4. L’humanité d’un roman épique
Entretien avec Karine Birgé qui cosigne le spectacle.
Qu’est-ce qui vous a attirée dans Les Misérables ?
Karine Birgé : L’adaptation des Misérables ou par le passé
de Carmen et Madame Bovary participe de coups de foudre
pour une œuvre et non de la recherche de classiques à
transposer. Le roman fleuve de Victor Hugo s’apprécie pour
le flamboiement des passions sur la trame palpitante d’un
thriller, le combat des forces travaillant pour le Bien contre
celles dévolues à l’injustice et à l’exploitation d’autrui, la
dimension mystique ainsi que les personnages mythiques
qui sont des figures quasi allégoriques, antithétiques dans
le cas de Jean Valjean.
C’est toute la dimension humaine et politique que renferme
Les Misérables qui se veut une véritable auscultation de la
société de son temps. Nous voulions rendre la dimension
épique et profondément humaine de ce grand poème
dressant les maux auxquels se plient les « misérables », qui
engendrent un enfer sur terre que décrit Hugo dans sa
courte préface datée du 1er janvier 1862 et que le spectacle
reproduit en partie sous forme d’épilogue. C’est un drame de l’asservissement qui n’a rien perdu
de son acuité et est étrangement baigné d’une fantastique lumière de vie et de fraternité jusque
dans la mort, comme en témoigne le destin du garçon des rues, Gavroche.
Si Les Misérables est le livre du grand prophète républicain, de l’exilé irréconciliable, un
tête-à-tête aussi avec Dieu et l’Océan, c’est d’abord un texte-barricade posé entre les deux
monarchies restaurées et les deux Empires, entre la Révolution et la République née de
l’échec d’une insurrection. Cette dimension de barricade, vous la convoquez dès l’abord
avec un texte scandé au mégaphone.
C’est un drapeau rouge fait de vieilles chaussettes. Sommes-nous ainsi porteuses d’un idéal de
Révolution qui se dit au féminin, mettant en avant le rôle des Femmes en 1848 et au-delà ? A
chacun d’ajuster son imaginaire et son regard à cette image. Les Misérables, c’est de l’idéal plein
de fracas, d’espérances déçues, et malgré tout d’optimisme, d’utopie tenue à bout de bras dans un
élan résistant. On y retrouve l’esprit de ces lignes du roman-fresque Les Rouges signé Pascal
Fautrier sur la gauche révolutionnaire française : « En moi, ça résiste à tout la "conscience de
gauche". Comme une ritournelle, comme les souvenirs d’un très ancien amour. »
Concrètement, il s’agit d’une création faite pour être vue de près et au lointain. Lorsque les petites
figurines en formes de santons représentant des petits métiers sont utilisées, nous y avons mis
beaucoup de personnages féminins. Ces femmes figurines viennent parfois de loin comme au
Les Misérables