colorants_jaunes

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BIRR Jessica
MONTAVON Sophie
Université Paris XII Val de Marne
Licence SIAL « Sécurité des Aliments »
Année Universitaire 2003/2004
Les colorants jaunes
Résumé
Les colorants jaunes jouent un rôle de première importance dans notre alimentation. En effet,
la coloration constitue un attrait pour le consommateur, et la couleur jaune est une constante
dans notre alimentation: citron, banane, bonbons, crème dessert, boissons…
Actuellement, deux types de colorants sont utilisés :
-
les colorants naturels qui sont extraits de végétaux (curcumine, riboflavine,
caroténoïdes, xanthophylles), que ce soit par solvants organiques ou par gaz
carbonique supercritique, ou extrait de minéraux (or)
-
les colorants synthétiques obtenus par synthèse chimique (tartrazine, jaune orange S,
jaune de quinoléine).
Le regain des valeurs naturelles dans l'alimentation a entraîné un intérêt croissant pour les
colorants naturels et les méthodes de substitution de coloration (concentré de végétaux).
Compte tenu des effets indésirables que certains colorants peuvent engendrer, leur utilisation
est très suivie au niveau légal notamment par les modifications de la liste des colorants
autorisés et par l'établissement d'une dose journalière admissible.
Les effets toxiques des colorants sont divers: intolérance, hyperactivité, cancérogenèse, et
encore très controversés. De plus, certains colorants possèdent des propriétés bénéfiques pour
la santé qui sont très souvent méconnues. Les recherches sont en cours pour déterminer si les
colorants sont si dangereux qu'on peut le croire, et pour le moment, aucune conclusion
sérieuse ne peut être formulée. Cependant, les DJA autorisées sont suffisamment faibles pour
que les effets toxiques des colorants ne se fassent pas sentir sur le santé du consommateur.
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Sommaire
INTRODUCTION
4
I. UTILISATION EN AGROALIMENTAIRE
5
1. HISTORIQUE DE L’UTILISATION DES COLORANTS
2. IMPACT DE L’EFFET VISUEL DES ALIMENTS
3. UTILITE DES COLORANTS
4. LES ALIMENTS CONCERNES PAR LA COLORATION
5. LE MARCHE DES COLORANTS JAUNES
5
5
6
7
7
II. LES DIFFERENTS COLORANTS JAUNES
9
1. PRESENTATION DES COLORANTS
a. Les colorants naturels
b. Les colorants synthétiques
2. MODE DE PRODUCTION
a. Mode d'extraction
b. Stabilité des colorants
c. Pureté des colorants
3. VALORISATION DES PIGMENTS NATURELS
9
9
12
14
14
15
15
16
III. TOXICITE ET REGLEMENTATION
17
1. UNE LEGISLATION SPECIFIQUE
a. Les décrets
b. Les dérives
2. DES ADDITIFS NOCIFS
a. Des risques d’intolérance
b. L’hyperactivité et les colorants
c. Des molécules cancérigènes présumés
3. DOSE JOURNALIERE ADMISSIBLE (DJA)
a. Définition
b. Les institutions concernées
c. Les critères d’établissement de la DJA
4. DES EFFETS BENEFIQUES SUR LA SANTE
17
17
18
19
19
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21
21
21
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23
CONCLUSION
25
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Introduction
Les additifs alimentaires sont des substances ajoutées volontairement aux denrées
alimentaires pour remplir certaines fonctions technologiques, telles que la coloration, la
conservation et l’amélioration des qualités organoleptiques. Ils sont définis dans la législation
communautaire comme « toute substance habituellement non consommée comme aliment en
soi, et habituellement non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l’alimentation,
possédant ou non une valeur nutritive, et dont l’adjonction intentionnelle aux denrées
alimentaires dans un but technologique, a pour effet qu’elle devient elle-même, ou que ses
dérivés deviennent, directement ou indirectement, un composant de ces denrées alimentaires »
[1].
La couleur est l’une des qualités premières d’un aliment qui donnera envie de le manger. Elle
est associée aussi bien à une saveur spécifique qu’à l'intensité de cette saveur. Les colorants
sont employés comme additif alimentaire pour ajouter ou rétablir la coloration d’un aliment et
augmenter dès lors son attrait visuel pour le consommateur [2].
Il existe deux types de colorants:
- les colorants naturels qui sont des pigments de légumes, de fruits, de graines ou
d'épices,
- les colorants artificiels qui sont totalement synthétiques.
Ces colorants dont les effets sur la santé sont variés, sont soumis à une législation précise, au
niveau national mais aussi européen, qui régit leur utilisation en agroalimentaire. Trois axes
seront développés dans ce rapport. Dans un premier temps, nous étudierons l’intérêt et
l’utilisation en industrie agroalimentaire des colorants, puis nous verrons les différents types
de colorants jaunes et enfin leurs effets sur la santé du consommateur.
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I. Utilisation en agroalimentaire
1. Historique de l’utilisation des colorants
Les couleurs ont déjà, dans le passé, joué des rôles symboliques et émotionnels importants.
Les Romains ont vite appris que les gens "mangeaient avec leurs yeux" avant leur palais [2].
Le mélange de produits alimentaires ou l’incorporation de certaines épices ont été des moyens
de colorer des mets depuis des temps reculés. Avant 1850, tous les colorants ajoutés dans
l’alimentation (curcumine, safran, cochenille,…) étaient d’origine naturelle. Les recherches,
menées depuis le milieu du XIXe siècle, ont débouché sur la fabrication de très nombreuses
familles de colorants, où l'on trouve souvent des imitations de la structure chimique des
colorants naturels. Cette recherche a joué également un rôle important dans l'essor de la
chimie organique et dans la compréhension de la nature des molécules [3]. De nombreux
ajustements se sont succédés à cause de problèmes toxicologiques, notamment avec
l’interdiction du jaune de beurre qui s’est révélé cancérigène. En 1962, la CEE propose une
liste de colorants, adoptée en France en 1964 puis régulièrement modifiée que ce soit pour les
colorants eux-même ou pour des restrictions d’emploi. En 1989, la liste de la CEE contient 42
produits dont la numérotation va de E 100 à E 180. Cette liste indique les doses maximales
acceptables, les critères de pureté ainsi que les produits auxquels ils peuvent être ajoutés [4].
