Le « Made in France » à l`épreuve de la mondialisation

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IEP de TOULOUSE
Le « Made in France »
à l'épreuve de la mondialisation
Mémoire préparé sous la direction de M. Alexandre MINDA
Présenté par Mlle Hélène MANQUEST
Année universitaire 2014/2015
1
Merci à Richard Gabry et Robert Rochefort pour m'avoir consacrée un peu de leur temps
lors d'un entretien,
merci à tous ceux qui ont bien voulu répondre à l'enquête de consommation,
merci à M. Alexandre Minda pour sa disponibilité et son encadrement,
merci à tous ceux qui ont, directement ou indirectement, contribué à la réalisation de ce
mémoire.
2
Sommaire
Introduction............................................................................................................................4
I- Le « Made in France », une expression qui reste à définir...............................................14
A) De nombreuses appellations plus ou moins formelles...............................................14
B) Une définition rendue complexe dans une économie mondialisée.............................25
C) L'hétérogénéité des « Made in » étrangers.................................................................34
II – L'indispensable nécessité de produire en France...........................................................43
A) Un effet d'entraînement sur toute l'économie française .............................................43
B) Promouvoir le Made in France pour lutter contre les délocalisations........................52
C) La « marque France » à l'international.......................................................................58
III- Consommer « Made in France » en réponse à la mondialisation..................................66
A) Une réelle attente des consommateurs.......................................................................66
B) L'émergence du consomm'acteur................................................................................74
C) Les freins de la consommation favorisant l'origine....................................................82
Conclusion............................................................................................................................90
Annexes................................................................................................................................93
Bibliographie......................................................................................................................114
Table des matières..............................................................................................................122
Résumé...............................................................................................................................124
3
Introduction
Jeudi 18 octobre 2012 : la Une du Parisien Magazine fait grand bruit dans les
médias. Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif dans le
gouvernement de Jean-Marc Ayrault, y apparaît en marinière bretonne Armor Lux sur fond
tricolore, un robot ménager Moulinex en main et une montre Michel Herbelin pimpante au
poignet. Sous la photo, le titre de la couverture attire le regard : « Le Made in France, il y
croit, on l'a testé »1. Les jours suivants, les fins commentateurs de la vie politique et
économique en France ont soit raillé, soit félicité l'audace du ministre récemment nommé 2.
La photo surprend en effet : l'apparence décontractée, voire publicitaire, détonne avec le
sérieux de la fonction du photographié. Jamais, peut-être, un ministre de la République
française n'aura autant payer « de sa personne et même de ses vêtements »3 pour défendre
la production française. Pour attirer l'attention sur cette « cause nationale qui concerne tous
les Français »4, le ministre n'a pas hésité à utiliser la surprise et même l'humour.
Cependant, le sujet n'en reste pas moins sérieux et vital pour la société française dans son
ensemble : «Voici la Bataille du Made in France, une bataille décisive, un défi à relever et à
enlever, un projet de mobilisation de la Nation toute entière», écrit le ministre du
Redressement productif dans les premières lignes de son livre La Bataille du Made in
France5. Le ton est grandiloquent mais sans doute adapté à l'ampleur de la tâche :
« Réindustrialiser notre pays, produire à nouveau sur notre territoire, faire sortir de France
les nouvelles technologies de leadership mondial, créer des centaines de milliers d'emplois
nouveaux, s'organiser pour défendre nos savoir-faire industriels »6. En effet, quelques
chiffres seulement montrent la situation critique de l'économie française : plus de 5
millions de chômeurs, un déficit budgétaire supérieur à 4%, un déficit commercial autour
1 Cf Annexe 1.
2 Arnaud Montebourg a été ministre du Redressement productif du 16 mai 2012 au 25 août 2014, date où il
démissionne du gouvernement.
3 Réaction du président de la République, François Hollande, lors du Conseil européen du 18 octobre 2012.
http://lci.tf1.fr/videos/2012/hollande-tres-bien-que-hollande-paye-de-sa-personne-et-meme-de7596199.html
4 Interview à BFMTV d'Arnaud Montebourg et Yves Jégo., 18/06/2015.
http://www.bfmtv.com/politique/pour-montebourg-le-made-in-france-est-une-cause-nationale895777.html
5 Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, Paris : Flammarion, 2013, p.9.
6 Ibid., 4ème de couverture.
4
des 4 milliards d'euros par mois et une croissance nulle7.
Face à cet immense défi, la Une du Parisien Magazine paraît alors bien anecdotique.
Pourtant, elle est, malgré elle, révélatrice de deux problématiques majeures constamment
sous-tendues à la question du « Made in France ».
« Made in France »
Tout d'abord, le terme même de « Made in France » pose problème. Pourtant au
cœur du débat -il apparaît dès le titre de la Une-, il n'est jamais clairement défini. Signifiet-il un produit 100% fabriqué en France comme la plus grande partie des Français
l'entend8 ? Au quel cas, aucun des trois produits présentés par Arnaud Montebourg sur le
papier glace du magazine ne sont « Made in France ». En effet, la marinière Armor Lux, le
mixeur Moulinex et la montre Michel Herbelin ne sont pas entièrement fabriqués en
France.
La marinière est au défenseur du fabriqué en France ce que le bonnet phrygien est au
révolutionnaire de 1789. Pourtant, celle-ci n'acquiert pas 100% de sa valeur ajoutée en
France. Certes, le modèle porté par le ministre sort des usines françaises de la marque
quimpéroise comme 40% de sa gamme de produit (45% étant fabriqué au Maghreb, 10%
en Europe de l'Est et 5% en Asie, permettant à Armor Lux de maintenir sa production en
France9) mais sa matière première essentielle, le coton, n'a pu être extraite de cultures
françaises. Aujourd'hui, en Europe, seules la Grèce, l'Espagne et la Bulgarie en cultivent
encore (cela représente 1% du marché mondial) 10. Armor Lux s'approvisionne en coton bio
d'Afrique de l'Ouest (Mali et Burkina Faso)11.
De même, le mixeur Moulinex, comme tout produit électroménager, utilise également des
matières premières inexistantes ou présentes de manière insuffisante pour l'exploitation
7 Visot Marie, Landré Marc, Lagoutte Christine, Pluyette Cyrille, "La vraie situation économique de la
France », Le Figaro, 7/11/2014. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/11/07/2000220141107ARTFIG00057-la-vraie-situation-economique-de-la-france.php
8 Cf Annexe 11 : 39% des sondés pensent que l'expression « Made in France » signifie un produit 100%
fabriqué en France (ou quasiment).
9 Salliou Sylvaine, « Les marinières d'Armor Lux sont-elles vraiment fabriquées en France ? », France 3
Bretagne, 23/10/2012. http://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/2012/10/23/armor-lux-124367.html
10 Site officiel de la Commission Européenne, page sur la culture du coton en Europe.
http://ec.europa.eu/agriculture/cotton/index_fr.htm
11 Bertrand d'Armagnac, « Quand l'Afrique de l'Ouest fournit du coton bio aux industriels bretons: Près de 5
000 cultivateurs maliens et burkinabés bénéficient, depuis 2008, d'un partenariat avec des marques
comme Armor Lux ou Dolmen », Le Monde, 12 juillet 2009.
5
industrielle sur le sol français tels le cuivre, la bauxite (servant à la production
d'aluminium), le latex (pour le caoutchouc), etc. Ces ressources ont soit jamais existé pour
des raisons géologiques ou climatiques, soit disparu à cause de leur caractère limité ou
inexploitable, ou encore face à la concurrence internationale.
Enfin, la Newport Yacht Club, montre griffée Michel Herbelin du nom de l'entreprise
familiale installée dans le Haut-Doubs, est loin d'être 100% « Made in France » elle aussi.
Peut-être même que les usines françaises n'ont pas contribué pour plus de 50% de sa valeur
ajoutée. En effet, Grégory Pons, spécialiste de l'horlogerie et éditeur du site
businessmontres.com, a révélé la provenance étrangère de plusieurs composants :
« Manque de chance : le mouvement à quartz de cette Michel Herbelin NewportYacht Club
est suisse (manufacture Honda), de même que son cadran et ses aiguilles. Son verre saphir
est suisse. Son boîtier et ses poussoirs ne sont pas suisses, mais pas français non plus »12.
En revanche, cette montre a bien été conçue et assemblée en France. Cela suffit-il pour être
considérée « Made in France » ?
Ces trois exemples montrent donc à quel point la définition de l'expression « Made in
France » est complexe. Il s'agit toutefois d'un enjeu important, à la base de toute politique
en sa faveur. Une définition absolue (100% « Made in France ») serait restrictive et
inappropriée dans le contexte actuel de mondialisation. Quel critère adopter alors ? La
nationalité de l'entreprise ? La nationalité n'indique pas l'origine d'un produit. En effet, il
est important de distinguer un produit « fabriqué en France » d'un produit français. La
nationalité fait référence au pays du siège social de l'entreprise tandis que l'origine renvoie
au(x) pays de production. Ainsi, un produit « fabriqué en France » (ou « Made in France »)
n'est pas toujours un produit français (par exemple, la Toyota Yaris est une voiture
japonaise produite en France, à Onnaing près de Valenciennes) et, à l'inverse, un produit
français n'est pas toujours un produit « Made in France » (par exemple, la Peugeot 107 est
une voiture française produite en République Tchèque)13.
Pourquoi le terme vague de « Made in France » est-il alors employé ? Il semble étonnant,
voire contre-productif, d'utiliser un terme anglais pour défendre les atouts de la production
française. Cependant, aujourd'hui, le terme « Made in France » reste largement plus utilisé
12 Pons Grégory, « Arnaud Montebourg en marinière : piégé par sa montre... pas si made in France »,
atlantico.fr 20/10/2012.
13 Crochet Pierre-Yves, « Votre voiture est-elle une Made in France », Sud Ouest, 9/08/2013.
http://www.sudouest.fr/2013/08/08/votre-voiture-est-elle-une-made-in-france-1136410-4736.php
6
que celui de « fabriqué en France ». Un constat facilement observable : le moteur de
recherche Google.fr affiche environ 58 800 000 résultats portant le terme exact « Made in
France » contre 834 000 résultats pour « fabriqué en France »14. Par ailleurs, l'utilisation
d'une expression anglaise exprime une subtilité supplémentaire : la réalité, désignée par
cette expression, est installée dans un processus mondial (l'anglais étant aujourd'hui la
langue la plus utilisée dans les échanges internationaux15). Pour ces deux raisons (sa
récurrence et sa dimension internationale), le terme « Made in France » sera privilégié à
d'autres termes synonymes (« fabriqué en France » ou « produit en France » par exemple)
dans ce mémoire. Cependant, il sera maintenu entre guillemets pour rappeler qu'il s'agit
d'une expression et d'un terme étranger.
Pour comprendre le recours à ce terme de langue anglaise dans les débats actuels, il faut
remonter à l'histoire de son utilisation. La désignation de l'origine d'un produit par un
« Made in » est apparue en Angleterre dès la fin du XIXème siècle. En 1887, le Parlement
britannique adoptait une loi, le Merchandise Marks Act, qui permettait d'arrêter, à la
frontière du royaume, les produits manufacturés se revendiquant faussement de fabrication
britannique. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est donc en Angleterre, patrie du
libéralisme, qu'est née la première loi protectionniste de contrôle des marquages d'origine.
En effet, cette loi avait principalement pour but de détourner les consommateurs des
produits allemands qui inondaient le marché intérieur. Le journaliste britannique, défenseur
de la préférence nationale, Ernest Edwin Williams, explique les raisons de l'échec de cette
politique. Le Marchandise Marks Act de 1887 devint en quelque sorte une publicité
involontaire pour le « Made in Germany » considéré comme « bon marché, bien que de
mauvaise qualité » (traduction de l'expression anglaise « cheap but nasty »)16.
Depuis, le « Made in China » a remplacé le « Made in Germany » d'alors et, de l'autre côté
de la Manche, de nombreuses autres propositions politiques encourageant la préférence
nationale ont vu le jour17. Par exemple, à l'élection présidentielle française de 1981,
Georges Marchais avait pour slogan « Produisons français ». Candidat du Parti
Communiste Français, il défendait les travailleurs qui ressentaient lourdement les
conséquences des chocs pétroliers de 1973 et 1979 sur l'économie française : accélération
14
15
16
17
Expérience effectuée le 24/08/2015 sur www.google.fr .
Crystal David, English as a global language, Cambridge : Cambridge University Press, 2003 (1997).
Williams Ernest Edwin, Made in Germany, Londres : W.Heinemann, 1896, pp.134-140.
De Villaines Astrid, « ''Made in France'', le slogan électoral que les candidats s'arrachent », lcp.fr,
2/02/2012. http://www.lcp.fr/actualites/politique/85453--made-in-france-le-slogan-electoral-que-lescandidats-s-arrrachent
7
des fermetures d'usines et chômage de masse. De l'autre côté de l'échiquier politique, le
Front National appelle aussi à un sursaut de la production française mais ici, les affiches du
parti précisent la nationalité de ces contributeurs : « Produisons français, avec des
Français ». En 1993, dans une nouvelle période de récession, l'Assemblée des chambres de
commerce et d'industrie (CCI) lance le slogan « Nos emplettes sont nos emplois » pour
mobiliser les divers acteurs économiques (producteurs, consommateurs et responsables
publics) sur la question du « Made in France ». La campagne n'aura pas grande incidence.
Face à l'ampleur des difficultés économiques françaises, la cause doit être portée au plus
haut niveau de l’État. En 2010, Nicolas Sarkozy, alors président de la République,
commande un rapport à Yves Jégo, député-maire centriste de Montereau-Fault-Yonne, pour
« définir les contours d'une nouvelle ''marque France'' qui permettent de répondre aux
insuffisances [du] label actuel dit ''Made in France'' »18. De ce rapport, intitulé En finir avec
la mondialisation anonyme, est né le plus abouti des labels actuels garantissant l'origine
française d'un produit : « Origine France Garantie ». L'élection présidentielle de 2012 mit
au cœur des débats nationaux la question du « Made in France ». François Bayrou
(Mouvement Démocrate), le premier, écrit dans son livre-manifeste 2012, état d'urgence
qu'« il faut et suffit que, chaque fois que nécessaire, sur les rayons, la transparence soit
établie sur la localisation de la production. Le label ''produit en France'' dira au
consommateur qu'il est engagé dans le produit, qu'il achète un peu pour lui-même, pour
son emploi, pour sa Sécu et sa retraite. Il ne s'agit nullement de protectionnisme, il s'agit de
transparence »19. Les autres candidats le suivirent sur ce thème en allant notamment visiter
des entreprises relocalisées : François Hollande dans l'usine Eolane de Monceau-les-Mines
(Saône-et-Loire) pour prouver son « patriotisme industriel » et Nicolas Sarkozy à
Sallanches (Haute-Savoie) chez le fabricant de ski Rossignol pour remettre le label Origine
France Garantie20. Le thème du « Made in France » a tellement marqué les esprits durant la
campagne qu'elle est restée un sujet important au cours du quinquennat du candidat
socialiste élu.
Ainsi, bien que le terme ne soit toujours pas défini précisément, le « Made in France » est
encore aujourd'hui au cœur des débats politiques (tous bords confondus), économiques et
sociaux en France. Il semble même prendre de l'importance avec l'affermissement de la
18 Lettre de mission du président de la République à Yves Jégo, En finir avec la mondialisation anonyme,
Paris : La Documentation française, mai 2010, p.7.
19 Bayrou François, 2012, état d'urgence, Paris : Plon, 2011, p.86-87.
20 De Villaines Astrid, « ''Made in France'', le slogan électoral que les candidats s'arrachent », op. cit.
8
mondialisation.
Soutenir le produire en France dans la mondialisation
Deuxièmement, la Une du Parisien Magazine est révélatrice de l'évolution du rôle
des responsables politiques dans l'économie de leur pays. En effet, Michel Debré,
Raymond Barre ou Jacques Delors, anciens ministres de l’Économie et des Finances, se
seraient-ils transformés en mannequins pour défendre le fabriqué en France à leur époque ?
Certainement non car ils avaient d'autres cartes à jouer pour influencer le système productif
français. Auparavant, lors des grandes crises économiques qu'a dues subir la France, l’État
avait pour rôle d'insuffler et de diriger les grands projets économiques du pays. Cela
s'appelle le dirigisme.
Jean-Baptiste Colbert, puissant ministre d’État et contrôleur général des finances de Louis
XIV, est le père de cette doctrine en France. Il fit construire de nombreuses manufactures
royales, qui pour certaines existent toujours, comme les manufactures des glaces
(aujourd'hui entreprise Saint-Gobain), de bas de soie, de savon, de tapisseries, de dentelles,
de rubans, de draps, de porcelaine et de tabacs 21. Ainsi, l'objectif était de mettre le royaume
« en état de se passer de recourir aux étrangers pour les choses nécessaires à l'usage et à la
commodité de nos sujets »22 et d'attirer les capitaux étrangers : « Si nos fabriques imposent
à force de soins la qualité supérieure de nos produits, les étrangers trouveront avantage à se
fournir en France et leur argent affluera dans les caisses du royaume »23.
Beaucoup plus tard, lorsqu'il fallut reconstruire la France d'après-guerre, le Général De
Gaulle aida à la reconstruction du paysage industriel français en développant les secteurs
d'avenir tels l'aéronautique en apportant son soutien au consortium européen Airbus,
l'espace en créant le Centre national d'études spatiales (CNES) et l'informatique avec le
Plan calcul qui devait favoriser l'utilisation des nouvelles techniques d'information et de
communication24. En 1946, il fondit également le Commissariat au plan qui, jusqu'en 2006,
réunissait les responsables économiques et politiques français pour définir les grandes
orientations économiques nationales.
A côté de ces deux grandes figures historiques, les œuvres d'Arnaud Montebourg
21
22
23
24
Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, op. cit., p.82-83.
Extrait du discours de Jean-Baptiste Colbert à a première réunion du conseil de commerce, 3/08/1664.
Ibid.
Site officiel de la Fondation Charles de Gaulle, rubrique « La modernisation de l'industrie».
http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/1958-1970-la-ve-republique/lamodernisation-de-l-economie/analyses/la-modernisation-de-l-industrie.php
9
paraissent bien dérisoires mais sont tout de même caractéristiques des politiques
économiques de son époque. L’État, aujourd'hui, incite plus qu'il ne dirige. En acceptant
d'être photographié ainsi, Arnaud Montebourg remplissait pleinement son rôle de ministre
en devenant l'ambassadeur du « Made in France » et en sensibilisant les producteurs et les
consommateurs sur ce sujet. Élie Cohen, économiste spécialiste de l'industrie, résume ce
changement de poids du pouvoir ministériel : « le stratège des grands projets colbertistes
s'est mué en défenseur sans moyens du patriotisme économique »25. Avec l'ouverture à
l'Europe et au monde, les gouvernements actuels ne peuvent sans doute pas prendre les
mêmes décisions que leurs célèbres prédécesseurs.
Ainsi, la mondialisation est concomitant au « Made in France ». En effet, cette dernière
n'est pas une question franco-française. Son jargon anglais, ses difficultés de définition et
de promotion montrent déjà, à eux seuls, son imbrication dans un processus plus global. Au
contraire, le « Made in France », c'est la question de la France dans le monde, de ses
relations, de son poids et de son influence dans la mondialisation.
La mondialisation désigne « le processus d’intégration qui résulte principalement de la
libération des échanges, de la libre circulation des biens et des personnes par le
développement des moyens de transport, et des mutations de l’économie par la diffusion
des technologies de l’information et de la communication à l’échelle planétaire. Elle se
manifeste par une interdépendance croissante des économies et par l’intensification de la
concurrence »26. Trois points essentiels sont à retenir de cette définition : la mondialisation
s'appuie sur les théories du libre-échange, la logique de flux est au cœur de son
organisation et la mondialisation bouleverse les relations entre économies nationales.
•
La mondialisation est le fruit de théories libérales développées depuis le siècle des
Lumières en Europe. Adam Smith, économiste britannique du XVIIIème siècle, est
l'un des pères fondateurs du libéralisme économique. Il fonde ses thèses sur le
principe de liberté dans les échanges commerciaux internationaux, qui, selon lui,
est la cause des richesses des nations : « Ces causes, à ce qu'il semble, sont la
liberté d'exporter, franches de droit, presque toutes les marchandises qui sont le
produit de l'industrie nationale à presque tous les pays étrangers, et la liberté
25 Cohen Élie et Buigues Pierre-André, Le Décrochage industriel, Paris : Fayard, 2014.
26 Dupeyrat Pascal, Mondialisation et patriotisme économique, Paris : Jacques Marie Laffont Editeur, 2015,
p.29-30.
10
illimitée de les transporter d'un endroit de notre pays à l'autre, sans être obligé de
rendre compte à aucun bureau public, sans avoir à essuyer des questions ou des
examens d'aucune espèce »27.
Par ailleurs, la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo est également à
la base du commerce international. Elle pose le principe suivant : un pays qui se
spécialise dans la production pour laquelle il a la productivité la plus forte ou la
moins faible, comparativement aux autres pays, verra ses richesses s’accroître 28.
Pour cela, un contexte commercial ouvert et libre-échangiste est nécessaire. Chaque
pays en tirerait profit. De très nombreux autres théoriciens du libéralisme (John
Stuart Smith, Friedrich Hayek, Karl Popper, Milton Friedman, …) ont construit le
socle idéologique sur lequel prospère la mondialisation actuelle.
Les grandes organisations internationales, tels l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), l'Organisation mondiale du commerce
(OMC), le Fond monétaire international et la Banque mondiale, ont établi, dans
leurs traités, un cadre réglementaire favorable à la libéralisation des échanges
internationaux. L'Union européenne a même un mode de construction et
d'intégration sui generis autour de la création d'un marché unique reposant
essentiellement sur la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux29.
•
Le
concept
de
mondialisation
dépasse
celui
d'internationalisation.
L'internationalisation désigne les échanges de biens et de services qui s'exercent
entre les nations depuis l'Antiquité. Plusieurs outils permettent de mesurer son
impact à l'échelle nationale comme la balance commerciale (les exportations moins
les importations) ou le taux de couverture (les exportations divisées par les
importations).
La mondialisation, quant à elle, diffère de par une ampleur et une nature qui
surpassent les États. En effet, ces dernières décennies, les chiffres du commerce
international décrivent des réalités impressionnantes : « après 1985, le commerce
mondiale a augmenté près de deux fois plus vite que la production. La croissance
du commerce a été en moyenne de 5,6% par an entre 1985 et 2011. Le PIB mondial
27 Smith Adam, La Richesse des Nations, Paris : GF Flammarion, 1999 (1776), p. 223-224.
28 Ricardo David, Principes de l'économie politique et de l'impôt, Paris : Guillaumin, 1847 (1817).
29 Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE), 1957, article 26, paragraphe 2 : «le marché
intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises,
des personnes, des services et des capitaux est assurée».
11
ayant augmenté de 3,1% en moyenne pendant cette période, on voit que la
croissance du commerce mondial a été supérieure d'environ 1,8 fois à celle de la
production. »30 ; le volume d'exportation effectuée chaque année s'élèverait à plus
de 14 000 milliards d'euros 31. De plus, la mondialisation porte sur de nouveaux
types de flux : les flux de facteurs, c'est-à-dire le capital et le travail. Ces deux
facteurs n'ont pas la même volubilité. Une étude du magazine Alternatives
Économiques met en évidence cela par quelques chiffres : « Les entreprises
bougent beaucoup : le stock d'investissements directs à l'étranger s'élevait à
l'équivalent de 35% du PIB mondial en 2013. […] Ce sont les devises qui
traversent le plus les frontières : les transactions annuelles sur le marché des
changes représentaient 18,5 fois le PIB mondial en 2013 ! Les hommes, eux
circulent beaucoup moins : 3% de la population mondiale vit dans un pays étranger.
Cependant, les flux humains sont bien plus importants : en 2013, près de 15% des
humains ont quitté temporairement leur pays. »32. Ainsi, le marché des capitaux n'a
plus de communes mesures avec le marché réel des biens et services, ni aucun lien
systématique désormais : « Le capital n’a plus à passer par le détour de la
production pour fructifier ; sa simple circulation engendre une création de capital
neuf », explique l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (Iris)33.
•
L'accroissement des échanges commerciaux apporte de nombreuses conséquences
positives (augmentation du PIB mondial, croissance et convergence des pays
émergents, garantie d'une certaine paix entre les nations 34, développement des
transports et des nouvelles technologies d'information et de communication, …).
Mais la mondialisation bouleverse également les économies et sociétés à travers le
monde. Elle exacerbe la concurrence entre économies très différentes (niveau de
vie, salaires, productivité, cadre réglementaire, etc.), elle facilite l'interdépendance
mais aussi parfois la dépendance entre pays due à un (quasi) monopole (par
30 Jara Alejandro et Low Patrick, Rapport sur le commerce mondial 2013, OMC, 2013, p.59.
31 Calcul effectué à partir des données suivantes : en 2013, les exportations françaises s'élevaient à 428
milliards d'euros ce qui représentaient 3% des exportations mondiales (cf chiffres de l'Insee).
32 « La mondialisation en chiffres », Alternatives Économiques, Hors-série n°101, avril 2014.
33 Posca Juila, « Qu'est-ce que la financiarisation de l'économie? », in Institut de recherche et d'informations
socio-économiques (Iris), 13/02/2013. http://iris-recherche.qc.ca/blogue/quest-ce-que-la-financiarisationde-leconomie
34 Montesquieu, De l'esprit des lois, Paris : Nourse, 1772, tome 1, livre XX, chapitre 2, p. 411 : « L'effet
naturel du commerce et de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent
réciproquement dépendantes : si l'une a intérêt d'acheter, l'autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions
sont fondées sur les besoins mutuels ».
12
exemple, pour le gaz russe et le pétrole des membres de l'Organisation des Pays
Exportateurs de Pétrole OPEP) et ainsi, favorise les inégalités entre pays et entre
individus35.
La mondialisation remet également en question la place des États-nations dans
l'organisation du monde. Avec l'émergence de nouveaux acteurs placés au-dessus
des
États
comme
les
firmes
multinationales,
les
organisations
non-
gouvernementales, voire l'Union européenne, les États ne semblent plus avoir le
contrôle de leurs propres affaires. En effet, la mondialisation pousse à l'effacement
des frontières, au brassage des peuples et à l'uniformisation des lois et des cultures.
Cependant, les populations de plus en plus critiques vis-à-vis de la mondialisation
cherchent des solutions pour préserver leur identités.
La France, comme tous les pays du monde, est donc mise en branle par ces
phénomènes. Et qu'en est-il du « Made in France » à l'épreuve de la mondialisation ?
Qu'est-ce qu'un produit «Made in France » quand les processus de production sont éclatés
à travers le monde?
Grâce au développement des moyens de transport et à la diffusion des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, produire à l'autre bout de la planète
est abordable, pourquoi faudrait-il encore produire en France ? Est-il même encore
possible de produire en France tout en restant compétitif ?
Dans quelles mesures les produits « Made in France » sont compétitifs à l'export ?
Sur le marché intérieur, rencontrent-ils une attente de la part des consommateurs ?
Autrement dit, est-il vain de promouvoir le « Made in France » dans un contexte
mondialisé ?
Ce mémoire tâchera de répondre (ou au moins d'ouvrir les éléments du débat) à toutes ces
problématiques. Ainsi, après avoir démontré les difficultés d'une définition adaptée au
contexte mondialisé, le « Made in France » sera abordé sous l'angle de la production et
enfin de la consommation.
35 « Le cumul des évolutions internes et internationales entraîne une augmentation des inégalités mondiales,
entre les plus pauvres et les plus riches à l'échelle mondiale. Les mécanismes de marché qui structurent la
mondialisation rejettent en dehors du processus les pays les plus pauvres. », Alternatives Économiques,
« Mondialisation et inégalités : parcours guidé » http://www.alternatives-economiques.fr/mondialisationet-inegalites---parc_fr_art_1_26796.html
13
I- Le « Made in France », une expression qui reste à définir
L'approche du « Made in France » du point de vue de la production puis de la
consommation, ne peut être abordé sans avoir au préalable traité la question de la
signification donnée à ce terme.
Que signifie couramment le terme usuel « Made in France » ? A cette question, il n'y a pas
réellement de mauvaises réponses car sa définition n'a jamais été établie juridiquement. En
conséquence, dans l'esprit des Français, le terme peut vouloir dire une réalité tout à fait
différente. L'enquête menée dans le cadre de ce mémoire (cf Annexe 11) révèle, en effet,
que les avis sont très partagés : 39% des interrogés estiment que le « Made in France »
désigne un « produit 100% fabriqué en France (ou quasiment) », 25% pensent qu'il s'agit
d'un produit dont au moins à 50% fabriqué en France, 22% ont répondu qu'un produit est
« Made in France » lorsqu'il est conçu en France, 8% le définissent comme un produit de
marque française et 6% autrement (principalement un produit « assemblé » en France. Le
travail qui suit consiste à essayer d'y voir un peu plus clair sur les critères à adopter dans
une définition claire et partagée du « Made in France ».
