SEMINAIRE INTERDISCIPLINAIRE DE LA FRES « Qualité et qualification : terroir et diversité » UNIVERSITE DE CORSE 26/03/2010 1 Paul-Marie ROMANI Professeur de Sciences Economiques Université de Corse Pascal Paoli L‘approche économique de la Normalisation et de la Certification : macro? micro? méso? 2 • La généralisation des systèmes d’assurance de la qualité dans la production présente du point de vue de l’analyse économique une triple dimension. 3 • D’une part, ces systèmes s’apparentent, pour les firmes qui les adoptent, à une forme particulière d’innovation organisationnelle qualifié de « gestion de la qualité » et dont les caractéristiques sont définies par l’ensemble des normes ISO 9000 : cet aspect relève de l’analyse microéconomique. 4 • D’autre part, ce nouveau mode d’organisation sert également de support à un type particulier de relations inter-firmes : le « partenariat industriel » c’est le domaine de l’économie industrielle souvent qualifiée de mésoéconomie. 5 • Enfin, personne ne conteste plus aujourd’hui l’idée qu’une partie de plus en plus importante de la croissance économique (l’augmentation du PIB) s’explique par la productivité accrue du capital humain que favorisent, notamment, le progrès technique et sa diffusion. La normalisation et la certification constituent, à l’instar des brevets par exemple, une nouvelle forme de codification de la connaissance. A ce titre, en favorisant le partage de l’innovation, elles contribuent à déplacer la frontière technologique et constituent un levier économique puissant. On se situe ici dans le champ de l’analyse macroéconomique. 6 PLAN de l’intervention : 1 - Généralités : concepts, définitions, institutions,… 2 - L’approche microéconomique 3 - L’approche macroéconomique 4 - L’approche mésoéconomique 7 1 - Généralités • NORMALISATION – CERTIFICATION : Définitions • NORME • « spécification technique, code de pratique ou tout autre document destiné à une application répétitive, approuvé par un organisme reconnu de normalisation et mis à la disposition du public » (ISO Intern. Standard.Org.) • « donnée de référence résultant d’un choix collectif en vue de servir de base d’action pour la solution de problèmes répétitifs » (AFNOR) 8 NORMALISATION vs STANDARDISATION Standard: modèle unique de référence pour chaque produit (mesure, étalon) Standards de compatibilité : portent sur les interfaces des produits Standards de qualité : portent sur les caractéristiques des produits (assurer les propriétés de reproductibilité,, d’équivalence et de stabilité, adéquates aux conditions de production et d’un système industriel d’échange ) STRUCTURES DE NORMALISATION • AFNOR : certification de produit (marque NF) • INAO : signes de qualité (AOC) Garantie : Contrôles par organismes tiers indépendants • Industrie : labels professionnels (“Woolmark“) Limite : Pas de garantie d’intervention d’un organisme tiers 10 LEGISLATIONREGLEMENTATION France - Avant 1994 : Loi SCRIVENER (1978) (protection et information du consommateur contre abus et tromperies) RNE : Réseau National d’Essais (labos d’essais) BNM : Bureau National de Métrologie (étalonnages) - Depuis 1994 : CO FR AC (système national d’accréditation : normes 45 000) 11 LEGISLATIONREGLEMENTATION U.E • CEN (Comité Européen de Normalisation) • CENELEC (Comité Européen de Normalisation Electrotechnique) - Élabore les normes “EN“ - Transpose et diffuse les normes internationales (ISO) 12 LEGISLATIONREGLEMENTATION Monde • ISO (1947) : - fédère les organismes nationaux de normalisation - normes tous domaines sauf électricité et électronique (CEI) • ISO 9000 (assurance qualité) • ISO 8402 (norme terminologique) • ISO 10000 (outils et méthodes) • ISO 22000 (systèmes de management de la sécurité des produits alimentaires /depuis 2005) • Etc… 13 UE : « la nouvelle approche » (1985) • “Exigences essentielles“ : obligatoires - marquage “CE“ depuis 1998 (But : permettre la libre circulation) - pas de procédure de certification versus • “Normes européennes“ : volontaires Intervention d’un organisme tiers 14 CERTIFICATION (Définition) • Procédure par laquelle une tierce partie donne une assurance écrite qu’une personne, un service, un produit ou un processus, est “conforme“ à des