’hui que le sommeil est un processus
dynamique qui s’adapte chaque jour au besoin de l’or-
ganisme. Le moment ou
`l’on s’endort de meˆ me que la
dure´ e et la qualite´ du sommeil re´ sultent de l’action com-
bine´ e de deux forces : d’une part, la dette home´ osta-
tique (processus S) et, d’autre part, la phase de notre
rythme circadien (processus C). Ces deux processus
entrent en jeu dans la re´ gulation du sommeil et de ses
rythmes. Le processus C fait re´fe´ rence a` la dette de som-
meil qui s’accumule en fonction du temps d’e´veil et qui
diminue durant l’e´ pisode de sommeil. Le processus S,
quant a`lui,estde´ termine´ par notre horloge biologique
(noyau suprachiasmatique) dont le rythme est endo-
ge` ne, mais aussi entraı
ˆne´ par l’alternance lumie` re-
obscurite´ . Cette horloge produit un cycle d’environ
24 heures au cours duquel surviennent les temps opti-
maux pour s’endormir, se re´ veiller, reˆ ver ou eˆ tre actif au
cours de la journe´ e. Au cours du vieillissement, ce serait
plutoˆ t l’horloge interne qui serait perturbe´ e et a` l’origine
du phe´nome`ne de somnolence diurne excessive.
Insomnie
L’insomnie est un symptoˆ me fre´ quent chez les
sujets aˆge´ s avec environ 30 % de plaintes organise´es
autour de difficulte´s a` maintenir son sommeil et envi-
ron la moitie´ des sujets qui se plaignent de pre´ senter un
retard a` l’endormissement [9].
Malgre´ l’importance des facteurs intrinse`ques au
sommeil lie´s a`laˆ ge dans la survenue de l’insomnie
chez les sujets aˆge´s,denombreusesconditionsme´dica-
les et psychiatriques peuvent participer au phe´nome`ne
d’insomnie. Parmi elles, les douleurs chroniques, les
maladies cardiovasculaires, les troubles respiratoires et
digestifs ou autres maladies chroniques syste´ miques.
A
`l’exclusion de ces conditions me´dicales,la pre´valence
moyenne des insomnies se limite a`1a`3%chezles
sujets aˆge´s [10]. Les e´tudes e´pide´ miologiques ont mon-
tre´quune´ tat de sante´alte´re´ , une humeur de´ pressive et
la diminution de l’activite´physiquerepre´ sentaient des
facteurs de risques d’apparition et de persistance d’une
insomnie chez les sujets aˆge´ s [11].
Le traitement de l’insomnie chez les sujets aˆge´s
apparaı
ˆt complexe. L’utilisation au long court d’hypno-
tiques se´ datifs de type benzodiaze´ pine n’a pas apporte´
la preuve d’une efficacite´ certaine. Par ailleurs, ces trai-
tements ont des effets secondaires de´le´te` res dans cette
population (amne´ sie ante´ rograde, se´ dation diurne,
myorelaxation et risque de chute, augmentation du
risque d’accident de la voie publique) [12]. L’efficacite´
d’autres approches comme l’activite´ physique, les
traitements psychologiques, l’exposition a` la lumie` re,
l’home´ opathie n’est pas encore e´ tablie de fac¸on formelle.
Syndrome des jambes sans repos
et mouvements pe
´riodiques
des membres
Ces deux pathologies sont fre´ quentes et mal repe´-
re´ es chez les sujets aˆge´s.
Le syndrome des jambes sans repos est une situa-
tion clinique neurologique caracte´ rise´ e par une
urgence a` bouger, habituellement associe´ea` des pares-
the´ sies, qui survient ou est aggrave´ e par l’immobilite´et
qui est soulage´ par la reprise d’une activite´ motrice.
Une des caracte´ ristiques principales de ce syndrome
est l’aggravation des symptoˆ mes le soir et durant la
nuit. Les symptoˆ mes du syndrome des jambes sans
repos ont un impact majeur sur le sommeil nocturne
et le fonctionnement diurne. Beaucoup de patients rap-
portent des difficulte´ s pour s’endormir ou rapportent se
re´ veiller rapidement apre` s le de´ but de la nuit avec des
sensations de´ sagre´ ables au niveau des jambes.