De nos jours, les colorants alimentaires sont largement utilisés dans notre alimentation [5].
2. Impact de l’effet visuel des aliments
La coloration constitue un facteur important, parfois décisif, dans le choix d'un aliment du fait
que c'est un élément immédiatement accessible pour l’évaluation de sa qualité. En effet, la
qualité est souvent liée à la maturité, à la présence d’impuretés, à la mise en œuvre appropriée
ou défectueuse d’un traitement technologique, à de mauvaises conditions d’entreposage, à un
début de détérioration par les micro-organismes…et donc à la couleur du produit.
En définitive, les individus sont conditionnés de telle sorte qu’ils associent une couleur bien
définie et un type d’aliment donné ; par exemple, des oranges naturellement vertes restent sur
l’étalage, étant perçues comme insuffisamment mûres, alors que le sol, le climat ou l’espèce
peuvent être responsables de cette coloration. Dans l’esprit du consommateur, la couleur est
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associée à l’arôme de l’aliment : ainsi le jaune correspond au citron, le vert à la menthe…
Mais la réciproque est tout aussi vraie : l’arôme citron doit être apporté par un aliment de
couleur jaune. C’est par une information persuasive liée à la publicité que l’acheteur pourra
modifier son comportement et être tenté d’essayer un produit à la couleur inhabituelle [3].
Cependant notre environnement ne peut plus se passer de matières colorantes. Une
alimentation sans additifs de coloration est désormais inconcevable. En effet, dans l’esprit de
chacun, les denrées alimentaires sont appétissantes car très colorées. Les aliments à l’état brut
paraissent aux yeux des consommateurs comme « moins bons », d’autant plus que la couleur
et l’aspect de la nourriture ont une influence psychologique sur le goût perçu des aliments [5].
3. Utilité des colorants
Les aliments sont colorés en réponse à une demande. Ce postulat semble avoir existé à toutes
les époques. On colore pour séduire ou pour rendre l’aliment conforme à l’image qu’on s’en
fait. Le développement des additifs alimentaires est lié à notre mode de vie et de
consommation : les règles de conservation obligent l’industriel à utiliser des procédés qui ont
tendance à altérer les saveurs et les couleurs, ce qui entraîne l'utilisation d'additif [4].
L’utilisation des colorants en agroalimentaire ne présente aucun intérêt nutritionnel, car elle
répond au seul souci d’une meilleure présentation. On peut donc considérer les colorants
alimentaires comme les additifs les moins indispensables surtout quand on les compare aux
conservateurs et aux agents de texture incontournables dans l’industrie agroalimentaire de nos
jours. L’addition de colorants est effectuée pour normaliser la couleur d’un aliment. La perte
de couleur peut être due à une exposition à la lumière, à l’air, aux températures extrêmes, à
l’humidité et aux conditions de stockage ainsi qu’aux variations naturelles ou saisonnières de
coloration des matières premières [2].
Cependant la coloration d’un aliment ne doit pas servir, selon la législation, à dissimuler une
altération, ou à laisser croire à la présence d’un constituant de qualité. Par exemple,
l’adjonction d’un colorant jaune dans les produits de biscuiterie laissant croire au
consommateur que ces produits contiennent du beurre est interdite.
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4. Les aliments concernés par la coloration
La gamme des aliments concernés est bien plus importante qu’on ne l’imagine : aux yaourts,
glaces et pâtisseries s’ajoutent la moutarde, les potages, la charcuterie, les condiments et
même les croûtes de fromage [6].
D’après la réglementation en vigueur, cinq points importants sont à signaler :
Certains aliments ne peuvent en aucun cas être additionnés de colorants (annexe I-B de
l’arrêté du 2 octobre 1997) comme les denrées alimentaires non transformées, les eaux en
bouteilles ou conditionnées, le lait, les ovoproduits bruts, les huiles, les confitures, les jus de
fruits,…(voir Annexe n°1).
Certains aliments ne peuvent être colorés que par certaines molécules (annexe I-C de l’arrêté
du 2 octobre 1997). Par exemple les fromages ne peuvent contenir que des caroténoïdes et les
bières que des caramels.
Certains colorants ne sont autorisés que pour des catégories d'aliments définies (annexe I-D
de l’arrêté du 2 octobre 1997), comme le brun FK dans les poissons séchés et fumés ou la
canthaxanthine dans les saucisses de Strasbourg...
Certains colorants peuvent être utilisés sans limitation quantitative comme le carotène
(annexe I-E première partie de l’arrêté du 2 octobre 1997).
Certains aliments ne peuvent pas contenir plus d’une certaine quantité de ces additifs, tous
colorants confondus (annexe I-E deuxième partie de l’arrêté du 2 octobre 1997) :
-
les boissons rafraîchissantes sans alcool (100 mg/L),
-
les desserts, les sauces, les légumes au vinaigre (150 mg/kg),
-
les décorations de confiserie et pâtisserie (1000 mg/kg).
5. Le marché des colorants jaunes
Estimé à 1 milliard de dollars, le marché mondial des colorants se répartit entre trois grands
secteurs : alimentaire (à hauteur de 47%), pharmaceutique (40%) et cosmétique (10%). La
recherche scientifique permettant la mise au point de nouveaux colorants moins chers et plus
performants est très importante, d’autant plus que ce sont des produits à forte valeur ajoutée.
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Les colorants jaunes
La consommation européenne de colorants alimentaires, synthétiques et naturels, est estimée
à 5500 tonnes en 1995 et à 5700 tonnes en 2000. Le marché français quant à lui est évalué à
80MF (environ 12,2M€), hors bêta-carotène et caramel [7].
Ce marché, dont la croissance moyenne annuelle est de 2,7%, est partagé entre plusieurs
grandes entreprises spécialisées. Dans le secteur des colorants naturels, l'entreprise danoise
Chr. Hansen est le leader mondial, avec un chiffre d'affaire de 286 millions d’euros. Cette
entreprise possède une division "colorants" depuis 120 ans, et c'est la première à avoir extrait
le rocou en 1879. Sa gamme de colorants est composée de 5 pigments naturels majeurs, dont
fait partie le curcuma, qui correspondent à 80% en volume des productions mondiales de
colorants naturels.
La société Warner Jenkinson est quant à elle le leader mondial sur le marché global des
colorants alimentaires, que ce soient des colorants naturels ou non.