exigences spécifiées • Implique systématiquement l’intervention d’un organisme indépendant, distinct du fournisseur et du client 15 CERTIFICATION (4 types) • Certification de personne (attestation de compétences) • Certification de service (attestation de caractéristiques contrôlées) • Certification de produit (apposition d’une marque) • Certification d’entreprise (conformité des systèmes d’assurances qualité des entreprises aux normes internationales ISO 9000) 16 CERTIFICATION ISO 9000 • ISO 9000 : Modèles pour l’Assurance de la Qualité 3 modèles de prescription: • ISO 9001 : conception-développementproduction-installation-prestations associées • ISO 9002 : production-installationprestations associées • ISO 9003 : Contrôles et essais finals + ISO 9004 : guide d’utilisation pour la Gestion de la qualité et la mise en place des éléments du système-qualité 17 CERTIFICATION DE PRODUIT versus CERTIFICATION D’ENTREPRISE • « il ne suffit plus aujourd’hui que les produits soient satisfaisants (c’est “la qualité“), il faut en plus que l’entreprise qui les fabrique donne confiance en la façon dont elle travaille (c’est “l’assurance qualité“) » • Qualité : satisfaction/produit/sphère du marché (normes de qualité relatives au produit : ce qui est « fait ») • Assurance-qualité : confiance/activité/sphère de la production (normes organisationnelles relatives à l’entreprise: la façon de le « faire ») 18 2 - L’approche microéconomique • Il s’agit ici d’analyser en quoi la normalisation et la certification sont des facteurs d’amélioration des conditions de production et de commercialisation des biens et services, et par là même d’augmentation de la performance globale de l’entreprise : compétitivité économique et rentabilité financière…, mais aussi ….efficacité sociale et responsabilité sociétale 19 • Ces aspects relèvent principalement du domaine de la gestion d’entreprise… • On se limitera donc à présenter les résultats de 2 enquêtes : - enquête SESSI (1998) - enquête AFNOR (2009) 20 21 22 23 L’enquête AFNOR 2009 • Caractéristiques de l’enquête • Population-cible: 43000 entreprises • Echantillon : 1790 réponses (1651 après redressement) • Dont : 30,3% (T < 20 salariés) 46,3 (20 < T < 500) 23,4% (T > 500 salariés) 24 Enquête AFNOR (2) • - Dont (secteurs d’activité) : 37% : Industrie manufacturière 50% : Services marchands/non marchands 8% : Commerce 4% : Construction etc • Dont (secteurs industriels) : - 12,5 % : Fabrication produits métalliques - 12,5% : Fabrication machines/équipements - 9,2% : Chimie - 8,4% : Caoutchouc-plastique ….. - 5,6% : Automobile - 2,2% : Pharmacie - etc 25 Enquête AFNOR (3) • Dont (structure juridique) - 60,5% : entreprises indépendantes - 20,8% : filiales groupes français - 18,7% : filiales groupes étrangers • Dont (Innovation) - 71,4% : innovantes - 28,6% : non innovantes • Dont (Taux d’exportation : TE) - 28,1% : TE > 50% - 15,1% : TE = 0% - 21,2% : TE < 5% - 45,7% : 5% < TE < 50% 26 Enquête AFNOR (4) • Résultats de l’enquête • Normes volontaires(coût/bénéfice) : - 66% : bénéfice - 34% : coût 27 Enquête AFNOR (5) • Analyse économétrique (régression/corrélations) • + la taille de l’entreprise est grande… • + l’entreprise travaille dans les services, l’électronique… • + L’entreprise est filiale d’un groupe français…. • + l’entreprise est innovante… • Et…..+ la normalisationcertification apparaît bénéfique 28 Enquête AFNOR (6) • Par bénéfice, les entreprises enquêtées entendent majoritairement : • …quantitativement… 1°/ Accroissement de la productivité 2°/ Gains de parts de marché/exportation … qualitativement… 1°/ Valorisation de l’entreprise (qualitésécurité produit/fiabilité processus : image de marque + valeur capital humain ) 2°/ Innovation facilitée (différenciation/sélection) 3°/Coopération facilitée avec les organismes publics de R-D 4°/ transparence et éthique (meilleur respect des règles concurentielles/partenariales) 29 Enquête AFNOR (7) • Au delà des avantages évoqués, la normalisation-certification s’affirme comme un élément fort parmi les grandes lignes stratégiques des entreprises… • Une stratégie de normalisation/certification apparaît désormais comme un projet industriel en soi, favorisant une capacité accrue de maîtrise