La pre´ valence de ce syndrome apre` s 80 ans peut
atteindre 19 % [13]. Le fait que la pre´ valence augmente
apre` s l’aˆ ge de 65 ans ou atteint le pic entre 50 et 59 ans,
pour de´ cliner apre` s [14] reste d’explication inconnue.
Chez les femmes, les symptoˆ mes des jambes sans
repos s’aggraveraient apre` s la me´ nopause.
Les mouvements pe´ riodiques des membres au
cours du sommeil sont des mouvements ste´re´ otype´s,
re´pe´ titifs, non e´ pileptiques, des jambes qui sont repre´-
sente´ s par des e´ pisodes pe´ riodiques d’extension
rythmique du gros orteil avec flexion de la cheville et
parfois flexion du genou et de la hanche. Les premie` res
descriptions soulignaient des similarite´ s cliniques avec
le re´ flexe de triple flexion et le signe de Babinski.
Les mouvements apparaissent presque toujours, mais
pas de fac¸on syste´ matique, concomitamment au syn-
drome des jambes sans repos. La pre´ valence des mou-
vements pe´ riodiques des membres apre` s 65 ans est
de 45 % et cette dernie` re augmente avec l’aˆ ge [15].
Les modifications du sommeil avec l’aˆge
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La pre´ valence des mouvements pe´ riodiques des mem-
bres chez les sujets aˆge´ s repre´ sente le double de celle
retrouve´ e pour le syndrome des jambes sans repos.
Le plus souvent, le diagnostic des mouvements pe´ rio-
diques des membres est accidentel.
De nombreux me´ canismes peuvent sous-tendre ce
syndrome chez le sujet aˆge´ . Les donne´ es actuelles sur
la physiopathologie de base des mouvements pe´ riodi-
ques accompagnant le syndrome des jambes sans
repos concernent principalement les de´ ficits du trans-
port du stockage du fer, phe´ nome` ne assez courant
chez le sujet aˆge´ [16]. L’autre me´ canisme le plus sou-
vent suspecte´ est un dysfonctionnement de la trans-
mission dopaminergique [17].
Les troubles respiratoires
au cours du sommeil
Ces troubles sont tre` s fre´ quents dans la population
aˆge´e. Environ 47 % des sujets aˆge´ s de plus de 65 ans
pre´ sentent un index d’apne´ e/hypopne´ e supe´ rieur
ou e´ gal a` 20 par heure. Les fre´ quences des apne´es
hypopne´es et re´ veils secondaires a`une´ve´ nement
respiratoire augmentent avec l’aˆ ge [18]. Les troubles
respiratoires du sommeil sont associe´s a` un mauvais
sommeil.
La signification clinique de ces troubles est diffe´-
rente chez le sujet aˆge´ par rapport au sujet adulte plus
jeune. Certains facteurs de risque de ces troubles peu-
vent exister chez le sujet aˆge´ comme chez le sujet jeune,
d’autres, par contre, peuvent diffe´ rer. Dans les e´ tudes
les plus re´ centes, plusieurs marqueurs d’obe´ site´ pour-
tant significativement associe´ s aux troubles respiratoi-
res du sommeil dans les populations adultes (comme la
circonfe´ rence cervicale), ne le sont plus si l’on s’inte´-
resse a` des populations de 70 ou 80 ans [19]. Chez les
sujets aˆge´ s, les e´ve´ nements respiratoires obstructifs
paraissent eˆ tre plus fre´ quents que les e´ve´ nements
d’origine centrale. Ainsi, les alte´ rations spe´ cifiques
des voies ae´ riennes supe´ rieures sont peut-eˆ tre en jeu
chez le sujet aˆge´ en favorisant le collapsus. Le ramollis-
sement des tissus et la perte du tonus musculaire qui
accompagnent le vieillissement sous-tendent tre` s pro-
bablement ces me´ canismes [20]. Les troubles de l’arti-
cule´ dentaire et notamment l’e´ dentation peuvent
constituer un risque particulier des troubles respiratoi-
res au cours du sommeil en modifiant la dimension
de la cavite´ buccale [21]. Les risques secondaires aux
troubles respiratoires au cours du sommeil chez les
sujets aˆge´ s sont repre´ sente´ s par une augmentation de
la mortalite´ , des complications cardiovasculaires et
neuro-comportementales.