A) De nombreuses appellations plus ou moins formelles
Les appellations désignant un produit issu de la fabrication française sont
nombreuses. Elles sont plus ou moins établies rigoureusement mais surtout, à partir de
critères très divers car ces derniers sont très débattus et critiqués.
1° Une acception juridique du terme « Made in France » ?
L'expression « Made in France » n'est pas un terme juridique. Il n'existe aucun texte
réglementaire français permettant de poser une définition claire et précise. Ainsi, le rapport
d'Yves Jégo, intitulé En finir avec la mondialisation anonyme, adressé au président de la
République en mai 2010, constatait que « le ''Made in''ne fait l'objet d'aucune définition
14
positive. Il ne dispose d'aucune définition juridique. »36.
Le droit français est donc inexistant sur la question des critères permettant de définir
l'origine d'un produit. Il faut plutôt se référer au droit communautaire (droit qui s'applique
sur le sol français37) pour trouver une réponse. En effet, l'article 23 du Code des douanes
communautaire met, à l'écrit, le principe spontané suivant : « Sont originaires d'un pays, les
marchandises entièrement obtenues dans ce pays. »38. L'article 24 fixe, quant à lui, une
règle générale : « Une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou
plusieurs pays, est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison
substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et
ayant aboutie à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication
important »39.
La notion de « dernière transformation ou ouvraison substantielle » est floue. La
jurisprudence française la précise. La mention d'origine d'un produit est donc également
déterminée par les trois critères suivants :
–
La transformation (ou « ouvraison » pour le textile) qui a entraîné le dernier
changement de position tarifaire : chaque produit commercialisé dans le monde a
une position tarifaire de quatre chiffres, harmonisée niveau mondial dans la
nomenclature de l'Organisation Mondiale des Douanes40. Ce critère a de grandes
lacunes. Selon la loi, une assiette entièrement entièrement fabriquée en Chine est
français dès lors qu'un simple dispositif d'accrochage au mur a été ajouté en France.
En effet, dans cet exemple, le produit a changé de position tarifaire puisque d'article
de cuisine, il est devenu article de décoration.
–
Au moins 45% de la valeur ajoutée du produit doit avoir été acquis dans le pays.
Plusieurs limites sont là aussi à noter. Premièrement, ce critère est variable selon les
produits (60% pour les automobiles par exemple). Deuxièmement, lorsque aucun
pays entrant dans le processus de production du produit n'atteint le seuil des 45%,
36 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, op.cit., p.40.
37 Le principe de primauté du droit communautaire sur le droit national a été consacré par l'arrêt Costa
contre ENEL de la CJCE du 15 juillet 1964.
38 Code des douanes communautaire,12 octobre 1992, article 23. http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1992R2913:20070101:FR:PDF
39 Ibid. article 24. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?
uri=CONSLEG:1992R2913:20070101:FR:PDF
40 La nomenclature internationale, complétée du Tarif intégré des Communautés européennes (TARIC) est
disponible sur le site europa.eu http://ec.europa.eu/taxation_customs/dds2/taric/taric_consultation.jsp?
Lang=fr&Expand=true&SimDate=20150620
15
le produit est originaire du pays producteur des composants représentant la plus
forte valeur ajoutée. Or, par exemple, un T-shirt qui a acquis une valeur de 3 euros
de par son entière fabrication en Inde, est français si une simple broderie d'une
valeur de 5 euros est ajoutée en France. Pourtant, le T-shirt tient largement son
aspect de sa fabrication en Inde.
–
Le lieu de l'« ouvraison spécifique », c'est-à-dire le lieu où le produit acquiert les
caractéristiques et propriétés qu'il n'avait pas auparavant. Par exemple, l'ouvraison
spécifique d'un pantalon est sa confection. Donc, même si le tissu vient d’Écosse,
les boutons d'Allemagne et la fermeture éclair d'Italie, un pantalon confectionné en
France est d'origine française.
La nécessité de préciser la règle générale de l'article 24 du Code des douanes
communautaire par trois critères, qui plus est critiqués, montre bien la complexité de la
définition d'origine. Cette situation rend difficile les contrôles de marquage d'origine des
produits importés sur le territoire national et des produits sur le marché français.
Ainsi, les autorités de contrôle apportent également leur éclairage sur l'appréciation
juridique de l'origine française d'un produit.
La Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI), plus communément
appelée « la douane », est « une administration de régulation des échanges, chargée de
faciliter et de sécuriser les flux de marchandises. Elle s'adapte en permanence aux
évolutions du commerce et au transport des marchandises pour jouer pleinement son rôle
de régulation économique au service des entreprises et, au-delà, de l'ensemble de la
collectivité nationale. »41. Une de ses missions est de contrôler le marquage de l'origine
française des marchandises importées sur le territoire national. En effet, l'article 39 du
Code national des douanes indique que :
« 1. Sont prohibés à l'entrée, exclus de l'entrepôt, du transit et de la circulation, tous
produits étrangers, naturels ou fabriqués, portant soit sur eux-mêmes, soit sur des
emballages, caisses, ballots, enveloppes, bandes ou étiquettes, etc., une marque de fabrique
ou de commerce, un nom, un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire
qu'ils ont été fabriqués en France ou qu'ils sont d'origine française.
2. Cette disposition s'applique également aux produits étrangers, fabriqués ou naturels,
41 « La douane française en bref »,in Douanes et droits indirects, mars 2011, p.2.
http://www.douane.gouv.fr/articles/a11079-la-douane-missions-et-organisation
16
obtenus dans une localité de même nom qu'une localité française, qui ne porteront pas, en
même temps que le nom de cette localité, le nom du pays d'origine et la mention
« Importé », en caractères manifestement apparents. »42.
Ainsi, un produit est délictueux lorsque, ne remplissant pas les critères du Code des
douanes communautaire précédemment cités, il porte tout de même les mentions
« fabriqués en France », « Made in France », « produit français », une tour Eiffel, un
drapeau tricolore, un coq bleu-blanc-roue, le nom d'une ville ou d'une province ou
l'inscription de fausses appellations d'origine contrôlées.
Quels sont réellement les moyens des douaniers face à cette gigantesque tâche de
contrôle ? Tandis que les produits d'importation s'accroissent sur le territoire français 43, les
effectifs de l'administration des douanes subit une réduction drastique. 19 500 agents en
2005, cette administration n'en comptait plus que 17 435 en 2011 et cette tendance se
poursuit44. Selon le journaliste à Le Monde, Jean-Michel Bezat : « En poste à Bercy,
Arnaud Montebourg reconnaissait lui-même que les services des douanes contrôlent moins
de 5% des marchandises entrant sur le territoire »45.
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des
Fraudes (DGCCRF) a pour mission de « contribuer à l'efficacité économique, au bénéfice
des consommateurs. Cette mission se décline en trois volets : la régulation concurrentielle
des marchés, la protection économique des consommateurs et la sécurité des
consommateurs »46. Elle procède donc aux mêmes contrôles que la DGDDI mais sur les
produits en circulation sur le territoire français. Deux articles du Code de la consommation
visent spécifiquement les fausses mentions ou les mentions sources de confusion en
matière d'origine :
–
l'article L.217-6 : « Quiconque, sur des produits naturels ou fabriqués, détenus ou
transportés en vue de la vente, mis en vente ou vendus en France, ou sur des
emballages, caisses, ballots, enveloppes, bandes, étiquettes, etc., aura apposé ou
42 Code des douanes, article 39. 1949.
43 Elles sont passées de 34 882 millions d'euros en janvier 2010 à 42 035 millions d'euros en avril 2015,
Base de données de l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques (Insee).
http://www.bdm2/affichageSeries?
idbank=001568615&idbank=001568986&idbank=0011569473&codeGroupe=1058
44 Réponse du Secrétaire délégué de la Santé au député de Seine-Maritie Thierry Foucaud, Journal Officiel
Sénat du 13/07/2011, p.6297. http://senat.fr/questions/base/2011/qSEQ11051328S.html
45 Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, Paris : Editions First, mars 2015, p.50.
46 Site de la DGCCRF http://economie.gouv.fr/dgccrf/La-DGCCRF/Missions
17
sciemment utilisé une marque de fabrique ou de commerce, un nom, un signe ou
une indication quelconque de nature à faire croire, s'ils sont étrangers, qu'ils ont été
fabriqués en France ou qu'ils sont d'origine française et, dans tous les cas, qu'ils ont
une origine différente de leur véritable origine française ou étrangère, sera puni des
peines prévues par l'article L. 213-1, sans préjudice des dommages-intérêts, s'il y a
lieu. »47.
–
L'article L.217-7 : « Seront punis des peines prévues par l'article L. 213-1 ceux qui,
par addition, retranchement ou par une altération quelconque des mentions
primitivement portées sur le produit, par des annonces, brochures, circulaires,
prospectus ou affiches, par la production de factures ou de certificats d'origine
mensongers, par une affirmation verbale ou par tout autre moyen, auront fait croire
à l'origine française de produits étrangers ou, pour tous produits, à une origine
différente de leur véritable origine française ou étrangère. »48.
Les peines prévues par l'article L.213-1 prévoient jusqu'à deux ans d'emprisonnement et/ou
300 000 euros d'amende. Ces sanctions trop lourdes sont très peu utilisées par la
DGCCRF49.
La DGCCRF n'utilise pas la définition de l'origine prévue par le Code des douanes
communautaire. Elle s'appuie sur sa propre doctrine construite autour de l'arrêt « Duvets
d'oies grises du Périgord » (Chambre criminelle de la Cour de Cassation, 27 novembre
2007), la DGCCRF déclare que « l'origine douanière ''France'' constitue une condition
nécessaire mais non suffisante pour l'apposition d'un marquage « Made in France ». […]
En pratique, l'analyse de la DGCCRF s'effectue, au cas par cas, en examinant le produit et
le discours commercial qui l'accompagne »50. Cette position complexifie encore les règles
déterminant l'origine d'un produit sur le marché français. De plus, cela ne favorise pas la
promotion du « Made in France » tant pour les consommateurs que pour les entrepreneurs.
C'est sur ce flou juridique qu'a prospéré le développement anarchique de nombreux labels.
47 Code de la consommation, 1978, article L.217-6. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?
idSectionTA=LEGISCTA000006146571&cidTexte=LEGITEXT000006069565&dateTexte=19940228
48 Ibid., article L.217-7.
49 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, rapport au président de la République,Paris, La
Documentation française, mai 2010, p.41.
50 Extrait de la réponse type de la DGCCRF aux entreprises souhaitant utiliser le marquage « Made in
France ».
18
2° L'anarchie des appellations se revendiquant « Made in France »
Aujourd'hui, il existe une multitude de marques, labels, normes ou mentions
valorisantes attestant l'origine d'un produit. Il semble même fleurir de plus en plus dans nos
rayons de supermarché. Cependant, faute de définition juridique claire et consensuelle d'un
produit fabriqué en France, et d'un contrôle de marquage des marchandises trop lâche, ces
appellations d'origine renforcent plutôt l'incompréhension, voire la méfiance, du
consommateur sur ce qu'est le « Made in France ».
Un label est « une étiquette ou une marque créée par un syndicat professionnel ou un
organisme parapublic et apposée sur un produit destiné à la vente, pour en certifier
l'origine, la qualité et les conditions de fabrication en conformité avec des normes
préétablies »51. Un label a donc un arsenal juridique permettant d'assurer la fiabilité de ses
produits et le respect de ses critères d'obtention. Ainsi, en France, plusieurs labels
permettent de garantir l'origine française d'un produit (cf Annexe 2). Ces labels différent de
par leur périmètre géographique (l'Appellation d'Origine Protégée au niveau européen,
l'Appellation d'Origine Contrôlée en France et « Produit en Bretagne » par exemple au
niveau régional), leur exigence de qualité (label Rouge et AB) ou encore leur type de
produit (Viande de France et Pavillon France). L'enquête menée auprès des consommateurs
dans le cadre de ce mémoire (cf Annexe 11) a démontré que les labels sont très inégalement
réputés. En effet, les plus réputés de qualité sont Label Rouge et AOC (respectivement
reconnus par 94% et 88% des sondés), ensuite, environ la moitié des sondés connaissent le
label biologique AB (59%), Produit en Bretagne (51%) et le label Origine France Garantie
(47%) (cf infra IA3 Le label Origine France Garantie), enfin, Sud de France (22%),
Saveurs d’Île-de-France (19%) et EPV (2%) sont en bas du classement. Ainsi, de manière
générale, les labels de qualité appliqués à un plus large panel de produit sont plus connus
des Français que les labels régionaux. Le label EPV n'est presque pas connu car il
s'applique à des entreprises et non à des produits, il est donc beaucoup moins visible par les
consommateurs.
Ces labels ne sont qu'une infime par des marquages d'origine existants sur le marché (cf
51 Définition du mot « label » dans l'Encyclopédie Larousse 2015.
19
Annexe 3). En 2005 déjà, l'Institut National de la Consommation (INC) 52 dénombrait au
moins cent appellations de ce type dans son Guide des cent signes de qualité et mentions
valorisantes. Une mention valorisante doit attirer l'attention du consommateur sur une
caractéristique du produit et est en fait une publicité déguisée. « Produit en France »,
« Fabriqué en France », « Fabrication traditionnelle », « Fabrication à la française »,
« Assemblé en France », « Élaboré en France », « Cuisiné en France »... autant de
mentions utilisant la silhouette du pays ou les symboles républicains (le coq, le drapeau
tricolore et Marianne) pour s'accoutrer d'une quelconque appartenance française.
Tout cela confond davantage le consommateur qu'il ne l'informe. L'INC décrivait, en effet,
un « décalage entre les attentes des consommateurs, ce qu'ils comprennent des signes et la
réalité et ce même pour certains signes officiels »53. Dans son rapport au président de la
République, Yves Jégo écrivait aussi : « Quand l'origine apparaît sur une étiquette, elle doit
souvent coexister avec une pléthore de mentions, obligatoires ou non, dont la valeur
juridique et la fiabilité sont inégales. Cet excès d'informations non hiérarchisées, non
organisées favorise la confusion plus que la transparence. »54.
Ce manque de transparence de marquages, dont la plupart n'ont aucune valeur légale, est
peut-être délibéré. C'est en tout cas ce qu'affirme l'INC dans la conclusion de son guide :
« Il existe un réel problème de communication souvent entretenu par les organismes qui
délivrent ces signes et mentions »55 et dénonce « l'opacité qui règne parfois dans ce milieu :
une grande partie des organismes qui délivrent des signes de qualité nous demandent de
croire aveuglément dans le sérieux de leur démarche et nous cachent certains détails, en
particulier en ce qui concerne les vérifications qu'ils effectuent »56. L'INC explique ces
dérives par le fait que ce marché des marquages est devenu un véritable marché fructueux.
C'est sur la prise de conscience de cette anarchie qu'a été créé, en 2011, le label le plus
abouti sur la question du marquage d'origine : le label « Origine France Garantie ».
52 L’Institut national de la consommation (INC) est un établissement public à caractère industriel et
commercial au service des consommateurs et de leurs associations. Créé en 1966 et placé sous la tutelle
du Ministre chargé de la Consommation, il mène plusieurs campagnes d'information notamment sur son
magazine « 60 millions de consommateurs », son émission de télévision Consomag ou son site internet
www.conso.net .
53 Guide des cent signes de qualité et mentions valorisantes, Institut National de la Consommation, 2005,
p.68.
54 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, rapport au président de la République, Paris : La
Documentation française, mai 2010, p.74.
55 Guide des cent signes de qualité et mentions valorisantes, Institut National de la Consommation, op.cit.
56 Ibid.
20
3° Le label Origine France Garantie
Le label Origine France Garantie est le seul label en France qui garantit qu'un
produit, alimentaire ou non, est fabriqué en France. Créé en 2010, il a aujourd'hui acquis
une assez forte notoriété en tant que symbole du combat pour le « Made in France ».
Cependant, il n'est pas exempt de critiques.
Le label Origine France Garantie (OFG) est né d'un rapport commandé, en 2009, par le
président de la République française, Nicolas Sarkozy, au député-maire de MontereauFault-Yonne, Yves Jégo. Le président de la République remarquait en effet que « la
définition de l'origine d'un produit est un instrument essentiel de choix pour les
consommateurs » et reconnaissait que « le label actuel dit « Made in France » connaît bien
des insuffisances ». Il confiait donc la mission de « définir les contours d'une nouvelle
« marque France » qui permette de répondre aux insuffisances indiquées ci-dessus »57. En
Mai 2010, Yves Jégo rendait donc un rapport, ambitieusement intitulé En finir avec la
mondialisation anonyme : la traçabilité au service des consommateurs et de l'emploi, dans
lequel il met au point les prémices du label OFG. Le 19 juin 2010, l'association Pro France,
qui délivre ce label, est créée.
Quelques entreprises, fers de lance de la promotion du « Made in France » et soutiens à la
construction du label, ont été parmi les premières à se lancer dans la démarche de
certification, telles Atol, Kronenbourg ou encore FagorBrandt.
Pour obtenir le droit d'apposer le logo « Origine France Garantie » sur un produit (cf
Annexe 4), ce dernier doit respecter deux critères cumulatifs du cahier des charges :
prendre ses caractéristiques essentielles en France et y avoir acquis également au minimum
50% du prix de revient unitaire58.
Par exemple, ne peut être certifié Origine France Garantie un jus d'orange dont les fruits
ont été récoltés en Espagne ou au Maroc, et ce, même si tout le reste de la fabrication du
57 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, op.cit., p.6.
58 Site officiel de l'association Pro France, page sur le cahier des charges du label Origine France Garantie.
http://www.profrance.org/le-cahier-des-charges.html
21
produit (la préparation, la transformation, le conditionnement, etc.) a été effectuée en
France et lui a fait acquérir 60% de sa valeur.
Le prix de revient unitaire désigne le prix d'un produit en sortie d'usine. Cela intègre donc
la Recherche et Développement (R&D), l'achat des matières premières, la fabrication et
l'emballage, et exclu la distribution, la commercialisation et la publicité. Ce critère permet
donc de se concentrer sur la valeur de fabrication d'un produit. Son seuil minimum est
porté à 50% (non à 100% comme d'autres propositions politiques l'avait envisagée 59) car,
comme l'écrit Jean-Michel Bezat, un cahier des charges constitué de « critères plus stricts
pour un label peut-être plus exigeant, […] aurait été impossible de respecter. Qui peut
prétendre faire du pur Made in France dans un pays où bien des matières premières
manquent, voire certains savoir-faire perdus depuis longtemps ? »60. Robert Rochefort,
député européen Mouvement Démocrate et spécialiste dans l'analyse des attentes de la
société, va également dans ce sens en déclarant lors de l'entretien pour ce mémoire (cf
Annexe 9) que « le 100% Made in France est impossible » et qu'il faut faire « attention à ne
pas être jusqu’au-boutiste » dans l'approche à adopter pour promouvoir le fabriqué en
France.
Afin de garantir le sérieux du label Origine France Garantie et ainsi la confiance auprès des
consommateurs et des entreprises labellisées, la certification est essentielle. Ce sont alors
des cabinets réputés (Bureau Veritas, Afnor, SGS...) qui assurent le respect du cahier des
charges en audit qualité. « Pour avoir un bon label, il faut avoir un cahier des charges
exigeant et un audit qualité, prévient Audrey Canestrier, l'ancienne secrétaire générale de
Pro France. Avec un label au rabais, Origine France Garantie perdrait sa crédibilité et sa
notoriété. On l'a vu il y a une dizaine d'années, avec l'engouement pour le bio : les
spécialistes du marketing s'en sont emparés, on a vu fleurir une quantité de labels et,
finalement, un seul est resté, le label « AB ». Pourquoi ? Tout simplement parce que c'était
le plus rigoureux. »61.
Aujourd'hui, quatre ans après le lancement du label, environ 5000 produits de 500
entreprises différentes ont été certifiés. Ils sont référencés depuis février 2012 sur le portail
59 Proposition de loi n°2656 du député de Paris Pierre Lellouche, 9 novembre 2005. http://www.assembleenationale.fr/12/propositions/pion2656.asp
60 Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, op.cit., p.69.
61 Ibid, p.70.
22
internet Nos achats français.fr62.
L'objectif de l'association Pro France via son label OFG est double :
–
informer les consommateurs sur les produits fabriqués en France et ainsi, leur
faciliter l'achat de ces produits en connaissance de cause ;
–
permettre aux entreprises de valoriser le maintien, le développement ou le retour
d'activités en France pour le marché intérieur et l'export.
Ces objectifs sont-ils remplis aujourd'hui ? Quel bilan est à tirer de ces quatre premières
années d'existence du label OFG ? Plusieurs témoignages sont enthousiastes, à l'image de
celui de Gilles Attaf, PDG de Smuggler (entreprise de vêtements pour hommes) qui
déclarait dans le journal 20 minutes que "le label Origine France Garantie est pour nous un
outil de crédibilité. Et cela a un impact (tangible): nous avons vu notre chiffre d'affaires
grimper de 15% en un an"63. En effet, l'exposition médiatique dont a bénéficié la marque
Smuggler depuis sa labellisation a certainement contribué à sa croissance. Cependant, de
nombreux autres acteurs se montrent plus critiques et exposent les limites de ce label.
–
Le label OFG n'a pas la dimension nationale qu'aurait une loi définissant le Made in
France : Thierry Moysset, PDG de la Forge de Laguiole fabricant les fameux
couteaux fabriqués en Aveyron, explique pourquoi il ne souhaite pas obtenir le label
OFG alors que ces produits remplissent tout à fait ses exigences : « Ce que je
trouve assez dommage moi dans tout ça, c'est qu'on soit parti sur un label plutôt que
de légiférer sur le Made in France. Je m'explique pourquoi. Le Made in France est
vraiment une valeur nationale, c'est quelque chose qui appartient à tous les
concitoyens […]. J'espère que les hommes politiques plutôt que de s'affairer sur le
label Origine France Garantie vont plutôt réfléchir à légiférer sur le Made in
France, c'est-à-dire faire une loi qui définit à partir de quand on peut s'attribuer le
label Made in France. »64.
62 Site officiel Nos achats français www.nosachatsfrancais.fr .
63 AFP, « Le premier salon du Made in France à Paris », 20 minutes, 9 novembre 2012.
http://www.20minutes.fr/ledirect/1039326/premier-salon-made-in-france-paris
64 Intervention de Thierry Moysset lors du débat de BFM Business intitulé « La tendance shopping : le label
« made in France » fait-il encore vendre? », 23 juin 2015, à partir de 9min30.
http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-tendance-shopping-le-label-made-in-france-fait-ilencore-vendre-2306-566671.html
23
–
Le coût de la certification est trop lourd pour les petites entreprises : pour obtenir le
label Origine France Garantie, il ne suffit pas que le produit remplisse les critères
du cahier des charges mais il faut aussi au préalable que l'entreprise en demande
puisse payer les frais de labellisation qui s'élève à 750€ HT par an sur trois années
obligatoires (délais d'engagement minimum). Ce prix intègre l’étude de
recevabilité, la préparation, la réalisation et le suivi des audits sur site, la gestion
technique du label sur la base des tarifs en vigueur, l’émission de l’attestation,
l’usage de la marque et le droit à l’utilisation de la marque Bureau Veritas
Certification. A cela s'ajoutent des frais supplémentaires éventuels comme la
cérémonie officielle de remise du label à 900€ HT ou encore une simple
modification du certificat ou mise à jour des données à 200€ HT. Philippe Gabert,
créateur de cravate, déplore le fait que les PME ou TPE, comme son entreprise, ne
peuvent utiliser le label OFG à cause de son prix d'acquisition trop élevé. « Déjà
on se débrouille pour essayer de faire pérenniser le Made in France et en plus on
nous demande encore de payer ! »65. Le label ne permettrait donc pas tout à fait aux
entreprises de valoriser leurs efforts de production sur le territoire français,
contrairement aux objectifs affichés ci-dessus.
–
Le terme « Origine France Garantie » est inapproprié : lors de l'entretien mené dans
le cadre de ce mémoire (cf Annexe 9), Robert Rochefort a notamment regretté le
nom donné à cet « outils bricolé ». Il estime en effet que le terme « Origine » prête
à confusion car il fait davantage penser à la conception qu'à la fabrication du
produit. Il aurait davantage souhaité voir apparaître les termes « fabriqué en
France » afin qu'il n'y ait pas d’ambiguïté pour le consommateur. De même, selon
lui, « le label est victime du fait qu'il est peu connu et pas assez clair ».
–
Le critère peu lisible de la valeur ajoutée : dans son ouvrage « Le Guide des
produits Made in emplois », Charles Huet, ancien gestionnaire technique de Pro
France s'interroge : « Et si le critère de la Valeur Ajoutée en France ne parlait à
personne ? Et si l'empreinte emplois en France y correspondrait bien tout en
rendant le critère instinctivement compréhensible de tous, plus transparent, tout en
permettant d'humaniser la question de la production industrielle en France, et
65 Témoignage de Philippe Gabert dans un reportage intitulé « Peut-on vivre 100% Made in France? » de
l'émission de télévision On n'est plus des pigeons !, mars 2014, à partir de de 8min43
https://www.youtube.com/watch?v=7iwb3JdvUDE .
24
d'élargir la défense de l'emploi industriel aux salariés de la R&D, du marketing, du
design, de l'export ? »66. Persuadé que le critère du nombre d'emploi est plus
pertinent, compréhensible et transparent que le critère de la valeur ajoutée, il publie
donc son guide référençant les marques employant le plus en France, catégorisées
par type de produit de consommation.
De nombreuses autres critiques ont pu être formulées mais il n'en reste pas moins que le
label Origine France Garantie est à ce jour le plus abouti dans le marquage d'origine
française. Les critères retenus par l'association Pro France (50% minimum de la valeur
ajoutée et caractéristiques essentielles acquises en France) semblent être, jusqu'à
aujourd'hui, la définition la plus juste du « Made in France » compte tenu de la
mondialisation. En effet, le label OFG a d'autant plus de mérite d'exister dans un
environnement mondialisé qui complexifie sa mission.
B) Une définition rendue complexe dans une économie
mondialisée
Pour quelles raisons est-il aussi difficile de définir le « Made in France » ? Trois
éléments principaux ont été retenus: l'éclatement des processus de production, la frilosité
des acteurs internationaux et la complexification des produits.
1° L'éclatement des lieux de production
La détermination de l'origine d'un produit s'est énormément complexifiée avec
l'éclatement des processus de production, lié à l'émergence de nouvelles stratégies de
localisation et d'approvisionnement.
Pascal Lamy, Directeur Général de l'Organisation Mondiale du Commerce de 2005 à 2013,
a exprimé à plusieurs reprises ses doutes sur la pertinence des « Made in » nationaux.
66 Huet Charles, Le Guide des produits Made in emplois, ou comment consommer contre le chômage,
Hericy : Éditions du Puits fleuri, 2013, p.13.
25
Ainsi, le 15 octobre 2010, il expliquait aux sénateurs français que « le concept de pays
d’origine pour les biens manufacturés est devenu progressivement obsolète au fur et à
mesure que les diverses opérations de conception, de fabrication de composants,
d’assemblage et de commercialisation ont essaimé dans le monde, créant des chaînes de
production internationales. Aujourd’hui, de plus en plus de produits sont «Made in World»
et non plus «Made in UK» ou «Made in France». »67.
En effet, aujourd'hui, le libéralisation de l'investissement, l'abaissement des droits de
douanes, l'introduction de nouvelles technologies de télécommunication et d'information
très performantes ou encore la réduction des coûts de transport sont facteurs de la
multiplication des échanges internationaux. Ainsi, les produits manufacturés n'ont pas une
seule origine mais de très nombreuses. Constitués de composants provenant du monde
entier, ces produits franchissent plus de frontières que son acheteur ne fera sans doute
jamais.
Ceci se vérifie, par exemple, pour un simple pot de Nutella®. Nutella® est la fameuse
marque de pâte à tartiner à la noisette et au cacao du groupe italien Ferrero. Environ 250
000 tonnes de Nutella® sont produits chaque année. Neuf usines à travers le monde (en
Italie, France, Allemagne, Pologne, Russie, Australie, Brésil, Argentine, Canada)
s'occupent notamment de la mise en boîte du produit fait à partir d'ingrédients venant euxmêmes d'ailleurs : de Turquie (noisettes), de Chine (vanille), de Malaisie (huile de palme),
du Nigeria (cacao) et du Brésil (sucre).68 (cf Annexe 5)
En définitive, bien que la marque Nutella® soit italienne, le produit est, quant à lui, comme
dirait l'OMC, « Made in the world ». En effet, il ne faut pas confondre la nationalité de la
marque (lieu du siège social) et l'origine du produit (lieu de production).
