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Dossier pédagogique à l’attention des enseignant.e.s
Wajdi mouawad
Seuls
30.05 – 3.06
Seuls © Thibaut Baron
DOssier pédagogique Seuls 2016-2017
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DOssier pédagogique Seuls 2016-2017
Plan
Bienvenue
p. 3
Préambule
Chères enseignantes, chers enseignants,
p. 4
Distribution
p. 5 Activités
p. 9
Annexes
Vidy accueille le romancier, metteur en scène et acteur Wajdi Mouawad avec Seuls, monologue qu’il interprète depuis
2008. Tenant d’un retour à la narration, assumant lyrisme et introspection, le libano-québéquois Wajdi Mouawad est
une figure importante de la littérature mondiale contemporaine. Seuls raconte, entre texte littéraire, jeu dramatique,
vidéo et arts plastiques, l’histoire d’un double de l’auteur qui part en quête de ses désirs enfouis, de son enfance et d’une
langue maternelle qui a fini par disparaître sous une langue apprise.
Ce dossier contient des pistes pédagogiques qui, nous l’espérons, vous permettront de préparer au mieux votre sortie au
théâtre et d’accompagner vos élèves ou étudiant.e.s dans leur découverte du théâtre contemporain, et plus particulièrement de ce spectacle. Le dossier a été préparé par Thierry Buser qui a suivi l’atelier « Transmettre le théâtre contemporain » donné par Eric Vautrin à Vidy la saison passée. Nous le remercions pour son précieux travail et nous réjouissons
de le partager avec vous.
Par ailleurs, nous sommes à votre disposition pour adapter nos propositions à vos besoins, par exemple pour accompagner une sortie d’une visite du théâtre et des coulisses, prévoir un accueil spécifique de vos classes ou une introduction
préalable au spectacle. N’hésitez pas à nous solliciter !
En vous souhaitant une excellente fin de saison théâtrale et en espérant vous accueillir bientôt à Vidy,
Anouk Schumacher
Chargée de la médiation culturelle
Anouk Schumacher
[email protected] Tél. 021 619 45 30
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DOssier pédagogique Seuls 2016-2017
distribution
Texte et mise en scène :
Wajdi Mouawad
Dramaturgie et écriture de thèse :
Charlotte Farcet
Conseil artistique :
François Ismert
Scénographie :
Emmanuel Clolus
Lumière :
Eric Champoux
Costumes :
Isabelle Larivière
Son :
Michel Maurer
Musique :
Michael Jon Fink
Vidéo :
Dominique Daviet
Assistanat mise en scène :
Irène Afker
Avec :
Wajdi Mouawad
Production :
La Colline – Théâtre national
Coproduction :
Au Carré de l’Hypoténuse, France – Abé Carré Cé Carré,
Québec – Espace Malraux - Scène nationale de Chambéry
et de la Savoie – le Grand T-théâtre de Loire-Atlantique –
Théâtre 71-Scène nationale de Malakoff – la Comédie de
Clermont- Ferrand-Scène nationale – Théâtre National de
Toulouse Midi-Pyrénées – le Théâtre d’Aujourd’hui, Montréal
– le manège.mons
Avec le soutien de :
Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme «New Settings», le Cercle des mécènes du Théâtre
de Vidy
Création 2008
Le texte Seuls: Chemin, texte et peintures est publié chez
Leméac / Actes Sud-Papiers
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DOssier pédagogique Seuls 2016-2017
Dans ce dossier pédagogique vous sont proposées quelques activités à réaliser avec les
élèves avant le spectacle dans le but, non pas de le dévoiler ou d’amoindrir l’effet de
surprise devant le spectacle, mais plutôt de permettre à chaque élève de structurer un
horizon d’attente et d’activer son regard sur l’une ou l’autre des particularités du spectacle
Seuls de Wajdi Mouawad. Est-il nécessaire de dire qu’il n’est pas du tout indispensable de
réaliser l’ensemble des activités proposées ci-dessous, que vous pouvez picorer,
transformer, détourner, reformuler tout ou partie de ce dossier. Ces activités peuvent
aussi être utilisées en prolongement du spectacle.
Partie I 30 minutes
30.05 – 3.06
Salle Charles Apothéloz
mar 30.05 mer 31.05 jeu 01.06 ven 02.06 sam 03.06 Durée : 2h
Théâtre
19h00 20h00 19h00 20h00 17h00
Où l’on aborde la notion de l’identité avec Wajdi Mouawad
Annoncer que cette œuvre (Seuls) est une autofiction et définir rapidement ce terme. Selon
Le Petit Robert : « autoficiton : récit mêlant la fiction et la réalité autobiographique. »
a. Poser aux élèves les 4 questions que se posent Wajdi Mouawad et auxquelles il
répond sur la notion d’identité. (Ce qui correspond aux questions 1. et 5. de
l’interview) :
D’où es-tu ?
En quel lieu te sens-tu le mieux ?
Quel est le groupe auquel tu peux t’identifier ?
C’est où chez vous ?
Cette activité peut se faire d’une manière individuelle où l’E. note ses réflexions
personnelles sur papier, ou en discussion de groupe de 2 à 4 E.