des risques et une performance économique 30 3 - L’APPROCHE MACROÉCONOMIQUE • Le consensus est désormais établi parmi les économistes selon lequel la croissance sur longue période des économies « mûres » repose de plus en plus fondamentalement sur l’augmentation continue du volume des connaissances accumulées et leur diffusion élargie et de manière (relativement) moindre sur la combinaison productive des seuls facteurs de production traditionnels (ressources naturelles, travail, capital) • C’est le problème dit du « dépassement de la frontière technologique » qui autorise le passage d’une « économie de rattrapage » (gains de productivité issus de l’imitation technologique) à une « économie de pointe » (gains de productivité issus de l’innovation autonome). • Les normes, en tant que sources de connaissances codifiées, apparaissent dès lors comme un nouvel et important vecteur du processus d’innovation et de diffusion technologique. 31 • Dans les modèles de croissance traditionnels, l’augmentation du PIB (Y) dépend du rythme d’accumulation du capital productif (K), de l’évolution de l’emploi (L) et de la rapidité dans l’accumulation de connaissances (A : productivité totale des facteurs, mesurant par défaut la part de production non expliquée par la productivité directe des facteurs de production K et L) • Fonction de production COBB-DOUGLAS : Yt = At Lta Kt(1-a) • Exposants a et (1-a) : parts respectives des salaires et des profits dans la valeur ajoutée, sous l’hypothèse de marchés concurrentiels • Indice t : temps 32 • La résolution du modèle (différentiation par rapport au temps) permet d’établir : • Taux de croissance de l’économie (en termes de croissance du progrès technique (PTF) et des variations de l’emploi et du stock de capital) : y* = a* + al* + (1-a)k* • Productivité du travail : ( y*- l*) = a* + al* - l* + (1-a)k* • Taux de croissance de la productivité du travail (en termes de la croissance du progrès technique et de la variation de l’intensité capitalistique pondérée par la part des profits dans la valeur ajoutée): ( y*- l*) = a* + al* + (1-a)(k*- l*) 33 • La mesure de l’impact de la normalisationcertification sur la croissance de l’économie peut être estimée (H. MIOTTI, 2009) par : PTFt = c + d knort + e kbrev t-2 + Sin f i xt + et La croissance du progrès technique (approché pat la PTF : mesure du volume produit par un niveau donné d’utilisation de l’ensemble des facteurs de production) est ainsi expliquée par le dynamisme du stock de normes (knor, nombre cumulé net de normes publiées par année) et du stock de connaissance scientifiques et technologiques (kbrev, accumulation des demandes de brevets sur 20 ans avec retard de 2 ans) L’hypothèse sous-jacente au test est triple : a) il existe une relation étroite entre le progrès technique et la croissance économique; b) le progrès technique général se nourrit à titre principal de l’activité d’innovation et de diffusion technologiques des entreprises; c) La diffusion des innovations peut être correctement approchée par l’activité de normalisation-certification. 34 • Selon cette estimation, la contribution des normes à la croissance de l’économie française sur la période 1950-2007 est positive et statistiquement significative. • Elle s’élèverait en moyenne annuelle à 0,81% sur l’ensemble de la période et interviendrait donc à hauteur de près de 25% dans la croissance totale du PIB. • Cette estimation rejoint celles effectuées pour l’Allemagne (German Insitute For Standardization, Karlsruhe, 2000) et l’Australie (Australian Productivity Commission, Sydney, 2007); elle est sensiblement supérieure aux estimations pour l’Angleterre et le Canada. 35 4 – L’approche mésoéconomique : certification et coordination dans l’organisation de la production industrielle • Cf P.J Benghozi, J.T Ravix, PM Romani & D. Segrestin (eds), Normalisation et organisation de l’industrie, Revue d’Economie Industrielle numéro spécial n°75, 1er trim. 1996 36 • S’il est désormais établi par les sciences de gestion que l’adoption par une firme d’un système d’assurance-qualité et sa certification aux normes ISO 9000 a une incidence directe sur son mode d’organisation et de fonctionnement internes, rares sont les travaux qui ont abordé les conséquences de ce recours croissant à la normalisation et à la certification des processus de production sur la nature et les modalités des relations qu’elles entretiennent avec leur environnement concurrentiel. 