En France, la société familiale Sofral (chiffre d'affaire : 5,26M€) est le leader dans les
procédés d’extraction de colorants naturels.
Les prévisions pour la période 1999-2003 de la croissance du marché européen des colorants
indiquaient une croissance relativement importante en volume ainsi qu’en valeur (voir
tableau n°1)[8].
Années
Volume (tonnes)
Valeur (M$)
Croissance en valeur (%)
1999
320,4
189,5
3,8
2000
324,9
197,8
4,4
2001
331,8
205,6
4,0
2002
339,4
208,8
1,6
2003
346,5
213,8
2,4
Tableau n°1 : Prévisions 1999-2003 de croissance sur le marché européen
des colorants alimentaires
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II. Les différents colorants jaunes
1. Présentation des colorants
a. Les colorants naturels
E 100 (la curcumine) : la curcumine est un colorant jaune (voir Figure n°1) d’origine
végétale qui peut être utilisé pour la coloration de masse ou de surface. Cette poudre jaune est
extraite des rhizomes broyés de Curcuma lenca, plante de la famille des zingibéracées
cultivées en Extrême Orient et à Madagascar [3]. L’acide turmérique est le principal
constituant du curcumin [9] c’est lui qui confère sa couleur jaune au curry [10].
Les molécules constituant la curcumine présentent des activités biologiques très variées [3]. A
forte dose, elle stimule les sécrétions biliaires. Autorisée dans de nombreux aliments tels que
les produits laitiers, les glaces, les yaourts,… elle est considérée comme inoffensive [11].
La curcumine est insoluble dans l’eau et l’éther, faiblement soluble dans l’éthanol et dans
l’acide acétique (solution jaune claire), soluble dans les alcalis (solution rouge brunâtre). Les
solvants utilisés pour l’extraction sont le méthanol, l’hexane et l’acétone [3].
CH3O
HO
CH3O
CH
CH
CO CH2 CO
CH
CH
OH
Figure n°1 : Formule développée de la curcumine
E 101 (la riboflavine ou lactoflavine ou vitamine B2) : la riboflavine est un colorant
d’origine végétale (voir Figure n°2). Elle est autorisée pour de nombreux produits
alimentaires tels que les produits laitiers, les pâtisseries et les desserts [11].
Elle est obtenue à partir de sources naturelles (levures, germes de blé, œufs, foies d’animaux)
ou, le plus souvent, par synthèse. Elle se présente sous la forme d’aiguilles jaune orangées,
solubles dans l’eau (7g/100mL) et légèrement solubles dans l’éthanol (4mg/100 mL). La
solubilité de la riboflavine est maximale dans les acides. Ce colorant possède une bonne
conservation à l’abri de la lumière et au frais, sauf en solution alcaline.
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H2C CHOH
N
N
CHOH
CHOH CH2OH
O
NH
N
O
Figure n°2 : Formule développée de la riboflavine
E 160 (les caroténoïdes) : les caroténoïdes sont des pigments naturels largement répandus
dans la nature et à l’origine de teintes brillantes allant du jaune au rouge. Ils sont présents
dans les fruits (citron, pêches, orange,…), les légumes (carottes, tomates,…) et des fleurs. Ils
sont également présents dans les produits animaux (œufs, poissons,…) [3]
E 161 (les xanthophylles) : les xanthophylles sont des composés très voisins des
caroténoïdes. Cette classe de colorants est obtenue grâce à la coagulation thermique de
certaines protéines contenues dans le jus de pressage de la luzerne.
Ils sont utilisés pour la coloration des entremets, des pâtisseries, des potages, des charcuteries,
et des condiments … [6]
Les xanthophylles les plus connues dans l’industrie agroalimentaire sont la xanthophylle,
lutéine et la bixine [12].
E 161a (la flavoxanthine) : la flavoxanthine est un pigment de carotène qui est extrait d’une
variété de renoncule (Ranunculus acris). Ce colorant n’est actuellement pas autorisé en
France [4].
E 161b (la lutéine) : la lutéine est un colorant naturel (voir Figure n°3) de nombreux
végétaux tels que les graines de luzerne, l’herbe ou les feuilles d’ortie [11]. On la trouve
également dans les algues et certains microorganismes [12]. Elle est considérée comme
inoffensive [11] et possède une bonne stabilité à la température, à la lumière et au SO2.
H3C
HO
CH3
CH3
H3C
CH3
CH3
CH3
CH3
Figure n°3 : Formule développée de la lutéine
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H3C
OH
CH3
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E 161c (la cryptoxanthine) : la cryptoxanthine est une substance proche du carotène et est un
des constituants de la chlorophylle des plantes vertes. Ce colorant est particulièrement
abondant dans les pétales et les baies de Physalis (famille des Solanacées).[4] Ce colorant est
interdit en France [11].
E 161d (la rubixanthine) : la rubixanthine est une substance proche du carotène. On la
trouve notamment dans le cynorhodon [4]. Ce colorant est interdit en France [11] [13].
E161 e (la violaxanthine) : la violaxanthine est un pigment végétal. Ce colorant est tiré des
pensées jaunes (Viola tricolor) [4]. Non autorisé en France [11].
E 161 f (la rhodoxantine) : ce colorant n’est pas autorisé en France [11] [13].
E 175 (or) : le jaune or est un colorant naturel d’origine minéral. Le jaune or est autorisé
uniquement pour l’enrobage de confiseries, la décoration de chocolats et liqueurs. Il a été
montré que ce colorant peut entraîner des perturbations de la formule sanguine [11]. Ce
colorant peu utilisé du fait de son prix élevé.
Nom usuel
Utilisations
E 100
Curcumine
Moutarde, potages, produits laitiers
glaces, yaourt, confiserie,
charcuterie, boissons
E 101
Riboflamine
Produits laitiers, pâtisserie, desserts
E 141
Xanthophylles
Potages, charcuteries, condiments
E 151
Or
Enrobage des confiseries au sucre
E 160
Caroténoïdes
E 161
Lutéine
Enveloppe de charcuterie, produits
laitiers, condiments, potages
Confiseries, enveloppes de
charcuterie, croûtes de fromage,
préparation pour desserts,
pâtisseries, sirops
Tableau n°2 : Utilisation des colorants naturels
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b. Les colorants synthétiques
Les colorants de synthèse sont classés selon leur nature chimique. Leur noyau aromatique leur
confère une grande stabilité à la chaleur et aux variations de pH.
