La voie de York Mason dans le traitement des fistules

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◆ NOTE TECHNIQUE
Progrès en Urologie (2001), 11, 1335-1339
La voie de York Mason dans le traitement
des fistules prostato-rectales
Karim TAZI, Jamal EL FASSI, Abdellatif KOUTANI, Ahmed IBEN ATTTYA,
Mohamed HACHIMI, Ahmed LAKRISSA
Service d’Urologie «B», Hôpital Avicenne, Rabat, Maroc
RESUME
La voie d’abord de York Mason semble la plus adaptée pour le traitement des fistules
prostato-rectales car elle offre le maximum de chances de succès avec une morbidité
nulle puisqu’aucun cas d’incontinence anale n’a jusqu’à présent été décrit.
Nous rapportons un cas de fistule prostato-rectale secondaire à une résection transuréthrale d’un adénome prostatique traitée par la voie trans-ano-sphinctérienne postérieure de York Mason.
Mots clés : Fistule, prostate, rectum, traitement.
Les fistules prostato-rectales (FPR) sont rares et le plus
souvent secondaires à la chirurgie de la prostate, mais
d’autres étiologies traumatiques, congénitales, infectieuses et néoplasiques ont été décrites [2].
La situation profonde de ces fistules explique la difficulté de l’accès chirurgical et par conséquent la multiplicité des voies d’abord.
La voie trans-ano-sphinctérienne décrite par York
Mason offre une bonne exposition et n’expose à aucune complication quand ses règles sont respectées.
A travers une observation et en comparant cette voie
avec les autres décrites nous préciserons ses avantages
et ses indications.
OBSERVATION
Un patient âgé de 53 ans, a subi une résection trans-uretrale d’un adénome de la prostate. Les suites opératoires
précoces ont été marquées par la survenue d’une émission d’urines par l’anus pendant les mictions. Le patient
nous fut adressé 2 mois plus tard avec une colostomie
latérale gauche qui lui a été réalisée dans un autre service de chirurgie. Au toucher rectal il y avait sur la face
antérieure du rectum une zone cartonnée douloureuse à
6 cm de la marge anale.
Figure 1. Urétro-cystographie rétrograde montrant l’opacifi cation du rectum par la fistule prostato-rectale.
La rectoscopie a permis de visualiser l’orifice rectal de
la fistule qui est à bords scléreux et de réaliser des biopsies qui sont revenues sans spécificité histologique.
Manuscrit reçu : septembre 2000, accepté : décembre 2000
A l’urèthrocystographie rétrograde et mictionnelle
(UCRM) il y avait une opacification du rectum posant
le diagnostic de FPR (Figure 1).
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Adresse pour correspondance : Dr. K. Tazi, Service d’Urologie «B», Hôpital
Avicenne, Rabat, Maroc.
e-mail : [email protected]
K. Tazi et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 1335-1339
Figure 3. Le procédé de York Mason (Description de la tech nique) : position du malade.
Figure 2. Urétro-cystographie rétrograde de contrôle confir mant la fermeture de la fistule.
Figure 4. Incision
Le patient a été opéré par la voie trans-ano-sphincterienne décrite par York Mason. Les urines ont été drainées pendant 15 jours par une sonde urèthro-vésicale et
les suites opératoires ont été simples. L’antibiothérapie
et le régime sans résidu n’ont pas été nécessaires car le
patient avait une colostomie latérale. Le patient a repris
des mictions normales après ablation de la sonde. Il est
sorti au 16 ème jour postopératoire.
Sur l’UCRM de contrôle (Figure 2), l’urèthre était
libre et il n’y avait plus de communication urèthro-rectale.
Le rétablissement de la continuité digestive a été réalisé 2 mois plus tard.
Les suites étaient bonnes avec un recul de 3 ans : ses
mictions sont en effet normales et sa continence anale
est parfaite.
Figure 5. Résection coccygienne.
L’incision va de la marge anale à la partie gauche du
coccyx (Figure 4).
DESCRIPTION DE LA TECHNIQUE
Le patient est placé en décubitus ventral, la table cassée au niveau de sa partie moyenne (Figure 3).
Section du tissu cellulaire sous-cutané.
Libération du coccyx qui peut être sectionné si c’est
nécessaire (Figure 5).
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Figure 6. Repérage de la jonction cutanéo-muqueuse.
