Esthétique du spectacle vivant 2008-2009

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Cours du 14/10/08
Lʼesthétique théâtrale, aujourdʼhui, cʼest prendre en compte lʼesthétique théorique mais
aussi prendre en compte toutes les théories de la scène. Ce qui ne va pas sans
polémique. Au théâtre comme ailleurs, on peut même parler dʼune esthétique de crise.
Cʼest Jean-Pierre Sarrazin qui sʼest posé la question de la mise en scène.
Le nouveau rôle est celui de metteur en scène.
Les points de vue se sont radicalisés à partir de ce moment-là. Brecht et les autres ont
livrés batailles à une esthétique du théâtre qui ne sʼintéresserait quʼau texte.
On vise un théâtre élitiste populaire. Cette utopie sera battue car elle nʼa pas fonctionné
longtemps.
Dans cette crise de lʼutopie, on a aussi senti au théâtre quʼil perdait ce rôle quʼil avait
depuis des siècles, ce rôle civique au sein de la société. Un rôle important au sein de la
culture, un rôle de régulation.
Notre position à nous est de dominer cette perspective et de considérer lʼesthétique
théâtrale peut parler du texte que les pratiques de la scène.
Nous allons nous intéresser à quelques fragments nécessaires pour comprendre
lʼesthétique du XXième siècle dans la danse:
- Les discours dominant avant le XXième siècle
- Les discours dominant au XXième siècle
La notion de représentation artistique est liée à la mimésis, à lʼimitation. Ce qui a joué un
rôle fondamental chez nous pour considérer lʼoeuvre dʼart. Cʼest la chose que lʼhomme
peut produire.
Le premier sentiment de Platon sur le théâtre était négatif, notamment à cause de la
mimésis. Platon va poser la double question de lʼart et du théâtre au moment de la
révolution pour aboutir à la condamnation de lʼart théâtral. Il veut même chasser les
poètes hors des murs de la cité.
Puisque le théâtre est basé sur un processus trompeur, le théâtre fonctionne, en plus, en
trois dimensions dans lequel on a plus de mal à voir le leur et il ne peut être que nuisible
aux habitants de la cité. Quand à lʼacteur, Platon lʼappelle homme dʼimitation, cʼest un
homme qui est double. Il y a lʼidée de la spécialisation. Chacun doit se spécialiser dans un
domaine pour exceller. Par ailleurs, le travail de lʼacteur est un travail de séduction.
Aristote
Les acteurs sont les gens du faux. Dans sa fameuse poétique dʼAristote, il décrit la
mimésis comme quelque chose de naturel. Cʼest une tendance naturelle de lʼhomme. Elle
est donc naturellement à la base de tous les arts. Les personnages de la tragédie sont
supérieurs On voit des actions qui sont nobles et que la conduite de ces actions à terme
conduisent à la catharsis!
Lʼidée de la catharsis est une des fonctions du théâtre qui permet de développer notre
imaginaire. Cela nous apporte une fenêtre sur lʼimaginaire dont nous avons besoin et cela
nous fait du bien.
Lʼidée de catharsis relève nettement moins du spectateur que dʼune poétique du texte
pour savoir que la catharsis pourrait être entendu par le fait que lʼartiste réussit à produire
la fiction.
Horace évoque la notion de “decorum”, lʼart poétique. Cʼest quoi lʼidée de décorum?
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Cʼest lʼidée sous laquelle le théâtre français va se développer. Cʼest un personnage, dans
une pièce, qui doit adopter une conduite qui est adaptée à son statut. En fonction de son
statut dans la société, il doit adopter un comportement précis. Ce sont des règles de la
bienséance.
On retrouve la règle des trois unités:
Unités de lieu dʼaction et de temps. Lʼidée de vraisemblance (différent de réalisme. La
vraisemblance reste cohérent à lʼunivers) du récit.
Lʼinstauration de la poétique dʼAristote coïncide en France avec la monarchie absolue. Il y
a une codification extrême de sa poétique.
Peu à peu, des brèches vont se créer.
Diderot
La première vient avec Diderot et sa pensée moderne sur le théâtre.
La première des choses est lʼécriture du geste et de lʼesthétique de la pantomime. Diderot,
au milieu du XVIIIième siècle, son mot dʼordre est “Plus de discours, peu de mouvements”.
Pour Diderot, lʼart de la pantomime à disparu. Pantomime quʼon retrouvait dans les arts de
la rue à Rome.
