Polymyalgia rheumatica
Faire du neuf avec du vieux
La plupart des cas de la polymyalgia rheumatica peut être
prise en charge par le médecin de premier recours. Par
contre une anamnèse et un diagnostic soigneux sont essen-
tiels pour exclure d’autres maladies présentant les mêmes
symptômes. Les corticoïdes faiblement dosés restent la thé-
rapie de préférence.
Peut-on qualier une maladie en termes positifs ? Cest a prio-
ri faire peu de cas de la sourance du patient. Et pourtant, il en
est une que le praticien ne répugne guère à prendre en charge par-
ce qu’elle est de diagnostic présumé facile, de pronostic favorab-
le et que son traitement amène un soulagement rapide avec la re-
connaissance du malade. La polymyalgia rheumatica (PMR) nous
remplit en eet daise parce qu’elle répond au modèle étiologique
qui fonde lexercice de notre médecine: une cause, une maladie,
un traitement. Plusieurs dangers guettent toutefois le médecin in-
susamment zélé: danger dun diagnostic par excès, prêt à porter
appliqué indiéremment à toute personne de plus de 50 ans souf-
frant de douleurs des ceintures; danger d’un traitement cortico-
stéroïdien qu’il faut souvent poursuivre plus d’un an avec en corol-
laire son lot deets indésirables. Les lignes qui suivent visent à ap-
privoiser une ancienne entité qui résiste aux assauts scientiques
visant à en mieux dénir le cadre nosologique, à en modier les
critères et les modalités thérapeutiques.
Améliorer le diagnostic
C’est dans les années 50, peu de temps après la mise sur le marché
de la cortisone, que la PMR a trouvé sa position nosologique: lex-
pression « pseudo-polyarthrite rhizomélique » proposée par Fores-
tier est un raccourci très imagé et explicite d’un tableau clinique
qui comporte des douleurs de rythme inammatoire de la racine
(rhizo-) des membres mimant une polyarthrite (1). Si lon ajoute
que ce tableau s’installe chez des sujets de plus de 50 ans, s’accom-
pagne d’une raideur matinale et dune élévation des paratres bio-
logiques de linammation et qu’elle répond miraculeusement à de
petites doses de prednisone, tout est dit. Pour autant, et c’est le prin-
cipal écueil, qu’on ait éliminé toute autre cause expliquant mieux les
symptômes. La PMR est un syndrome, autrement dit lexpression
dune maladie. On sait que plusieurs maladies peuvent s’exprimer
par le même syndrome et c’est ce qui induit un certain inconfort
chez celui qui pose le diagnostic de PMR, en particulier dans les cas
comportant une ou plusieurs atypies. Lembûche est qu’on ne dis-
pose daucun marqueur spécique biologique ou par limagerie. Les
sociétés faîtières de rhumatologie ont récemment proposé dincor-
porer léchographie aux nouveaux critères, an de démontrer lat-
teinte dune bourse ou d’une synoviale à lépaule ou à la hanche. Il
n’est toutefois ni probable ni souhaitable que ce nouveau set, desti
à la classication, déloge de la pratique clinique les critères empi-
riques de 1984, ts largement utilisés (2, 3) (cf. tableau 1).
Absence de spécificité
C’est cette absence de spécicité et la nécessité d’un critère dex-
clusion qui fragilisent la démarche. S’ouvre ainsi un diagnostic
diérentiel relativement large qui ne s’arrête pas à la période ini-
tiale mais accompagne le clinicien jusqu’au terme de lévolution.
On sait en eet que la présentation rhizomélique darthralgies
inammatoires constitue la forme dentrée possible de plusieurs
maladies, au premier rang desquelles la polyarthrite. La menace
est réelle que le patient ne développe, en labsence danticorps spé-
ciques, une authentique arthrite périphérique dans les mois qui
suivent le diagnostic de PMR. Une polyarthrite, dans lune de ses
nombreuses formes du sujet âgé (RS3PE, rhumatoïde classique…),
doit alors entrer en considération. Les arthrites microcristallines,
notamment la chondrocalcinose, peuvent prendre le masque dune
PMR, la bonne réponse aux corticostéroïdes se révélant encore
plus confondante. La crainte du médecin est de méconnaître une
néoplasie larvée; cette crainte est légitime, mais il faut la pondérer,
sachant quil s’agit d’une occurrence rare: les véritables syndromes
paranéoplasiques s’accompagnent le plus souvent dune altération
considérable de létat général et d’une réponse seulement partielle
au traitement corticoïde.
