personne est suffisamment dans
la gestion d’équipe, pourquoi
pas ? » Une évolution peut-être
encore lointaine dans l’univers
de la santé.
Redonner du sens
aux choses...
Ponctuellement, des groupes de
parole ou un accompagnement
collectif mené par un intervenant
extérieur peuvent aider à redon-
ner du sens aux professionnels.
«Dans mon service de psychia-
trie, nous avons bénéficié d’une
régulation professionnelle avec
un chercheur sociologue afin de
nous aider à formaliser nos dif-
ficultés, se souvient Laurent
Laporte. Cela nous avait aidés à
prendre de la distance et à com-
prendre ce qui nous arrivait. »
Nicole Taliana, cadre de santé
et thérapeute familiale psycha-
nalytique à Aix-en-Provence
(Bouches-du-Rhône) a participé,
quant à elle, à la mise en place
d’un groupe de « réflexion sur
la pratique d’encadrement » dans
un centre hospitalier du sud de
la France au moment de la mise
en œuvre de la loi Hôpital,
patients, santé et territoires
(HPST). « Il s’agissait non seule-
ment d’un lieu pour penser sa
pratique et supporter d’être
comme le second de la marine
anglaise, mais aussi d’un lieu de
dépôt de ce qui ne peut être
symbolisé au sein de l’appareil
psychique institutionnel, écrit-
elle(1). Offrir aux cadres de santé
cette possibilité de travail réflexif
centré sur l’écoute groupale des
liens institutionnels permet à
une organisation de rester
vivante (…) et de faire face aux
défis internes et externes. »
Danièle Linhart, sociologue du
travail et directrice de recherche
au CNRS, a montré que les col-
lectifs de travail sont « actifs
dans la régulation des difficultés
au travail et donc de la souffrance
et que le management doit pren-
dre en compte l’intelligence col-
lective et préserver des espaces
de liberté et d’autonomie pour
qu’elle se développe »(2).Et s’ils
peuvent parfois inquiéter la hié-
rarchie, voire être perçus comme
des lieux de résistance, ils pré-
sentent également le risque
d’être utilisés par elle. Sophie
Divay, sociologue, rapporte l’ex-
périence de deux collectifs qu’elle
a identifiés(3). «Mais, dans les
deux cas, les collectifs étaient
certes portés par des cadres,
mais aussi et peut-être surtout
investis, repris (instrumentali-
sés?) par les dirigeants des éta-
blissements qui voient là une
opportunité de transformer leurs
cadres de santé en manager,
conçus comme les diffuseurs de
leurs orientations auprès de l’en-
semble du personnel. »
... en prenant le temps
Ces actions trouvent aussi leur
limites, lorsque les professionnels
ne parviennent pas à dégager
du temps pour y participer. « Les
collectifs de cadres, d’accord,
mais les gens y vont une fois,
deux fois, et puis ils trouvent
qu’ils n’ont pas de temps pour
ça », regrette Laurent Laporte.
Pour Jean-Paul Bouchet, remet-
tre du dialogue entre les profes-
sionnels et avec leur hiérarchie
demeure néanmoins indispen-
sable pour améliorer la situation.
«Il y a eu des expériences néga-
tives avec les lois Auroux [dans
l’industrie], mais il faut réhabiliter
tout cela », assure Jean-Paul
Bouchet. En 1982, en effet, ces
quatre textes de loi avaient
notamment créé un droit d’ex-
pression des salariés sur leurs
conditions de travail, instauré
l’obligation annuelle de négocier
sur les salaires, la durée et l’or-
ganisation du travail, dans l’en-
treprise, créé les CHSCT, instauré
le droit de retrait du salarié en
cas de situation de danger grave
et imminent, etc.
CONCLUSION
Dans son manifeste en faveur
des cadres (pas uniquement les
hospitaliers), la CFDT estime
ainsi: « Afin d’exercer correcte-
ment ses missions, un cadre doit
disposer d’un droit d’intervention
notamment sur l’organisation,
les conditions de travail, d’hygiène
et de sécurité, pour lui-même et
ses collaborateurs éventuels,
mais aussi sur certains choix de
son entreprise. Cela suppose qu’il
puisse disposer de marges de
manœuvre, de réels leviers d’ac-
tions, d’un pouvoir d’initiative
pour agir sur son environnement
de proximité. Ce droit d’inter-
vention et cette capacité d’ini-
tiative doivent être reconnus
dans les procédures de fixation
d’objectifs mais aussi pris en
compte lors de leur évaluation,
au moment de la mesure d’at-
teinte des objectifs. »
L’organisation plaide également
pour des formes de représenta-
tion des cadres spécifiques à
développer au sein de la repré-
sentation des personnels, afin
que leur expression soit davan-
tage identifiable. La sociologue
Sophie Divay souligne également
le manque d’associations de cadre
de santé, à même de les repré-
senter. À l’heure où les syndicats
ont de plus en plus de difficultés
à se faire entendre et où leur
représentativité est largement
contestée, cette parole-là pourra-
t-elle faire son chemin? n
Sandra Mignot
Comment sauver le soldat cadre
NOTES
(1) “Une clinique de la
fonction cadre”, N. Taliana,
Soins Cadres n°83, août 2012.
(2) “Les collectifs de travail,
enjeu pour les salariés et le
management”, D. Linhart,
Soins n°790, novembre 2014.
(3) “Collectif cadres,
solidaires ou solitaires”,
S. Divay, Soins Cadres, n°94,
mai 2015.
30 ObjectifSOINS &MANAGEMENT - N° 247 - Juin 2016
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