Le sphincter est fendu sur la ligne médiane en repérant
par des fils tous ses faisceaux. Cette précaution permettra une reconstruction anatomique des différents chefs
musculaires du sphincter anal (Figure 6).
Le rectum est à son tour ouvert sur sa face postérieure
jusqu’à bien exposer la fistule.
Un écarteur autostatique de Beckman ou de Gosset est
ensuite mis en place et quatre fils repères sont posés
autour de l’orifice fistuleux (Figure 7).
Figure 7. Exposition de la fistule :
MC : jonction cutanéo-muqueuse, SE : sphincter externe,
SI : sphincter interne, MU : muqueuse rectale,.
4
La fistule siège au dessus du sphincter anal, au niveau
de l’angle ano-rectal (Figure 8).
3
Incision de toute l’épaisseur de la paroi rectale entre le
trou et les fils repères
3
2
Libération de la face postérieure de la prostate tout
autour de la fistule ce qui permet de libérer aussi la face
antérieure du rectum correspondante.
1
2
1
Les tissus périfistuleux sont excisés. La dissection et
l’excision complète du trajet fistuleux sont facilitées
par la mise en place préalable par voie endoscopique
d’une sonde ou un guide a travers la fistule.
Le plan prostatique est fermé par du fil résorbable en un
ou deux plans.
Le plan rectal est fermé en deux plans. Le premier prenant la musculeuse et la sous-muqueuse et le deuxième
seulement la muqueuse
Figure 8. Siège de la fistule par rapport aux sphincters anaux.
1 : sphinter externe, 2 : sphincter interne, 3 : muqueuse rectale,
4 : fistule.
Fermeture de la paroi postérieure du rectum et reconstitution anatomique du sphincter anal.
Suture cutanée sur un drain placé en présacré et sorti
par une contre-incision.
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des tissus non cicatriciels et quelque soit le niveau de
la communication. Elle peut être par conséquent utilisée même chez les patients déjà opérés [2].
DISCUSSION
Les principes thérapeutiques des FPR sont celles de
toutes les fistules : résection du trajet fistuleux, sutures
en tissus sains, décalage des sutures avec en cas de
nécessité une interposition tissulaire [4].
Elle évite les pédicules vasculo-nerveux et le plancher
pelvien qui sont importants pour la fonction sexuelle et
la continence urinaire.
Avant tout traitement d’une FPR deux gestes doivent
être pris en considération :
Aucun cas de récidive ou d’incontinence anale n’a été
décrit avec cette voie.
- le drainage des urines par une sonde urèthro-vésicale
est toujours indispensable et peut parfois être suffisant
pour traiter les petites fistules [5].
Les suites opératoires sont habituellement simples et la
douleur postopératoire n’est pas importante permettant
de diminuer de façon considérable la durée d’hospitalisation [6].
- la dérivation digestive n’est pas toujours nécessaire,
mais augmente quand elle est réalisée la sécurité du
geste opératoire [1]. Quand la colostomie n’est pas réalisée il faut une très bonne préparation colique aussi
bien mécanique qu’antimicrobienne [6].
La voie de York Mason est certes une très bonne voie
mais n’est pas indiquée dans toutes les FPR. :
Les FPR peuvent être abordées par plusieurs voies
(Figure 4).
• L’abord par voie postérieure transacrée de Kraske
donne un excellent jour sur la fistule par voie endo ou
extra-rectale mais elle est délabrante et comporte le
risque d’ostéite du fait de la section osseuse [4].
• La voie périnéale permet d’aborder la fistule sans dissection du sphincter mais ne donne qu’un jour étroit sur la
fistule surtout dans les fistules hautes [3, 4, 5]. Elle expose aussi au risque d’incontinence et d’impuissance [2].
• La voie trans-anale de Parks consiste à supprimer
d’abord la muqueuse rectale autour de la fistule, puis
sans excision ni fermeture de la fistule à recouvrir la
surface rectale dépouillée de sa muqueuse par un segment de paroi intestinale mobilisée. Cette voie a l’avantage d’épargner les tissus cicatriciels mais n’est réalisable que pour les FPR vues en postopératoire précoce.
Elle n’offre qu’une exposition limitée dans les fistules
hautes mais permet de traiter les fistules basses sans la
moindre morbidité [3, 5].