Le nombre de comorbidite´ s qui peuvent potentielle-
ment alte´ rer le sommeil chez les sujets vieillissants est
si important qu’une prise en charge des troubles du
sommeil effective devrait d’abord se centrer sur les
pathologies somatiques a` l’origine des troubles ainsi
que les troubles psychiatriques associe´ s avant d’initier
le traitement du trouble du sommeil proprement dit.
Enfin, chez les sujets aˆge´ s, un sommeil de mauvaise
qualite´ , s’il n’est pas pris en charge, entraı
ˆne souvent
des complications et pre´ sente une e´ volution pe´ jorative.
Non seulement les troubles du sommeil re´ duisent la
qualite´ de vie chez les sujets aˆge´ s, mais plusieurs e´ tu-
des e´ pide´ miologiques e´ valuant le temps de sommeil
total subjectif ont montre´ que des dure´ es de sommeil
e´ courte´ es, et qui n’e´ taient pas ne´ cessairement asso-
cie´es a` une plainte de type « insomnie », e´ taient corre´-
le´es a` une mortalite´ plus pre´ coce [22], mais aussi au
de´ clin des fonctions cognitives [23].
Les troubles du sommeil
dans la maladie d’Alzheimer
La de´ mence est la premie` re cause de perte d’auto-
nomie chez les sujets aˆge´ s. Dans les maisons de retraite
et les longs se´ jours, les troubles du sommeil sont
observe´ s avec une fre´ quence e´ leve´ e. La population
des maisons de retraite est une population he´te´ roge` ne,
faite de patients pre´ sentant divers troubles physi-
ques et diverses pathologies de´ mentielles. La maladie
d’Alzheimer est l’e´ tiologie la plus fre´ quente des
de´ mences. Elle repre´ sentait 60 a` 70 % de l’ensemble
des pathologies neurode´ge´ne´ ratives selon l’OPEPS
en 2005. Les troubles du sommeil dans la maladie
d’Alzheimer sont fre´ quents et peuvent acce´le´ rer l’insti-
tutionnalisation. De nombreux facteurs environnemen-
taux peuvent contribuer a` l’alte´ ration des conditions de
sommeil, comme des niveaux e´ leve´ s de bruit au cours
de la nuit, l’absence d’activite´ physique pendant la jour-
ne´ e, le manque d’exposition a` la lumie` re du soleil et
l’absence d’hygie` ne du sommeil. Ainsi de multiples
facteurs peuvent contribuer aux troubles de l’alter-
nance veille-sommeil chez les re´ sidents des maisons
de retraite [24].
Peu d’e´ tudes e´ pide´ miologiques ont e´te´ conduites
afin d’e´ valuer la pre´ valence des pathologies spe´ cifi-
ques lie´ es au sommeil dans la maladie d’Alzheimer.
Proposer des enregistrements polysomnographiques
C. Arbus, V. Cochen
10 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 8, n
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chez ces patients est difficile. Les troubles de la respira-
tion au cours du sommeil, le syndrome des jambes
sans repos, les mouvements pe´ riodiques des membres
au cours du sommeil, les troubles du comportement au
cours du sommeil paradoxal peuvent eˆ tre plus fre´-
quents dans certaines pathologies de´ mentielles que
chez les adultes de meˆme aˆ ge non-de´ ments [25].
Une organisation des stades
de sommeil perturbe
´e
Les modifications de l’architecture du sommeil
observe´ es chez les patients Alzheimer sont similaires
a` celles observe´ es chez les patients aˆge´ s non de´ ments,
mais les alte´ rations peuvent eˆ tre plus se´ve` res. Dans la
maladie d’Alzheimer, il existe une augmentation de
pourcentage du sommeil de stade I et une re´ duction
de la proportion des stades lents profonds. Les spindles
et les complexes K sont moins fre´ quents. Ainsi, il existe
une perte des caracte´ ristiques EEG du stade II [26].
Le pourcentage de sommeil paradoxal est re´ duit
contrairement a` ce qui est observe´ chez le sujet aˆge´ nor-
mal chez qui il reste inchange´ . La densite´ du sommeil
paradoxal, le nombre d’e´ pisodes du sommeil para-
doxal et la latence de ce dernier sont habituellement
inchange´ s [27].