Artérite gigantocellulaire
Il n’est pas de propos de reprendre lensemble des aections sus-
ceptibles de mimer une PMR, la situation clinique ne lexigeant
la plupart du temps pas ; le lecteur intéressé peut se référer au
tableau 2. Une atteinte mérite cependant mention en raison de la
fréquence de son association avec la PMR: lartérite gigantocellu-
Dr Pierre-Alain Buchard
Sion
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TAB. 1
Critères empiriques, définis par un consensus
d’experts (2)
1. Douleurs > 1 mois, intéressant 2 sites / 3 (nuque, épaules, ceinture
pelvienne)
2. Raideur matinale > 1 heure
3. Réponse au traitement stéroïdien (prednisone <v20mg/j)
4. Age > 50 ans
5. VS > 40 mm
6. Autres maladies rhumatismales exclues
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laire. En dehors de la classique triade symptomatique (céphalée,
claudication mastérine, amaurose), la maladie de Horton peut
être très protéiforme, associant une altération de létat général, un
tableau dallure neurogène (centrale ou périphérique) et des symp-
tômes dépendant du territoire que dessert lartère touchée, par
exemple des douleurs interscapulaires, thoraciques ou de la base
du cou pour les gros troncs. On dispose dans ce cas d’un signe
cardinal, la modication de lartère temporale, épaissie, nodu-
laire, douloureuse, non pulsante, entourée dun érythème local. Si
la biopsie de lartère temporale ne peut être obtenue rapidement,
lécho-doppler, sans prétendre à la remplacer, constitue une aide
diagnostique appréciable.
Echographie
Si léchographie s’impose de plus en plus comme complément
dinvestigation utile dans la PMR, c’est qu’elle permet didentier
plus dune fois sur deux une atteinte inammatoire des synoviales,
des structures ténosynoviales et des bourses: la bursite sous-acro-
mio-deltoïdienne bilatérale possède ainsi une excellente valeur
prédictive positive pour la PMR. On peut donc espérer que les pra-
ticiens pensent plus souvent à cet examen dans cette indication.
Enn, on n’oubliera pas que, comme toute entité syndromique,
la PMR s’accommode mal des atypies. Une vitesse de sédimenta-
tion basse, un début progressif, labsence datteinte des épaules,
des manifestations systémiques, une arthrite périphérique, une
réponse incomplète au traitement, une durée de plus de deux ans
doivent faire reconsidérer le diagnostic.
Améliorer le traitement
Poser le diagnostic de PMR implique en pratique une corticot-
rapie pour plusieurs raisons. La réponse thérapeutique aux faibles
doses de predinisone reste pour le clinicien un test précieux, même
si la tendance est actuellement de lexclure des critères de classi-
cation. Il n’y a pour linstant aucune alternative comme traitement
de première intention, le rapport bénéce-risque des AINS étant
notoirement défavorable dans la classe dâge intéressée.
Schéma thérapeutique
Le schéma thérapeutique est simple et bien codié: prednisone à
la dose initiale de 15 mg par jour en une prise matinale, indépen-
damment du poids, suivie dune diminution par paliers de 2,5 mg
jusqu’à obtenir 10 mg, puis d’une diminution par paliers de 1 mg
jusqu’à atteindre la dose-seuil ou la guérison. La durée de chaque
palier est de lordre de 4 semaines, mais peut être modulée en fonc-
tion des nécessités cliniques (réponse spectaculaire, tolérance,
négociation avec un patient souvent réticent…). Il faut pondérer
la réponse thérapeutique: sur le plan clinique, elle est près dune
fois sur deux incomplète à 3 semaines; la normalisation biologique
est tributaire de la cinétique de variation du paratre retenu et
il n’est pas rare qu’à un mois VS et CRP ne soient qu’incomplète-
ment corrigées. La tendance actuelle est de considérer le sevrage de
prednisone en moins de 2 ans plutôt que la bonne réponse initiale
comme critère diagnostique. Le clinicien doit donc faire preuve de
patience à tous les temps de lévolution.