Ils ont également l’avantage par rapport aux colorants naturels d’avoir une durée de vie plus
longue et de donner des couleurs plus intense. Les colorants synthétiques sont donc utilisés en
plus petite quantité et sont moins onéreux que les colorants naturels sensibles à la lumière, à
l’oxygène ou à l’action des bactéries [5]. Cependant la recherche dans le domaine des
colorants naturels apporte de très nettes améliorations qui réduisent la différence entre les
deux types de colorants.
E 102 (la tartrazine) : la tartrazine est un colorant azoïque (voir Figure n°4). Les colorants
azoïques sont des colorants d’origine chimique, caractérisés par des groupements
chromophore N double liaison N sur des molécules benzéniques [12].
Les colorants azoïques ont déjà été responsables de dermites de contact, que ce soit chez les
enfants avec les bonbons colorés, ou chez les boulangers pâtissiers ou encore chez les
professionnels préparant des denrées à base de ces colorants.
La DJA (dose journalière admissible) est de 7,5 milligrammes par kilo, soit une substance
classée comme "très toxique". La tartrazine sert essentiellement à colorer les croûtes de
fromage, les enveloppes de charcuterie, les crèmes glacées, les confiseries, les pâtisseries…
[6]. D’un point de vue toxicologique, la tartrazine fait l’objet de certaines interrogations et
présenterait, par exemple, des risques d’intolérance.
Na+, -O3S
O
N
C
N
HO
N
O-, Na+
N
SO3-, Na+
Figure n°4 : Formule développée de la tartrazine
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E 110 (le jaune orange S) : le jaune orange S est un colorant azoïque (voir Figure n°5)
obtenu par synthèse chimique. Ce colorant est interdit aux Etats-Unis et en Australie.
Il s’agit d’une poudre de couleur jaune orangé, soluble dans l’eau (180 g/L à 20°C), peu
soluble dans l’éthanol (0,1 g/L) et insoluble dans les huiles. Elle est stable jusqu’à 130°C et
rouge en milieu fortement alcalin [2].
HO
NaO3S
N
N
SO3Na
Figure n°5 : Formule développée du jaune orange S
E 104 (le jaune de quinoléine) : le jaune de quinoléine est un colorant synthétique (voir
Figure n°6). Il a été découvert en 1882 et est composé d’un mélange de sels sodiques,
d’acides monosulonique et disulfonique, de quinophtaline et de quinolylindanedione. La
quinoléine est un composé hétérocyclique comprenant un cycle benzénique accolé à un cycle
de la pyridine, produit par synthèse et ayant des dérivés importants en pharmacie [5].
CO
HC
CO
(SO3Na) et (SO3Na2)
N
H
Figure n°6 : Formule développée du jaune de quinoléine
E 103 (la chrysoïne S) : ce colorant a été supprimée des pays de la CEE depuis 1977 par
l’arrêté du 24/08/76 [11].
E 105 (le jaune solide) : ce colorant a été supprimé des pays de la CEE depuis 1977 par
l’arrêté du 24/08/76 du fait d’un risque allergène grave [11].
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Les colorants jaunes
Nom usuel
Utilisations
E 102
Tartrazine
Confiseries, enveloppes de charcuterie,
croûtes de fromage, préparation pour
desserts, pâtisseries, sirops
E 104
Jaune de
quinoléine
Liqueurs, boissons, confiseries, sirops,
pâtisseries
E 110
Jaune-orangé S
Confiseries, enveloppes de charcuterie,
croûtes de fromage, préparation pour
desserts, pâtisseries, sirops
Tableau n°3 : Utilisation des colorants synthétiques
2. Mode de production
a. Mode d'extraction
Les colorants naturels peuvent être extraits principalement de deux façons :
-
Par solvants organiques classique (qui utilise souvent le dichlorométhane)
-
Par gaz carbonique supercritique.
Ce dernier mode d’obtention des colorants repose sur le principe suivant : dans des conditions
de température et de pression bien définies (P>74 bars et T>31°C), le gaz carbonique passe à
l’état supercritique (entre liquide et gaz). Il acquiert alors un fort pouvoir extractant. On le
sépare ensuite de l’extrait en le refaisant passer à l’état gazeux en fin de cycle. Le composé
extrait est alors récupéré sous forme liquide ou pâteuse.
Le grand avantage de cette technique est que le gaz carbonique est un gaz naturel, non
toxique, incolore, insipide et inerte chimiquement. De plus elle apporte une meilleure
sélectivité par rapport à l’extraction par solvants organiques. Cependant, une telle méthode de
production nécessite de lourds investissements au niveau infrastructure et équipement [14].
Les colorants se retrouvent sur le marché sous différentes formes : liquide, en poudre, en
granulés ou en sachet hydrosoluble. Selon le type d’aliment à colorer, l’industriel choisira tel
ou tel type de forme de colorant c'est-à-dire celle qui évitera au mieux tout risque de
contamination croisée lors de sa mise en œuvre.
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Les colorants jaunes
b. Stabilité des colorants
Le produit obtenu doit avoir un pouvoir colorant sûr, stable, reproductible, fidèle et efficace.
Des quantités faibles doivent être utilisées afin d’avoir une solubilité et une fixation correcte
aux molécules alimentaires [3]. La stabilité des colorants est dépendante de différents facteurs
comme la lumière, le pH, la chaleur et l'activité d'enzymes.
Les colorants alimentaires les plus instables sont les pigments naturels qui sont
particulièrement sensibles à la composition de l’aliment, aux conditions du procédé et à
l’emballage. Les principaux facteurs qui interviennent sont les suivants :
-
La lumière : l’exposition à la lumière ou au rayonnement UV entraîne des
décolorations importantes par modification au niveau des doubles liaisons (curcumine,
caroténoïdes,…). Ceci affecte en particulier les boissons et les jus de fruits ; la nature
de l’emballage joue donc un rôle prépondérant.
-
Le pH : certains colorants comme les caroténoïdes et la curcumine ne sont pas
influencés. Pour les colorants affectés, les effets sont, outre un changement de couleur,
des dépôts à pH faible.