La fragmentation du lieu de fabrication « rend donc plus difficile, mais pas impossible, la
traçabilité de l'origine des produits. Les industriels maîtrisent en effet les processus de
production et la traçabilité. », écrit Yves Jégo69. Cependant, les entreprises sont réticentes à
communiquer leur stratégie de localisation des différentes étapes d'un processus de
production. En effet, les délocalisations, la perte de fournisseurs locaux et historiques ou
67 Acte de la conférence avec le Sénat français, « Mondialisation des chaînes productives industrielles et
mesure du commerce en valeur ajoutée », OMC et Sénat, octobre 2010, p.38.
https://www.wto.org/french/res_f/booksp_f/act_conf_f.pdf
68 Conférence de l'OCDE à Paris, « Mapping Global Value Chain », décembre 2012, p.18.
http://www.oecd.org/dac/aft/MappingGlobalValueChains_web_usb.pdf (cf Annexe 5)
69 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, op.cit., p.28.
26
l'externalisation de certains modules de production engendrent une perte d'identité et une
dévalorisation de l'image de marque auprès des consommateurs. Le rapport d'Yves Jégo
indique dans ce sens que « le découplage entre l'image nationale de certaines marques et
l'origine internationale de leurs produits présente un risque de déstabilisation de leurs
acheteurs compte tenu du développement de la demande de transparence. Il est difficile
d'exclure que la médiatisation de l'origine extérieure d'une marque dont le prestige est
associé à un pays ne porte pas préjudices à ses ventes. C'est bien ce qui explique la pratique
du secret de l'origine »70.
L'exemple du luxe est très intéressant. La France est réputée pour ses grandes maisons de
luxe comme Dior, Louis Vuitton et Chanel. Leurs clients paient le prix cher pour se parer
de l'élégance à la française à travers des articles d'une qualité rare. Or, une journaliste
américaine, Dana Thomas, a révélé, dans son enquête Luxe & Co, comment les marques
ont tué le luxe, que plusieurs maisons de luxe, rachetée par des hommes d'affaires dans les
années 1990, ont délocalisé en Chine notamment. La production mensuelle y étant dix fois
supérieure aux ateliers français, cette nouvelle stratégie a permis de produire plus, plus vite
et moins cher à une clientèle plus large (égratignant ainsi la qualité et le raffinement qui ont
fait le succès des débuts). Cependant, le nom de ces maisons reste secret-défense, la
journaliste a dû signer une clause de confidentialité pour entrer dans les usines. En effet,
les entreprises tiennent à conserver la réputation de leur marques multi-milliardaires71.
Le phénomène d'internationalisation des chaînes de production semble aujourd'hui
commencer à faire marche arrière ou, tout du moins, à ralentir en se régionalisant. C'est en
tout cas ce qu'observe une étude d'Euler Hermès, leader mondial de l'assurance pour les
échanges commerciaux, publiée en avril 2013 : « après le « tout globalisation », nous
constatons un virage vers une plus forte régionalisation »72 en s'appuyant sur le fait que
« 80% des exportations automobiles mexicaines se font en direction des États-Unis et du
Canada » et que « 63% des exportations allemandes sont vendues en Europe »73. Cette
étude a donné de l'eau au moulin des partisans de la démondialisation. Son héraut français,
Arnaud Montebourg, traduit ainsi les résultats de cette étude : « Dans un langage plus clair,
70 Ibid p.29.
71 Thomas Dana, Luxe & Co, comment les marques ont tué le luxe, Paris : édition Les Arènes, 2008.
72 Subran Ludovic, Identification des nouvelles opportunités du commerce international : de la route de la
soie à celle des tablettes, Euler Hermès, avril 2013.
73 Ibid.
27
cela signifie que les lieux de production se rapprochent de plus en plus des lieux de
consommation. […] Ce que les Européens consomment, est de plus en plus produit sur le
continent européen. En somme, la démondialisation s'installe progressivement dans les
faits. Ou, pour le dire autrement, émerge un rétrécissement de la mondialisation »74.
Néanmoins, les relocalisations et glocalisations75 sont encore marginales (cf Infra IIB2
« Le phénomène croissant des relocalisations »). Les efforts de définition du « Made in
France » restent donc encore confrontés à la situation actuelle d'hypermondialisation des
processus de fabrication, encouragée par la politique libre-échangiste des organisations
internationales.
2° Les règles internationales de libre-échange et leur rapport à l'origine
Le cadre réglementaire des institutions internationale et communautaire ne facilite
pas la définition d'un « Made in » national. En effet, leurs règles d'origine ne sont ni
harmonisées, ni contraignantes. Le rapport En finir avec la mondialisation anonyme
constate également que « la détermination de l'origine est un enjeu douanier et commercial
qui ne fait l'objet d'aucune harmonisation au niveau international à ce jour en dépit des
efforts de négociation dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) »76.
L'OMC est l'organisation internationale qui s'occupe des règles régissant les échanges
commerciaux. Depuis sa création en 1995, elle n'a eu de cesse d’œuvrer pour l'ouverture
commerciale et l'abaissement des barrières douanières. Elle défend donc une vision libérale
du commerce. Ainsi, une de ses six valeurs principales mises en exergue sur son site
internet est la transparence77. Cela la conduit à travailler sur les règles encadrant le
marquage d'origine. En 1994, le Cycle d'Uruguay, qui a institué l'OMC, a permis de signer
74 Montebourg Arnaud, La bataille du Made in France, op.cit. p.64.
75 La glocalisation est un mot-valise issu des termes « globalisation » et « localisation » qui désigne
l'adaptation spécifique d'un produit ou d'un service à chacun des lieux où il est vendu, ou à chacune des
cultures à laquelle il s'adresse. Il peut également s'agir de l'exigence de produire sur place le maximum de
ce qui sera consommer sur le marché intérieur.
76 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, op.cit., p.33.
77 Site officiel de l'OMC – Rubrique « Ce que nous défendons » :
https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/what_stand_for_f.htm
28
un Accord sur les règles d'origine toujours en vigueur. Ainsi, pour l'OMC, les règles
d'origine sont « des lois, réglementations et déterminations administratives d'application
générale appliquées par tout État membre pour déterminer le pays d'origine des
marchandises, à condition que ces règles d'origine ne soient pas liées à des régimes
commerciaux contractuels ou autonomes qui donnent lieu à l'octroi de préférences
tarifaires allant au-delà des critères permettant de déterminer le pays d'origine d'un
produit »78. Cet accord initie un programme de travail pour l'harmonisation des règles
d'origine entre membre de l'OMC. Ce travail, en cours depuis vingt ans maintenant, ne
semble pas prêt d'aboutir car : « une partie de ses membres estime que ce grand ménage
faciliterait les échanges commerciaux ; les autres jugent que l'éclatement des lieux de
fabrication et l'évolution des modes de production et du commerce mondial ces vingt
dernières années ont changé la donne, rendant cette harmonisation sans grand intérêt. Et
l'énormité du chantier – cette harmonisation des critères d'origine porte sur 5 000
catégories de produits, du textile aux pièces détachées automobiles – rend son
aboutissement aléatoire. En tout cas lointain. », selon Jean-Michel Bezat79.
Pour l'instant, l'organisation de Genève veille surtout à ce que les règles de marquage
n'entraînent pas d'effet de restriction, de distorsion ou de désorganisation sur le commerce
international80.
La position de l'Union Européenne sur le marquage d'origine est particulière :
–
d'un côté, elle impose l'identification de l'origine des produits importés de
l'extérieur de l'Union européenne pour les contrôles douaniers (à partir de la notion
de « dernière transformation ou ouvraison substantielle » du Code des douanes
communautaire)81 ;
–
de l'autre côté, elle interdit le marquage obligatoire de l'origine sur le marché
intérieur.
Ainsi, le consommateur n'a pas accès à l'information que détiennent les douaniers. Le
78 Cycle de l'Uruguay, Accord sur les règles d'origine, 1994, article Premier.
https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/22-roo.pdf
79 Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, op.cit., p.42.
80 Accord sur les règles d'origine, Cycle d'Uruguay, 1994, Partie II article 2 c).
81 Code des douanes communautaire, op.cit., article 24.
29
rapport Jégo déplore en effet que « Cette interdiction d'un marquage obligatoire de l'origine
destiné au client final est d'autant plus paradoxale que la détermination de l'origine d'un
produit importé est imposé par le Code des douanes communautaire »82.
Cependant, plusieurs exceptions sont à noter. Suite aux divers scandales alimentaires de ses
dernières années (celui de la vache folle en 1996 particulièrement), la mention du lieu
d'élevage, d'abattage ou de récolte est (ou peut être) obligatoire pour la viande, le poisson,
les fruits et légumes, les œufs, le miel, le vin et l'huile d'olive.
De plus, l'Union européenne, à travers une politique de défense des spécialités régionales, a
accepté des avancées sur des labels attestant l'origine d'un produit. Ainsi, les appellations
d'origine contrôlée (AOC) et les indications géographiques protégées (IGP) (cf Annexe 2)
ont été créées pour des produits alimentaires locaux. Les IGP ont même été récemment
élargis aux produits manufacturés83. A l'entretien (cf Annexe 9), l'eurodéputé Robert
Rochefort constate alors que « l'Europe, malgré tout, joue les régions et essaie de ne pas
jouer les États » et que la stratégie à adopter pour faire progresser la question du marquage
d'origine en France est donc de « ramener le critère « Made in » au niveau national par la
logique de région ». En effet, selon lui, il n'y a « pas de raison » pour que les labels ne
puissent attester d'une origine nationale puisque certains le font déjà à l'échelle régionale
(cf Annexe 2).
Par ailleurs, Robert Rochefort se montre optimiste sur l'évolution future des règles
d'étiquetage de l'Union Européenne. En tant que député européen, il a rappelé que « rien
n'est figé » dans les institutions européennes(cf Annexe 9). Des négociations sont toujours
en cours et plusieurs États membres font pression pour que les « made in » nationaux
puissent exister. Ainsi, lors de sa présidence tournante en 2014, l'Italie a porté à l'ordre du
jour la question du marquage d'origine. Ce pays, à fort caractère industriel 84, a en effet
beaucoup d'intérêts économiques à défendre dans cette démarche. A partir d'arguments sur
l'amélioration de la sûreté et de la transparence des produits pour le consommateur, la
Commission européenne s'est laissée convaincre de la nécessité d'une nouvelle
82 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, op.cit., p.39.
83 Loi relative à la consommation, dite « loi Hamon » , 17 mars 2014, article 73.
84 L'industrie italienne représente 250 milliards d'euros, soit 16,1% de son PIB (contre 216 milliards d'euros
et 10,6% en France) et sa balance commerciale en biens manufacturés est excédentaire de 56 milliards
d'euros (tandis qu'elle est déficitaire de 22 milliards d'euros en France). Ce succès repose notamment sur
une image de marque puissante et de nombreuses PME exportatrices. Buigues Pierre-André, « Industrie
manufacturière : l'Italie meilleure que la France », Les Echos, 10/08/2012.
http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/08/10/cercle_51988.htm
30
réglementation. Cette dernière est proposée en ces termes : « Les fabricants et importateurs
doivent veiller à ce qu’une indication du pays d’origine du produit figure sur le produit ou,
si la taille ou la nature de ce dernier ne le permettent pas, sur son emballage ou dans un
document l’accompagnant. Pour les produits fabriqués dans l’Union, cette indication fait
référence à l’Union ou à un État membre »85.
Le 15 avril 2014, le Parlement européen adopte la proposition de la Commission
européenne à une large majorité86. En revanche, à ce jour, l'approbation du Conseil
européen est encore un suspend car « deux pays mènent la fronde : l'Allemagne et le
Royaume-Uni. Les Britanniques ont un parti pris très idéologique et voient pointer dans
tout étiquetage obligatoire le faux nez du protectionnisme. Les Allemands redoutent, eux,
que la fin du secret des origines ne révèle au grand jour un fait pourtant solidement établi :
certains produits « Made in Germany », précédé de la flatteuse réputation de la deutsche
Qualität, sont en partie fabriqués dans son hinterland d'Europe centrale, comme certaines
Porsche en Slovaquie »87. Robert Rochefort pense néanmoins que l'idée d'un étiquetage
obligatoire « finira par gagner car beaucoup de grands pays utilisent déjà ce critère
d'origine » (cf Annexe 2) tels les États-Unis et la Chine comme détaillé par la suite (cf Infra
IC3&4).
Pour résumer, plusieurs acteurs internationaux préfèrent maintenir l'opacité sur l'origine
des produits. Celle-ci est entretenue par la complexification des produits.
3° Des produits toujours plus complexes et intersectoriels
A l'éclatement de la chaîne de production et aux réticences des organisations qui
régissent le commerce dans le monde et en Europe, s'ajoute une complexification des
produits circulant dans le commerce international.
85 Communiqué de Presse, Commission européenne, Bruxelles, 13 février 2013.
http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-111_fr.htm
86 Communiqué de presse « Vers un étiquetage obligatoire du ''Made in'' et des produits plus sûrs »,
Parlement européen, 15/04/2014. http://www.europarl.europa.eu/news/fr/newsroom/content/20140411IPR43453/html/Vers-un-%C3%A9tiquetage-obligatoire-du-made-in-et-desproduits-plus-s%C3%BBrs
87 Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, op.cit., p.53-54.
31
Tout d'abord, il faut rappeler que les produits « Made in France » ne sont pas que des
produits industriels. En effet, les produits culturels et de service sont aussi des produits
facteur de compétitivité dans la compétition commerciale internationale.
La production française n'est pas seulement industrielle ou alimentaire, comme elle est le
plus souvent présentée, mais aussi culturelle et de service. Les défenseurs du « Made in
France » se focalisent sur les questions industrielles car elles reflètent l'inquiétude de
l'opinion publique face aux fermetures d'usines et à la montée du chômage. Cependant, les
produits culturels et de service en France tiennent une place majeure dans l'économie
française et est également mis en concurrence dans le commerce international. Dans une
tribune au Monde, Marc-Arthur Kohn, commissaire-priseur à Paris, constate que « lorsque
l'on parle du "produire en France ", on pense spontanément à la production industrielle, à
nos PME, comme à nos grandes entreprises. Mais la production va au-delà de l'industrie :
c'est aussi la production agricole, la production de services, mais également la production
intellectuelle. Par production intellectuelle, j'entends la création au sens large, notamment
dans le domaine culturel. Or la France a de très nombreux atouts à faire valoir en ce
domaine et doit donc valoriser le "made in France culturel" qui constitue un atout majeur
pour relancer notre économie. »88.
La production culturelle fait d'ailleurs l'objet d'une attention toute particulière en France.
Plusieurs mesures d'« exception culturelle française » ont été mises en place pour protéger
la création culturelle française face à la concurrence de mastodontes étrangers (américains
principalement). Ainsi, par exemple, 11% du prix du ticket de cinéma, quel que soit le film,
est utilisé pour les futurs producteurs français 89 ou encore 40% des musiques diffusées à la
radio aux heures de grande écoute doivent être « de la musique d'expression française »90.
Arnaud Montebourg imagine alors s'inspirer de ce type de mesure pour soutenir l'ensemble
de la production française : « Pour lutter contre la concurrence, uniquement destructrice,
un pays, donc des hommes et des femmes, décide de faire exception et impose des règles
différentes. […] Nous avons toujours trouvé légitime de garder une production
cinématographique française, pourquoi ne considérerions-nous pas à nouveau utile de
88 Kohn Marc-Arthur, « Pour un Made in France culturel », Le Monde, 7/12/2012
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/12/pour-un-made-in-france-culturel_1731985_3232.html
89 Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, op.cit., p.53.
90 Site officiel du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) – article « La diffusion de chansons
d'expressionfrançaise ». http://www.csa.fr/Radio/Le-suivi-des-programmes/La-diffusion-de-chansons-dexpression-francaise/Les-criteres-pris-en-compte-pour-mesurer-les-quotas
32
garder un aluminium ou un acier français, si stratégiques pour l'automobile, l'aéronautique,
l'emballage alimentaire et les constructions ? »91.
Par ailleurs, l'économie française se base essentiellement sur une production de services.
Le secteur tertiaire représentait 79,3% du PIB de la France, soit presque 26 millions
d'emploi en 201392. La prise en compte de la production de service dans l'expression
« Made in France » est donc primordiale. De plus, avec l'externalisation 93 croissante des
services à l'industrie (la R&D, les logiciels, la publicité, le marketing, la formation interne,
la réorganisation du travail, ...), les entreprises de service et les entreprises industrielles
travaillent ensemble de manière très étroite. « La frontière entre l’industrie et les services
est donc aujourd’hui extrêmement difficile à établir, même s’il apparaît clairement que la
valeur ajoutée tend à se concentrer dans les activités de services en amont et en aval de la
production proprement dite, celles-ci s’appuyant sur des investissements immatériels
importants. » expliquent Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet dans leur rapport sur
L’Économie de l'immatériel94. Ils ajoutent que les investissements immatériels constituent
alors aujourd'hui une part de plus en plus importante dans la valeur ajoutée d'un produit
manufacturé. Certains produits sont même issus de « fabless », entreprises sans unité de
production qui se concentrent sur les apports immatériels (recherche, design, publicité, …)
et sous-traitent toute la partie fabrication en usine : « le secteur des semiconducteurs a vu
apparaître depuis le début des années 1990, des entreprises dites « fabless », c’est-à-dire
sans capacité de production propre. Ces entreprises se concentrent sur les aspects les plus
rentables et les moins mobilisateurs en capitaux de la production : la conception et le
design de nouvelles puces, la R&D, mais aussi le marketing et la distribution.
Parallèlement, la fabrication proprement dite est sous-traitée à des entreprises spécialisées
dans la fabrication de semi-conducteurs (appelées fonderies ou fab), généralement
implantées en Asie du Sud-Est »95. Ces investissements immatériels sont difficiles à
localiser, ils compliquent donc l'identification de l'origine.
91 Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, op.cit., p.52.
92 Site officiel de l'Insee - article « Emploi total par grand secteur dans l'Union européenne ».
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_id=CMPTEF03136
93 L'externalisation est l'action pour une entreprise de confier une partie de ses activités à des partenaires
extérieurs (définition de l'encyclopédie Larousse 2015).
94 Jouyet Jean-Pierre et Lévy Maurice, L’Économie de l'immatériel, la croissance de demain, rapport au
ministre de l’Économie, des Finances et de l'Industrie Thierry Breton, 2006, p.16.
95 Ibid., p.19.
33
Comme l'éclatement des lieux de production et l'action des organisations internationales, le
changement de nature des produits échangés dans le monde s'opère au niveau international.
Tous les pays du monde, insérés dans la mondialisation, sont donc concernés. Comment
parviennent-ils (ou pas), eux, à définir les produits de leur production nationale ?
C) L'hétérogénéité des « Made in » étrangers
Cette sous-partie du mémoire est consacrée à une étude comparative (aussi appelée
étude « benchmark ») des « Made in » étrangers. Sont-ils davantage définis et structurés ?
Quelles sont les règles juridiques nationales et internationales liées à ce « made in » ?
Quelle est son image de marque ? Quelles sont les politiques publiques mises en place pour
promouvoir un étiquetage d'origine ?
Quatre « made in » particulièrement actifs et représentatifs des plus grands acteurs
économiques sur la scène internationale ont été choisis : le « made in Germany », le
« made in Italy », le « made in USA » et le « made in China ». Leurs particularités sur les
questions juridiques, politiques et marketing sont présentées ci-dessous. Un tableau
récapitulatif permettra enfin de les comparer entre eux et la France.
1° Made in Germany
Le « Made in Germany » est né en Angleterre suite au Marchandise Marks Act de
1887. Ce texte de loi britannique avait pour but d'alerter les consommateurs insulaires sur
les produits qui se prétendaient faussement issus de la production nationale 96. Les produits
germaniques étaient particulièrement concernés car, de mauvaise qualité, ils défiaient
grandement les produits britanniques sur leur compétitivité-prix.
Il est ainsi étonnant de savoir que les produits germaniques étaient alors considérés comme
les produits chinois d'aujourd'hui (bon marché et de mauvaise qualité) alors qu'ils se
96
Williams Ernest Edwin, Made in Germany, op.cit.
34
distinguent par leur qualité irréprochable de nos jours. Une image de marque est en effet
évolutive. De même, avec l'industrialisation et l'enrichissement de la Chine, les produits
chinois sont en voie d'amélioration de leur image de marque (cf Infra IC4 « Made in
China »).
Le « Made in Germany » n'est pas défini juridiquement par la réglementation allemande.
Dans sa contribution au rapport Jégo, le Service Économique d'Allemagne indiquait en
effet qu'« il n'y a pas de définition juridique de « Made In » allemand. En dehors des
dispositions internationales de portée générale, comme le contrat de Madrid de 1891 et les
codes des douanes de la communauté européenne, le label « Made in Germany » n'est pas
soumis à un règlement »97.
Contrairement à la tendance dans plusieurs pays européens, le gouvernement fédéral
allemand n'envisage pas de réglementer sur cette question car la situation lui est bénéfique.
En effet, ce flou juridique permet d'utiliser l'expression « Made in Germany » de manière
plus large. Ainsi, certains produits se revendiquent de la qualité et du sérieux « Made in
Germany » tandis que leur production est en grande partie réalisée dans l'hinterland
allemand, en Europe centrale (par exemple, la Porsche de Volkswagen en Slovaquie98).
Dans son rapport intitulé Au-delà du « Made in France, la « Global Quality », Jean-Claude
Karpelès démontre que la renommée des produits allemands n'est pas liée uniquement à
l'origine de fabrication des produits : « Le label « made in Germany » ne repose pas
uniquement sur un critère géographique de production. Dans de nombreux secteurs
(automobile, machine-outil, électrotechnique…), l’apposition de ce label est accordée à des
produits dont l’essentiel des matériaux et des pièces détachées proviennent des pays
d’Europe centrale et orientale, voire de Chine (« économie de bazar »). Il n’en demeure pas
moins que l’image de marque de la production outre-Rhin est associée à un très haut
niveau de qualité (durabilité, fiabilité) »99.
En 2012, une proposition du commissaire à l'Union Douanière, Algirdas Semeta, avait
tenté de limiter l'utilisation du label « Made in Germany » aux seuls produits fabriqués à
97 Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, op.cit., p.159.
98 AFP, « Volkswagen a doublé en 2012 sa production en Slovaquie », Le Point, 21/03/2013.
http://www.lepoint.fr/automobile/actualites/volkswagen-a-double-en-2012-sa-production-en-slovaquie21-03-2013-1643832_683.php
99 Karpelès Jean-Claude, Au-delà du « Made in France », le « Global Quality », CCIP, 2012, p.14.
35
plus de 45% en Allemagne. La Commission européenne avait en effet jugée que
l'utilisation d'un « Made in Germany » non-réglementé était abusive et déloyale.
Cependant, la Commission a reculé face à la pression des lobbys d'outre-Rhin qui ne
voulaient voir de nombreux produits allemands perdre la qualité du label et par la même
occasion, la fameuse réputation deutsche Qualität100.
L'expression allemande deutsche Qualität (en français, qualité allemande) exprime l'image
de marque très positive, associée aux produits allemands. Dans l'esprit des clients
internationaux et des Allemands eux-mêmes, la production allemande est synonyme de
robustesse, sérieux, durabilité, fiabilité et sécurité. « Il y a chez les Allemands un état
d'esprit fondé sur la rigueur et le sens du détail, et la communication permanente sur
l'inclusion de ces valeurs dans les biens et services, partagés par chacun des Allemands
individuellement, qui génèrent une économie empreinte de qualité et de robustesse, deux
leviers essentiels de la compétitivité hors coûts », remarque Philippe Lentschener en
comparaison avec La marque France101. Cela va de paire avec le fait que les entreprises
allemandes s'attachent fortement au respect des normes102 et entre pleinement en jeu dans le
succès commercial d'export de l'Allemagne. En 2014, l'excédent commerciale de
l'Allemagne atteint 217 milliards d'euros en 2014 (record dans son histoire et en Europe)103.
2° Made in Italy
A l'échelle internationale, l'Allemagne et l'Italie sont deux économies développées
de l'Union européenne d'ampleur assez similaire (en 2014, elles sont respectivement les
4ème et 8ème puissances du monde). Pourtant, elles n'ont pas du tout la même approche
sur le marquage d'origine. Tandis que l'Allemagne ne voit pas l'intérêt de légiférer sur le
« Made in », l'Italie, quant à elle, est en première ligne sur ce sujet. Avec la France et
100Saint-Paul Patrick, « Berlin se mobilise pour le « Made in Germany » », Le Figaro, 17/01/2012.
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/01/16/04016-20120116ARTFIG00571-berlin-se-mobilise-pourle-made-in-germany.php
101Lentschener Philippe, La marque France, pré-rapport remis au ministre du Redressement productif,
Paris : La Documentation française, 2013.
102Karpelès Jean-Claude, Au-delà du « Made in France », le « Global Quality », op.cit., p.14.
103Bauer Anne, Madelin Thibaut, « Le nouveau record de la balance commerciale allemande sous l’œil de
Bruxelles », Les Échos, 09/02/2015. http://www.lesechos.fr/09/02/2015/lesechos.fr/0204144329705_lenouveau-record-de-la-balance-commerciale-allemande-sous-l-oeil-de-bruxelles.htm
36
l'Espagne, l'Italie est dans l'Union européenne un des premiers acteurs pour le
développement d'un cadre législatif européen sur l'étiquetage d'origine obligatoire. Il a
notamment encouragé la proposition de la loi votée au Parlement européen le 15 avril 2014
(cf supra IB2 « Les règles internationales de libre-échange et leur rapport à l'origine »).
Parallèlement, plusieurs textes législatifs italiens ont été mis en place pour réglementer le
« Made in Italy ». La loi n.166/2009 définit un produit « Made in Italy » comme devant
être entièrement fabriqué en Italie (« prodotto realizzato interamente in Italia ») du dessin à
l'emballage, en passant par la conception et la fabrication. Ces conditions cumulatives sont
très restrictives pour une visibilité réelle du label.
Par ailleurs, l'article 6 du Code de la consommation italien prévoit un marquage obligatoire
des produits importés de l'extérieur de l'Union européenne 104 mais cet article ne peut être
appliqué en raison de son incompatibilité avec le droit communautaire.
Enfin, la loi de Finances 2004 sanctionne les indications d'origine fausses ou trompeuses.
Ainsi, l'application d'un marquage « Made in Italy », ou de toutes autres indications
laissant croire à une origine italienne, sur des produits non-originaires d'Italie au sens de la
réglementation communautaire (« dernière transformation ou ouvraison substantielle ») est
condamnable jusqu'à un an d'emprisonnement et 20 000€ d'amende105.
Si la législation communautaire évoluait dans le sens souhaité par l'Italie, le « Made in
Italy » gagnerait en visibilité et ainsi certainement en réputation. L'image de marque des
produits fabriqués en Italie est associé à l'élégance et à la beauté, à son design et à sa
gastronomie. Sa position marketing est donc très proche de celle de la France.
104"1. I prodotti o le confezioni dei prodotti destinati al consumatore, commercializzati sul territorio
nazionale, riportano, chiaramente visibili e leggibili, almeno le indicazioni relative: […] c) al Paese di
origine se situato fuori dell'Unione europea; », Codice del consumo, 2005, art.6.
http://www.codicedelconsumo.it/p2.html
105Finanziaria 2004 - L. 24/12/2003, n.350 – art.4, co.49.
http://www.gdf.gov.it/GdF/it/Documenti_e_pubblicazioni/Approfondimenti/Studi/Studio_sulla_contraffaz
ione/info1468722460.html
37
3° Made in USA
L'exemple du « Made in » américain est intéressant car, comme le « Made in
Italy », il représente un enjeu économique important mais lui n'est pas soumis aux
contraintes communautaires. C'est alors un véritable outil de développement économique,
voire même un instrument protectionniste. C'est en tout cas ce qu'affirme Jean-Claude
Karpelès dans son rapport : « Notons qu’aux États-Unis, le « made in » est un véritable
outil de protectionnisme commercial. L'administration américaine assume privilégier
ouvertement le "made in USA", en s'appuyant parfois sur la "clause de sauvegarde" de
l'OMC106. »107
Le « Made in USA » est strictement réglementé dans les cinquante États américains. Il
signifie qu'un produit est complètement ou presque complètement (« all or virtually all »)
fabriqué sur le territoire des États-Unis. En effet, la Federal Trade Commission (FTC) 108
réserve l'étiquetage « Made in USA » aux produits contenant au moins 95% de composants
américains. Si le pourcentage de la fabrication nationale est inférieur, le marquage doit le
préciser (par exemple, « 70% U.S Content »). Pour les produits importés, le « tariff act »109
s'applique. Les douanes retiennent alors le critère de la dernière transformation
substantielle.