Si ce programme peut être appliqué à la lettre, il n’occasionne
généralement pas deet indésirable détectable par le clinicien. Mais
la durée du traitement, au moment où lon retient le diagnostic, est
imprévisible, ce qui justie quelques précautions concernant les
« bandits silencieux »: contrôle des troubles métaboliques potentiels
et de la tension artérielle, supplémentation vitamino-calcique, den-
sitométrie en cas de cumul de facteurs de risque de fracture.
Traitement de substitution
gitimement guidés par le principe de précaution, les médecins
ont de longue date tenté de trouver un traitement de substitution
ou, à tout le moins, dépargne cortisonique. Le recours à ces alter-
natives s’est jusqu’ici révélé décevant. Le méthrotrexte avait sus-
cité quelques espoirs, vite refroidis par les études systématiques.
Larrivée des traitements biologiques a ouvert une boîte de Pan-
dore, mais les anti-TNF, si ecaces dans nombre de rhumatismes
inammatoires, n’ont pas trouvé leur place dans la prise en charge
de la PMR. Le focus est actuellement porté sur lanti-IL 6 (tocilizu-
mab) dont les résultats sur les quelques cas rappors sont promet-
teurs. Les premiers essais ouverts sont attendus pour 2014.
Dans la pratique nonobstant, pour autant qu’il soit vigilant
et attentif aux pièges signalés ci-dessus, le médecin de premier
recours peut parfaitement assumer la prise en charge complète
dun patient chez qui il suspecte une PMR. Cest la présence dune
atypie, par exemple tout écart aux critères mentionnés ci-dessus
ou au programme thérapeutique classique, qui devrait linciter à
prendre lavis du rhumatologue (4).
Dr Pierre-Alain Buchard
Clinique romande de réadaptation
Centre d'évaluation et de consultations
Avenue Grand-Champsec 90, 1951 Sion
Pierre-Alain.Buchard@crr-suva.ch
B Références:
sur notre site internet : www.medinfo-verlag.ch
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TAB. 2 2 Maladies susceptibles de mimer une PMR
Rhumatisme inflammatoire chronique
(polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathie tardive…)
Infection (endocardite, tbc…)
Arthrite microcristalline (chondrocalcinose)
Cancer, lymphome, myélome…
Vascularite (de Horton)
Maladies musculaires
(métaboliques, inflammatoires, médicamenteuses…)
Endocrinopathies
Ostéomalacie
Affections neurologiques (Parkinson, myasthénie…)
Message à retenir
La polymyalgia rheumatica peut être prise en charge par le médecin
de premier recours dans la plupart des cas
Bien qu’empiriques, les critères diagnostiques classiques restent
valables si l’on prend la précaution d’exclure toute atteinte suscep-
tible de se présenter comme une pseudo-polyarthrite rhizomélique.
Les corticoïdes faiblement dosés ont de loin le meilleur rapport béné-
fices-risques dans cette affection: il n’y a pas eu de révolution thérapeu-
tique ces dernières années et aucun traitement d’épargne cortisonique,
y compris biologique, n’a encore fait la preuve de son efficacité
la gazette médicale _ info@gériatrie _ 04 _ 2014 23
Références:
1. Forestier J, Certonciny A. Rev Rhum Mal Osteoartic 1953;20:854–62
2. Healey LA. Arthritis Rheum 1983;26:1417–8
3. Dasgupta B et al. Arthritis Rheum 2012;64:943–54
4. De Bandt M. Rev Rhum Mal Osteoartic 2014;81:207–212
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