-
La chaleur : les caroténoïdes font partie des colorants les plus stables. En effet, ils
résistent à des températures pouvant aller jusqu’à 100°C.
-
Les oxydations enzymatiques : les enzymes (en particulier la polyphénoloxydase
responsable du brunissement des fruits [15]) ont pour effet de dégrader un certain
nombre de pigments particulièrement sensibles comme les caroténoïdes. Ces
oxydations sont le plus souvent catalysées par la présence d’ions métalliques bivalents
(fer, cuivre,…). L’activité des enzymes peut être inhibée par un traitement ou une
conservation à l’abri de l’oxygène [12].
c. Pureté des colorants
Pour qu’un colorant soit utilisable, il doit être exempt d'impuretés minérales et organiques,
résultant des procédés d'extraction ou de synthèse.
Les solvants utilisés lors d’une extraction par solvants organiques doivent bénéficier d’un
agrément international pour l’usage agroalimentaire. Les traces de solvant retrouvées dans le
colorant sont minimes, la majeure partie étant éliminée grâce à des techniques d’entraînement
à la vapeur d’eau et de mise sous vide poussé. Du fait du facteur de dilution, les traces de
solvant sont indétectables dans le produit fini.
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De plus, la législation impose des seuils limites quant aux produits secondaires pouvant être
retrouvés dans le colorant.
Pour les impuretés minérales, un colorant ne doit pas comporter plus de :
- 5mg/kg d’arsenic et 20mg/kg de plomb.
- 100mg/kg, pris isolément, d'antimoine, de cuivre, de chrome, de zinc, de sulfate de
baryum, ou plus de 200mg/kg pour l'ensemble de ces produits.
- 0% de cadmium, mercure, sélénium, tellure, thallium, uranium, chromate, ou de
combinaisons solubles du baryum [16].
Parmi les impuretés organiques, il ne doit pas y avoir dans les colorants :
- de betanaphtylamine, de benzidine, d’aminodiphényle et dérivés
- d'hydrocarbures aromatiques polycycliques
- pas plus de 0,01% d'amines aromatiques libres, pour les colorants organiques de
synthèse
- pas plus de 0,5% de produits intermédiaires de synthèse autre que les amines
aromatiques libres, pour les colorants organiques de synthèse
- pas plus de 4% de colorants accessoires (isomères, homologues) pour les colorants
organiques de synthèse [17].
3. Valorisation des pigments naturels
Les grands groupes adoptent de plus en plus une stratégie globale visant à valoriser les
pigments d'origine naturelle tout en élargissant leurs champs d'application. Cette stratégie
répond à la demande du client qui plébiscite les valeurs naturelles.
Les colorants ne sont pas non plus épargnés par les pressions "anti-OGM". La mise au point
de leur formulation implique l'utilisation de substituts des dérivés du soja, huile et lécithine, et
de maïs, maldodextrines, traditionnellement utilisés comme supports et émulsifiants des
pigments naturels. C’est ainsi que la société Overseal Food, comme d'autres grandes
entreprises (dont le leader Warner Jenkinson), a entièrement reformulé sa gamme de colorants
en 1998, tous les produits d'origine naturelle étant désormais disponibles sans OGM.
De ce point de vue, les colorants de synthèse sont concurrencés par des extraits végétaux,
sous la forme de jus concentrés, obtenus sans extraction sélective. Leur fonction est de
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Les colorants jaunes
colorer, mais ils sont considérés non pas comme des additifs, mais comme un ingrédient à
part entière, et ils ne sont ni synthétiques, ni génétiquement modifiés.
A côté de ce "100% naturel", on remarque une émergence des colorants ayant des qualités
nutritionnelles. Cependant, si les fournisseurs de colorants peuvent mentionner à leurs clients
les avantages nutritionnels de leurs produits, ces derniers ne peuvent en aucun cas faire
mention d'une quelconque allégation santé, ni utiliser ces arguments dans leur message
marketing [18].
III. Toxicité et réglementation
La première législation au sujet de l’utilisation des colorants dans l’alimentation a été votée
aux Etats-Unis en 1906. Elle autorisait l’utilisation de seulement 7 colorants. En effet, avant
cette date, certains colorants servaient à teindre aussi bien les vêtements que les produits
alimentaires. Actuellement la communauté européenne autorise 11 colorants alimentaires
synthétiques. Depuis 1960, des examens toxicologiques sont effectués régulièrement sur
chaque colorant afin d’exclure tout risque pour la santé du consommateur [5].
1. Une législation spécifique
a. Les décrets
Un véritable marché unique pour les produits alimentaires ne peut exister sans une
harmonisation des règlements relatifs aux conditions d’utilisation d'additifs. En 1989, la
Communauté européenne a adopté une Directive général, la directive 89/107/EEC, exposant
les critères d’évaluation des additifs, ainsi qu’une directive technique spécifique, la directive
94/36/EEC, concernant les colorants destinés à être employés dans les denrées alimentaires
(publié au JOCE L237 du 10 septembre 1994 p.13 à 29). Cette directive établit la liste des
colorants pouvant être employés (selon le principe de la liste positive), les produits
alimentaires dans lesquels ils peuvent être ajoutés, leurs concentrations maximales et la pureté
exigée [2].
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Les colorants jaunes
Cette législation se base sur l’innocuité des colorants, déterminée par des scientifiques.
L'innocuité signifie montrer l’absence de toxicité à long terme sur deux espèces animales à
des doses au moins 100 fois supérieures à celles à revendiquer. Il faut aussi attester par des
études de métabolisme, l’absence d’effet secondaire d’ordre nutritionnel ou digestif. Tous les
colorants alimentaires sont tenus sous observation permanente après leur autorisation et
peuvent être réévalués dès que l’évolution des connaissances scientifiques la rend nécessaire
[3]. Le jaune solide et la chrysoïne S sont des exemples de colorants jaunes autorisés en
France puis retirés de l’industrie agroalimentaire suite à un arrêté du 24/08/76 [16]. Cet arrêté
a été établi sur une recommandation du conseil supérieur d’hygiène publique de France et
l’académie nationale de médecine.