Dans quatre catégories de produit bien précis, le marquage d'origine est obligatoire :
l'automobile, le textile, la laine et la fourrure. L'American Automobile Labeling Act
demande à ce que le lieu d'assemblage, le pourcentage de l'équipement provenant des
États-Unis et du Canada, l'origine du moteur et de la transmission soient communiqués à la
vente du véhicule. Le Textile Product Identification Act110 et le Wool Products Labeling
Act111 obligent au marquage « Made in USA » pour les produits finaux manufacturés aux
106L'Organisation Mondiale du Commerce prévoit la possibilité qu'un de ses membres ne remplissent pas
ses obligations contractuelles (en limitant les importations par exemple) dans le cas où la survie d'une
branche d'activité du pays est en jeu. Accord général sur les Tarifs douaniers et le Commerce, GATT de
1947 (repris par l'OMC), article XIX.
107Karpelès Jean-Claude, Au-delà du « Made in France », la « Global quality », op.cit., p.7.
108La Federal Trade Commission (FTC) est l'organisme public américain, créé en 1915, qui défend les
consommateurs et veille à une concurrence loyale entre acteurs économiques.
109Smoot-Hawley Tariff Act, 1930, 19 U.S.C. 1930, Chap.4.
110Site officiel de la Federal Trade Commission – Textile Product Identification Act, 1939.
https://www.ftc.gov/enforcement/rules/rulemaking-regulatory-reform-proceedings/textile-productsidentification-act-text
111Site officiel de la Federal Trade Commission – Wool Products Labeling Act, 1939.
https://www.ftc.gov/node/119457
38
États-Unis. Enfin, le Fur Product Labeling Act112 impose l'étiquetage du pays de
provenance de toutes les fourrures.
L'image de marque des produits américains se construit notamment sur les notions de selfmade-man, de liberté et d'innovation. Les appareils électroniques d'Apple (storytelling des
débuts de Steve Jobs dans son garage) ou les jeans Levis (symboles de l'American Way of
Life) en sont des figures de prou. Le « Made in USA » s'accompagne également d'une
fierté nationale non dissimulée. Le marquage « Proudly Made in USA » fleurit de
l'initiative d'industriels, les produits locaux sont répertoriés sur de nombreux sites internet
(par exemple, in-america.org/ ou www.usaproudlymade.org/ ) et la présidence américaine
les soutient par ses politiques patriotiques113.
4° Made in China
Le cas de la Chine est intéressant car il s'agit d'une économie émergente. Cela
signifie qu'elle a un niveau de richesse inférieur aux pays développés mais qu'elle participe
de manière croissante aux échanges internationaux de produits manufacturés, ce qui la rend
très attractive pour les flux internationaux de capitaux114.
Il s'agit du marquage le plus connu dans le monde car le plus rencontré sur les produits du
quotidien. La Chine est, en effet, aujourd'hui, le premier pays exportateur dans le monde,
avec plus de 2 000 milliards de dollars d'exportation en 2014 (soit plus que l'Union
européenne dans son ensemble)115. Aucun texte législatif chinois ne définit précisément le
« Made in China ». La règle de la « dernière transformation substantielle » de l'OMC est
alors celle appliquée à ce jour.
112Site officiel de la Federal Trade Commission – Fur Product Labeling Act, 1939.
https://www.ftc.gov/node/119458
113Barack Obama, discours lors de la campagne présidentielle, 11/01/2012 : « I want us to be known for
making and selling products all over the world stamped with three proud words: "Made in America." ».
https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2012/01/11/remarks-president-insourcing-american-jobs
114Définition de la Cepii (Centre d’Études Prospectives et d'Informations Internationales).
115Données du World Factbook, Central Intelligence Agency (CIA), 2014
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/rankorder/2078rank.html
39
L'image du « made in China » est négative. Dans le langage courant, cette expression
désigne un produit de mauvaise qualité, peu sûr et peu résistant. Ainsi, le succès
commercial d'un produit n'est pas systématiquement lié à son image. La compétitivité-prix
des produits fabriqués en Chine est l'argument d'achat principal.
Cette image commence cependant à évoluer. Les apports en technologie industrielle et en
capitaux des entreprises internationales qui ont investis en Chine ont permis à l'Empire du
Milieu de s'enrichir. Ainsi, aujourd'hui, les Chinois ont de plus en plus recours à leurs
propres composants et matériaux pour exporter leurs produits finis. Par la même occasion,
les produits chinois opèrent une montée en gamme. Dans le secteur du luxe notamment, la
concurrence des pays émergents est croissante : « Dans des pays à forte tradition artisanale,
des créateurs commencent à sortir leurs griffes. Pourquoi l'Inde, dépositaire d'un artisanat
de luxe multiséculaire laisserait-elle le champ libre aux seuls Européens ? Pourquoi la
Chine ne prendrait pas sa revanche après un siècle d'étouffement et de destruction de son
génie ? Pourquoi ne partirait-elle pas à la reconquête d'un Made in China mis en sommeil
par les vicissitudes de son histoires troublée tout au long du XXème siècle ? »116 s'interroge
Élisabeth Ponsolle Des Portes, déléguée générale du Comité Colbert (comité qui rassemble
les maisons françaises du luxe et des institutions culturelles).
Les autorités chinoises commencent à comprendre la nécessité de définir une stratégie de
marque à l'international. Le plan « Made in China 2025 » a justement pour objectif
d'améliorer l'efficacité et la qualité de la production chinoise sur les dix prochaines
années117.
116Propos recueillis par Jean-Michel Bezat dans son ouvrage Enquête sur le Made in France, op.cit., p.125126.
117Kennedy Scott, « Made in China 2025 », Center for Strategic and International Studies (CSIS),
1/06/2015. http://csis.org/publication/made-china-2025
40
5° Le tableau synoptique par pays
Made in ...
France
Germany
Origines de Réellement
prise
de avec
conscience
de
En
Italy
USA
réponse Dans
les Dans
le au
rapport
années 1980
Marchandise
sa d'Yves
Jégo Marks
(2010)
(1887)
China
les De nos jours
années 1920- avec
1930 avec le l'émergence
« tariff act »
économique
Oui
Oui
Non
loi(s)
-loi
-loi de la FTC
nationale(s)
n.166/2009
-loi
nécessité
Existence de Non
Act
Non
-art.
6
sur
du l'automobile,
Code de la le textile, la
consommatio laine
Définition
Aucune
Aucune
nationale
et
la
n
fourrure
Produit
Produit avec Aucune
entièrement
95%
réalisé
de
en composant
Italie (dessin, américain,
Initiatives
conception,
sinon
fabrication,
indication du
emballage)
pourcentage
Non
Oui
Oui
Oui
Robustesse,
Élégance,
Liberté,
Mauvaise
beauté,
rigueur,
design,
innovation,
qualité,
bon
romantisme
fiabilité,
beauté
self-made-
marché,
peu
man
sûr
peu
Non
gouverneme
ntales
Image
marque
de Élégance,
durabilité
et
résistant
41
Le tableau ci-dessus permet de mieux comparer les pays étudiés (France,
Allemagne, Italie, États-Unis et Chine) sur leurs politiques en faveur d'une marquage
d'origine.
Le tableau met en évidence les disparités entre pays : les États-Unis sont les plus avancés
sur le sujet ; les pays européens sont restreints par les règles communautaires mais
avancent en parallèle au niveau national de manière hétérogène (ce n'est pas un sujet
politisé en Allemagne, cela l'est récemment en France mais elle n'est pas encore au stade de
la légifération comme en Italie). Enfin, nouvellement inséré dans la mondialisation, la
Chine est novice en la matière.
Conclusion :
La définition du « Made in France » est très complexe. Aucun travail juridique n'a
été fait en France et les experts sont partagés sur les critères à retenir (totalité de la
fabrication ? Pourcentage de la valeur ajoutée ? Nombre d'emplois sur le territoire
français ?, etc.). La définition qui semble, à ce jour, la plus aboutie, pourrait être celle du
cahier des charges du label Origine France Garantie : caractéristiques essentielles et 50%
de la valeur ajoutée acquises en France.
Ce flou juridique, qui repose sur l'expression communautaire peu explicite de « dernière
transformation substantielle », est propice à l'émergence de labels et appellations en tout
genre. Les consommateurs sont alors plongés dans la confusion.
Définir le « Made in France » devient même de plus en plus complexe avec
l'approfondissement de la mondialisation (éclatement des chaînes de production, règles
internationales libérales et complexification des produits). Il en va de même avec les
« Made in » étrangers. Cependant, en Europe, les règles communautaires semblent être un
frein supplémentaire.
Tant qu'un travail de définition n'aura pas été fait de manière claire et précise, une politique
en faveur du « Made in France » est vaine. Il faut, en effet, pouvoir mobiliser les acteurs
économiques autour d'une même concept et les producteurs en particuliers.
42
II – L'indispensable nécessité de produire en France
Pourquoi est-il si important de produire en France ? Pourquoi les hommes
politiques parlent de « bataille décisive »118, d'« urgence nationale »119 ou de « priorité
absolue »120 ? Après tout, les délocalisations permettent d'avoir en retour des produits
moins chers ou plus performants sur le marché intérieur, ou encore, de se développer sur de
nouveaux marchés.
Comprendre pourquoi il est indispensable de produire en France, est à la base de toute
politique de promotion du « Made in France ». Après avoir montré les mécanismes
économiques qui entrent en jeu, la deuxième partie de ce mémoire expliquera le
phénomène des délocalisations et son évolution. Enfin, la possibilité de produire à nouveau
en France dans un contexte mondialisé est une question importante qui sera traitée.
A) Un effet d'entraînement sur toute l'économie française
La question du produire, sous-tendue dans l'expression « Made in France », est au
cœur des mécanismes macroéconomiques. Divers effets domino sont, en effet,
observables : l'accroissement de la production améliore la santé économique et sociale
globale d'un pays, l'industrie entraîne les autres secteurs d'activité, les donneurs d'ordre
entretiennent les entreprises de leurs supply chain.
1° Les mécanismes macroéconomiques actionnés
Pourquoi faut-il produire en France ? Dans la préface du livre de son ami Robert
Rochefort, Produire en France, c'est possible !, François Bayrou revient sur les débats de
118Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, op.cit., p.9.
119Bayrou François, 2012, état d'urgence, op.cit., p.9.
120Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, Paris : Odile Jacob, 2012, p.202.
43
l'élection présidentielle de 2012 dont il a participé en tant que candidat : « Pour avoir été
les premiers à dénoncer le risque que feraient immanquablement courir notre pays la dérive
toujours plus grave des déficits et l'accumulation de la dette, pour constater avec tous les
Français les dégâts humains du chômage, l'inquiétude des fins de mois toujours plus
difficiles, il nous revenait de remonter des symptômes à la cause du mal. Et de toutes ces
faiblesses, de tous ces manques, la cause, en fait, était unique : on ne produisait plus en
France. »121.
La question du « Produire en France » est, en effet, liée à de nombreux problèmes
économiques et sociaux (croissance, chômage, dette et déficit budgétaire, cohésion
sociale...). Produire en France, c'est :
–
pour les entreprises, bénéficier de savoir-faire, de cadres réglementaires rigoureux
et sécurisants et d'écosystème d'entreprise et de recherche performant entre autre
–
pour l’État, recevoir des recettes fiscales grâce aux impôts sur les sociétés122 et aux
cotisations sociales notamment qui pourront être redistribuées via les dépenses
publiques
–
pour les salariés, retrouver de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Produire en France est bénéfique pour la société toute entière car accroître la production
globale, c'est aussi agir sur l'évolution du nombre de chômeur. Cette relation, appelée loi
d'Okun, montre « qu'une forte croissance s'accompagne en général d'une baisse du taux de
chômage, et une faible croissance d'une hausse du chômage. C'est intuitif : un forte
croissance conduit à une forte hausse de l'emploi, parce que les entreprises embauchent
pour produire plus. Cette hausse de l'emploi entraîne une baisse du chômage. »123.
Ainsi, la question du produire en France ne se limite pas à la sphère économique mais a
également de nombreux effets sur la cohésion sociale d'une société. En effet, en agissant
sur le chômage, c'est toutes ses conséquences sociales qui sont neutralisées : isolement,
impact psychologique sur l'individu, perte de revenu, baisse de la consommation, dépense
publique supplémentaire pour l'indemnisation chômage, risque de fracture sociale, de rejet
de la société et de trouble à l'ordre public, etc.
121Préface de François Bayrou, Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible ! ,op.cit., p.9.
122Il s'agit de l'impôt retenu sur les bénéfices des entreprises.
123Blanchard Olivier et Cohen Daniel, Macroéconomie, Paris : Pearson Éducation, 5ème édition, 2010, p.29.
44
Enfin, diminuer le chômage, c'est augmenter le pouvoir d'achat et ainsi la demande
intérieure. Lorsque les conditions du marché du travail sont favorables, les travailleurs et
chercheurs d'emploi ont un pouvoir de négociation de leur salaire plus fort 124. Avec un
revenu disponible plus élevé, les ménages ont alors un pouvoir d'achat supérieur (excepté
si le niveau des prix augmente également). Cela relance la consommation et le potentiel du
marché intérieur. Une offre cherche alors à répondre à cette demande croissante en
engendrant à nouveaux de la création de valeur. Le cercle vertueux est enclenché.
Cette approche est théorique, elle simplifie la réalité. Dans une économie ouverte, comme
celle de la France, l'offre est internationale. Ainsi, la réponse à la demande intérieure peut
très bien venir de l'extérieur (importation), de la même manière que les entreprises
installées en France peuvent répondre à une demande étrangère (exportation). Or, dans le
premier cas, aucune richesse n'est produite sur le territoire national et par conséquent, pas
de redistribution des richesses, de création d'emploi, etc. (excepté pour les services
d'importation). L'enjeu est donc bien de créer une offre intérieure performante pour
enclencher le cercle vertueux décrit ci-dessus.
Par ailleurs, face aux accusations nationalistes et protectionnistes d'une politique en faveur
du « Made in France » (cf Infra IIIC3 « L'accusation du repli nationaliste »), des propos
davantage favorable à la promotion d'un « Made in EU » ont émergé125. Cela est intéressant
et important pour maintenir le rôle majeur des pays de l'Union européenne dans la
mondialisation. Cependant, dans l'état actuel de la construction européenne, la création de
richesse réalisée en Allemagne ne soutient pas la croissance, l'emploi ou le modèle social
français. En effet, il n'existe pas (encore) d'harmonisation et d'unification des systèmes
fiscaux dans l'Union européenne. Ainsi, promouvoir la fabrication d'un produit en
Allemagne par exemple, n'engendrera pas de recettes fiscales en France. Cela n'aidera
nullement à résoudre le trou de la sécurité sociale française ou encore à financer les
prestations sociales allouées en France. Ainsi, quoiqu'en dise les détracteurs du « Made in
France », les politiques nationales ont encore un sens au moins tant que les systèmes de
redistribution des richesses se géreront à l'échelle nationale.
124« Quand le taux de chômage est bas, les firmes ont plus de mal à trouver de bons remplaçants, et les
travailleurs plus de facilité à trouver un autre emploi. Dans de telles condition, les travailleurs ont un
pouvoir de négociation fort qui leur permet d'obtenir un plus haut salaire », ibid., p.159.
125Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible ! op.cit., pp.183-195.
45
2° Le rôle central de l'industrie française
Comme expliqué plus haut (cf supra IB3 « Des produits toujours plus complexes et
intersectoriels »), la production française ne se résume pas à sa production industrielle
mais elle est également composée de productions culturelle, intellectuelle, immatérielle et
de service. Toutefois, la production industrielle joue un rôle central dans l'économie
française car elle est à la croisée des autres productions.
La production industrielle française est en crise. Comme l'atteste le Pacte sur la
compétitivité de l'industrie française (plus connu sous le nom de « rapport Gallois »), la
France connaîtrait même un décrochage plus important que ses voisins : « La diminution
du poids de l’industrie dans le PIB français est plus rapide que dans presque tous les autres
pays européens : le déficit croissant du commerce extérieur marque nos difficultés à la fois
vis-à-vis des meilleurs industries européennes et face à la montée des émergents. »126. En
effet, la France se place au 15ème rang sur les 17 pays de la zone euro concernant la part
de l'industrie dans le PIB. Ainsi, l'industrie ne représentait en 2011, que 12,5% de la valeur
ajoutée totale française, tandis qu'il était de 26,2% en Allemagne, 21,2% en Suède et
18,6% en Italie127. L'industrie française s'est, en effet, délitée progressivement. En trente
ans, la France a perdu deux millions d'emploi industriel, dont 750 000 (soit plus du tiers)
ces dix dernières années (entre 2002 et 2012)128.
Un document de travail de la Direction Générale du Trésor pose trois raisons principales à
cette industrialisation :
–
l'externalisation de certaines tâches industrielles au secteur des services
–
l'amélioration des gains de productivité (baisse du besoin de main d’œuvre) et
l'évolution de la demande (modification de la structure de dépenses des ménages au
profit des services et aux détriments des biens industriels)
–
la concurrence commerciale internationale accrue, en particulier avec les pays
européens et les pays émergents.
Cette dernière raison, conséquence directe de la mondialisation des échanges, représente
126Gallois Louis, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, Paris : La Documentation française,
2012, p.5.
127Ibid. p.9.
128Ibid.
46
aujourd'hui (ou plus précisément sur la période 2000-2007) un tiers des destructions
d'emploi industriel, tandis qu'il était à 13% responsable sur la période 1980-2007. L'effet
de la concurrence commerciale internationale s'accélère donc129.
Le rapport Gallois indique également que les délocalisations ont été encore plus
destructrices en France qu'ailleurs car elles ont « trop souvent porté en France sur
l’ensemble des processus industriels concernés, à la différence d'autres pays qui ont su
conserver sur leur sol les éléments les plus critiques de ces processus (segments de haute
technologie, assemblage) »130.
La perte d'un savoir-faire industriel due à la diminution de l'emploi industriel et la
délocalisation des processus de production dans leur ensemble, entraîne également dans sa
chute d'autres productions. En effet, l'industrie a un rôle d'entraînement majeur sur toute
l'économie (emploi, innovation, croissance...). Dans sa lettre de mission à Louis Gallois,
l'ancien Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, assure ainsi qu'« il ne peut y avoir
d'économie forte, sans industrie forte »131.
Un emploi industriel génère trois à cinq emplois hors industrie car « il a un effet
multiplicateur plus fort sur les autres emplois »132, dû en grande partie à sa collaboration
très étroite avec les services et le réseau de sous-traitance. De plus, les entreprises
industrielles utilisent une part importante de leur investissement dans la recherche.
L'innovation est au cœur du développement économique des industries. Elle permet de
moderniser sa gamme de produits, de se mettre au niveau des avancées technologiques (ou
de les devancer) et de rendre un produit industrialisable (c'est-à-dire productible à grande
échelle).
L'industrie a donc une incidence très positive sur l'ensemble de l'économie car elle est
source d'emploi, d'innovation et de compétitivité. Pourtant, elle a longtemps été délaissée
au profit du secteur tertiaire. Arnaud Montebourg dénonce, dans un des ses ouvrages, la
politique de la France « sans usine » suivie à la fin des années 1990 : « Une grande partie
de la classe dirigeante préférait chanter en chœur la fin des usines, comme si la France
129« La désindustrialisation en France », Cahier de la Direction Générale du Trésor, n°2010/01, juin 2010,
p.4-5 https://www.tresor.economie.gouv.fr/file/326045
130Gallois Louis, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, op.cit., p.13.
131Ibid., Lettre de mission du Premier Ministre à Louis Gallois.
132Ibid., p.5.
47
pouvait se passer de production industrielle et se contenter d'importer du low cost par
porte-conteneurs ! »133. Ces idées cédaient, selon lui, « aux sirènes de la préférence pour les
services et la finance, ce prétendu modèle anglo-saxon qui rayonnait dans les têtes »134. La
tertiarisation de l'économie française a en effet été fulgurante, il représente aujourd'hui
78,9% de l'emploi en France135
Le secteur tertiaire (services) et secondaire (industrie) sont intimement lié. Le rapport de
Jean-Louis Beffa, intitulé Pour un nouvelle politique industrielle, explique alors qu'« il faut
penser le développement des services et le développement industriel comme
complémentaires et non comme substituables »136. De plus, il ajoute que les biens
industriels ont une valeur ajoutée plus forte que celle des produits de service ce qui
déséquilibre les échanges commerciaux (comme entre la France et l'Allemagne aujourd'hui
par exemple)137.
De nombreuses raisons amènent donc à penser que produire en France a un effet
d'entraînement très important sur toute l'économie française. A ceci, s'ajoute le fait qu'une
entreprise maintenue sur le sol français entretient un écosystème d'entreprise dans son
sillon.
3° L'effet domino de la supply chain
La Supply Chain (ou chaîne logistique en français) d'une entreprise est, selon le
manuel Management des achats, l'« ensemble des acteurs, ou entités, qui concourent à eux
133Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, op.cit., p.26.
134Ibid., p.27.
135Chiffre 2014 du site officiel du World Factbook https://www.cia.gov/library/publications/the-worldfactbook/fields/2012.html
136Beffa Jean-Louis, Pour une nouvelle politique industrielle, rapport remis au Président de la République,
Paris : La Documentation française, 2005, p.15.
137« Même si la part des services dans l’économie s’accroît, une industrie solide est nécessaire à un équilibre
vertueux de la balance commerciale et à la croissance. En effet, la demande en biens industriels des pays
développés reste importante, car elle assure l’essentiel de leur qualité de vie. Si ces biens ne sont pas
produits, ils doivent être achetés à l’étranger. Quels services exportables peuvent être la contrepartie de
l’achat des biens industriels à l’étranger ? Selon un scénario envisagé par certains auteurs, la France
pourrait devenir essentiellement agricole et touristique et acheter ses biens à d’autres pays spécialisés
dans la production industrielle. Cette évolution de la spécialisation vers des secteurs à faible valeur
ajoutée appauvrirait la France et fragiliserait sa position dans le commerce international. » Ibid.
48
tous à la satisfaction des clients finaux représentant ainsi pour l'entreprise l'intégralité du
système opérationnel d'approvisionnement de ses marchés clients »138. Autrement dit, la
supply chain constitue l'ensemble des acteurs qui contribuent à la fabrication d'un même
produit industriel. En effet, une entreprise industrielle réalise rarement de a à z l'intégralité
des composants et pièces détachées d'un produit manufacturé. De manière générale, plus
un produit est complexe, plus les sous-traitants sont nombreux. Par exemple, un cas
extrême, le célèbre constructeur aéronautique européen, Airbus, a recours à plus de 2000
fournisseurs dans vingt pays du monde pour livrer des avions à la pointe de la
technologie139. Derrière un seul produit se trouve donc tout un écosystème d'entreprise. Le
terme « entreprise étendue » exprime bien cette relation d'interdépendance et de
collaboration très étroite entre les acteurs d'une même chaîne de production.
Ainsi, lorsque l'entreprise qui sous-traite (appelée « donneur d'ordre » ou « client ») perd
des commandes, les effets restrictifs sur la production se ressentent également sur les
entreprises sous-traitantes. A l'inverse, lorsqu'une entreprise sous-traitante perd en
performance, le donneur d'ordre perd également en compétitivité ; lorsque que le
fournisseur fait faillite, c'est un savoir-faire qui s'éteint sur un territoire et le client doit
avoir anticipé son remplacement pour ne pas perturber sa chaîne de production. Cet effet
domino, à la fois top-down et bottom-up, est au cœur des politiques publiques de relance
de la production française.
La Médiation Inter-entreprises a pour objectif d'aider les entreprises dans leur relation avec
leurs donneurs d'ordre. Créée en 2010, cette entité semble répondre à un réel besoin car
environ mille cas de médiation sont traités tous les ans. De plus, sa « Charte Relations
Fournisseur Responsables » permet de responsabiliser les leaders de filières et ainsi
garantir un bon climat de confiance entre clients et fournisseurs140.
Le Pacte PME est une association créée en 2010 dans le but de renforcer la relation et le
codéveloppement entre PME et grands comptes. Cinquante-quatre grands comptes (BNP
Paribas, Capgemini, Danone, Sanofi, Veolia, …) se sont engagés à développer des
138Bruel Olivier, Management des achats, Paris : Economica, 2007, p.124.
139Données du site officiel d'Airbus Group - « Airbus for suppliers ».
http://www.airbus.com/tools/airbusfor/suppliers/
140Site officiel du Ministère de l’Économie - « La Médiation Inter-entreprises ».
http://www.economie.gouv.fr/mediation-interentreprises
49
partenariats avec les PME du territoire national. Ainsi, en 2013, les grands comptes
membres de l’association Pacte PME ont attribué 2,4 milliards d’euros de commandes
supplémentaires aux PME françaises et la part des PME dans leurs achats est passée de
21,2 % en 2012 à 22,4 %141.
Troisième exemple, les gouvernements français successifs ont régulièrement pris en
compte cet effet domino dans leur politique de soutien productif. Dernier en date : le Pacte
national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi du gouvernement de Jean-Marc
Ayrault, publié en 2012 en vue d'appliquer les recommandations du Pacte pour la
compétitivité et l'industrie française (« rapport Gallois »). Le programme du Premier
Ministre, constitué en huit levier de compétitivité, dont une intitulée « Produire
ensemble », mettait en avant la nécessité pour l’État de conditionner « davantage ses
soutiens aux grandes entreprises à leurs capacités d'associer leurs fournisseurs et soustraitants »142.
Le soutien de l’État est primordial mais c'est surtout de la mobilisations des entreprises que
le « Made in France » assura son avenir. Le maintien d'un tissu industriel et d'un savoirfaire de qualité sur le territoire national dépend en grande partie de la stratégie des
entreprises donneurs d'ordre. En effet, leur service Achat a pour responsabilité la gestion de
la chaîne logistique (ou « Supply Chain Management ») : « Par la création d'un
environnement collaboratif avec les fournisseurs, le Supply Chain Management a pour but
d'alimenter l'innovation, d'améliorer la flexibilité des approvisionnements, d'assurer un
meilleur taux de service, de maîtriser la qualité des produits tout en réduisant les coûts
d'achats. »143.
Dans cette recherche du meilleur rapport qualité-prix, la question du lieu d'implantation
des fournisseurs n'est que secondaire. C'est ce qu'affirme Richard Gabry, Directeur Achat
de Tisséo en entretien (cf Annexe 10) : « L'entreprise en acheteur final, son critère premier
n'est pas la proximité géographique. Son critère premier à elle, quand elle achète quelque
chose, c'est la performance […]. Donc soit c'est performant et c'est français, soit c'est
141« Impact des grands groupes sur les PME françaises », in Bilan annuel du Pacte PME, 2014.
http://www.pactepme.org/uploads/blog/bilan-pacte-pme-2014-1.pdf
142Ayrault Jean-Marc, Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, Paris : La
Documentation française, 2012, p.3.
143Bruel Olivier, Management des achats, op.cit., p.129.
50
performant et c'est étranger et l'acheteur ira acheter performant à l'étranger parce
qu'aujourd'hui nous sommes dans une compétition internationale ». Cependant, il remarque
une évolution ces dernières années : « Pendant un moment, dans les achats, on considérait
que plus les fournisseurs étaient loin, plus les problèmes qu'ils pouvaient avoir, étaient loin
de nous. On se rend compte qu'aujourd'hui leurs problèmes, ont des impacts sur notre
activité et qu'à ce titre, dans la supply chain, il vaut mieux qu'on ait des fournisseurs qui
soient proches de nous parce que plus réactifs, parce qu'on comprend bien les modes de
penser et le tissu économique local. Donc, tous ces avantages-là, je dirais, permettent
d'aller un peu dans le sens de trouver des acteurs performants localement. Mais, je dis bien
performants ! On ne fait pas du local pour faire du local. Cette légitimité ne vaut que à
partir du moment où une entreprise est compétitive et qui sait accompagner son client dans
le temps. Faire de l'achat local pour de l'achat local, juste pour le mettre sur un tableau de
bord c'est contre-productif ». Ainsi, la proximité géographique des fournisseurs est un
critère pris en compte car il présente plusieurs avantages (meilleure réactivité, homogénéité
culturelle et connaissance du territoire). Cependant, le critère déterminant reste la
performance, c'est-à-dire un rapport qualité-prix optimal.