Cette activité peut se faire en deux moments ou pour chaque question en alternance
réflexion et vidéo.
Annexe 1
Dia 2
b. Après ces discussions, écoutez les réponses de Wajdi Mouawad.
(de 3’45 à 13’30 + de 36’24 à 38’34.)
https://www.youtube.com/watch?v=88aAQjzdSkE
c. Mise en commun : remarque des E., originalité des propos de Wajdi, résonnance
par rapport au parcours personnel des E. Discussion collective ou par groupe.
Dia 2
d. Prolongation : lecture du texte « nous sommes des immeubles… »
Annexe 2
PArtie II 25 minutes
Où l’on aborde le processus créatif de Wajdi Mouawad pour Seuls
Lecture du texte Le scarabée de Wajdi Mouawad
a. Ecoute de la question 8. (de 46’54 à 52’00)
b. Lecture extrait de Un oiseau polyphonique
Ces lectures permettent à l’E d’aborder la notion de création pour Wajdi Mouawad et son processus créatif. Bien entendu, l’ « objet » Seuls édité à Léméac/Actes sud, est un document pédagogique en lui-même sur ce point.
Annexe 3
ou Dia 3
Annexe 4
6
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partie III environ 90 minutes
Où l’on aborde la notion de cadre, notion très présente dans ce spectacle de théâtre.
La mise en évidence du cadre l’est par le titre de la thèse de doctorat que prépare Harwan,
le personnage principal de Seuls : « Le cadre comme espace identitaire dans les solos de
Robert Lepage. ».
a. Le cadre ou l’absence de cadre
Sans annoncer le thème de l’activité, demander aux E. de comparer ces trois salles de
théâtre (a. Théâtre de l’Odéon, Paris : 1782 ; b. Théâtre de Vidy, salle Charles
Apothéloz 1965 ; c. Théâtre de Vidy salle René Gonzales 1975).
Constat : La première salle a un cadre de scène très marqué, richement décoré. La
deuxième a un cadre plus discret, noir mais encore bien visible. La troisième n’a plus
de cadre de scène apparent. Comme un tableau, le théâtre se regarde très souvent
dans un cadre. Le cadre délimite deux mondes : le monde de la représentation et
celui de la vie réelle. L’absence de cadre peut signifier le mélange de ces deux mondes.
Où s’arrête l’un et commence l’autre ? A ce sujet lire et discuter des citations de
Diderot et d’Antonin Artaud
b. Faire de même avec les deux tableaux et la citation de Jackson Pollock : « … ni
commencement ni fin… »
Constat : Comme en peinture, le théâtre s’est affranchi du cadre.
Sortir du cadre
c. Observer la page 95 du livre Seuls et Trompe-l’œil de Pere Borrell del Caso (1874).
Que constater ?
Constat : Comme dans le tableau de Pere Borell del Caso, Harwan (le mot, le
personnage…) sort du cadre. Discussion avec les E. de ce que signifie pour eux «
sortir du cadre ».
On peut faire rechercher aux E. le mot cadre dans le dictionnaire. Ici, la peinture et le
dispositif graphique de la page 95 de Seuls jouent sur le mot cadre dans son sens
premier et son sens figuré. Selon Marie Joseph Bertini « (…) l’histoire de l’art tout
entière peut se décrire, voire s’écrire comme l’épopée de la sortie du cadre, comme
une tentative de déborder constamment le cadre, de s’extraire de lui. »
d. Le cadre dans le cadre
Un des « chemins » de Wajdi pour créer Seuls est son « admiration » pour Robert
Lepage, homme de théâtre québécois. Avec les E. lire tout ou un extrait des pp. 4445 de Seuls. Comme entrée en matière et pour que les E puissent se faire une idée de
son travail, regarder ces quelques teasers des solos de Robert Lepage. Avant le
visionnement, on peut donner comme consigne aux E. de repérer la présence de
cadre dans ces extraits de spectacle :
Les Aiguilles et l’Opium : https://vimeo.com/77156578
La Face cachée de la lune : https://www.theatre-video.net/video/Bande-annonce-deLa-Face-cachee-de-la-Lune
Le projet Andersen (ne regarder que jusqu’à 2’30) : https://www.youtube.com/
watch?v=JqTJ6pcGKJQ
887 : https://vimeo.com/149325936
Dia 5,6,7
Dia 8 ou
Annexe 5
Dia 9,10,11
Annexe 6
Dia 12,13 ou
Annexe 8
Annexe 7
Dia 14 ou
Annexe 9
Dia 15
7
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Après ces visionnements, on peut rapidement faire énumérer les différentes présences
du cadre dans ces extraits des mises en scène de Robert Lepage. A remarquer, par
une prouesse technique, que le personnage rentre dans le cadre, fait partie de l’écran
dans le générique du projet Andersen. (On peut rapidement expliquer que le théâtre
lepagien met en avant une machinerie de scène très complexe, utilisant des moyens
techniques conséquents. Ce qui n’est pas forcément le cas du théâtre de Wajdi
Mouawad).