Finalement, les comédiens ne bougent plus sur scène. Il reste très peu de place sur scène
et Diderot le regrette.
Pour lui, il faudrait que le poète commence à écrire le geste. Quʼil transcrive les mots et la
pantomime à laquelle doit se livrer le comédien. Il insiste beaucoup pour dire que ce nʼest
pas seulement de lʼaccompagnement. Le jeu à lui seul doit être suffisamment expressif,
que le geste se constitue comme un langage autonome. Tantôt en accompagnant le geste,
tantôt en le relayant totalement.
En 1751, il va développer une double dimension du langage dramatique. Il faut entendre
le spectacle avec les oreilles mais également avec les yeux.
Un peu plus tard, Diderot va rédiger une véritable théorie de la pantomime. On est dans
une position novatrice mais il ne sait pas encore la mesurer. La mise en scène donne
beaucoup plus dʼimportance à la concrétisation du texte.
La première révolution concrète est que Diderot invente la didascalie (des indications de
jeux inscrites en italique). Avant, on décrivait simplement lʼendroit et il fallait inventer le jeu.
Désormais, Diderot développe et écrit ce que lʼacteur doit faire.
Diderot produit de très longue didascalie, particulièrement sur les monologues. Diderot va
recourir à ce quʼil appelle des scènes simultanées, cʼest-à-dire des scènes où il nʼy a pas
plus de description de scène que de textes. Cela ressemble plus à un canevas quʼun texte
poétique. Cela inscrit la mise en scène. Cette double écriture induit de la mise en scène. Il
se constitue lui-même metteur en scène de sa pièce. Il nʼest plus simplement lʼauteur mais
il doit expliquer comment cela doit se concrétiser. Lʼinscription de la gestualité et ses
conséquences.
Autre élément crucial est la manière dont Diderot articule la peinture et le théâtre. A partir
de lʼesthétique de la pantomime quʼil a développé, Diderot va développer une double
problématique sur la peinture et le théâtre.
Sur lʼacteur:
La pantomime va influencer le jeu de lʼacteur et la pantomime nécessite un nouveau jeu
dʼacteur et de nouveaux acteurs. Car pendant des siècles, le jeu de lʼacteur nʼétait centré
que sur la voix.
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Lʼautre aspect est le tableau:
La remédiation esthétique du théâtre par la peinture. Diderot ne veut plus comparer lʼart
du théâtre et lʼart de la peinture mais il veut emprunter du registre de la peinture des
éléments artistiques pour construire le langage théâtral!
En fait, il va chercher à la peinture lʼidée de découpe, dʼagencement géométrique de
lʼespace pour lʼintégrer à lʼespace théâtral.
Ce que va faire Diderot, il va identifier la scène à un tableau. Il va partir de lʼidée que cʼest
la même chose. Ici, il dit que la pièce parfaite est une succession de tableaux. La scène
offre au spectateur autant de tableaux réels quʼil y a de moments favorables. Le moment
favorable est lʼélément crucial que le peintre veut immortaliser. Chez Aristote, le moment
favorable est le coup de théâtre. Diderot veut remplacer les coups de théâtre par des
tableaux.
Dʼun point de vue historique et social, le refus du coup de théâtre est une réaction
bourgeoise qui va rejeter le caprice des nobles des princes pour refuser lʼirrationnel. Le
coup de théâtre est quelque chose qui est liée à la vie de la cour royale. Cʼest une époque
où une princesse, sur un coup de tête, peut faire décapiter un prétendant. On arrive à une
époque en 1789 où les nobles sont décapités et donc on réfléchit si le coup de théâtre a
encore sa place.
La substitution du coup de théâtre par des tableaux va donc permettre à cette vieille idée
quʼon retrouve dans lʼhistoire de lʼart, un petit épisode qui est absolument autonome,
extrêmement emblématique, extrêmement signifiant que le spectateur peut découper et
emporter pour en jouir. Cʼest la cristallisation dʼune action forte en une image que le
spectateur en tire jouissance. Cʼest lʼinstant crucial, chez les peintres qui est appelé
lʼinstant prégnant. Ce tableau renvoie à un endroit de vie précis quʼil faut fixer. Chaque
action à plusieurs instants décrit Diderot mais le poète doit choisir un moment clé, il faudra
immobiliser un tableau scénique. Il y aura une sorte de photo, dʼinstantané sur scène.