De même, une étude de l'Ifop (Institut français d'opinion publique) montre que le « Made
in France » est un critère de première importance pour les chefs d'entreprise notamment
dans le choix des sous-traitants. En effet, 74% d'entre eux ont déclaré que la localité avait
une influence importante dans la décision finale d'achat 144. Cependant, l'achat « Made in
France » ne fait pas partie des objectifs des services Achat. Une étude d'AgileBuyer/HEC
montre que seuls 13% des services achat interrogés ont un objectif d'achats locaux en
2014, soit 6 points de moins qu'en 2013145. En revanche, la figure du « costkiller » (un
chercheur de réduction des coûts) reste donc encore prédominante en entreprise. Celles-ci
semblent donc moins préoccupées par l'origine nationale de leurs produits que les
consommateurs (cf IIIA1 « Les tendances de la consommation actuelle »).
Il faut noter également que les services achats des organisations soumises au Code des
Marchés Publics146 ont interdiction d'utiliser la proximité géographique comme critère de
144, « Le Made in France, regards croisés Français et chefs d'entreprise », in Ifop/Cedre, Novembre 2011,
p.14.
145« La priorité des services Achat en 2014 », Agile Buyer et Groupement Achat HEC, 2014, p.10.
146Le Code des Marchés Publics réglemente les procédures achat des entités gérant des fonds publics.
51
sélection des candidats à leurs appels d'offre. En effet, ces organisations de la commande
publique ont un devoir de respect du principe d’égalité de traitement des candidats
(principe édicté dans la jurisprudence communautaire147). Les appels d'offre étant publiés, à
partir d'un certain volume, au Journal Officiel de l'Union européenne (JOUE), toutes les
entreprises intéressées de l'Union européenne peuvent donc postuler. Cependant, Richard
Gabry a expliqué en entretien que l'allotissement148 ou le critère environnemental peuvent
permettre de sélectionner des entreprises locales de manière contournée (cf Annexe 10).
A l'inverse, aux Etats-Unis, le Small Business Act149 réserve certains marchés publics aux
Petites et Moyennes Entreprises (PME) pour soutenir le terreau économique national. Le
rapport Gallois avait proposé de créer « Small Business Act » à la française150 mais il ne vit
pas le jour à cause du cadre réglementaire communautaire.
Pour résumer, plusieurs raisons justifient la nécessité de continuer à produire en France : le
rôle de la création de richesses dans le fonctionnement de la société toute entière, le rôle
d'entraînement de l'industrie sur les autres secteurs d'activité et le rôle des entreprises
clientes pour leurs fournisseurs. Promouvoir le « Made in France », c'est donc vouloir
entretenir un écosystème vital. Avec le phénomène des délocalisations, concomitants au
développement de la mondialisation, cet équilibre est mis en danger.
B) Promouvoir le Made in France pour lutter contre les
délocalisations
Un des phénomènes les plus visibles de la mondialisation est la délocalisation. Avec
l'amélioration des moyens de production et des technologies de l'information et de la
communication, de nombreuses usines ont été fermées pour s'installer ailleurs sur la
planète. La partie qui suit va s'attarder sur l'ampleur de ce phénomène en France et ses
causes. Pourquoi plusieurs entreprises ont décidé de ne plus produire au moins une partie
147Commission c/République italienne, aff. C 360/89, CJCE, 3 juin 1992.
148L'allotissement est la fait de répartir en lots les différentes prestations nécessaires à la réalisation d'un
projet. Ce procédé permet davantage aux PME de pouvoir proposer leur offre de service.
149Small Business Act, Public Law 85-536, 1953. https://www.sba.gov/sites/default/files/Small%20Business
%20Act_0.pdf
150Gallois Louis, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, op.cit., p.32.
52
de leur production en France ?
A l'inverse, le phénomène de relocalisation (retour des moyens de production au pays
d'origine) est également constaté. De moindre ampleur, il est cependant intéressant à
étudier pour montrer la possibilité de produire à nouveau en France, et ce même dans
contexte de mondialisation.
1° Les délocalisations et leurs causes
La délocalisation est le redéploiement international, partiel ou total, d'activités
industrielles ou de services. Il y a donc arrêt d'activités dans le pays d'implantation original
et entrée d'activités dans le nouveau pays d'implantation151.
Selon une enquête de l'Observatoire de l'Investissement/Trendéo, 562 012 emplois ont été
supprimé en France, à cause de la délocalisation de 137 entreprises sur la période 20092011 (soit 8,6% des suppressions d'emploi industriel)152. Étonnement, les délocalisations ne
sont pas si dévastatrices qu'il y parait.
Par ailleurs, les emplois de services sont souvent perçus comme moins délocalisables que
ceux de l'industrie. Or, une étude du Sénat a analysé Les délocalisations des métiers de
services et évalue à 202 000 le nombre d'emplois perdus en France du fait des
délocalisations dans les activités de services sur la période 2006-2010 153. Les services aux
entreprises et l'informatique sont les deux secteurs les plus touchés par la délocalisation des
services comme le constate Benjamin Carle, journaliste de Canal +, dans son documentaire
Made in France, l'année où j'ai vécu 100% français. Il estime que 30% des emplois
tertiaires en France sont potentiellement délocalisables, soit près de 6 millions de poste154.
151Bruel Olivier, Management des achats, op.cit., p.218.
152« Délocalisation et relocalisation depuis 2009, une mise à jour », Observatoire de l'investissement et
Trendéo, novembre 2011. http://www.trendeo.net/2011/12/14/delocalisations-et-relocalisations-depuis2009-une-mise-a-jour/
153 LECOLE Jean-François, BISOT Ludovic, BEAUCOURT Vincent, HECHAICHI Malik, DECLETY
Renaud, TIXIER Sandrine, Les délocalisations des métiers de services, Sénat, 2005.
154Carle Benjamin, Made in France, l'année où j'ai vécu 100% français, Canal + Création originale, 2013.
53
Il existe plusieurs causes au choix de délocaliser, parmi ceux-ci :
–
le coût de main-d’œuvre plus faible dans les pays en développement. En réduisant
les coûts salariaux, et donc les coûts totaux de fabrication, l'entreprise peut alors
réduire ses prix et augmenter sa marge. Ainsi, le revenu annuel brut moyen par
habitant en France est de 43 080$, contre 7420$ en Bulgarie, 3020$ au Maroc et
7380$ en Chine155. Cependant, le coût de main-d’œuvre n'est pas toujours
déterminant notamment parce qu'il n'entre parfois que pour moins de 20% du prix
de revient d'un produit.
–
le développement des transports : la mondialisation est à la fois la conséquence et le
soutien de la croissance des transports dans le commerce international. L'invention
par Malcolm McLean, en 1956, du conteneur a permis la standardisation des modes
de transport. S'en est suivi l'accélération, la spécialisation et l'augmentation de la
capacité des moyens de transport156
–
la chute des droits de douane : un des objectifs principaux du GATT puis de l'OMC
est l'abaissement des tarifs douaniers. Ainsi, par exemple, la première série de
négociation, le « cycle de Genève » de 1947, a permis de réduire 45 000 droits de
douane, soit 10 milliards de dollars157
–
le développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication (NTIC), principalement la téléphonie mobile et l'internet : cela
permet la rapidité et la multiplicité des échanges internationaux. Les NTIC sont
également un important facteur de croissance économique158.
Par ailleurs, une délocalisation est aussi porteuse de conséquences positives. Les marges
obtenues dans les pays à bas coûts peuvent être réinvesties et permettre le développement
de nouvelles activités sur le territoire. Les délocalisations permettent de proposer des prix
moins chers aux consommateurs. Ceux-ci ont alors davantage de pouvoir d'achat pour
155Données de la Banque mondiale, 2014. http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GNP.PCAP.CD
156Frémont Antoine, « Les rendez-vous de la mondialisation - Dossier n°8: mondialisation, transports et
logistique », in Centre d'analyse stratégique, 2007.http://archives.strategie.gouv.fr/cas/content/dossier-n
%c2%b08-mondialisation-transports-et-logistique.html
157Site officiel de l'OMC – « Les années GATT : de la Havane à Marrakech ».
https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact4_f.htm
158Ranque Denis, Technologies clés 2015, Ministère de l'Industrie, de l’Énergie et de l’Économie
numérique, mars 2011.
54
d'autres biens et services secondaires, parfois non-délocalisables (culture, hôtellerierestauration, communications, transports, …). Ainsi, les délocalisations peuvent être
créatrices d'emploi sur le sol national (40 000 emplois par an selon estimation159).
Délocaliser peut même parfois permettre de maintenir l'entreprise à flot et ainsi de
sauvegarder des emplois sur le territoire. C'est notamment le cas pour Armor Lux,
entreprise bretonne fabricant de prêt-à-porter, dont la fameuse marinière d'Arnaud
Montebourg160.
Le phénomène de délocalisation, intimement lié au développement de la mondialisation,
n'est pas irréversible. Bien au contraire, plusieurs évolutions dans les paramètres
économiques, sont facteurs de retour de la production.
2° Le phénomène de relocalisation
Depuis quelques années, plusieurs relocalisations sur le territoire français ont pu
être observées. Smoby, Atol, Habitat Petrole Hahn, Majencia ou Solex ont à nouveau ancré
leur unité de production en France depuis cinq ans, voire dix ans161.
Même si ces exemples sont largement minoritaires (de 2009 à 2011, il a été comptabilisé
137 délocalisations pour 31 relocalisations162), elles reflètent une nouvelle tendance.
En effet, certains avantages compétitifs engendrés par une délocalisation dans les pays
émergents s'amenuisent. Une étude du cabinet de conseil Boston Consulting Group indique
que : «plusieurs pays ont vu des hausses de salaires annuelles comprises entre 10% et
20% ; la productivité a doublé dans de nombreux pays alors qu'elle a décliné dans d'autres;
les taux de change des monnaies ont fluctué grandement, avec des baisses de 20% jusqu'à
159Béziat Bruno, « Les limites de la mode du made in France », Sud Ouest, 28/11/2013.
http://www.sudouest.fr/2013/11/28/les-limites-de-la-mode-du-made-in-france-12426113390.php
160Roger Eve, « Armor Lux: les limites du Made in France », Europe1.fr, 14/02/2012.
http://www.europe1.fr/economie/armor-lux-les-limites-du-made-in-france-946641
161Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, op.cit., p.182.
162« Délocalisation et relocalisation depuis 2009, une mise à jour », in Observatoire de l'investissement et
Trendéo, novembre 2011. http://www.trendeo.net/2011/12/14/delocalisations-et-relocalisations-depuis2009-une-mise-a-jour/
55
des appréciations de 35% vis à vis du dollar américain; les coûts de l'énergie, par rapport
aux États-Unis ont augmenté dans plusieurs pays de 50% à 200%» 163. Par conséquent, par
exemple, les coûts de production chinois ne sont plus que de 4 points inférieurs à ceux des
États-Unis. Une autre étude du Boston Consulting Group montre alors un retour des
investissements industriels sur le sol américain dû à l'amélioration de la productivité
américaine, à la hausse des salaires chinois, à l'exploitation du gaz et pétrole de schiste et le
plébiscite des consommateurs américains pour le « Made in America »164.
Les risques de malfaçons dans les pays de délocalisation ont également fait relocaliser
plusieurs entreprises françaises. La société Geneviève Lethu, spécialiste des arts de la table
a rapatrié en 2002 la quasi-totalité de sa production en France suite à ses déboires
rencontrés en Asie: « Depuis 2005, nous constations des problèmes presque à chaque
envoi, dans chaque container en provenance de Chine. Nous étions confrontés, chaque jour
davantage, à des problèmes de qualité avec les fabricants chinois. L'exécution des
commandes n'était pas toujours respectée, loin s'en faut. Le cahier des charges non plus.
Cela pouvait se traduire par une couleur qui n'était pas celle désirée - avec un vert prairie
qui devient par exemple un improbable vert anglais - ou, de façon plus grave, par
l'utilisation de composants ne respectant pas les normes alimentaires, comme les additifs
au cadmium, par exemple, dans la fabrication des assiettes. Ce qui est strictement interdit
en France" »165.
Comme l'explique une étude de Bercy intitulée « Les relocalisations : une démarche
multiforme qui ne se réduit pas à la question du coût de main d’œuvre », d'autres facteurs
de relocalisation rentrent en jeu : « Ces entreprises souhaitent surtout améliorer la
logistique et la qualité de leur production, et bénéficier d'une meilleure image, notamment
du Made in France. »166.
Il est important de noter que le retour d'une activité de production dans le pays d'origine ne
163Sirkin Harold L., Zinser Michael, Rose Justin, « The Shifting Economics of Global Manufacturig », in
Boston Consulting Group, avril 2014.
164Sirkin Harold L., Zinser Michael, Hohner Douglas, « Made in America, again », in Boston Consulting
Group, Août 2011. http://www.bcg.com/documents/file84471.pdf
165Vulser Nicole, « Geneviève Lethu : le retour au ''Made in France'' », Le Monde, 12/11/2012.
166Faure Pascal, « Les relocalisations : une démarche multiforme qui ne se réduit pas à la question du coût
de main-d’œuvre », in Le 4 pages de la Direction Générale de la compétitivité, de l'industrie et des
services, n°30, mars 2014. http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-etstatistiques/4_pages_Dgcis/2014-03-4p30-FR.pdf
56
peut se faire par pur élan de générosité et de solidarité nationale. De nombreux facteurs
économiques sont à prendre en compte. En 2013, le ministère de l’Économie et du
Redressement productif a lancé Colbert 2.0. Il s'agit d'un logiciel internet qui permet aux
entreprises, à travers une série de 48 questions, de s'interroger sur les gains d'une
éventuelle relocalisation (délais de livraison, prix des transports, gains de productivité issus
de l'automatisation, taux de conformité de la fabrication, aides possibles de la Banque
Publique d'Investissement167, …)168.
Par ailleurs, encourager les relocalisations n'est pas forcément synonyme de retour de
l'emploi. Lors d'une relocalisation, il y a certes retour d'activité mais pour compenser les
surcoûts salariaux, il faut augmenter en productivité. Pour cela, par exemple, l'ouvrier
chinois est remplacé en France par une machine. Le nombre d'emplois nécessaire en
France n'est donc pas équivalent au nombre d'emplois utilisé en Chine (ni d'ailleurs avec le
niveau d'emplois en France avant la délocalisation) mais les emplois sont plus qualifiés
(l'ouvrier chinois est remplacé par un technicien sur plusieurs machines). Le nombre
d'emplois relocalisé alors est difficile à estimer. L'économiste El Mouhoub Mouhoud,
spécialiste des questions de mondialisations, s'essaie au calcul suivant : « pour dix emplois
délocalisés, il n'y a dans la balance qu'un emploi relocalisé. Et les postes créés sont des
emplois d'opérateurs, quelques administratifs et … des robots. Les relocalisations ne sont
sûrement pas faites pour créer des emplois »169.
Les paramètres économiques de la mondialisation évoluent (salaire, nouveaux carburants,
attentes des consommateurs, ...). En conséquence, aujourd'hui, de multiples coûts dit
« cachés » (mauvaise qualité, transport coûteux, image dégradée, contrefaçons 170, etc.)
forment un ensemble de raisons persuasives pour la relocalisation.
Des politiques publiques aident à la prise de conscience de ces coûts et soutiennent les
167« La banque publique d'investissement (bpifrance) a pour priorité d’offrir l’ensemble des instruments de
soutien financier aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire, en
conformité avec les règles européennes. Elle propose des services d’accompagnement et de soutien
renforcé à l’innovation et à l’export, accessibles pour les entreprises grâce à des guichets uniques dans
chaque région. » Site officiel du ministère de l’Économie – Rubrique « Banque publique
d'investissement ». http://www.economie.gouv.fr/banque-publique-dinvestissement
168Site officiel du ministère de l'Economie – Accès au test Colbert 2.0.
http://www.entreprises.gouv.fr/relocaliser/test
169Mouhoud El Mouhoub Mondialisation et délocalisation des entreprises, Paris : La Découverte, 2008.
170Torgemen Emilie, « Contrefaçon: la Chine ose tout », La Tribune, 13/08/2011.
http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110803trib000640486/contrefacon-la-chineose-tout.html
57
relocalisations. Un travail sur l'image de marque de la France à l'international permettrait
également une plus-value compétitive pour la production française.
C) La « marque France » à l'international
L'image de marque de la France à l'international est un élément important pour la
compétitivité de la production française. En effet, promouvoir le « Made in France » ne se
limite pas aux seules frontières nationales. Cette politique économique s'inscrit également
dans un cadre mondialisé car elle est étroitement liée aux exportations. Cette partie tâchera
de répondre aux questions suivantes : Sur quoi s'appuie la « marque France » ? Comment
améliorer la compétitivité hors coût de nos entreprises à l'export ?
1° La position intenable de la France à l'export
Septième pays exportateur au monde, la France exporte pour 437,3 milliards
d'euros en 2014171 mais ne celles-ci ne recouvrent ses importations. La France connaît donc
un déficit de sa balance commerciale172 de plus de 53,8 milliards d'euros, en 2014173. Les
secteurs qui exportent le mieux sont
l'aéronautique et spatial, la chimie, parfums et
cosmétiques et l'agroalimentaire tandis que le secteur le plus déficitaire est celui de
l'énergie174.
L’affaiblissement de l’industrie française (cf Supra IIA2 « Le rôle central de l'industrie
française ») engendre des pertes de parts de marché considérables à l’exportation. En effet,
la part de marché des exportations industrielles françaises est passée de 12,7%, en 2000, à
9,3% en 2011175. Cependant, l'export de produits manufacturés représente encore 80% du
171Fekl Matthias, Chiffre du commerce extérieur en 2014, Ministère des Affaires étrangères et du
Développement international, février 2015.
172La balance commerciale est égale à la différence entre les exportations et les importations de biens et
services.
173Fekl Matthias, Chiffre du commerce extérieur en 2014, op.cit.
174Ibid.
175Gallois Louis, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, op.cit., p.9.
58
total des exportations françaises176.
Plusieurs raisons structurelles sont la cause de ce défaut de compétitivité de la France à
l'export.
Le positionnement moyen de gamme des produits français à l'export est trop concurrentiel,
les parts de marché potentiel sont alors restreints. Le rapport Gallois montre qu'il s'agit
d'une différence importante avec la stratégie marketing allemande : « hormis certaines
niches, [la France] est plutôt positionnée, à la différence de son concurrent d'Outre-Rhin,
sur le milieu de gamme en matière de qualité et d'innovation. Elle a peu de facteurs
différenciants et elle est de ce fait très exposée à la concurrence par les prix, alors même
que ses coûts sont relativement élevés – à l'exception du coût de l'énergie- par rapport aux
autres pays européens »177. Ainsi, la production française, en générale, est prise en étau
entre d'un côté les produits haut de gamme comme ceux de l'Allemagne (moins sensibles
au facteur prix car proposant une offre de qualité) et les produits bas de gamme et bon
marché comme ceux des pays émergents.
Par ailleurs, le tissu d'entreprises français n'est pas propice aux exportations. En effet, la
France compte 3,1 millions de PME178, soit 99,8% des entreprises françaises179. Or, les
entreprises de taille intermédiaire sont les plus exportatrices car elle peuvent assurer les
coûts d'exportation (transport, prospection, adaptation du produit, …). Ainsi, en 2014, la
France comptait 120 998 entreprises exportatrices, soit bien moins que l'Allemagne, qui
peut s'appuyer sur son tissu d'entreprises familiales de taille intermédiaire appelée
« Mittelstand »180.
Cependant, la production française a de très nombreux atouts à faire valoir dans le
commerce international. « L'économie française a de grands atouts : des pôles industriels
d'excellence mondiale, des grands groupes puissants et développés à l'international, un issu
dynamique de PME innovantes, une recherche scientifique reconnue mondialement et des
formations supérieures et techniques de grande qualité, des services publics et une énergie
176Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, op.cit., p.75.
177Gallois Louis, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, op.cit.. p.10.
178Le sigle PME désigne les Petites et Moyennes Entreprises, c'est-à-dire les entreprises de moins de 250
effectifs et dont le chiffre d'affaire n'excède pas les 2 millions d'euros.
179Fekl Matthias, Chiffre du commerce extérieur en 2014, op.cit.
180Ibid.
59
électrique facteurs d'attractivité. »181
La France a d'excellents groupes mondiaux. Presque tous les membres du CAC-40 182 sont
dans les trois premières places mondiales de leur secteur. A l'autre extrémité, de
nombreuses PME innovantes naissent en France. Le succès de la French Tech183 l'illustre.
Quelques unes de ses start-up ont brillé au CES (Consumer Electronic Show184) : Withings,
Netatmo, Sen-se et Parrot ont même été sélectionnées par le magazine spécialisé américain
Wired parmi les huit meilleures innovations présentées au CES185.
La qualité de la recherche et des ingénieurs français sont également réputés dans le monde
entier. La France est au troisième rang des pays (après les États-Unis et le Japon) qui ont
les meilleures entreprises capables de transformer la R&D en création de produit et de
services innovants. Le « Top 100 Global Innovators 2014 » de Thomson Reuters affirme en
effet que la France possède 12 des 100 meilleures entreprises ou centres de recherche (en
prenant compte du nombre de brevet accepté, de leur portée internationale et de leur fort
contenu en innovation)186. Il ne faut pas oublier que la France est la patrie de Blaise Pascal
et sa machine à calculer (1642), de Denis Papin et sa machine à vapeur (1690), de
Barthélémy Thimonier et sa machine à coudre (1830), de Paul Héroult et son électrolyse
pour fabriquer de l'aluminium (1886), d’Émile Courtet et ses dessins animés (1908), de
Roland Moreno et sa carte à puce (1974), de Luc Montagnier et son test de dépistage du
sida (1983) et plein d'autres187.
La production française a donc toutes les chances de gagner en compétitivité et en part de
marché dans les échanges internationaux. Un travail sur la « marque France » est alors à
engager.
181Ayrault Jean-Marc, Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, op.cit, p.1.
182Le CAC-40 est l'indice boursier de la bourse de Paris sur lequel se retrouve des actions des plus grandes
entreprises françaises dont : Accor, Airbus Group, Carrefour, Danone, EDF, Renault, ...
183La French Tech est une structure publique d'aide aux start-up innovantes, c'est-à-dire des jeunes
entreprises en forte croissance. www.frenchtech.com
184Le CES est le salon le plus réputé dans le monde sur les nouvelles technologies. https://www.cesweb.org/
185Gadget Lab Staff, « The 11 coolest things at CES so far, from wi-fi tea kettles and electric roller skates »,
Wired, 1/05/2015.
186Top 100 Global Innovators, Thomson Reuters, 2014. http://top100innovators.com/
187Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, op.cit., p.11.
60
2° Les contours de la « marque France »
Pour accroître l'attractivité et la compétitivité des produits fabriqués en France,
l'image de marque de la France est essentielle. Le rapport Lentschener travaillant à
l'élaboration de La marque France, sous la commande de l’État, insiste sur l'importance de
cet outil car il s'agit d'« atout majeur et vital dans la mondialisation pour un pays à
l'économie développée. C'est notamment un moyen efficace de réduire le déficit
commercial et d'accroître le nombre d'emplois créés sur le territoire national »188.
La notion de « marque pays » (ou nation branding) est inventée par Simon Anholt, un
conseiller politique anglais, dans les années 1990. Elle englobe l'ensemble des
caractéristiques positives attribuées à un pays lui permettant de se distinguer de ses
concurrents.
Jean-Noël Kapferer, professeur à HEC et spécialiste des marques analyse que « La marque
pays – au sens moderne - va au-delà des labels passifs et des certifications d'origine : elle
conduit à se reconnaître dans ses valeurs, sa vision du monde, sa culture. La marque pays
déborde largement du strict « Made in », certification qu'une certaine proportion de la
valeur ajoutée a bien été réalisée dans le pays. La vraie question est celle du respect des
valeurs qui sont attachées à ce pays, qui fondent son identité [car] […] d'autres valeurs
ajoutées constituent le levier de l'attraction de la marque pays que la certification
d'origine »189.
A quoi peut donc se rattacher la « marque France » ? A l'étranger, la France est souvent
réduite aux produits de luxe (haute-couture, sac-à-main, parfumerie), à sa gastronomie et à
son patrimoine culturel (châteaux de la Loire). Or, la France a de nombreux autres
domaines d'excellence méconnus (en France comme à l'étranger) et pourtant beaucoup plus
porteurs économiquement : TGV, nucléaire civil, automobile, aéronautique, traitement des
eaux et des déchets, ingénierie pétrolière, vaccins et jeux vidéo190.
188Lentschener Philippe, La marque France, op.cit.
189Kapferer Jean-Noël, « Quelle stratégie pour la marque France, demain ? » , in Revue française de gestion,
n°218-219, novembre-décembre 2011.
190Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France,op.cit., p.238.
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Le rapport Lentschener répertorie trois qualités françaises propres qui pourraient
caractériser la « marque France »191 :
–
« l'amour des gestes et des savoir-faire », cela se concrétise par la capacité à
développer de nouveaux processus de création et de production aux croisements de
la science, de l'art, de l'industrie, de l'artisanat, de la culture et de la technologie. Le
label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) (cf Annexe 2) distingue, depuis 2005,
ces entreprises de création artisanale.
–
« la vision, la capacité de penser, imaginer et initier » retrouvé par exemple dans la
gastronomie, la mode et les cosmétiques mais aussi notamment le design qui allie le
dessin et le dessein.
–
« l'art de la surprise ». Selon le rapport Lentschener, les Français ne veulent pas être
prévisibles et souhaitent ressembler à aucun autre pays (« exception française »,
« modèle français »). Or, cette spécificité est à double tranchant car elle peut
rappeler le caractère arrogant et instable des Français, souvent reprochés à
l'étranger.
La France a donc de nombreux atouts à faire valoir mais ils ne semblent pas défendus
efficacement par les Français eux-mêmes. Robert Rochefort, spécialiste des attentes de la
société, constate malheureusement que les Français ont tendance à dénigrer leur pays et sa
production. Ainsi, une politique en faveur du Made in France « compenserait ce à quoi
nous avons assisté au cours des décennies passées, c'est-à-dire le développement d'une
considération péjorative sur le made in France. Combien de fois n'ai-je pas entendu des
remarques péjoratives sur les automobiles françaises – supposées de moins bonne qualité
que celles des constructeurs d'outre-Rhin. »192.
Dans d'autres pays du monde, en revanche, la valorisation de leur « marque pays » est très
développée. « Des pays industrialisés comme les États-Unis, l’Australie ou le Canada
diffusent depuis plus de dix ans leurs stratégies de ''Nation branding'' », relève Jean-Claude
191Lentschener Philippe, La marque France, op.cit.
192Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, op.cit., p.112.
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Karpelès193 comme constaté précédemment avec le « Proudly Made in America » par
exemple (cf Supra IC3 « Made in America »).
Le Anholt-GfK Roper Nation Brands Index classe les pays selon leur image auprès d'un
panel de 20 000 personnes dans 20 pays différents. La France apparaît en 4ème place dans
le palmarès 2014. Cela est davantage dû aux paramètres politiques et culturels qu'aux
critères économiques194.
Selon l'économiste Jean-Paul Betbèze, la France connaît un « vrai déficit d'image » car sa
marque vaudrait plus que la richesse réellement créée, contrairement aux États-Unis et à
l'Allemagne. Une « marque France » retravaillée pourrait alors être une « marque
ombrelle » (c'est-à-dire une marque sous laquelle exporter et attirer les investisseurs
seraient plus aisés) qui rapporterait 200 milliards de dollars supplémentaires195.
3° Les travaux en cours
Ces dernières années, de nombreux rapports et politiques gouvernementales ont vu
le jour pour développer la « marque France » ainsi que la production française dans son
ensemble.
En 2013, le gouvernement a chargé un groupe de travail, dirigé par Philippe Lentschener
(président du groupe publicitaire McCann France) et composé par quatre spécialistes
industriels français (Clara Gaymard de General Electric France, Michel Gardel de Toyota,
Robert Zarader de la société de conseil en communication Equancy & Co et de Agnès B de
son prêt-à-porter du même nom) de travailler sur la « marque France ». Le rapport
Lentschener publié le 28 juin 2013 a, comme vu précédemment, apporté de nombreuses
avancées sur la définition des spécificités françaises. Cependant, les préconisations de ce
rapport sont restées lettre morte à cause d'un enlisement sur la forme d'un logo « Made in
France » permettant de reconnaître les produits porteurs d'un esprit français196.
Par ailleurs, très nombreux organismes soutiennent aujourd'hui la marque France : Atout
193Karpelès Jean-Claude, Au-delà du ''Made in France'', la ''global quality'', op.cit., p.7.
194Anholt-GfK Roper Nation Brand Index 2014.
195Betbèze Jean-Paul, 200 milliards de plus pour la marque France?, cabinet Betbèze Conseil SAS, 2014.
http://www.betbezeconseil.com/200-milliards-de-plus-pour-la-marque-france/
196Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, op.cit., p.237.