• L’abord trans-abdominal permet l’interposition d’épiploon, mais ne donne qu’un jour limité surtout pour la
fermeture de l’orifice urétral [5].
• La voie trans-ano-sphinctérienne antérieure est indiquée surtout quand il y a une sténose urétrale associée.
Elle permet l’interposition de l’épiploon en ouvrant le
cul de sac de Douglas mais expose au risque d’impuissance [2].
En comparant ces différentes voies, la voie trans-anosphincterienne postérieure de York Mason présente
plusieurs avantages :
Elle ne comporte pas de risque d’ostéite puisqu‘elle ne
nécessite le plus souvent pas de section osseuse.
Elle permet une bonne exposition de la fistule à travers
- Les plaies fraîches per-opératoires peuvent être fermées par doubl e voie endovésico-prostatique pour
l’orifice prostatique et endoanal e pour l’orifice rectal.
- Les petites fistules découvertes en postopératoires précoce doivent être d’abord traitées par drainage urinaire
seul. En cas d’échec du drainage urinaire LE G UILLOU
[3] propose d’intervenir vers la cinquième/sixième
semaine et non après plusieurs mois. BOUSHEY [1] propose de traiter les FPR en trois temps. Le premier
consiste à réaliser une double dérivation urinaire et
digestive pendant 3 à 6 mois. Un contrôle uréthrographique est ensuite réalisé, si la fistule persiste elle abordée par la voie de York Mason. La troisième étape est le
rétablissement de la continuité digestive si la fistule s‘est
fermée.
La voie de York Mason n’est pas indiquée dans les fistules post-radiques où l’interposition de tissus bien
vascularisés est souhaitable.
Dans les FPR secondaires à la maladie de Crohn, dans
le but de diminuer le traumatisme opératoire sur ces
colons fragiles, la chirurgie trans-anale est préférée.
CONCLUSION
Les FPR du fait de leur difficulté d’accessibil ité ont
toujours représenté un défi thérapeut ique pour le chirurgien. Tous les auteurs sont d’accord sur le fait que
la première tentative de réparati on est la meilleure et
que les reprises sont difficil es, il faut donc choisir
une voie d’abord permettant de bien exposer les deux
orifices fistuleux avec le minimum de risque de complications. Après une revue de la littérat ure il semble
que la voie de York Mason est la voie idéale quand
l’interpositi on de lambeaux vascularisés n’est pas
nécessaire.
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K. Tazi et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 1335-1339
fistulas u sing a posterior sagittal transanal transrectal (modified
York-Mason) approach: an update. J Urol., 1996, 155, 19 891991.
REFERENCES
1. BOUSHEY R.P., McLEOD R.S., COHEN Z. Surgical management of
acquired rectourethral fistula, emphasizing theposterior approach.
Can. J. Surg., 1998, 41, 241-244.
2. BUKOWSKI T.P., CHAKRABARTY A., POWE LL I.J., FRONTERA R., A PERLMUTTER A. D., MONTIE J. E. Acquired rectourethral fistu la: methods of repair. J Urol. , 199 5, 153 , 730 -7 33.
3. LE GUILLOU M., L’HENNAF F., FERRIERE J.M. La voie de York
Mason dans le traitement des fistules prostato-rectales. Ann. Urol.,
1980, 14, 171-172.
4. MOTTET N., LOUIS J.F., COSTA P., NAVRATIL H. Les fistules
prostato-rectales post-opératoires. A propos de 2 cas. Revue de la littérature. Prog. Urol., 1992, 2, 442-449.
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SUMMARY
The York Mason approach to the treatment of prostato-rectal fistulas.
The York Mason approach appears to be one of the most sui table techniques for the treatment of prostato-rectal fistulas, as
it provides a maximum chance of success with no morbidity, as
no cases of anal incontinence have been reported to date.
5. NOURI M., TAZI K., EL FASSI J., IBN ATTYA A., HACHIMI M.,
LAKRISSA A. Traitement des fistules urétrorectales. A propos de 5
cas. Prog. Urol., 1999, 9, 137-141.
The authors report a case of prostato-rectal fistula sec onda ry to transurethral rese ction of the prostate for be nign pros tatic hyperplasia tre ated by the YORK MASON posterior
trans-anosphincteric approach.
6. ST EPHENSON R.A., MIDDLETON R.G. Repair o f rectourin ary
Key-Words: Fistula, prostate, rectum, treatment
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