Trouble de l’alternance veille-sommeil
Les troubles du rythme circadien dans la maladie
d’Alzheimer sont repre´ sente´ s par l’interruption de la
continuite´ du sommeil nocturne et la somnolence
diurne. Les causes de ces troubles sont multiples.
Les le´ sions situe´ es au niveau de l’horloge centrale, loca-
lise´ e dans les noyaux suprachiasmatiques [28], peuvent
expliquer ces perturbations. Des facteurs environne-
mentaux comme la baisse de l’exposition a` la lumie`re
peuvent entraı
ˆner cette alte´ ration du rythme circadien.
L’utilisation des me´ dicaments, les pathologies spe´ cifi-
ques lie´ es au sommeil ou la de´ pression sont d’autres
facteurs qui peuvent influencer ces rythmes [29].
Ces alte´ rations chronobiologiques se mate´ rialisent
au niveau des modifications des rythmes circadiens des
se´cre´ tions neuro-endocrines comme celles du cortisol,
de la me´ latonine ou la vasopressine et des fluctuations
de la tempe´ rature corporelle. Ces alte´ rations peuvent
expliquer certains types de troubles du comportement
comme l’agitation repe´re´ e dans le syndrome du coucher
du soleil [30].
La se´ cre´ tion de me´ latonine est pre´ cocement alte´re´e
dans la maladie d’Alzheimer et peut eˆ tre associe´ e aux
e´ pisodes confusionnels, a` l’agitation et aux troubles de
l’alternance veille-sommeil [31]. Certains auteurs ont
mis en e´ vidence un lien entre la perturbation de la
se´ cre´ tion me´ latoninergique et la se´ve´ rite´dude´ clin
cognitif [32]. Les the´ rapeutiques de supple´ mentation
en me´ latonine ont e´te´ conside´re´ es comme pouvant
repre´ senter un traitement potentiel des troubles du
sommeil et de l’agitation vespe´ rale chez les sujets
Alzheimer [33]. Plus re´ cemment, des travaux ont pu
comple´ ter ces re´ sultats parfois controverse´ s en mon-
trant que c’e´ tait la combinaison entre luminothe´ rapie
et prescription de me´ latonine qui pouvait avoir un
effet positif avec une re´ duction de l’agitation, de la
latence d’endormissement et une augmentation de la
dure´ e totale du sommeil, ainsi que de la dure´ e des
stades de sommeil lent profond [34].
Autre modification chronobiologique, les variations
de la tempe´ rature corporelle sont diminue´ es en ampli-
tude dans la maladie d’Alzheimer. Cela se retrouve chez
le sujet aˆge´ normal mais, chez le sujet Alzheimer, cela
est plus se´ve` re [28]. Chez les sujets aˆge´ s, il existe une
avance de phase, notamment de l’acrophase, de la tem-
pe´ rature corporelle alors que chez le sujet Alzheimer, il
existe un retard de phase. Ce retard de phase semble
eˆ tre une caracte´ ristique spe´ cifique de la maladie d’Alz-
heimer et non une modification lie´ e au vieillissement.
Somnolence diurne
Les endormissements au cours de la journe´ e consti-
tuent le trouble du sommeil le moins perturbateur pour
les aidants des patients Alzheimer. La se´ve´ rite´dela
somnolence est associe´ e avec l’alte´ ration de l’autono-
mie dans les activite´ s quotidiennes, mais pas avec
le niveau d’alte´ ration cognitive [35]. L’augmentation
de la proportion du sommeil durant la journe´ e peut se
voir chez les patients pre´ sentant un stade mode´re´
comme se´ve` re de la maladie d’Alzheimer, comme le
confirment les e´ tudes re´ alise´es a` l’aide de techniques
neurophysiologiques rigoureuses [36].
Insomnie
L’insomnie est le trouble du sommeil le plus fre´quent
dans la maladie d’Alzheimer. Il est la conse´quence la
plus naturelle du trouble du cycle veille-sommeil, mais
peut aussi survenir secondairement a` des troubles
psychiatriques comme l’anxie´te´ , repre´ senter un effet
secondaire des me´ dicaments, notamment des anticholi-
neste´ rasiques, ou eˆtre secondaire a` d’autres troubles
spe´ cifiques du sommeil comme les troubles de la respi-
ration (syndrome d’apne´ e du sommeil).
Les modifications du sommeil avec l’aˆge
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