La directive CEE visant les colorants prévoie l’obligation d’étiquetage des emballages, avec
obligatoirement le n°CEE du colorant ou le nom spécifique, précédé par la mention
"colorant". La mention "sans colorant" n'est pas une mention obligatoire, mais elle doit être
justifiable rigoureusement par le cahier des charges [19].
b. Les dérives
Une enquête de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et
de la Répression des Fraudes) a montré que sur 36 échantillons prélevés dans des confiseries
et analysés, 19 ont été reconnus conformes (C), 2 à suivre (AS), 13 non conformes (NC) (voir
Tableau n°4). Les fabricants qui dépassent les limites fixées obtiennent ainsi une
marchandise plus séduisante et exercent de la sorte une concurrence déloyale à l’égard des
entreprises qui respectent la réglementation.
Le taux de non conformité élevé (38 %) est essentiellement dû à des teneurs en colorants
synthétiques dépassant les seuils autorisés par l’arrêté du 2/10/97, à la présence de E127 non
autorisé dans les bonbons et à l’absence sur l’étiquetage de certains colorants retrouvés à
l’analyse. Ainsi, malgré une réglementation stricte, certaines entreprises ne tiennent pas
compte de ces directives. Les produits étant cependant très contrôlés, les dérives sont
détectées très tôt et les entreprises sont sanctionnées en fonction de leur faute [21].
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Les colorants jaunes
Echantillon
Conclusion
Interprétation
billes chewing-gum
non conforme(NC)
Teneur en E124 supérieure à 50 mg/kg
Teneur en E110 supérieure à 50 mg/kg
Mures Espagne
NC
Confiture enfantine cœur de
poudre
Roujalangine Irlande
NC
Confiserie fraise
A suivre (AS)
Bonbons gélifiés finis
Espagne
NC
Pâtes de fruits frites
NC
P’tit gélifiés
Confiserie boule réglisse
Bonbons assortis
Bonbons citrons oranges,
olives vertes et noires
Fraises confiserie Espagne
AS
NC
NC
Confiserie fourrée au cacao
NC
NC
NC
NC
Teneur en E122 supérieure à 50 mg/kg
Teneur en E124 supérieure à 50 mg/kg
Présence de E127 interdit dans ce produit
colorants trouvés différents de ceux annoncés
Teneur en E122 supérieure à 50 mg/kg
Présence en faible quantité de E104 non
annoncé sur l’étiquetage
Présence de E102 non annoncé sur
l’étiquetage
Teneur en E124 supérieure à 50 mg/kg
Teneur en E110 supérieure à 50 mg/kg
Teneur en E104 supérieure à 300mg/kg
Teneur en E124 supérieure à 50 mg/kg
Présence de E127 interdit dans ce produit
Présence de E102 non annoncé sur
l’étiquetage
E122 et E129 non indiqués sur l’étiquetage
Teneur en E124 supérieure à 50 mg/kg
Teneur en E110 supérieure à 50 mg/kg
Teneur en E124 supérieure à 50 mg/kg
Teneur en colorants supérieure à 300 mg/kg
Praline amande fine
NC
Bonbons banane
NC
Légende : AS : à suivre
NC : non conforme
Bonbons banane : produit ayant une teneur non conforme en colorant jaune
Tableau n°4 : Confiseries non conformes à la réglementation sur la teneur en colorant
2. Des additifs nocifs
a. Des risques d’intolérance
Depuis 1978, le dossier toxicologique des colorants autorisés a fait l’objet d’attentions
particulières et d’évaluations régulières, notamment de la part du JECFA (FAO/OMS) et du
Comité scientifique de l’alimentation humaine (UE) qui ont publiés des monographies et des
rapports à ce sujet [3].
Les additifs en général sont responsables d’intolérance et non d’allergies, sauf dans certaines
observations de réactions adverses aux sulfites, aux glutamates et au rouge de cochenille. Les
mécanismes les plus fréquents des réactions adverses aux colorants sont une inhibition de la
cyclo-oxygénase ou une inhibition de la libération de neurotransmetteurs, qui entraînent des
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Les colorants jaunes
symptômes allergiques classiques [17]. La prévalence de ces intolérances aux additifs semble
avoir été antérieurement surestimée. Actuellement elle est évaluée entre 0,02 et 1,5% de la
population totale.
Des réactions à la tartrazine ont été rapportées chez des individus. Les symptômes
comprennent des éruptions cutanées, une congestion nasale et de l’urticaire, bien que
l'incidence soit très faible (1-2 personnes sur 10 000). La tartrazine a parfois provoqué de
l'asthme chez des individus sensibles, mais plus généralement, les scientifiques ont pu
montrer qu'elle induit des allergies chez les sujets qui réagissent à l'aspirine. Très rarement,
des réactions allergiques (avec IgE) ont été rapportées pour le carmin [2] [17].
Dans une étude regroupant plusieurs centres de recherche, l’hypersensibilité à la tartrazine
s'est avérée très rare. Parmi 168 patients présentant une intolérance à l’aspirine bien
documentée, seules quatre réactions positives ont été mises en évidence pendant les tests de
provocation. De même, dans une autre étude, pas un seul cas d'intolérance à la tartrazine n'a
été trouvé parmi 44 malades [20]. Cette étude montre donc que l’effet allergique de la
tartrazine n’est pas encore démontré.
En plus de la tartrazine, le jaune-orangé S et le jaune de quinoléine sont eux aussi susceptibles
d'induire des allergies [4].
b. L’hyperactivité et les colorants
Dans les années 70, quelques chercheurs ont suggéré que les changements des habitudes
alimentaires ont coïncidé avec une hausse du nombre d'enfants présentant des troubles du
comportement. L'idée selon laquelle les additifs alimentaires et les colorants en particulier
pouvaient être liés à l'hyperactivité a suscité beaucoup d'intérêt et une controverse
considérable. Plusieurs études scientifiques n'ont trouvé aucune association entre les additifs
alimentaires (et les colorants en tête) et les troubles du comportement ou l'hyperactivité. Les
scientifiques ne conseillent pas de thérapie des troubles du comportement avec des régimes
alimentaires excluant tout colorant. Cependant certains colorants, essentiellement
synthétiques, comme la tartrazine ou le jaune-orangé S, sont toujours suspectés d'être à
l'origine de l'hyperactivité [2].