Troisième élément important quʼapporte Diderot:
Cʼest lʼidée du quatrième mur. Cʼest le mur invisible qui sépare le spectateur du comédien
au théâtre. Les comédiens sont comme enfermés dans une boîte et ne voient pas quʼon
est là.
Greuze a une conception dramatique de ses tableaux.
Esthétique de lʼabsorbement:
Il faut que le monde du tableau se referme complètement sur lui-même. Il faut quʼil
représente un état dʼabsorbement des personnages. Il faut que ces personnages soient
emmurés dans ces tableaux. Il faut que la structure soit close car elle se suffit à ellemême. Il faut vraiment que ce tableau soit complètement étranger à lʼespace du
spectateur.
Dʼautre part, par cette clôture du tableau, le spectateur peut se transporter à lʼintérieur de
celui-ci, il peut y être absorbé.
Diderot prend conscience de cela et revendique un théâtre du repli pour mieux réaliser
son attachement.
Diderot comprend que pour rentrer dans cette illusion, il faut quʼon fasse oublier au
spectateur quʼon est dans le dispositif de lʼillusion et donc le comédien doit vivre en
autarcie.
Diderot va beaucoup plaider pour l'inexistence du public. Il écrit quʼil faut que le poète se
renferme entre les personnages et laisse le spectateur comprendre ce quʼil voudra. Dès
1758, il va introduire cette théorie du quatrième mur. Que les comédiens jouent comme si
le rideau ne sʼouvrait pas. Diderot recommande au poète dʼécrire les pièces de théâtre
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avec cette conception du quatrième mur en tête. Idem pour les comédiens sur scènes
lorsquʼils jouent la pièce.
Le paradoxe du comédien
Cʼest cette idée selon laquelle le comédien ne doit rien ressentir, il doit être médiateur, être
doué de jugement mais sans nulle sensibilité. Il ne doit rien éprouver mais doit être
capable de rendre les signes extérieurs dʼun sentiment.
Il demande au comédien dʼêtre un merveilleux pantin dont on tire les ficelles. Il doit y avoir
une neutralité qui doit influencer le spectateur, pour que lʼillusion fonctionne. Pour Diderot,
la scène est une fabrique de lʼillusion. Le théâtre est distancé.
Mais attention, la distanciation chez Brecht, cʼest ce qui va permettre de battre en brèche
lʼillusion alors que chez Diderot, cʼest la distanciation qui permet de créer lʼillusion.
Si Diderot refuse l'aliénation du comédien, il souhaite lʼaliénation du spectateur.
Zola
Avec la question du naturalisme au théâtre. Zola, en 1880, essaye dʼadapter la doctrine du
naturaliste au théâtre. Il va rêver dʼune enquête universelle sur le rêve.
Comment va-t-il le concrétiser?
Par la singularité, un réalisme des décors et un type de jeu quʼil veut concret, voir cru. On
est très loin du ton déclamatoire des prêtres.
Zola écrit que lʼhomme abstrait se contente de trois murs dans la tragédie tandis que
lʼhomme physiologique demande à être pris par le décor. Si on est chez le boucher,
prendre des viandes mortes sur le plateau de théâtre.
Zola a été souvent adapté. Lʼinfluence majeure de Zola arrive avec le théâtre libre dʼAndré
Antoine. Considéré comme lʼinventeur du metteur en scène (1887 et 1896). André Antoine
va introduire la notion de milieu (social, véridique, déterminant par rapport au
personnage).
Le contexte prime sur le texte chez André Antoine. Tout est ordonné par ce nouveau
personnage qui est le metteur en scène.
Ces idées de naturalistes vont être dépassées au début du XXième siècle. Les
conceptions du théâtre, de lʼunivers scénique vont commencer à prendre diverses formes.
Il nʼy a plus une idée qui va régir le théâtre. A partir de là, les conceptions vont être
nombreuses. A partir du naturalisme et de ce quʼAntoine en a fait naît le metteur en scène.
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Quelques points de repères sur le XXième siècle
Au XXième siècle, la notion qui est au centre de toutes les discussions est la notion de
théâtre dʼart. Cʼest un théâtre de loisirs. Il y a lʼapparition du metteur en scène qui prend
en charge la responsabilité du travail. Lʼidée apparaît avec André Antoine.