37 • Nous avons tenté de montrer que la difficulté des économistes industriels à appréhender ce problème tient à la dichotomie firme-marché (« make or buy ») à laquelle est traditionnellement réduite la coordination des activités productives au sein de l’industrie. • Or, la certification des systèmes d’assurance-qualité a pour première conséquence caractristique de générer et/ou d’encourager les pratiques partenariales entre firmes au sein d’une même filière ou entre filières de production. 38 • La coopération industrielle (« faire faire » ou « faire ensemble ») sous ses diverses formes (fourniture, soustraitance, coproduction, production sous licence,…) est une forme d’organisation de la production industrielle qui se développe quantitativement et s’enrichit qualitativement au point que rares sont aujourd’hui les producteurs « autonomes » (firmes intégrées) ou « quasiautonomes » (binôme fournisseurs-producteurs finals). 39 • Pour appréhender théoriquement ces nouvelles formes d’organisation de l’industrie, il est donc nécessaire d’abandonner la « logique marchande », reposant sur les concepts de “produit“ et de “transaction“, au profit d’une « logique industrielle » fondée sur les concepts “d’activité“ et de « production », seul moyen de rompre avec la dichotomie » firme-marché » et d’ouvrir l’éventail des liaisons industrielles. 40 • A la base de ce changement d’optique, quelques principes simples : • 1°/ la production ne doit plus être appréhendée comme une forme particulière d’échange instantané, mais comme un processus temporel, dont les différentes étapes recouvrent autant d’activités particulières, pouvant impliquer plusieurs firmes, situées à des niveaux différents de la filière; 41 • 2°/ On quitte alors le domaine de la coordination des transactions pour celui de la coordination des activités. • 3°/ Le problème économique central n’est plus celui de l’organisation des échanges sur un marché, mais celui du partage et de l’organisation de la production au sein de l’industrie. • 4°/ La « division institutionnelle du travail » de polaire (firmemarché) devient ternaire (firmecoopération-marché). 42 • Elle permet au surplus de bien différencier les deux formes dxe certification : - la certification de produit qui a pour fonction de réduire les problèmes d’asymétrie d’information et d’incertitude sur la qualité : grâce au standard de référence, le produit est identifié, ses qualités et ses performances sont certaines et leur évolution prévisible. La normalisation a alors pour effet de réduire les coûts de transaction sur le produit. 43 - La production renvoie quant à elle à deux formes d’incertitude : d’une part l’incertitude systémique (les firmes prenant leurs décisions indépendamment les unes des autres alors que leurs activités respectives sont souvent et de plus en plus interreliées et créant ainsi des phénomènes d’irréversibilité).. d’autre part, l’incertitude subjective: (les prévisions d’une entreprise dépendant tout autant de ses ressources internes et de la nature de ses activités que des qualités personnelles de l’entrepreneur ou du dirigeant). 44 • C’est précisément pour gérer cette double incertitude que les firmes développent de plus en plus des « domaines de spécialisation » : elles pourront ainsi mieux apprécier les besoins nouveaux et mieux anticiper les besoins futurs et, par là même être en capacité de développer et d’adapter la conception, la construction et la mise en œuvre des procédés de transformation physique qui constituent le préalable à la mise de leurs produits sur les marchés. 45 • Dans ce contexte, les procédures de normalisation des produits et de certification des activités viennent en quelque sorte faciliter la mise en place progressive d’une nouvelle forme d’intégration ou de quasiintégration verticale de l’industrie dans laquelle les entreprises certifiées, et en particulier les PMI, peuvent accéder à des partenariats privilégiés et plus sécurisants avec les grandes entreprises. 46