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Les colorants jaunes
c. Des molécules cancérigènes présumés
Depuis 20 ans, les liens existants entre consommation alimentaire et cancers font l’objet d’un
très grand intérêt de la part des chercheurs et du grand public. Cependant les relations de
cause à effet entre les colorants et certains cancers ne sont pas encore toutes clairement
établies. Les vastes études épidémiologiques en cours dans plusieurs pays devraient apporter
de nouvelles preuves dans les années qui viennent.
Toutefois, quelques colorants sont déjà considérés comme étant cancérigènes par certains
scientifiques, comme c'est le cas de la tartrazine (E 102), du jaune de quinoléine (E 104) ou
du jaune orangé S (E 110) qui sont interdits en Australie et aux Etats-Unis. Le Centre
international de recherche sur le cancer classe ces substances parmi celles pour lesquelles
l’innocuité en matière de cancérogénécité pour l’homme n’a jamais pu être établie, et il est
démontré que le jaune orangé S provoque à fortes doses des tumeurs rénales chez l’animal.
Comme tous les colorants azoïques, le jaune orangé S peut aussi contenir des résidus de
substances cancérigènes comme certaines amines aromatiques [9]. Cependant des travaux
démontrent que la carcinogenèse azoïque est due à des dérivés liposolubles, interdits dans
l'alimentation, et aucune action cancérigène n'a été mis en évidence pour les colorants
azoïques hydrosolubles. De plus, quelques expériences ont montré la formation de tumeurs
lors de traitement à la curcumine. Ce sont ces observations qui ont rabaissé la DJA à 1mg/kg.
Les effets mutagènes des colorants ont été recherchés sur Escherichia coli, en vain, par de
nombreux scientifiques. Dans une large gamme de dose, les produits autorisés en France n'ont
montré aucun effet mutagène, à l'exception de l'érythrosine [3].
Le débat sur le potentiel carcinogène des colorants n'est donc toujours pas clos et les résultats
des nombreuses études en cours sont vivement attendus.
3. Dose journalière admissible (DJA)
a. Définition
La Dose Journalière Admissible (DJA) est une estimation de la quantité d'un additif
alimentaire, exprimée sur la base du poids corporel, qui peut être ingérée quotidiennement
toute la vie sans risque appréciable pour la santé. Ce dernier terme signifie dans la pratique,
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Les colorants jaunes
qu’au stade actuel des connaissances, aucun n’effet toxique ne peut-être attribué à l'additif
concerné pour ce niveau d’exposition. La DJA est exprimée en mg/kg/j [2].
b. Les institutions concernées
Au niveau de l’Union Européenne, les additifs approuvés par la législation actuelle ont tous
été évalués par le Comité Scientifique de l'Alimentation Humaine (CSAH) et leur inclusion
dans une directive appropriée a été approuvée par chacun des Etats membres. Seuls les
additifs évalués par le CSAH reçoivent un nombre E. Actuellement, une nouvelle norme
appelée la Norme Générale pour les Additifs alimentaires (GSFA) est rédigée par la
Commission du Codex Alimentarius, pour déboucher sur une norme harmonisable, réalisable
et indiscutable sur le plan international, qui facilitera ainsi les échanges commerciaux [2].
c. Les critères d’établissement de la DJA
Les critères généraux pour l'utilisation des additifs alimentaires exposés dans les directives
européennes stipulent que les additifs sont approuvés seulement s'ils apportent la preuve de
leur innocuité pour la santé humaine aux doses proposées.
Les essais toxicologiques incluent des études à long terme et transgénérationnelles pour
déterminer comment l'additif est métabolisé par l’organisme et évaluer ainsi tous les effets
toxiques potentiels. Le point de départ pour établir la DJA est la détermination d’une Dose
Sans Effet (DSE) chez l’espèce animale la plus sensible. La DSE est donc la dose en dessous
de laquelle aucun effet défavorable n'a été observé dans les études. La DJA est la DSE divisée
par un facteur de sécurité, habituellement de 100. Cette marge de sécurité est nécessaire étant
donné que la fiabilité des tests toxicologiques est limitée par le nombre d' animaux testés et
qu'ils ne rendent pas compte des différences de sensibilité entre l'homme et l'animal et entre
les sous-groupes de la population humaine (enfant, personne âgée ou malade). En raison de la
grande marge de sécurité attribuée à la DJA, il est fort probable que pour dépasser la DJA
d’un additif donné, il faille consommer des quantités considérables (et rarement atteintes) de
l’aliment qui le contient pour poser un réel problème pour la santé [2] [22].
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Les colorants jaunes
Nom usuel
D.J.A (en mg/kg)
Effet(s) sur la santé
E 100
Curcumine
Aucune
A forte dose, stimule les
sécrétions biliaires
E 101
Riboflamine
Aucune
Bénéfique
E 141
Xanthophylles
Aucune
E 151
Or
Aucune
E 160
E 161
Caroténoïdes
Lutéine
5
Non attribuée
Sans effets
Risque de perturbation de la
formule sanguine
Effets bénéfiques
Effets bénéfiques
E 102
Tartrazine
7,5
Effets controversés
E 104
Jaune de
quinoléine
0,75
Supposé cancérigène ;
interdit en Australie, U.S.A
E 110
Jaune-orangé S
2,5
Supposé cancérigène ;
interdit en Australie, U.S.A
Tableau n°4 : Dose Journalière Admissible et effets sur la santé
des colorants utilisés en France
4. Des effets bénéfiques sur la santé
Les colorants possèdent également des effets bénéfiques. Les caroténoïdes sont notamment
des pièges de radicaux libres, entités chimiques extrêmement réactives attaquants, chez
l’homme, de nombreuses biomoléculaires (lipides, protéines, ADN). Ces attaques radicalaires
participent au vieillissement cellulaire et au développement de maladies dégénératives
(maladies cardiovasculaires et cancers) [24].
Des données épidémiologiques mettent en avant les effets protecteurs des fruits et légumes
riches en pigments vis-à-vis des maladies cardiovasculaires et des cancers. Divers
mécanismes de protection au niveau des différentes phases de cancérogenèse ont été montrés
in vitro en présence de caroténoïdes, ainsi que chez l’anima après un régime enrichi en ces
pigments. Cependant à des doses pharmacologiques, des effets contraires (pro-oxydants) ont
été rapportés. Des travaux sont en cours (département Nutrition de l’INRA et INSERM) afin
de préciser le rôle nutritionnel de ces pigments [4].