63
France, Sopexa, les Missions économiques, Business France (issus du mariage entre
l'Agence Française pour les Investissements Internationaux et UbiFrance, depuis le 1er
janvier 2015), les alliances françaises, la COFACE, etc. (cf Annexe 6). Yves Jégo, dans son
rapport intitulé En finir avec la mondialisation anonyme (2010), dénonce ce foisonnement
contre-productif : « L’absence de coordination conduit à une véritable concurrence entre
ministères, dont aucun n’est clairement en charge de la stratégie-pays de la France. »197.
Ainsi, ces organismes développent chacun leurs labels, empiétant les uns sur les autres et
sans réel retentissement au final (par exemple, les labels « France, rendez-vous en France »
pour le tourisme et « France bon appétit » pour l'alimentaire développés par deux
ministères différents à quelques mois d'intervalle en 2008)198.
Au-delà de l'élaboration d'une « marque France », de nombreux rapports ont également été
commandés pour développer une politique industrielle efficace.
–
Le Pacte pour la compétitivité de l'industrie française (ou « rapport Gallois ») avait
livré, en novembre 2012, vingt-deux propositions pour relancer la production
française.
–
Le rapport Beylat-Tabourin « L'Innovation, un enjeu majeur pour la France » (mai
2013) et la mission « Innovation 2030 » (octobre 2013) d'Anne Lauvergeon,
ancienne présidente du groupe nucléaire Areva, mettaient en avant différents
secteurs d'activité stratégiques et des politiques nationales de recherche-innovation
à mener.
–
Arnaud Montebourg avait lancé en 2013, lors de son mandat de ministre du
Redressement productif, un arsenal de trente-quatre plans industriels qui « vont
contribuer à envoyer un message au reste du monde, celui du retour de la France
dans le concert des nations industrielles et innovantes. »199. Ces trente-quatre plans
définissent donc les filières et innovations à fort potentiel d'exploitation
industrielle, tels les véhicules à pilotage automatique, les logiciels et systèmes
embarqués, l'industrie du bois, la chimie verte et biocarburants, les dispositifs
médicaux et nouveaux équipements de santé, ...200 Ces plans ont depuis été réduit et
remodelé à une dizaine de secteurs stratégiques par le nouveau ministre de
197Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, op.cit., p.53.
198Ibid. p.54.
199Montebourg Arnaud, La Bataille du Made in France, op.cit., p.159.
200Ibid., pp.159-181.
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l’Économie, Emmanuel Macron201. Enfin, toujours dans le sillon des 34 plans
d'Arnaud Montebourg, le projet « Industrie du futur », avancé en 2015 par le
président de la République François Hollande, redessine à nouveau la politique
industrielle française202.
Sur le terrain, tous ces rapports et annonces successives n'ont pas enclenchés de réelles
transformations industrielles et productives majeures.
Conclusion :
Dans le contexte de mondialisation actuelle, produire en France reste une priorité.
Les économistes et responsables politiques sont d'accord sur le fait qu'il s'agit d'un élément
déterminant de la bonne santé économique et sociale nationale. Une politique promouvant
le « Made in France » est d'autant plus nécessaire que les effets de la mondialisation (mise
en concurrence des territoires, délocalisations) tendent à déposséder la France d'une partie
de ses capacités productives (entreprises, savoir-faire, emplois).
Cependant, cette situation n'est pas inéluctable, divers paramètres encouragent le retour ou
la création d'unités productives sur le territoire national. La France a de nombreux atouts à
faire valoir (savoir-faire, ingéniosité, leaders mondiaux, …). De plus, l'engagement de
l’État, bien qu'encore timide et peu efficient, contribue à créer un environnement favorable
à la production en France (travail sur la compétitivité hors-coût, la marque France, les
plans industriels, …).
La mobilisation de l’État et des forces productives est essentiel pour soutenir le « Made in
France » mais un troisième acteur est également indispensable : le consommateur.
Ces trois acteurs se retrouvent dans le discours de Robert Rochefort : « La grande
mobilisation, c'est d'abord une prise de conscience collective et une restauration de la
confiance. C'est le consommateur qu'il faut convaincre. C'est le producteur qu'il faut
encourager. C'est le distributeur qu'il faut responsabiliser. Et des décisions politiques sont
indispensables pour encourager ce mouvement en matière de promotion de labels, de
réformes de la fiscalité, d'encouragement à la création et à la croissance d'entreprise »203.
201Pietralunga Cédric, « Industrie : Macron détricote les plans de Montebourg », Le Monde, 10/03/2015.
202Bellaiche Anne-Sophie, « Chez Figeac Aéro, François Hollande, lance le plan Industrie du futur »,
L'Usine nouvelle, 14/04/2015. http://www.usinenouvelle.com/editorial/chez-figeac-aero-francoishollande-lance-le-plan-industrie-du-futur.N324851
203Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, op.cit., p.73.
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III- Consommer « Made in France » en réponse à la
mondialisation
Les consommateurs jouent un rôle majeur dans la promotion du « Made in
France ». En effet, une offre (production) n'a lieu d'être que si elle rencontre une demande
(consommation). Si les consommateurs désirent consommer davantage de produits « Made
in France », alors cela aura une réelle influence sur la production. Production et
consommation sont donc les deux faces d'une même médaille.
Existe-t-il une attente d'achat de produit fabriqué en France de la part des consommateurs ?
En quoi leur appréciation de la mondialisation influence leurs décisions d'achat ?
Quels sont les freins à la consommation « Made in France » ?
A) Une réelle attente des consommateurs
Les tendances actuelles de la consommation française sont favorables aux achats de
produits fabriqués en France. Plusieurs enquêtes d'opinion ont révélé ce phénomène. Le
contexte économique et social influe beaucoup sur le comportement des consommateurs.
Pour répondre à cette demande croissante, diverses initiatives encouragent une
consommation selon le critère d'origine ont été mises ne place.
1° Les tendances de consommation actuelles
Robert Rochefort, spécialiste de la consommation française et ancien président du
Crédoc (centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) analyse
depuis de nombreuses années l'évolution des habitudes de consommation de la société
66
française. Dans son ouvrage, intitulée Produire en France, c'est possible !, il remarque que
les tendances de consommation actuelles trouvent un écho dans l'achat « Made in France ».
Le succès du Vélib', de l'autopartage ou encore de brocante et autres sites de vente
d'occasion (par exemple, leboncoin.fr) est l'illustration d'un changement de paradigme
profond : l'usage prime petit à petit sur la possession d'un produit. Robert Rochefort
résume ainsi le phénomène : « L'économie de partage est en gestation. Une fois libérée du
carcan ancien de devoir posséder les choses pour les utiliser, elle accroît la productivité
d'usage des objets et elle réduit finalement le coût. »204. Ainsi, comme l'explique, l'auteur :
« Le retour au principe d'utilité joue la carte de la durabilité, de la robustesse, de la qualité
et donc encourage une fabrication sur le sol national. »205. Des signes timides de nouveaux
paradigmes de consommation, davantage tournés vers la qualité des produits que vers leur
prix, semblent donc apparaître et jouer en faveur de la production nationale. En effet,
comme expliqué précédemment (cf Supra IIC1 « La position intenable de la France à
l'export »), celle-ci ne pouvant rivaliser sur les prix avec les pays émergents à bas coûts et
devant opérer une indispensable montée en gamme.
Plusieurs instituts de sondages mettent en évidence cet attrait croissant des Français pour
les produits fabriqués en France.
Un rapport du Crédoc, intitulé « L'attachement des Français au Made in France » est le
plus récent et le plus complet des rapports sur le « Made in France »206. Il révèle
qu'aujourd'hui un consommateur sur deux déclare privilégier les produits français, soit 7
points de plus qu'en 2005 (cf Annexe 8, Graphique 3). De plus, le consentement à payer
plus cher un produit fabriqué en France est passé de 39% en 1997 à 61% en 2014 (+22
points en dix-sept ans) (cf Annexe 8, Graphique 12). Ce rapport observe également que le
critère du pays de fabrication est le critère d'achat qui a le plus pris en importance. Il a en
effet augmenté de 11 points entre 2005 et 2014, soit un passage de 10% à 21% parmi les
deux premiers critères cités par les sondés. (cf Annexe 8, Graphique 7)
Une étude de l'Ifop pour l'Usine Nouvelle révèle que les Français font particulièrement
attention à l'origine des produits en comparaison avec leur voisins européens. 57% des
204Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, op.cit., p.64.
205Ibid. p.65.
206Daudey Emilie, « L'attachement des Français au Made in France », in Crédoc, novembre 2014. (cf
Annexe 8)
67
Français déclarent que le critère d'origine est déterminant dans leur acte d'achat. Ils sont
52% en Allemagne et seulement 27% aux Pays-Bas. Ce taux est tout de même plus élevé
en Italie (65%) et en Suisse (62%)207.
Les résultats de l'enquête effectuée pour ce mémoire vont également dans ce sens puisque
72% des enquêtés affirment que le critère d'origine d'un produit est devenu plus important
depuis ces cinq dernières années et 40% considèrent que cette évolution sera durable. (cf
annexe 11). Les débats médiatisés de ces dernières années (avec la création du label OFG,
l'élection présidentielle et les actions d'Arnaud Montebourg à la tête du ministère du
Redressement productif) ont donc réussi à sensibiliser les citoyens en faveur d'une
consommation « Made in France ».
Le contexte économique difficile a sans doute été un facteur déclenchant pour les
consommateurs. Nathalie de Bonneville, créatrice de la marque bretonne de chaussettes,
Adèle, en est persuadé : « les Français n'achètent pas forcément pour le produit lui-même.
C'est un acte citoyen en temps de crise »208.
Les politiques de promotion de la production française auprès des consommateurs
semblent, en effet, être chroniquement réapparues en France, pendant les périodes les plus
difficiles sur le plan économique. Dès 1932, lorsque la France commence à ressentir les
effets du « jeudi noir »209, des industriels se réunissent autour d'une association nommée
« Achetez français » pour inviter les Français à « marquer une préférence pour les
producteurs français, de montrer qu'ils méritent cette préférence et de les aider, par tous les
moyens possibles, à améliorer encore leur réputation »210. En mai 1982, près la crise des
chocs pétroliers de 1973 et 1979, l'accélération de la désindustrialisation du territoire
français,
le magazine 50 millions de consommateurs pose la question : « Achetez
français ? ». En 1993, la plus grave récession depuis la Libération fait se mobiliser
l'Assemblée des chambres de commerce et d'industrie (CCI) pour la campagne « Nos
207Fourquet Jérôme, « Les Européens et le patriotisme économique », Ifop pour L'Usine Nouvelle, Juin
2013.
208De Volontat Bertrand, « Premier salon du ''Made in France'': ''Acheter français est bon pour notre
économie », 20minutes, 11/11/2012. http://www.20minutes.fr/economie/1040196-premier-salon-made-infrance-acheter-francais-bon-economie
209Le « jeudi noir » fait référence à la crise boursière du jeudi 24 octobre 1929 à la Bourse de New-York qui
a entraîné une grave dépression dans tout l'Occident.
210« Achetez français », Le Figaro, 28/05/1932.
68
emplettes sont nos emplois »211. Le contexte économique favorise donc la prise de
conscience de l'urgence productive. Cependant, avec le prolongement des effets de la crise,
les modes de consommation changent en profondeur. Comme observé précédemment (cf
Supra IIIA1 « Les tendances de consommation actuelle »), les spécialistes de la
consommation française font état de nouvelles stratégies d'achat : achats d'occasion ou
groupés, revente, troc, location entre particulier, regain du « fait à la maison »,
développement des circuits courts. qui deviennent des habitudes de consommation
décomplexées et démocratisées. « Jusqu'ici, le phénomène était conjoncturel : ils avaient
adopté de nouveaux modes d'achat, en attendant un retour à la bonne fortune. Il s'agit
désormais d'un comportement structurel » expliquent Véronique Langlois et Xavier
Charpentier212.
De nouvelles tendances de consommation durables se sont donc installées parmi les
habitudes de consommation des Français. Cette nouvelle demande ouvre ainsi à de
nouveaux marchés et opportunités.
2° Les initiatives incitatives
Face à une vraisemblable attente croissante des consommateurs, de nombreuses
initiatives ont été mises en place pour faciliter la consommation de produits fabriqués en
France et inciter d'autres consommateurs à aller vers ces produits.
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg avait appelé en octobre 2012
à la création de rayon « Made in France » dans les supermarchés. Selon un sondage TilderLCI-OpinionWay, 78% des Français sont favorables à cette initiative213. Les professionnels
de la grande distribution sont plus partagés. Pour l'alimentation, l'opération ne semble pas
ardue ; cependant, regrouper des produits alimentaires, dont l'offre est déjà parfois à 80%
211Site officiel de L'Institut National de l'Audiovisuel (INA)– Vidéo « Nos emplettes sont nos emplois, les
paquets cadeaux ». http://www.ina.fr/video/PUB412485015/
212Langlois Véronique, Charpentier Xavier, « Rétention, déflation, réinvention », inFreethinking
2.0./Publicis, Septembre 2014.
213Sondage « La question de l'éco », in Tilder-LCI-OpinionWay, octobre 2012. http://www.opinionway.com/pdf/bj8801-_tilder-lci_-_la_question_de_l_eco.pdf.pdf
69
d'origine française, peut paraître absurde. En revanche, pour les autres types de produits,
les distributeurs expriment quelques difficultés. Pour Michel-Édouard Leclerc, PDG de
l'enseigne de distribution éponyme, «tout cela va prendre du temps. Dans le nonalimentaire, il y a carence de produits 100% français, donc un problème de définition pour
ne pas être en publicité mensongère». Ils demandent à ce que les fournisseurs soient plus
clairs sur la provenance de leurs produits214.
Des interrogations sur la pertinence de cette opération ont également surgi. Est-il plus
efficace de regrouper les produits fabriqués en France ou, au contraire, n'est-ce pas un
moyen de les cantonner et de les réduire au seul critère d'origine ?
Tout de même, plusieurs enseignes ont décider de mettre davantage en avant leurs produits
nationaux. Lidl, par exemple, a complètement fait évoluer sa stratégie marketing vers un
positionnement plus local. Michel Biero, gérant achat de Lidl, raconte ce changement de
cap : « Il y a deux ans, après un changement de direction, nous avons décidé avec mes
collègues gérants - ventes, immobilier et expansion, administratif et achats -, de faire
évoluer la stratégie du groupe, en sortant du hard discount. […] Ce n'est pas péjoratif, mais
le hard-discount a fait son chemin, et je ne pense pas qu'il ait un bel avenir. Notre business
model est un magasin de 1 200 m², avec 1 500 références, soit la couverture de chaque
besoin par un produit. Nous ne sommes donc ni hard-discounter, ni un supermarché
traditionnel, plutôt une enseigne de proximité » car « 70% des références qui sont
actuellement proposées en magasin sont françaises »215. Le « Made in France » aurait donc
davantage d'avenir que le hard-discount. Autrement dit, miser sur le critère de proximité à
long terme serait une meilleure stratégie marketing que celle de la course effrénée vers les
prix les plus bas. Le pari de Lidl sera donc intéressant à suivre dans les années à venir.
D'autres initiatives ont vu le jour : des sites internet proposent un catalogue des produits
fabriqués en France comme lafabriquehexagonale.com, madine-france.com et 100pour100madeinfrance.fr par exemple. Ils permettent au consommateur de retrouver plus facilement
les marques et produits fabriqués en France grâce à leurs recherches minutieuses.
214De Foucauld Isabelle, « Le rayon ''Made in France'' arrive dans les supermarchés », Le Figaro, 6/02/2013.
http://www.lefigaro.fr/conso/2013/01/28/05007-20130128ARTFIG00556-le-rayon-made-in-france-arrivedans-les-supermarches.php
215Salgues Floriane, « Michel Biero, gérant achats de Lidl : ''70% des références proposées en magasin sont
françaises », Décision-achats.fr, 17/03/2015. http://www.decision-achats.fr/Thematique/tendances-achats1039/Breves/Michel-Biero-gerant-achats-Lidl-references-proposees-magasin-sont-fran-aises-251974.htm
70
Le salon MIF Expo a lieu tous les ans en novembre depuis 2012, il rassemble des
producteurs du « Made in France » sur des produits très divers (habillement, ludisme,
alimentaire, automobile,nouvelles technologies, …)216. Fabienne Delaye, fondatrice et
organisatrice de ce salon, explique que l'objectif de cette manifestation est de « prouver
aux consommateurs qu’il existe un grand nombre de fabricants qui privilégient la qualité et
la variété du savoir-faire français dans de nombreux domaines tels que l’alimentaire, la
beauté, la décoration, le luxe, la mode, le numérique... »217. En 2014, pas moins 300
exposants et de 35 000 visiteurs ont fait le succès de ce salon, soit une fréquentation en
nette hausse par rapport à l'édition 2013218.
Le rapport du Crédoc, intitulé « L'attachement des Français au Made in France » relève que
l'alimentation est le type de produit où les Français privilégient le plus le critère d'origine
(pour 55% des Français, les produits alimentaires est le principal type de produit où ils
privilégient un produit fabriqué en France, contre 17% pour l'automobile et 5% pour les
produits électroniques par exemple)219. Les produits alimentaires sont, par ailleurs, ceux
dont l'origine est le plus facilement repérable. En effet, premièrement, ils sont souvent
moins complexes que d'autres produits manufacturés, deuxièmement, le règlement (CE)
n°1182/2007 oblige d’informer le consommateur sur l’origine nationale des fruits et
légumes220. Il est donc intéressant de noter que plus l'information sur l'origine d'un produit
est facilement accessible, plus ce produit est privilégié dans les habitudes de
consommation « Made in France ». Il semble donc que si l'origine des produits était plus
transparente, les consommateurs pourraient davantage arbitrer selon ce critère et sûrement
acheter davantage de produits fabriqués en France.
Le travail sur les labels est donc primordial. Deux tiers des Français plébiscite
l'instauration d'un label « Made in France »221. Comme détaillé précédemment (cf Supra
IA2 « L'anarchie des appellations se revendiquant ''Made in France'' »), il existe déjà de
216Site officiel du salon MIF Expo http://www.mifexpo.fr/
217Dussapt Chloé, « Made in France : ''on ment aux consommateurs'' », Challenges, 9/11/2012.
http://www.challenges.fr/entreprise/20121108.CHA2917/made-in-france-on-ment-auxconsommateurs.html
218Communiqué de presse « Contrat rempli pour MIF Expo 2014 ! », novembre 2014.
219Daudey Émilie, « L'attachement des Français au Made in France », op.cit., p.15.
220Règlement du Conseil établissant des règles spécifiques pour le secteur des fruits et légumes, 26
septembre 2007. http://www.idfel.fr/upload/objet_13/CE%201182%202007%20sommaire.pdf
221Daudey Emilie, « L'attachement des Français au Made in France », op.cit., p.20.
71
nombreux labels attestant de l'origine française d'un produit. Le label Origine France
Garantie est, à ce jour, le plus abouti d'entre eux (cf Supra 1A3 « Le label Origine France
Garantie »). Cependant, ces labels sont trop nombreux, certains sont trop peu rigoureux
et/ou pas assez connus. Il faut donc continuer à travailler sur la définition donnée au
« Made in France » et ensuite à la communication de ses labels.
Cependant, les consommateurs ne se sentent pas tous concernés par l'achat « Made in
France ». Il est maintenant intéressant de se pencher sur le profil des consommateurs
sensibles au critère d'origine des produits.
3° Le profil-type du consommateur « Made in France »
Le rapport Crédoc, cité plus haut222, fait une analyse approfondie sur le profil des
consommateurs sensibles au « Made in France ».
Les ménages modestes sont ceux qui se préoccupent le moins du critère d'origine. Plus les
revenus sont élevés plus les ménages consentent à payer plus cher un produit fabriqué en
France. En 2014, 47% des ménages à bas revenus s'estimaient prêts à acheter plus cher ces
produits alors qu'ils étaient 55% en 2010 (soit une baisse de 8 points) (cf Annexe 8,
Graphique 2). Le sociologue et économiste explique cette baisse notable par l'effet de la
crise et donc de la réduction des pouvoirs d'achat des revenus les plus faibles (cf Annexe 9).
De même, les jeunes sont plus sensibles à l'évolution des prix que les plus anciens. Les
générations ont une approche différente vis-à-vis du « Made in France ». Ainsi, 75% des
plus de 70 ans disent privilégier les produits français lors de leur achat contre 25% chez les
moins de 25 ans (cf Annexe 8, Graphique 4). Le rapport du Crédoc résume ainsi les
différences entre générations : « Plus les individus interrogés avancent en âge, plus ils
vantent la qualité des produits français, plus ils sont prêts à payer cher des produits
hexagonaux et plus ils considèrent l’origine de fabrication des produits comme un
critère important lors de l’acte d’achat. »223.
Le profil-type de la personne privilégiant les produits fabriqués en France dans ses actes
222Daudey Emilie, « L'attachement des Français au Made in France », op.cit. (cf Annexe 8)
223Ibid., p.9.
72
d'achat est celui d'une personne âgée (plus de 70 ans), peu ou pas diplômée, plutôt rurale,
dont la valeur famille est primordiale, critique vis à vis de la mondialisation et contre
l'évolution actuelle des mœurs224. (cf Annexe 8, Tableau 2)
Les partisans du Made in France seraient donc les moins insérés dans la mondialisation et
dans le même temps, les plus menacés par celle-ci. En effet, le portrait-robot présente une
personne peu au fait des nouveautés technologiques (24% n'ont pas de connexion internet
et 43% ne sont pas attirés par les innovations technologiques) et culturelles (35% ne vont
jamais au cinéma), tous deux courroies de transmission de la mondialisation. De plus, ils
croient davantage que la société actuelle a besoin de plus d'ordre que de liberté (par
exemple, 43% sont contre l'adoption par un couple de même sexe). La liberté est une
valeur fondatrice de la mondialisation (libéralisme économique, autonomie de l'individu et
libertarianisme). Du fait de cet éloignement technologique, idéologique et géographique
(au moins 26% habitent loin d'une métropole, « expression spatiale de la globalisation »225)
au phénomène de la mondialisation, le mode de vie du partisan du fabriqué en France
semble donc également menacé. Enfin, 63% voient de manière négative la mondialisation.
Le rapport du Crédoc, sur lequel s'appuie ces chiffres, indique également que cette
population, privilégiant la production française, n'est pas minoritaire mais représenterait,
au contraire, 50% de la population française, tandis que 37% sont indifférents au pays de
fabrication des produits et 13% plus sensibles aux produits fabriqués en Europe (cf Annexe
8, Graphique 3). Bien que les consommateurs de produits fabriqués en France aient des
caractéristiques beaucoup plus hétérogènes que le profil-type énoncé ci-dessus, ce dernier
démontre tout de même que la moitié de la population française est critique vis à vis de la
mondialisation (car elle ne s'y sent ni insérée, ni respectée) et trouve dans le « Made in
France » une réponse adéquate à cette problématique.
En effet, une nouvelle fois, mais cette fois-ci à travers le prisme de la consommation, le
« Made in France » prouve ses liens avec le phénomène de mondialisation. C'est en effet
en réaction à la mondialisation que certains consommateurs font leurs choix de
consommation.
224Ibid., p.13-14. (cf Annexe 8, Tableau 2)
225Bourdeau-Lepage Lise, conférence « Les villes dans la mondialisation », in Commissariat générale à la
stratégie et à la prospective, 2013, p.1.
http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/Dossier32emeRDV-GAM.pdf
73
B) L'émergence du consomm'acteur
Il existe bien une tendance à l'achat de produits fabriqué en France. Cette tendance
émerge en partie en réaction aux conséquences de la mondialisation (profusion de produits
bons marchés mais de mauvaises qualité, chute de l'emploi industriel entre autre).
Les consommateurs veulent désormais donner du sens à leurs actes d'achat en pesant sur
l'économie nationale, voir même mondiale. C'est l'émergence du « consomm'acteur ».
Après avoir expérimenté plusieurs mois une vie 100% « Made in France », Benjamin Carle
rend compte de ce nouveau mode de consommation : « On ne se rend pas compte à quel
point on a un pouvoir quand on achète quelque chose »226. Ainsi, consommer « Made in
France » : c'est « vouloir prendre le pouvoir et dire que je décide en tant que consommateur
que je vais soutenir cet emploi-là, cette entreprise-là par mon acte. »227. Cela donne un sens
citoyen et responsable à l'acte d'achat qu'il trouve « gratifiant ». 42,2% des personnes ayant
répondu à l'enquête de ce mémoire affirment effectivement que leur achat de produits
« Made in France » est, pour eux, un acte citoyen. (cf Annexe 11)
Par ailleurs, dans cette enquête, trois préoccupations principales sont apparues moteurà
l'achat de produits fabriqués en France : les préoccupations économiques et sociales,
qualitatives et environnementales.
1° Ses préoccupations économiques et sociales
La principale raison à l'acte d'achat de produits d'origine française est la lutte
contre le chômage. Selon l'enquête élaborée pour ce mémoire, 65,6% des interrogés ont
évoqué le soutien à l'emploi en France comme raison de leur attrait pour le « Made in
France » (cf Annexe 11).
La France connaît effectivement un taux de chômage supérieur à 10% de la population
226Interview par Julien Mielcarek, « Il a tenté de vivre 100% '''Made in France'' », Émission « On ne parle
que de ça », LeFigaro.tv, , 18/03/2014.
227Ibid.
74
active228. A travers leur vie quotidienne, celle de leur proche ou dans les médias, les
Français se rendent compte de la hausse du chômage, de la désindustrialisation française et
de leurs conséquences désastreuses sur l'ensemble de la société française.
Appuyant sur cet argument majeur, Arnaud Montebourg a incité, lors de ses vœux pour
2014, à ce que « chaque consommateur achète un objet, un produit fabriqué sur notre sol
parce qu'il sait qu'à son acte d'achat sont liés les investissements, les emplois et le modèle
social français »229.
A la préoccupation économique que porte le choix d'acheter des produits fabriqués en
France s'ajoute la dimension sociale. Acheter français, c'est aussi, il est vrai, soutenir un
modèle social juste et des conditions de travail décentes pour les ouvriers notamment.
36,7% des sondés ont répondu que la préoccupations des conditions sociales étaient une
cause importante dans leur achat « Made in France ». Le consommateur prend conscience
qu'il peut exercer une pression sur les conditions de travail dans le monde entier.
L'exemple de Nike, fabriquant de sport-wear et d'équipements sportifs, est édifiant. En
1997, la photographie d'un enfant pakistanais de 12 ans cousant un ballon pour un des
sous-traitants de la marque à virgule, rappelle au monde entier les conditions de fabrication
des biens de consommation courante occidentale, provenant des pays de délocalisation (cf
Annexe 7). Le documentaire de Michael Moore, The Big One (1998)230, où le P.-D.G. de
Nike de l'époque, Phil Knight, apparaît justifiant avec embarras les délocalisations dans ces
pays peu scrupuleux sur les conditions de travail des ouvriers, a fait monté la pression de
l'opinion publique contre le mastodonte de l'équipement sportif. Forcée à réagir pour
atténuer les lourdes conséquences sur les actions boursières et l'image de la marque,
l'entreprise s'est engagée à mettre en place, avec ses sous-traitants, des réglementations
plus sévères sur les conditions de travail (âge minimum des employés porté à 18 ans,
contrôle des conditions de travail par des auditeurs externes, ... ) et à redistribuer un partie
de ses richesses à des associations caritatives et éducatives des pays dans lesquelles la
marque est implantée231. Les consommateurs ont alors commencé à réaliser le pouvoir de
228Chiffre de l'Insee. http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=14
229« Vœux 2014 à la presse d'Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin », Ministères économiques et Financiers,
2014. http://www.dailymotion.com/video/x2mder1
230Moore Michael, The Big One, Miramax Film, 1998. http://www.dailymotion.com/video/x360ob_michaelmoore-the-big-one-5-sur-5_news (extrait)
231« Nike CEO : 'I can change' », CNN , 12/05/1998. http://money.cnn.com/1998/05/12/companies/nike/
75
pression qu'ils peuvent exercer.
Plus récemment encore, l'écroulement d'une usine textile Rana Plaza au Bangladesh, le 24
avril 2013, faisant 1127 morts, rappelle une nouvelle fois au monde les conditions de
travail extrêmement précaires des ouvriers dans les pays à bas coût. Cette usine, comme
celles de la zone industrielle, fabriquait de la confection pour marques occidentales telles
que l'Américain Walmart, le Suédois H&M, l'Espagnol Inditex ou le Français Carrefour 232.
Le Bangladesh est, en effet, le deuxième exportateur mondial de vêtements, il est le 3ème
fournisseur français sur ce marché, derrière la Chine et l'Italie233.