Cʼest quoi leur revendication:
Le théâtre comme art et comme utilité publique et va fonctionner avec la vision dʼun
nouveau créateur en dehors du texte.
Le nom de théâtre dʼart a été inventé par Paul For (vérifier)
Tout dans le théâtre dʼart est conçu pour lʼart du théâtre. Le but est toujours de mettre
lʼappareil de théâtre au service de lʼart du théâtre. Dans cette notion de théâtre dʼart,
aucunes notions nʼest jamais acquis. Lʼidée qui équivaut est quʼen fonction des époques,
cʼest lʼidée de renouvellement esthétique.
Parmi ceux qui vont définir lʼart au début de ce siècle est:
Edward Gordon Craig (1872-1966)
Il est à la base acteur, puis metteur en scène (la plus connue est Hamlet en 1912). Craig a
pour but de changer complètement le théâtre.
Il va sʼélever contre lʼasservissement des théâtres de divertissement. Il va sʼopposer
également au réalisme avec lʼillusionnisme et lʼidée dʼimitation en général.
Craig à lʼair dʼêtre contre tout mais reste attaché à lʼidée de symbolisme. Ce quʼil veut
exprimer par le théâtre est lʼidée, le symbole. Quelque chose qui est au-delà du réel. Il va
faire du symbolisme le sens du théâtre. Il veut rendre sensible le monde de lʼesprit.
Il a définit lʼart du théâtre tel quʼil doit lʼêtre. En même temps, il sʼoppose au théâtre du
texte. Il affirme lʼautonomie du théâtre par rapport aux autres arts. Le théâtre nʼest pas la
pièce. Il faut enfin que le théâtre aie un langage qui lui soit propre. Le théâtre nʼa rien à
faire avec la peinture ou la littérature.
Craig trouve que cʼest une emprise dʼautres arts sur le théâtre. Craig dit quʼau lieu dʼavoir
un langage propre, le théâtre emprunte au symbolisme des autres arts. Il sʼoppose donc à
cela.
Craig sʼopposera à tout ce qui a été fait avant au théâtre, pendant sa période et même
après ce quʼil a fait. Il a une position assez marginale.
Il doit y avoir une différence entre les paroles écrites pour être lues et les paroles écrites
pour être parlées. Pour Craig, ce qui importe, cʼest la prépondérance de la scène. Le
théâtre est un art indépendant où le mouvement dans lʼespace doit être plus important que
le texte!
Par cette seule phrase, il abolit la différence entre le théâtre classique et le ballet. Il va
faire beaucoup dʼesquisse, il va exposer des dispositions scéniques. Ses noms de pièces
indique généralement des indications scéniques.
En 1905, il élabore une pièce qui est lʼescalier qui est un pièce fondée sur lʼespace. Il y a
une très grande radicalité.
Sa radicalité ira tellement loin fera quʼil ne pourra plus travailler car personne ne veut plus
travailler avec lui et les conditions quʼil pose fera quʼil ne pourra, lui non plus, travailler.
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Son théâtre repose sur des lignes, des forces que le metteur en scène va mettre en forme
dans lʼespace. Cʼest utopique. Craig est inmontable pour un metteur en scène
contemporain mais les pièces contemporaines flirtent avec les conceptions de Craig.
La dernière conception chez Craig est celle de lʼacteur.
Il fait la distinction entre un théâtre du futur proche, le théâtre de demain et un théâtre plus
lointain quʼil appelle le théâtre du lendemain.
La sur-marionnette fait partie du théâtre après-demain. Lʼidée est de remplacer lʼacteur par
une marionnette. Pourquoi?
Le jeu de lʼacteur, ce nʼest pas de lʼart! Cʼest à tort quʼon lui donne le nom dʼartiste. Cʼest
très radical. Lʼart nʼadmet pas lʼaction. Hors, au théâtre, on utilise le corps humain qui est
dominé par lʼémotion. Hors, lʼélément humain peut faillir (avoir un rhume, tomber malade).
Pour Craig, il faut que lʼacteur disparaisse pour laisser place à un nouveau personnage
qui est la sur-marionnette. On est bien évidemment dans le symbolisme. Craig va utiliser
des masques pour cacher les visages de lʼacteur et pense à une poupée, à un pantin qui
aurait une perfection mathématique qui exclurait tout rapport au hasard dans la
scénographie.
Cette idée, on la retrouvera chez Antonin Artaud.
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