Des études récentes montrent des effets bénéfiques sur la santé de certains colorants naturels
tels que les caroténoïdes. La propriété la plus connue de la lutéine est la prévention de la
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Les colorants jaunes
dégénérescence maculaire provocant des cataractes. La curcumine quant à elle aurait des
propriétés digestives et protégerait contre les effets oxydatifs [4].
La riboflavine est une vitamine dont le rôle physiologique est connu. Elle rentre dans la
constitution des nucléotides libres FMN et FAD et participe à ce titre aux phénomènes de la
respiration et de la phosphorylation oxydative. Le besoin est d’environ 1,5 mg (0,55 mg/1000
kcal) mais en utilisation thérapeutique on peut atteindre 30 mg / jour et aucune intolérance n’a
été signalée [3].
Des études récentes ont montré chez certains colorants des effets inhibiteurs sur l'apparition
de cancer. La curcumine est en effet efficace pour inhiber la cancérogénèse chimique chez le
rat, et il a été montré qu'elle protégeait ainsi bien plus efficacement que les antioxydants. Bien
que le mécanisme de la curcumine au niveau nucléaire est encore mal connu, la molécule fait
déjà l'objet de nombreux essais thérapeutiques en vue de son utilisation en chimiothérapie
pour le traitement de certains cancers [3].
De même pour la tartrazine, pourtant synthétique, des effets inhibiteurs sur la formation de
cancers ont été montrés, notamment une réduction de 50% de la formation de Papilloma chez
les souris. Ainsi, la tartrazine est un inhibiteur potentiel de la formation de tumeurs de la peau
[23].
Ces études, importantes pour la médecine, pourront peut être changer la vision des
consommateurs sur les colorants.
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Les colorants jaunes
Conclusion
L’utilisation des colorants n’est pas essentielle, elle est plutôt due à un réflexe psychologique
associant une couleur à un goût, et sa contestation peut être permanente. Cependant, nos
habitudes alimentaires ayant toujours été liées aux couleurs, on peut se demander si à force,
les colorants ne sont pas devenus indispensables. Ces colorants ont d’ailleurs été utilisés dans
les produits alimentaires depuis des siècles. Toutefois, leur utilisation est soumise à des règles
fixes qui limitent le nombre autorisé, ce qui permet de mieux contrôler les effets qu'ils
peuvent avoir.
De plus, l'économie des colorants jaunes, synthétiques ou naturels, est très importante, du fait
de leur utilisation courante. D'un point de vue toxicologique et sécurité alimentaire, les
colorants autorisés se sont montrés exempts de toute toxicité, à part un faible risque
d'intolérance, et leurs effets carcinogénétiques n'ont pas été démontrés, ce qui ne signifie pas
qu'ils sont sans risques. Mais il serait peu réaliste d'exiger l'interdiction de l'emploi de tout
colorant sous prétexte d'un risque incertain de toxicité à long terme. Les études en cours ont
par ailleurs tendance à révéler des effets bénéfiques de certains colorants ce qui pourrait à
l'avenir changer la perception qu'en ont les consommateurs.
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Les colorants jaunes
Bibliographie
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par le groupe des Verts au Parlement européen Édité par le CEFE, p152.
[10] Santé pratique, Dossier : les additifs alimentaires
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[11] DENIL M., LANNOYE P., Guide des additifs alimentaires, Editions Frison-Roche,
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[12] ADRIAN J., POTUS J., FRANGNE R., La science alimentaire de A à Z, 3ème édition,
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volume 81, mai 2003, p.35-50.
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[19] DE BROSSES A., L’étiquetage des denrées alimentaires, Dunod, tome1, p321, 2002.
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(consulté le 27/01/2004)
[21] http://www.finances.gouv.fr/DGCCRF/activites/labos/2000/colorantsconfis.htm
(consulté le 20/12/03)
[22] MOLL M., MOLL N., Additifs alimentaires et auxiliaires technologique, 2ème édition,
Dunod, p.315, 1998.
[23] GOVIND J., HARUKUNI T., RAJAGOPALAN S., VENKATARAMAN B., JUNKO
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activity of synthetic colorants used in foods, pharmaceuticals and cosmetic preparations,
Cancer Letters, volume 129, 3 juillet 1998, p.87-95.
[24] Arômes, additifs, ingrédients n°43, p.38-47, décembre 2002, Dossier colorants,
"colorants : une palette d’innovation."
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Les colorants jaunes
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Les colorants jaunes
Denrées alimentaires pour lesquelles les colorants ne sont pas autorisés
(Liste provisoire, non exhaustive de 1994)
Annexe n°1
denrées alimentaires non transformées
1. eaux en bouteille ou conditionnées
2. lait, demi-écrémé, pasteurisé ou stérilisé, non aromatisé
3. lait chocolaté
4. laits fermentés non aromatisés
5. laits de conserve non aromatisés
6. lait battu et babeurre non aromatisés
7. crème et crème en poudre aromatisées
8. huiles
9. œufs
10. farines et autres produits de minoterie, amidons et fécules
11. pains et produits apparentés
12. pâtes alimentaires et gnocchi
13. sucres y compris les mono et les disaccharides
14. purées et conserves de tomates
15. jus et nectars de fruits tel que défini par la directive 75/726/CEE, jus de légumes
16. confitures extra, gelées extra, crèmes de marrons, crèmes de pruneaux
17. produits de cacao et composants du chocolat dans les produits à base de chocolat
18. café torréfié, thé, chicorée, extraits de thé et de chicorée, préparation de thé, de
plantes, de fruits et de céréales pour infusion ainsi que les mélanges et préparation
instantanées de ces produits
19. sel, produits de substitution du sel, épices et mélanges d’épices
20. vins
21. vinaigre de vin
22. aliments pour nourrissons et jeunes enfants
23. miel
24. malt
25. beurre à base de lait de brebis et de chèvre
Source : LASSERRE Y., Les colorants dans les boissons, Les éditions du CFCE, p.19.
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Exemples de produits contenant des colorants jaunes
Annexe n°2
Exemple n°1 : Crème dessert contenant de la riboflavine
Exemple n°2 : Boisson contenant de la curcumine
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Exemple n°3 : Yaourt aux fruits contenant de la lutéine
Exemple n°4 : Bonbons contenant du jaune de quinoléine (E 104)
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