C'est donc aussi pour ne pas alimenter cette exploitation salariale qu'une partie des
consommateurs français décide d'acheter des produits fabriqués en France. Nayla
Ajaltouni, coordinatrice du collectif « Éthique sur l'étiquette »234, est persuadée que les
consommateurs peuvent jouer un rôle dans l'amélioration des conditions de travail des
ouvriers de la mondialisation mais précise que la réponse ne se trouve pas dans le boycott :
« Le boycott d'un pays ou d'une marque ne sert à rien. Il aggrave la pauvreté des ouvriers.
De plus, il n'existe pas beaucoup de possibilités d'acheter des vêtements éthiques et
abordable »235. Elle propose plutôt aux consommateurs de discerner les achats
indispensables de ceux d'impulsion, provoqués par des prix excessivement bas. Les
associations et pétitions peuvent faire pression sur les grands groupes. La pétition au sujet
du Bangladesh a recueilli plus d'un million de signature dans le monde236.
L'achat « Made in France » s'accompagne donc souvent d'un regard critique sur la
mondialisation. Ce n'est pas uniquement un acte de solidarité avec ses concitoyens
nationaux mais également à l'échelle internationale.
La préoccupation environnementale relève de même d'une inquiétude portée au niveau
mondial.
232« Bangladesh : l'industrie textile ébranlée après l'effondrement d'un immeuble à Dacca », 20minutes,
13/05/2013. http://www.20minutes.fr/monde/1154075-20130513-20130513-bangladesh-industrie-textilevacille-apres-effondrement-immeuble-a-dacca
233Chevallier Agnès, « Bangladesh : deuxième exportateur mondial dans le secteur du textile », Cepii, le
blog, . http://www.cepii.fr/BLOG/bi/post.asp?IDcommunique=213
234Site officiel de l’Éthique sur l'étiquette : www.ethique-sur-etiquette.org
235Desjoyaux Laurence, « Bangladesh, la mauvaise conscience de l'Europe », Pèlerin, 16/05/2013.
236Ibid.
76
2° Ses préoccupations environnementales
Les préoccupations environnementales ont été mentionnées par 37,8% des
personnes ayant répondues à l'enquête (cf Annexe 11).
L'éveil des consciences sur les questions environnementales a eu lieu dans les années 1980.
Le concept même de « développement durable » (traduit de l'anglais « Sustainable
Development ») est apparu en 1987 dans le rapport Notre avenir à tous (titre original : Our
Common Future), remis à l'ONU par la commission animée par madame Gro Harlem
Brundtland (député européen et ex-Premier ministre de la Norvège). Ce rapport soulignait
les limites économiques, environnementales et sociales du mode de développement en
vigueur dans les pays industrialisés depuis le milieu du XIXème siècle. Une alternative
était proposée : un mode de développement plus « durable » (« viable, vivable et
équitable »), né d'un rééquilibrage entre l'efficacité économique, le respect de
l'environnement et l'avancée sociale qui « réponde aux besoins du présent sans
compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs »237. Le rapport
Brundtland pose la question de la pérennité de notre modèle de production et de
consommation. En effet, la production de biens et de services a augmenté deux fois plus
vite que la démographie au cours du XXème siècle, et la plupart des indicateurs de
consommation sont à la hausse (énergie, matières premières, eau, papier, …)238.
Par la suite, le rapport Stern qui démontre qu'il serait moins cher de lutter contre le
changement climatique que d'en subir les conséquences 239, le film d'Al Gore, Une vérité
qui dérange240, ou encore l'appropriation des sujets environnementaux dans la presse ont
contribué à l'émergence d'une sensibilisation publique sur les questions de développement
durable. Une étude de Comcord Universal, filiale du groupe de publicité McCann, estime
ces « alter-consommateurs », qui privilégient les critères sociaux ou environnementaux
dans leur acte d'achat, entre 15 et 25% de la population des pays développés241.
237Harlem Brundtland Gro, Notre avenir à tous, rapport remis à l'Organisation des Nations Unies,
20/03/1987, p.14. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpementdurable/files/5/rapport_brundtland.pdf
238Bruel Olivier, Management des achats, Economica, 2007, p.173.
239Stern Nicholas, Stern Review on the Economics of Climate Change, rapport remis au gouvernement du
Royaume-Uni, 30/10/2006.
240Guggenheim David et Gore Albert Arnold, « An Inconvenient Truth », Participant Media, 2006.
241Lauer Stéphane, « La distribution est désemparée face aux ''alter-consommateurs'' », Le Monde,
15/07/2004.
77
L'achat « Made in France » peut alors apparaître comme une réponse à la dénonciation des
gaspillages et de la surconsommation des pays développés. Robert Rochefort, spécialiste
des modes de consommation, analyse ainsi le phénomène : « Notre modèle de société
fondé sur l'hyperconsommation est désormais en crise profonde pour quatre raisons. Il est
onéreux alors que le pouvoir d'achat ne progresse plus. Il est gaspilleur alors que le
développement durable s'impose à nous. Il entraîne une déperdition maximale pour notre
système productif en faisant appel massivement à des produits fabriqués en Asie. Enfin, il
est trompeur et même mensonger, quand, à bout d'arguments rationnels, il « survend » les
nouveautés par des promesses fallacieuses de bonheur, de sérénité et de jeunesse éternelle.
Heureusement, un autre modèle de satisfaction des besoins qui modifie nos modes de
consommation est en gestation. »242. Comme expliqué précédemment (cf Supra IIA1 « Les
tendances de consommation actuelles »), ce nouveau mode de consommation remplace
l'achat d'un droit de possession à celui d'un droit d'utilisation et encourage une production
nationale plus durable et qualitative.
De plus, les produits fabriqués en France ont pour la plupart une plus faible empreinte
carbone que leurs concurrents étrangers pour deux principales raisons : la proximité
géographique avec le consommateur présent sur le sol français et le respect des règles
environnementales en vigueur en France.
L'empreinte carbone est le calcul des effets de serre émis par un individu ou une entreprise.
Ce calcul prend en compte plusieurs éléments, tels l'isolation des bâtiments et ses
matériaux de construction, les moyens de déplacement et leur distance parcourue ainsi que
les composants et les modes de fabrication243. La proximité, caractéristique inhérente des
produits fabriqués en France (métropolitaine), induit donc une empreinte carbone moindre
du fait de déplacement moins long (en distance et en temps) et, par ce fait, moins polluant.
Le développement des circuits courts de distribution illustre les préoccupations
environnementales des consommateurs.
A l'inverse, la délocalisation des moyens de production augmente les émissions de CO2
d'un produit non seulement dû au transport mais aussi parce que les infrastructures
énergétiques des pays en développement sont moins performantes. Un rapport au ministère
242Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, op.cit., p.48-49.
243Site informatif sur l'empreinte-carbone http://empreinte-carbone.fr/
78
de l'Environnement concède que « L’effet le plus évident de la mondialisation est la
pollution engendrée par l’accroissement des
échanges internationaux. Ainsi, letransport aérien et maritime international aurait émis 1,25
milliards de tonnes de CO2en 2007, soit environ 5% du total des émissions. Les émissions
du transport aérien et maritime international augmenteraient d’environ 30% d’ici 2020 si
elles poursuivaient leur tendance »244. Ce rapport explique également que de la
mondialisation peuvent également émerger les solutions vertes de demain pour diminuer
les émissions polluantes.
La France est régie par des lois et réglementations qui incitent de plus en plus à des modes
de production et de consommation durables. Au niveau européen, les règlements EMAS
(Eco-management and Audit Scheme) et REACH (Enregistrement, Evaluation et
Autorisation des substancces Chimiques), le Code de l'Environnement, l'EuP (Energy using
Products, les directives ROHS (Restriction of the use of certain hazardous substances in
electrical and electronic equipment), DEEE (déchets d'équipements électriques et
électroniques), et l'écolabel européen représentent tout un ensemble d'outils pour que des
organismes et secteurs divers s'insèrent dans une démarche volontaire d'amélioration
continue de leurs performances environnementales. Au niveau national, la loi dite Grenelle
2245 permet l'application des lois du Grenelle de l'Environnement de 2009 autour de six
chantiers majeurs : le bâtiment et l'urbanisme, les transports, l'énergie, la biodiversité, les
risques et la gouvernance.
Néanmoins, à l'instar des écrits de Jean-Claude Karpelès, « il faut préciser que les produits
« made in France » ne sont pas nécessairement des produits plus respectueux de
l’environnement ou fabriqués par des entreprises nécessairement plus sociales ou éthiques.
Ce n’est ni le lieu ni la nationalité qui détermine automatiquement les comportements les
plus vertueux. »246.
De même, le fait qu'un produit soit français ne signifie pas qu'il est le produit de meilleur
qualité sur e marché mais atteste d'un certain respect des normes sanitaires et sécuritaires.
244Houdebine Michel, « Mondialisation et environnement », Conseil économique pour le développement
durable, 2011. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/03-29.pdf
245Loi portant engagement national pour l'environnement, n° 2010-788, 12 juillet 2010.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022470434
246Karpelès Jean-Claude, « Au-delà du ''Made in France'', la ''global quality'' », CCIP, 27/09/2012, p.10.
79
3° Ses préoccupations sanitaires et sécuritaires
51,1% des sondés préfèrent acheter des produits fabriqués en France car c'est, selon
eux, « un gage de qualité » (cf Annexe 11). La qualité est un élément important dans l'attrait
des Français au produit « Made in France », 77% des sondés estiment qu'il s'agit d'une
caractéristique propre à ces produits. La demande de transparence sur l'origine des produits
est liée à cette recherche de qualité.
La question de la traçabilité des produits est réellement apparue lors de la crise de la
« vache folle ». Le 20 mars 1996, le secrétaire d'État à la Santé britannique révélait que dix
jeunes Britanniques étaient décédés d'une forme inhabituelle de la maladie de CreutzfeldtJakob, une dégénérescence expresse du cerveau, liée à la consommation de viande bovine.
Une crise de la viande bovine éclate alors au Royaume-Uni, puis rapidement dans toute
l'Europe. En France, la consommation de viande bovine a chuté jusqu'à moins 25%. Pour
sauver leur élevage, l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes
(Interbev) a créé la marque collective VBF (viande bovine française) indiquant qu’un
animal est né, élevé et abattu en France. Alors que dès l'année suivante, la France légifère
sur l'obligation d'apposer une étiquette sur la provenance de l'animal, l'Union européenne
mettra trois ans pour faire de même247.
C'est suite à cette crise de la « vache folle » qu'a émergé « l'ère du soupçon »248. Les
consommateurs sont devenus plus exigeants sur l'origine et les marquages de traçabilité,
d'abord et en particulier, pour les produits alimentaires. Ces produits ont en effet un impact
plus important sur l'organisme et donc sur ce bien élémentaire et si cher à chaque individu :
la santé. « La médiatisation des risques, du risque sanitaire au risque de tromperie, a
conduit à de nouvelles exigences de la part des consommateurs en matière de transparence.
Les enjeux de sécurité sanitaire pour les produits agricoles, de sûreté pour les autres, de
qualité environnementale pour tous les biens sont au cœur des débats publics et font
souvent la Une des médias. », analyse le député-maire de Montereau-Fault-Yonne249.
Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la révélation de produits à
247Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système d'identification et
d'enregistrement des bovins et concernant l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande
bovine, CE n°1760/2000, 17 juillet 2000. http://www.civ-viande.org/document/reglement-ce-n-17602000etablissant-un-systeme-didentification-et-denregistrement-des-bovins-et-concernant-letiquetage-de-laviande-bovine-et-des-produits-a-base-de-viande-bovine/?preview=1
248Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme,op.cit., p.20.
249Ibid.
80
risque. Une enquête du Crédoc portant sur « les effets de générations, d'âge et de revenus
sur les arbitrages de consommation » qualifie la génération née après 1975 comme celle
qui « n’entend parler que de société de l’information et de nouvelles technologies de
communication, d’une économie fondée sur la connaissance (. . .). Ce qu’elle exige avant
tout, c’est le langage de la vérité, la transparence » »250.
Vérité et transparence obtenue sur de nombreux scandales alimentaires ces dernières
années : poulets à la dioxine (1999), lait en poudre chinois coupé à la mélanine (2008),
steak-haché contaminé par la bactérie E.coli (2012), lasagnes à la viande de cheval (2013),
etc.
Par ailleurs, la recherche de produit de qualité n'est donc pas qu'une exigence de confort
mais aussi une volonté de respect des règles minimum de santé et de sécurité.
Le jouet, instrument indispensable poour le développement des enfants, est un produit pour
lequel les consommateurs sont particulièrement sensibles à son respect des règles
sécuritaires. Après constatations de nombreux jouets défectueux et dangereux vendus sur le
marché européen (dont 50% provenaient de Chine), l'Union européenne a renforcé les
règles de sécurité minimum s'appliquant à « tous produits qui sont conçus pour être
utilisés, exclusivement ou non, à des fins de jeu par des enfants de moins de quatorze ans
ou destinés à cet effet »251 et complète ce dispositif, en 2013, par des exigences chimiques
portant notamment sur les vernis, la peinture, la composition des matériaux252.
Malgré ces mesures, « force est de constater que le coût faible prévaut sur la qualité et la
sécurité sur les marchés »253, déplore le Centre national de ressources et d'information sur
l'intelligence économique et stratégique.
En effet, plusieurs freins puissants découragent les consommateurs à l'achat de produits
« Made in France ».
250Recours Fanette, Hebel Pascale, Berger Raphaël, « Les effets de générations, d'âge et de revenus sur les
arbitrages de consommation », in Cahier de recherche n°258 du Crédoc, 2008, p.40.
251Décret n° 2010-166 du 22 février 2010 relatif à la sécurité des jouets.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT000021865465&dateTexte=&categorieLien=id
252« On ne joue pas avec le jouet », in Centre national de ressources et d'information sur l'intelligence
économique et stratégique, 8/02/2013. http://www.portail-ie.fr/article/654/On-ne-joue-pas-avec-le-jouet
253Ibid.
81
C) Les freins de la consommation favorisant l'origine
La moitié des Français disent privilégier les produits d'origine française 254. Non
seulement ce résultat doit être nuancé (l'effet enquêteur obstrue l'objectivité de l'enquêté),
mais aussi il fait état de l'autre moitié des Français qui ne privilégie pas les produits
« Made in France ». Parmi les nombreuses causes à l'origine de ces réponses, trois ont été
retenues : le prix, le critère d'origine n'est pas suffisant en soi mais doit s'accompagner d'un
gain qualitatif, l'accusation nationaliste de l'achat « Made in France ».
1° Le prix, facteur prédominant
Le frein principal à l'achat de produits « Made in France » est incontestablement le
prix. 34% des personnes ayant répondu au sondage de ce mémoire invoque en premier
cette cause dans les difficultés rencontrées à l'achat de produits fabriqués en France, soit la
majeure partie des répondants. Le prix reste, en effet, un critère d'achat prédominant pour
les Français. Une étude du Crédoc, intitulé « L'attachement des Français au Made in
France » montre que 35% des Français réponde entre autre « le prix » à la question « Parmi
les critères suivants, quels sont, en général, les deux qui influencent le plus vos achats de
produits industriels? ». Le prix reste donc un critère déterminant loin devant celui du pays
de production (21%), bien que celui-ci ait cru de 11 points en neuf ans (2005-2014) (cf
Annexe 8, Graphique 7).
Le prix est un frein important à l'achat « Made in France » non sans raison : consommer
100% Made in France reviendrait à consommer entre 100 et 300€ de plus par mois et par
ménage, selon une étude du Cepii (Centre de recherche français dans le domaine de
l'économie internationale)255. Elle observe de même sur une année que « L'économie
potentiellement procurée à chaque ménage français est de 3770 euros pour 2010. Ce chiffre
très élevé souligne que ces importations, qui ne représente qu'un quart de nos
approvisionnements, jouent un rôle décisif en matière de pouvoir d'achat. Nous avons
observé que l'écart de prix est croissant dans le temps (en 2007 l'économie réalisée est
254Daudey Émilie, « L'attachement des Français au Made in France », op.cit. (cf Annexe 8, Graphique 3)
255Emlinger Charlotte, Fontagné Lionel, « (Not) Made in France », in Cepii, n°333, juin 2013.
82
d'environ 2500 euros). »256. Autrement dit, acheter 100% « Made in France » serait
impossible pour une très grande partie de la population française pour qui le revenu
disponible moyen est de 1458 euros nets257. Cette étude du Cepii rappelle également que le
gain obtenu par les produits importés permet aux Français d'avoir plus de pouvoir d'achat
pour des biens et services moins substantiels mais aussi moins délocalisable comme
l’hôtellerie, la restauration, la culture, ...
Les ménages sont pourtant prêts à payer un peu plus cher les produits fabriqués en France.
Deux tiers des Français disent pouvoir payer un produit français jusqu'à 10% plus chers ;
Le pourcentage de personnes prêtes à payer plus cher a même bondi de 39% en 1997 à
61% en 2014258. Cependant, cette tendance s'est infléchie depuis 2010 à cause du recul du
pouvoir d'achat. Lors de l'entretien obtenu avec Robert Rochefort (cf Annexe 9),
l'économiste et sociologue de la consommation a rappelé un chiffre peu connu :
« aujourd'hui la richesse des Français par tête est encore inférieur à celui de 2007 ». Ainsi,
à ce jour, les Français n'ont toujours retrouvé leur pouvoir d'achat d'avant la crise de 2009.
Il ajoute que contrairement à la consommation du bio, le « Made in France » n'a pas encore
bénéficié de l'« effet cliquet ». Selon lui, « le critère de l'origine française est encore
flottant », c'est-à-dire très sujet au variation du pouvoir d'achat.
De plus, les études analysant la consommation de produits fabriqués en France se basent
sur des entretiens rigoureux mais il n'en reste pas moins que les réponses sont souvent de
simples déclarations d'intention, des vœux pieux qui disparaissent parfois rapidement
confrontés à la réalité. Arnaud Verheyde, créateur d' acheter-francais.org, le constate
sévèrement : « Les études récentes montrent que les consommateurs sont prêts à payer plus
cher, mais il y a une schizophrénie entre leurs intentions et leur comportement. Depuis les
années 1990, le prix a pris le dessus. Le consommateur n'achète plus un produit, il achète
un prix »259.
Les produits fabriqués en France sont pour la plupart plus cher que les produits fabriqués
256Ibid.
257Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, op.cit., p.138.
258Daudey Émilie, « L'attachement des Français au Made in France », op.cit. (cf Annexe 8, Graphique 12)
259Bezat Jean-Michel, Enquête sur le Made in France, op.cit., p.137.
83
dans les pays à bas coût, mais ce n'est pas l'ensemble. Les produits « Made in France » ne
sont pas non plus que des produits de luxe. «Le 'Made in France' doit rester accessible au
grand public »260. Le prix relevé par le journal gratuit 20minutes au salon MIF Expo sont
tout à fait raisonnable rend compte le journal : 8 euros la paire de chaussettes, 30 euros la
lunette de lecture et du champagne à moins de 20 euros261.
Enfin, Benjamin Carle, cobaye du « Made in France » dans son documentaire Made in
France : l'année où 'ai vécu 100% français, retourne de manière positive le prix souvent
plus élevé des produits fabriqués en France. Pour lui, cela devrait rassurer les
consommateurs : « Automatiquement, un produit fabriqué en France coûte plus cher, c'est
très simple le coût du travail en France est élevé. On peut considérer que c'est un fardeau
on peut aussi se dire que ça veut dire qu'on a un bon salaire et que on vit plutôt bien. Je
pense qu'il faut aussi considérer que c'est une chance »262.
Jean-Claude Karpelès, auteur d'un rapport de la Chambre de Commerce de Paris, explique
que la solution n'est pas de rechercher le prix le plus bas mais « Le défi qui est posé est
celui de l'impératif de « qualité globale » de l'offre française pour en finir avec la spirale
d'appauvrissement collectif, édictée par la loi du prix le plus bas. C'est aussi à cette
condition, que nos produits seront une référence mondiale ! »263. Ainsi, pour que le « Made
in France » se distingue dans le commerce internationale et sur le marché français,
l'innovation, ou du moins la plus-value qualitative, est la clef.
2° Le critère d'origine ne suffit pas à lui seul sur le long terme
Il n'existe pas toujours une offre française pour tous les types produits mis sur le
marché. 32% des sondés ont répondu que c'était la raison principale pour laquelle ils ne
pouvaient davantage consommer de produis fabriqués en France (cf Annexe 11). L'offre
260De Volontat Bertrand, « Premier salon du ''Made in France'': ''Acheter français est bon pour notre
économie », op.cit.
261Ibid.
262Interview par Julien Mielcarek, « Il a tenté de vivre 100% '''Made in France'' », op.cit.
263Karpelès Jean-Claude, Au-delà du ''Made in France'', la ''global quality'', op.cit.
84
française ne parvient donc pas toujours à satisfaire la demande de son marché intérieur.
Ainsi, lors de son expérience 100% « Made in France »264, Benjamin Carle a dû vivre sans
réfrigérateur, ordinateur ou coupe-ongles. Au fur et à mesure des fermetures d'usine et
délocalisations, certains biens de la consommation courante des Français ont totalement
disparu du paysage français. C'est particulièrement vrai pour l'électronique (radios,
télévisions, Hi-Fi, …). Seuls quelques entreprises positionnées sur une niche subsistent.
« La dernière décennie a été marquée par une désindustrialisation particulièrement forte en
France dans le champ du high-tech. Des secteurs majeurs comme l'informatique,
l'électronique grand public et les télécoms sont caractérisés par la disparition de l'ensemble
des unités de production », constate une étude de l'Observatoire de la métallurgie265.
Il faut dire que la France ne peut concurrencer les produits fabriqués dans les pays à bas
coût sur les prix. Seule une politique de l'offre, c'est-à-dire une politique s'appuyant sur
l'innovation de ses entreprises performantes, permettrait de sauvegarder une production sur
le sol français. Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen préconisait ainsi, dans leur
ouvrage Changer de modèle, que « L'économie de la demande était valable au temps des
Trente Glorieuses où nous étions dans un modèle de ''rattrapage''. Il fallait reconstituer
notre stock de capital après la guerre, imiter les technologies plus avancées aux États-Unis.
Or, aujourd'hui, le rattrapage et l'imitation technologique sont faits par des pays émergents
à coûts beaucoup plus faibles que nous. Nous n'avons donc pas d'autre choix que d'être une
économie de l'innovation. Or une économie de l'innovation, c'est une économie ouverte où
de nouvelles activités remplacent sans cesse d'anciennes activités »266.
De même, l'argument du citoyen responsable et patriote ne peut suffire sur le long terme à
inciter le consommateur à acheter des produits fabriqués en France. L'acte d'achat ne peut
être entièrement altruiste. Si cette tendance doit perdurer, elle doit être accompagner d'une
offre de qualité supérieure au concurrent.
Le groupe SEB (Société d'Emboutissage de Bourgogne) l'a bien compris. Numéro un
mondial de l'électroménager, il réalise 35% de sa production dans l'hexagone et en
particulier les quatre produits phares de sa collection qui ont le plus de valeur ajoutée
264Carle Benjamin, Made in France, l'année où j'ai vécu 100% français, op.cit.
265« L'électronique en France, mutations et évolutions des besoins en emploi et en compétence »,
Observatoire de la métallurgie, juin 2014.
266Aghion Philippe, Gilbert Cette, Cohen Élie, Changer de modèle, de nouvelles idées pour une nouvelle
croissance, Paris : Odile Jacob, 2014.
85
(aspirateur, centrale vapeur, robot et friteuse). Le groupe résiste à la concurrence féroce des
fabricants low cost du petit électroménager grâce à une délocalisation partielle de sa
production, à une recherche permanente de gains de productivité et surtout à ses
innovations. « Nous savons que si nous nous battons uniquement par les prix dans la
mesure où la Chine est la grande usine du monde et fabrique les 2/3 de l’électroménager
vendu en France ou en Europe, on a aucune chance ! Pour nous c’est très simple : c’est
l’innovation, sinon on disparaît ! », assure Thierry de la Tour d'Artaise, P.-D.G. du groupe
SEB267. L'entreprise a, par exemple, lancée en 2006, la première friteuse sans huile,
nommée « Actifry ». Vendue trois fois plus cher que les friteuses traditionnelles, elle est
pourtant un des plus grands succès de ventes du groupe et a ainsi permis de sauver l'usine
d'Is-sur-Tille en Côte-d'Or268. Le directeur de l'usine, Philippe Crevoisier, explique à quel
point l'innovation est un pari sur l'avenir. Après des années de recherchées financées,
« l'innovation, c'est toujours un risque parce qu'on ne peut jamais être sûr à 100% qu'un
produit va rencontrer le succès. La seule chose qu'on peut dire, c'est que ce serait encore
plus risquer de ne pas innover ». L'innovation est donc la chance de réussite de la
production française dans la mondialisation, d'autant plus que la France a de nombreux
atouts à faire valoir dans ce domaine (cf Supra IIC1 « La position intenable de la France à
l'export »).
La garantie de l'origine d'un produit n'est donc pas toujours un bon argument commercial à
lui seul, parfois même il rebute.
3° L'accusation du repli nationaliste
La démarche de consommation et de promotion du « Made in France » est parfois
suspectée de repli sur soi, de visée protectionniste, voire nationaliste. Par exemple,
quelques jours après la sortie de la Une du Parisien Magazine où Arnaud Montebourg
figurait en marinière pour défendre le « Made in France », le directeur général de
l'Organisation mondiale du commerce (OMC) d'alors, Pascal Lamy, mettait en garde contre
tout « protectionnisme patriotique ». « Je n'ai rien contre le patriotisme économique »,
267« France : faut-il revenir au Made in France ? », Émission Le monde d'après, France 3, 4/02/2014.
268Ibid.
86
déclarait-il lors d'une interview à Europe 1. « Par contre, si ça doit se transformer en
protectionnisme patriotique, alors là non ! »269.
L'OMC peut se rassurer, jusqu'à présent, les politiques gouvernementales de promotion du
« Made in France » ne peuvent être assimilées à des politiques protectionnistes. Le rapport
Jégo270, remis à Nicolas Sarkozy au cours de son mandat présidentiel, préconisait un label
« Made in France » simplement en réponse à une demande croissante de transparence et de
traçabilité dans la société française. Le titre même est révélateur puisqu'il exprime le
souhait d'En finir avec la mondialisation anonyme et non pas avec la mondialisation tout
court. Dès l'ouverture, ce rapport explique en effet que : « Depuis une quinzaine d’années,
le comportement d’une partie des consommateurs évolue, la demande de transparence
s’affirmant. Les entreprises prennent de plus en plus en considération ces mutations et
s’efforcent de répondre aux nouvelles demandes. Intégrant ces nouvelles évolutions, les
États devront prendre la mesure des enjeux de transparence qui sont indissociables de la
traçabilité et du marquage de l’origine. »271.
Par ailleurs, aucun homme politique ou économiste influents en France n'appelle à une
consommation 100% Made in France ou un désengagement total de la mondialisation. Si la
France fermait complètement ses frontières (c'est-à-dire plus aucune importation), alors
adieu les vêtements en coton, le chocolat, le café, la voiture, le téléphone, … car tous ces
produits sont fabriqués à partir de matière première ou composant provenant d'une offre
exclusivement étrangère. Cela empêcherait la quasi totalité de l'économie française de
poursuivre son activité. Chômage et appauvrissement généralisés s'en suivraient donc. De
plus, le commerce est un échange de réciprocité, si la France n'importe plus des pays
étrangers alors les pays étrangers ne voudront plus importer des produits français non plus.
Cela d'autant plus que la France ne possède pas une réserve monopolistique d'un bien ou
d'une matière première essentiels. Des représailles commerciales seraient à prévoir, c'est-àdire tout un manque à gagner des exportations françaises de biens (aujourd'hui s'élevant à
428 milliard d'euros en 2013272).
Les propositions en faveur d'une consommation de produits « Made in France » sont
269Interview par Arlette Chabot dans l'émission « C'est arrivé cette semaine » , Europe 1, 20//10/2012.
270Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme ,op.cit.
271Ibid., p.21.
272Chiffre officiel de l'Insee http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF08475
87
beaucoup plus raisonnables. Par exemple, Robert Rochefort fait remarquer que si chaque
ménage remplaçait seulement un achat de produits fabriqués à l'étranger sur dix pour un
produit fabriqué en France, le déficit budgétaire français serait réduit de moitié : « Si nous
modifions ainsi 10% de nos achats, ce sont 40 milliards que l'on peut transférer des
importations vers la production en France, c'est-à-dire plus de la moitié de notre déficit
budgétaire. »273. Cette ligne de conduite serait alors loin des accusations sur le soit-disant
protectionnisme du « Made in France ».
Promouvoir le « Made in France » n'est pas non plus un appel à caractère nationaliste.
Cette notion, synonyme de repli sur soi, est l'inverse d'un politique en faveur du « Made in
France » qui s'inscrit dans la logique de la compétition internationale. Le terme patriotisme
serait plus approprié. Il désigne l'attachement sentimental à sa patrie se manifestant par la
volonté de la défendre et de la promouvoir274. Arnaud Montebourg, héraut u patriotisme
économique clarifie ces termes : « Il ne faut pas confondre le patriotisme, qui est l’amour
de la patrie, et le nationalisme, qui est la haine des autres, disait Jaurès. Notre choix, avec
François Hollande, qui développe une campagne de patriotisme industriel, est de
relocaliser en France des activités qui sont parties en Chine, de retrouver une industrie
productive, de reconquérir les savoir-faire qui ont été abandonnés dans la mondialisation et
de tracer un chemin vers un retour à la prospérité. »275.
Il reconnaît tout de même que l'acte d'achat « Made in France » à une dimension politique
indéniable : « Tous les jours, avec sa carte Bleue, on peut décider de voter chinois, de voter
européen ou de voter pour la PME d'à côté »276.
Pour l'instant, l’État lui-même ne semble pas faire preuve de patriotisme économique. Par
exemple, dernièrement, l’État a préféré l'offre de Ford contre celles de Renault et Citroën
pour équiper l'armée française en 4X4 277. Autre exemple, François Hollande, représentant
273Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, op.cit., p.78.
274Définition de l'Encyclopédie Larousse, 2015.
275Interview par Andrieu Gérald, « Non au Merkozysme ou au patriotisme industriel », Marianne, n° 764,
10/12/2011.
276AFP, « Le ''Made in France'': une ''cause'' nationale pour Montebourg », Les Échos, 9/11/2013.
http://www.lesechos.fr/09/11/2013/lesechos.fr/0203117154137_le---made-in-france-----une---causenationale---pour-montebourg.htm
277« L'armée française va rouler en Ford Ranger », Les Echos, 5/05/2015.
http://www.lesechos.fr/05/05/2015/lesechos.fr/02149521299_l-armee-francaise-va-rouler-en-fordranger.htm
88
de la République française en France comme à l'étranger a beaucoup été décrié lorsqu'il a
opté pour une paire de lunette danoise. Furieux, les lunetiers français de la PME Roussilhe
lui ont adressé la lettre suivante (extrait) : Vous êtes, Monsieur le Président, un vecteur
d'image important à travers le monde et votre choix de monture peut laisser penser
qu'aucune entreprise française n'a pu satisfaire vos exigences »278. François Hollande n'a
alors pas manqué de commander des lunettes de soleil à cette PME. Nouvel exemple de
l'importance de la mobilisation des producteurs, comme des consommateurs dans la
promotion du « Made in France ».
Conclusion :
Le consommateur est le deuxième acteur le plus important, après le producteur, à
mobiliser pour promouvoir la production française. Une réelle attente des consommateurs
existe, inscrite dans de nouvelles habitudes profondes de consommation. De plus, la
mondialisation (et surtout ses conséquences négatives sur l'emploi et l'environnement
notamment) nourrit un besoin croissant de sens et de responsabilité dans l'acte d'achat.
Cependant, plusieurs grands chantiers restent à effectuer dont les suivants : voir plus loin
que la logique des prix, donner la priorité à l'innovation et mobiliser tous les acteurs
économiques dans ces projets (État, distributeurs et producteurs principalement).
278Grosjean Étienne, « Oyonnax: le lunetier Roussilhe invite F. Hollande à privilégier le ''Made in France'' »,
Voix de l'Ain, 9/07/2014. http://www.voixdelain.fr/blog/2014/07/09/oyonnax-le-lunettier-roussilhe-invitea-f-hollande-de-privilegier-le-%C2%AB-made-in-france-%C2%BB/
89
Conclusion
Le « Made in France » est étroitement lié à la question de la mondialisation. Celleci bouleverse les manières de produire, de consommer et de gouverner. Après des années
d'expansion tout azimut, les effets de la mondialisation semblent davantage être remis en
cause aujourd'hui. En effet, timide mais observable, un changement de comportement
profond des consommateurs (attrait pour les achats de proximité), des producteurs
(relocalisation) et des responsables politiques (installation des débats sur le « Made in
France » et de mesures incitatrices) commencent à voir le jour.
La mobilisation de ces trois acteurs est clef. Complémentaires, ils sont chacun
indispensables pour mener l'immense reconstruction de l'appareil productif français. Agir
en faveur du « Made in France » ne signifie pas encourager le repli sur soi ou la fermeture
des frontières, c'est au contraire donner toutes ses chances aux entreprises françaises d'être
compétitives et attractives à l'international. La promotion du « Made in France » porte
certes une critique de la mondialisation actuelle (mondialisation « anonyme » ou
« déloyale ») mais ce n'est pas un rejet de la mondialisation dans sa totalité.
Plusieurs problématiques ont été abordées tout au long de ce mémoire. Voici le résumé de
ses réponses :
- Qu'est-ce qu'un produit «Made in France » quand les processus de production sont
éclatés à travers le monde?
Le « Made in France » est difficile à définir dans un contexte où les processus de
production sont éclatés dans le monde entier, où les produits sont de plus en plus
complexes et dématérialisés et où les acteurs de la mondialisation (les firmes
multinationales, l'Organisation Mondiale du Commerce et l'Union européenne
principalement) sont encore frileux à propos de la transparence des lieux de production.
Ainsi, aucune définition juridique précise et partagée n'existe à ce jour et cela au détriment
de l'intelligibilité des labels d'origine auprès des consommateurs. En 2011, le label Origine
France Garantie constitue une véritable avancée sur la voie de la définition du « Made in
France », bien que de sérieuses critiques quant à son organisation et sa notoriété subsistent.
La définition la plus vraisemblable et adaptée à la mondialisation actuelle semble alors la
90
suivante : est qualifié de « Made in France » un produit dont au moins 50% de la valeur
ajoutée du prix de revient et la caractéristique principale ont été acquises en France.
- Grâce au développement des moyens de transport et à la diffusion des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, produire à l'autre bout de la planète
est abordable, pourquoi faudrait-il encore produire en France ?
Bien que la mondialisation aspire à effacer les frontières, ces dernières ont toujours un sens
car elle délimite le territoire d'application de politiques fiscales, économiques et sociales.
Ainsi, maintenir une production sur le sol français, c'est, via divers mécanismes
macroéconomiques, également maintenir les richesses qui, redistribuées, financent un
modèle social et contribuent à la paix civile. La question du produire en France est donc
une question de premier plan duquel découle la réponse à de nombreux problèmes
nationaux (déficit budgétaire, déficit commercial, chômage, intégration, …).
- Est-il même encore possible de produire en France tout en restant compétitif ?
Produire en France relève aujourd'hui du défi tant les coûts salariaux et les coûts de
fabrication dans les pays émergents sont attractifs. Cependant, bien que la vague des
délocalisations est encore beaucoup plus importante que les relocalisations, ces dernières
sont tout de même de plus en plus nombreuses et révélatrice d'une tendance qui devrait
s'accentuer. En effet, plusieurs chefs d'entreprise se rendent compte que la course effrénée
au prix les plus bas n'est pas viable à long terme. Plusieurs rapports le montrent : pour (à
nouveau) jouer un rôle prépondérant dans le commerce international, la production
française doit monter en gamme, innover et s'appuyer sur l'image de la France à
l'international. Un retour d'unités de production sur le sol français semble alors tout à fait
cohérent car synonyme de savoir-faire, de flexibilité, de proximité et de créativité. Le
« Made in France » devient alors une nécessité pour que la France puisse conduire (plutôt
que subir) la mondialisation.
- Sur le marché intérieur, rencontrent-ils une attente de la part des consommateurs ?
Les consommateurs doivent également être engagés dans la promotion du « Made in
France ». Des études et sondages ont montré l'attrait croissant des consommateurs pour les
produits fabriqués en France. Vœux pieux ou achats soumis aux fluctuations du pouvoir
91
d'achat, une marge de progression est encore possible. Cependant, de nouveaux modes de
consommation émergent durablement et sont la chance du « Made in France ». Ces
nouvelles habitudes de consommation sont fondées sur les critiques adressées à la
mondialisation (gaspillage, individualisme, pollution, chômage, risques sanitaires, …).
- Autrement dit, est-il vain de promouvoir le « Made in France » dans un contexte
économique mondialisé ?
La principale difficulté du « Made in France » est son défaut de définition. Si elle s'établit,
alors les politiques encourageant la production et la consommation de produits fabriqués en
France seront bien plus lisibles et efficaces. De plus, promouvoir le « Made in France »
dans une économie mondialisée comme celle de la France ne semble pas du tout caduque
mais, au contraire, condition sine qua non pour que les acteurs économiques de la France
(responsables publiques, producteurs et consommateurs) jouent pleinement leur rôle dans
la mondialisation.
Le « Made in France » est un sujet qui sera, sans nul doute, discuté encore de très
nombreuses années car il questionne la capacité de la France à se relever et à retrouver son
influence majeure dans le monde.
92
Annexes
Sommaire
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
Annexe 1 : Une du Parisien Magazine du 18 octobre 2012...................................94
Annexe 2 : Les labels d'origine..............................................................................95
Annexe 3 : Exemple des marquages attestant, plus ou moins rigoureusement,
l'origine d'un produit..............................................................................................98
Annexe 4 : Le logo Origine France Garantie.........................................................99
Annexe 5 : L'éclatement des processus de production, le cas de la pâte à tartiner
Nutella®...............................................................................................................100
Annexe 6 : Quelques acteurs contribuant à la promotion de la marque France à
l'étranger...............................................................................................................101
Annexe 7 : Tarik, 12 ans, payé 60 cents par ballon Nike cousu pour le marché
américain, Pakistan...............................................................................................102
Annexe 8 : Extraits du rapport du Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et
l'observation des conditions de vie) intitulé « L'attachement des Français au Made
in France »............................................................................................................103
Annexe 9 : Grille d'entretien avec Robert Rochefort...........................................106
Annexe 10 : Grille d'entretien avec Richard Gabry.............................................107
Annexe 11 : Résultats de l'enquête auprès de consommateurs français sur leur
habitude de consommation vis à vis du « Made in France »................................109
93
Annexe 1 : Une du Parisien Magazine du 18 octobre 2012
Source : www.leparisien.fr
94
Annexe 2 : Les labels d'origine
Ces appellations sont aussi nombreuses car elles varient de par leur périmètre
géographique (européen, national ou régional) ou leur types de produits concernés (viande,
poisson, bio. Ci-dessous les fiches descriptives de différents labels officiels :
- les labels garantissant l'origine
•
Appellation d'origine contrôlée – AOC
(depuis 1935) &
Appellation d'origine protégée – AOP
(depuis 1992)279
• Cible : produit dont toutes les étapes de
fabrication (la production la transformation
et l'élaboration) sont réalisées selon un savoir
faire reconnu dans une même zone
géographique (en France pour l'AOC, en
Union Européenne pour l'AOP).
Labellisés : le camembert de Normandie, le bœuf de Charolles, les moules de
Buchot du Mont-Saint-Michel...
Indication géographique protégée – IGP (depuis 1992)
•
•
•
Cible : produit dont les caractéristiques sont liées au lieu
géographique dans lequel se déroule au moins sa
production ou sa transformation.
Labellisés : coquilles Saint-Jacques des Côtes-d'Armor,
pommes du Limousin, haricots tarbais, clémentine de
Corse, porcelaine de Limoges, dentelle de Calais...280
Remarques : depuis le 17 mars 2014, les IGP sont élargies
aux produits manufacturés alors qu'ils étaient auparavant
réservés aux produits alimentaires
279Site de l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao). C'est sous proposition de ce dernier, qui
dépend du Ministère de l'Agriculture, et validation de la Commission nationale des labels et des
certifications de produits agricoles et alimentaires, qu'est publié le décret d'attribution.
http://www.inao.gouv.fr/Les-signes-officiels-de-la-qualite-et-de-l-origine-SIQO/Appellation-d-origineprotegee-Appellation-d-origine-controlee
280Loi Hamon sur la consommation du 17 mars 2014, article 73.
95
- les labels de qualité (leur objectif n'est pas de marquer l'origine mais se limitent tout de
même à la fabrication hexagonale)
Label Rouge (depuis 1965)
•
•
Cible : denrées alimentaires ou produits agricoles non
alimentaires et non transformés qui possèdent des
caractéristiques spécifiques supérieures aux produits
standards grâce à un mode de production plus exigeant281.
Labellisés : brioche de Vendée, pommes de terre
Pompadour, melon de Guadeloupe...282
Entreprise du Patrimoine Vivant – EPV (depuis 2005)
•
•
Cible : toute entreprise qui détient un patrimoine économique, un
savoir-faire rare, traditionnel et de haute-technicité circonscrit à un
territoire
Labellisés : des menuisiers, orfèvres, bijoutiers, ferronnier,
sculpteur...283
- les labels régionaux
•
Produit en Bretagne (depuis 1993) : produit qui crée de la valeur
ajoutée et a acquit sa transformation substantielle en Bretagne. Il
regroupe 3900 produits (par exemple : Yaourt Bio Nat', portails Le
Nouy...), 300 entreprises adhérentes et 100 000 salariés284.
•
•
Saveurs Paris Île-de-France : produits agricoles
cultivés ou produits en Île-de-France, produits des
artisans, produits des PME de transformation agroalimentaire élaborés en Île-de-France (moutarde de
Meaux, Brie de Melun, miel du Gâtinais...)285.
Sud de France : produit viticole et agroalimentaire du LanguedocRoussillon (oignon doux des Cévennes, fougasse d'AiguesMortes, ...)286.
281Code rural art.L.641-1.
282Le label Rouge compte plus de 500 produits français soit environ 50 000 producteurs et plus de 1,2
milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel. http://www.labelrouge.fr/
283Les EPV représentent 53000 emplois et plus de 11 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2013
http://www.patrimoine-vivant.com/pub/2014/epv_bilan2013_bd.pdf
284Site internet de Produit en France http://www.produitenbretagne.bzh/les-chiffres-cles .
285Site officiel du label Saveurs Paris Île-de-France http://www.saveursparisidf.com/ .
286Site officiel du label Sud de France http://www.sud-de-france.com/# .
96
- les labels sectoriels :
•
Viande de France : cet étiquetage permet d'identifier le pays
de naissance, d'élevage, d'abattage et d'élaboration de la bête,
selon les normes de l'Union européenne.
•
Pavillon France : créé en septembre 2012, ce label
certifie que les poissons, coquillages et crustacés ont
été capturés par des navires français.
97
Annexe 3 : Exemple des marquages attestant, plus ou moins
rigoureusement, l'origine d'un produit
Sources : www.diplomarque.com et www.radiovl.fr
98
Annexe 4 : Le logo Origine France Garantie
Source : www.profrance.org
99
Annexe 5 : L'éclatement des processus de production, le cas de la pâte à
tartiner Nutella®
100
Annexe 6 : Quelques acteurs contribuant à la promotion de la marque
France à l'étranger
Source : Jégo Yves, En finir avec la mondialisation anonyme, rapport remis au président de la République
française, Paris : La Documentation française, 2010, p.53.
101
Annexe 7 : Tarik, 12 ans, payé 60 cents par ballon Nike cousu pour le
marché américain, Pakistan.
Source : Photographie de Dorigny Marie, « Le travail des enfants » www.signatures-photographies.com
102
Annexe 8 : Extraits du rapport du Crédoc (Centre de recherche pour
l'étude et l'observation des conditions de vie) intitulé
« L'attachement des Français au Made in France »
103
Graphique 4 -
104
105
Annexe 9 : Grille d'entretien avec Robert Rochefort
Robert Rochefort est député européen du Mouvement
Démocrate (MoDem) depuis 2009. Ancien directeur
général du Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et
l'observation des conditions de vie), il est économiste et
spécialiste de la consommation française.
Il a publié plusieurs ouvrages dont La société des
consommateurs (1995), Le bon consommateur et le
mauvais citoyen (2007) et Produire en France, c'est
possible (2012).
Entretien téléphonique de 40 minutes, le 26 juin 2015, autour de trois thèmes : la
définition du « Made in France », les tendances de consommation actuelles et les débats
européens sur l'étiquetage d'origine.
Grille d'entretien :
-Selon vous, qu'est-ce qu'un produit « Made in France » ? Quelle est, selon vous, la
définition la plus exacte de l'expression « Made in France » ?
-Cette définition est-elle largement partagée dans l'opinion publique ?
-Ne trouvez-vous pas que la tendance à consommer des produits fabriqués en France
commence à s'infléchir depuis ces quelques mois ? (cf rapport du Crédoc intitulée
« L'attachement des Français au Made in France »). Si oui, quelles pourraient en être les
causes ?
-Y a-t-il une dimension patriotique dans l'acte d'achat délibéré de produits fabriqués en
France ?
-Que pensez-vous du label Origine France Garantie ? Quels sont ses points positifs et
négatifs ?
-Qu'advient la proposition de rendre obligatoire le marquage d'origine sur le territoire
européen votée au Parlement européen ? Comment se sont déroulés les débats (pays
réticents/pays moteurs) ?
-La promotion du « Made in France » contrevient-elle aux principes et valeurs de l'Union
européenne (marché unique, libre-circulation ...) ?
106
Annexe 10 : Grille d'entretien avec Richard Gabry
Richard Gabry est responsable des achats à Tisséo,
établissement public à caractère industriel et commercial
(EPIC) qui gère les réseaux de transport de la région
toulousaine.
Il est également président du Club Stratégie Achat (CSA)
depuis 2010. Ce club réunit les responsables achat des grands
donneurs d'ordre industriel de la région Midi-Pyrénées dans le
but d'améliorer la relation client-fournisseur et de partager les
bonnes pratiques achat.
Entretien en face à face de 35 minutes, le 5 juin 2015, autour des thèmes des achats de
proximité pour les services achat, de leurs relations avec la Supply Chain, des spécificités
du secteur public et de sa présidence au Club Stratégie Achat.
Grille d'entretien :
-La proximité des achats est-il un critère important dans la stratégie achat de Tisséo ?
Pourquoi ?
-Ressentez-vous une pression (croissante) des parties prenantes sur la problématique des
achats de proximité (opinion publique, clients, collectivités territoriales, acteurs
institutionnels, …) ?
-65% des achats de Tisséo sont au bénéfice des fournisseurs de Midi-Pyrénées, soit plus
que la moyenne des membres du CSA (29%), comment l'expliquez-vous ?
-Pourtant vous êtes soumis au Code des Marchés publics qui ne permet pas de privilégier
la proximité comme critère de sélection des candidats. Cette règle est-elle légitime selon
vous ?
-Quel est le niveau de responsabilité des donneurs d'ordre et du donneur d'ordre final sur sa
supply chain ? Comment cette responsabilité a évolué ces dernières années ?
-Diriez-vous que vous entretenez relation particulière avec vos fournisseurs français ? et de
Midi-Pyrénées ?
-Quelles sont les différences et points communs entre un acheteur en entreprise et un
consommateur particulier ?
107
-Comment comprenez-vous que le critère d'origine d'un produit soit plus important chez
les particuliers que chez les professionnels ? (cf « Le Made in France, enquête croisés
Français et chefs d'entreprise », Ifop et Cedre, 2011)
-Lors de votre présidence au CSA, quelles ont été actions sur le sujet de l'achat de
proximité ? Quelles conclusions en tirer ? Les membres du CSA, sont-ils, dans l'ensemble,
sensibles à ce sujet ?
108
Annexe 11 : Résultats de l'enquête auprès de consommateurs français sur
leur habitude de consommation vis à vis du « Made in France »
Questionnaire :
Dans le questionnaire qui suit, il n'y a aucune mauvaise réponse. Celle qui vous convient
le mieux est toujours la bonne.
1.Vous êtes : (Une seule réponse possible)
o un homme
o une femme
2.Vous avez : (Une seule réponse possible)
o moins de 25 ans
o entre 25 et 60 ans (compris)
o plus de 60 ans
3.Cocher le nom du (ou des) label(s) que vous connaissez : (Plusieurs réponses
possibles)
Un label est ici considéré comme connu lorsque vous pouvez reconnaître son logo
et dire sur quel type de produit il s'applique.
o Origine France Garantie
o EPV
o AOC
o AB
o Label rouge
o Produit en Bretagne
o Sud de France
o Saveurs d’Île-de-France
o Je n'en connais aucun
4.Selon vous, que signifie l'expression "Made in France" ? (Une seule réponse
possible)
o Un produit 100% fabriqué en France (ou quasiment)
o Un produit au moins à 50% fabriqué en France
o Un produit conçu en France
o Un produit de marque française
o Autre :
5.Depuis ces cinq dernières années, le critère d'origine d'un produit a-t-il pris de
l'importance dans votre acte d'achat? (Une seule réponse possible)
o Oui, durablement
o Oui, momentanément
o Non, il a toujours été aussi important
o Non, il n'a jamais été important (Passez ici à la question 7)
109
6.Il vous arrive de préférer acheter des produits fabriqués en France principalement
parce que :
Plusieurs réponses possibles.
o c'est un gage de qualité
o c'est un acte citoyen
o cela soutient l'emploi en France
o c'est une garantie du respect des droits des travailleurs
o c'est moins polluant
o Autre :
7.De manière générale, pourquoi n'achetez-vous pas davantage de produit fabriqué
en France ?
Une seule réponse possible.
o Cela coûte trop cher
o Un produit fabriqué en France n'est pas assez facilement reconnaissable
o Il y a peu ou pas de choix sur certain type de produit
o Acheter selon l'origine est un manque d'ouverture sur le monde
o Autre :
8.Selon vous, un produit fabriqué en France (tous types de produit confondus) est
synonyme de :
Plusieurs réponses possibles.
o Qualité
o Cherté
o Durabilité
o Beauté
o Créativité
o Commodité
o Tradition
o Autre :
9.Iriez-vous faire vos courses dans un magasin qui ne vendrait que des produits
fabriqués en France ?
Une seule réponse possible.
o Oui
o Non
10.Dans l'ensemble, selon vous, la mondialisation a en France des effets :
Une seule réponse possible.
o Très positifs
o Plutôt positifs
o Plutôt négatifs
o Très négatifs
110
Panel:
Le panel est représentatif de la population française tant au niveau des tranches d'âge que
de la répartition des sexes287. Une étude encore plus approfondie prendrait en compte les
différentes catégories socio-professionnelles, cela n'a pu être effectué ici pour des raisons
de complexité.
Les sondés ont été abordés par trois canaux : contacts personnels, réseaux sociaux et porteà-porte.
En gras sont affichés le nombre de réponse et en gris le pourcentage de réponse (celui-ci
est parfois supérieur à 100% car plusieurs réponses étaient possibles).
287Chiffres de l'Insee : « Population par sexe et groupes d'âges quinquennaux »
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon02150 ; Données de la Banque
mondiale : « Population, femmes(% du total) »
http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL.FE.ZS
111
Résultats :
112
113
Bibliographie
Ouvrages
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édition, 2010, 672 pages.
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2003 (1997), 212 pages.
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Editeur, 2015, 261 pages.
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(1817), 394 pages.
Rochefort Robert, Produire en France, c'est possible !, Paris : Odile Jacob, 2012, 216
pages.
Smith Adam, La Richesse des Nations, Paris : GF Flammarion, 1999 (1776), 531 pages.
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Code des douanes, 1949.
Small Business Act, Public Law 85-536, 1953.
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE), 1957.
Arrêt Costa contre ENEL, CJCE, affaire 6/64, 1964.
Code de la consommation, 1978.
Arrêt Commission c/République italienne, CJCE, affaire 360/89, 1992.
Code des douanes communautaire, CEE, n° 2913/92, 1992.
Accord sur les règles d'origine, Cycle de l'Uruguay, 1994.
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Arrêt Duvets d'oies grises du Périgord, Chambre criminelle de la Cour de Cassation, 2007.
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Engagement national pour l'environnement (« loi Grenelle »), loi n° 2010-788, 2010.
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Rapports, revue et études
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17/01/2012.
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magasin sont françaises », Décisions-achat, 17/03/2015.
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France ? », France 3 Bretagne, 23/10/2012.
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Anonyme, « La mondialisation en chiffres », Alternatives Économiques, Hors-série n°101,
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Anonyme, « Bangladesh : l'industrie textile ébranlée après l'effondrement d'un immeuble à
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Documentaires
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Sites
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www.lci.tf1.fr
www.mifexpo.fr
www.profrance.org
www.senat.fr
www.sudouest.fr
www.whitehouse.gov
www.wto.org
120
121
Table des matières
Remerciements.......................................................................................................................2
Sommaire................................................................................................................................3
Introduction............................................................................................................................4
I- Le « Made in France », une expression qui reste à définir...............................................14
A) De nombreuses appellations plus ou moins formelles...............................................14
1° Une acception juridique du terme « Made in France » ?........................................14
2° L'anarchie des appellations se revendiquant « Made in France »..........................19
3° Le label Origine France Garantie...........................................................................21
B) Une définition rendue complexe dans une économie mondialisée.............................25
1° L'éclatement des lieux de production.....................................................................25
2° Les règles internationales de libre-échange et leur rapport à l'origine...................28
3° Des produits toujours plus complexes et intersectoriels........................................31
C) L'hétérogénéité des « Made in » étrangers.................................................................34
1° Made in Germany...................................................................................................34
2° Made in Italy..........................................................................................................36
3° Made in USA..........................................................................................................38
4° Made in China........................................................................................................39
5° Le tableau synoptique par pays..............................................................................41
II – L'indispensable nécessité de produire en France...........................................................43
A) Un effet d'entraînement sur toute l'économie française .............................................43
1° Les mécanismes macroéconomiques actionnés.....................................................43
2° Le rôle central de l'industrie française....................................................................46
3° L'effet domino de la supply chain..........................................................................48
B) Promouvoir le Made in France pour lutter contre les délocalisations........................52
1° Les délocalisations et leurs causes.........................................................................53
2° Le phénomène de relocalisation.............................................................................55
C) La « marque France » à l'international.......................................................................58
1° La position intenable de la France à l'export..........................................................58
2° Les contours de la « marque France »....................................................................61
3° Les travaux en cours ..............................................................................................63
122
III- Consommer « Made in France » en réponse à la mondialisation..................................66
A) Une réelle attente des consommateurs.......................................................................66
1° Les tendances de consommation actuelles.............................................................66
2° Les initiatives incitatives........................................................................................69
3° Le profil-type du consommateur « Made in France »............................................72
B) L'émergence du consomm'acteur................................................................................74
1° Ses préoccupations économiques et sociales..........................................................74
2° Ses préoccupations environnementales..................................................................77
3° Ses préoccupations sanitaires et sécuritaires..........................................................80
C) Les freins de la consommation favorisant l'origine....................................................82
1° Le prix, facteur prédominant..................................................................................82
2° Le critère d'origine ne suffit pas à lui seul sur le long terme..................................84
3° L'accusation du repli nationaliste...........................................................................86
Conclusion............................................................................................................................90
Annexes................................................................................................................................93
Annexe 1 : Une du Parisien Magazine du 18 octobre 2012...................................94
Annexe 2 : Les labels d'origine..............................................................................95
Annexe 3 : Exemple des marquages attestant, plus ou moins rigoureusement,
l'origine d'un produit..............................................................................................98
Annexe 4 : Le logo Origine France Garantie.........................................................99
Annexe 5 : L'éclatement des processus de production, le cas de la pâte à tartiner
Nutella®...............................................................................................................100
Annexe 6 : Quelques acteurs contribuant à la promotion de la marque France à
l'étranger...............................................................................................................101
Annexe 7 : Tarik, 12 ans, payé 60 cents par ballon Nike cousu pour le marché
américain, Pakistan...............................................................................................102
Annexe 8 : Extraits du rapport du Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et
l'observation des conditions de vie) intitulé « L'attachement des Français au Made
in France »............................................................................................................103
Annexe 9 : Grille d'entretien avec Robert Rochefort...........................................106
Annexe 10 : Grille d'entretien avec Richard Gabry.............................................107
Annexe 11 : Résultats de l'enquête auprès de consommateurs français sur leur
habitude de consommation vis à vis du « Made in France »................................109
Bibliographie......................................................................................................................114
Table des matières..............................................................................................................122
Résumé...............................................................................................................................124
123
Résumé
L'élection présidentielle de 2012 a replacé sur le devant de la scène
médiatique la question du « Made in France ». Expression usuelle bien que
floue, elle interroge la France sur son rôle dans la mondialisation actuelle.
Qu'est-ce qu'un produit « Made in France » quand les processus de production
sont éclatés à travers le monde ? Est-il toujours possible de produire en
France tout en restant compétitif à l'international ? Pourquoi même vouloir
continuer de produire sur le territoire national ? Existe-t-il une attente de la
part des consommateurs ?
Autrement dit, est-il vain de promouvoir le « Made in France » dans un
contexte mondialisé ?
Le sujet est complexe et soulève de nombreuses questions auxquelles ce
mémoire tentera d'apporter des éléments de réponse.
124
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