Annexe 10
Les E. observent maintenant le tableau de Malevitch, un carré blanc sur fond blanc.
On peut rapidement leur résumer le descriptif annexé.
Dia 16 ou
Annexe 11
Constat : un cadre dans le cadre. Le cadre lui-même devient œuvre. Malevitch (comme
Lepage) unifie ce qui est dans et hors du cadre, ce qui est artificiel et réel, ce qui est
art (représenté) et la vie.
Prolongement : Les E. observent cette image d’une mise en scène d’Antonin Artaud
de Victor ou les Enfants au pouvoir de Roger de Vitrac. Quelle(s) impression(s) nous
donne(nt) tous ces cadres vides ?
Dia 17 et
Annexe 12
e. Le cadre et le cache, la scène et le hors-scène.
Montrer deux extraits du début du cinématographe. Demander aux E. d’être attentif
à la forme.
Méliès (Escamotage d’une dame au théâtre Robert Houdin, 1896) :
https://www.youtube.com/watch?v=ezwuQhsI-S8
Les frères lumières (L’Arrivée du train en gare de la Ciotat, 1895) :
https://www.youtube.com/watch?v=b9MoAQJFn_8
Dia 18
Constat : On voit à l’écran deux cinémas différents. Chez Méliès, les personnages
sont entiers (des pieds à la tête), ils rentrent et sortent latéralement de l’image, cela
donne une impression de platitude. Le bord de l’écran fonctionne comme un cadre.
Chez les frères Lumières les personnages entrent et sortent par le haut et le bas. Ils
sont souvent coupés par les bords de l’écran qui fonctionne comme un cache.
Le cadre est centripète (qui rapproche du centre), le cache centrifuge (qui éloigne du
centre). Donc le cinéma, par la profondeur de champ, attire le spectateur vers le horschamp (ce qui se passe en dehors de ce qui nous est montré).
Les E. réfléchissent à quel modèle appartient le théâtre
En réponse, les E. regardent la photo de la scénographie de la Flûte enchantée mise
en scène par Jürgen Rose.
Constat : Tout dépend si l’on considère le théâtre sur un axe vertical (cadre de scène)
ou sur un axe horizontal (plateau de scène). Mais le cadre théâtral est beaucoup plus
rigide, il ne bouge pas et ne peut pas suivre le personnage qui quitte la scène.
Alors qu’au cinéma, le hors-champ, grâce au mouvement de caméra, peut devenir un
champ.
Dia 19,
Annexe 13
f. Le cadre de l’écran
Les E. regardent ces 2 teasers. A nouveau, leur demander leur attention sur la forme
plutôt que sur le sens de ces spectacles. Qu’est-ce qui frappe par son omniprésence
dans ces deux extraits ?
Nathan le sage de Nicolas Steman présenté à Vidy en septembre 2016
https://vimeo.com/182103720
Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin par La Cordonnerie présenté à Vidy en
janvier 2017 (ne regarder que 1 ou 2 minutes) https://vimeo.com/153362696
Constat : la vidéo, l’écran (les écrans) sur une scène de théâtre sont très souvent
présents dans le théâtre contemporain. Ils permettent de démultiplier le point de vue
du spectateur, de changer de plan, de passer du présent théâtral à une autre réalité
temporelle ou/et de faire exister sur scène, le hors-scène, un ailleurs où les
personnages continuent d’exister.
Dia 20
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g. Le cadre informatique
En cliquant en haut, en bas, à droite, à gauche de l’image de cette application, on
peut voyager dans ce cadre.
http://towardsandbeyond.com/
Constat : Et l’informatique, se libère-t-elle de tout cadre ? Ne serait-on pas plongé
dans le cadre? Le « regardant », qui agit sur l’image, appartient-il au cadre? Dans
cette application, a-t-on l’impression de voyager dans un espace infini, ou se sent-on
prisonnier du cadre, enfermé dans cette boîte multicolore qui n’a pas de sortie ?
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Annexe 1
Dia 21
« Leçon de Wajdi Mouawad » enregistré en 2009 dans le cadre des leçons de
l’université d’Avignon https://www.youtube.com/watch?v=88aAQjzdSkE
Pour vous aider dans le choix des séquences à montrer aux élèves, voici quelques
repères. (En souligné, les questions posées par Laure Hadler ou ses invités)
-de 00’ à 1’00 Présentation générale du contexte
1.de 1’00 à 2’19 La question de l’identité, accélerateur de l’imaginaire ?
- 2’20 à 3’44 la question de l’identité, une sorte de paranoïa et de schizophrénie, de culpabilité
-3’45 à 5’44 L’identité = nationalité ? Pour moi un non-advenu. D’où es-tu ?
- 5’45 à 7’00 En quel lieu te sens-tu le mieux ? Notion des éléments, de la nature.
-7’00 à 13’30 Comment peux-tu être solidaire si tu viens de nulle part ? Quel est le groupe auquel je peux m’identifier ? Rapport à la guerre du Liban et rapport de culpabilité. Flou et fragmentation.
-13’30 à 15’20 Le lieu identitaire d’appartenance = le théâtre, l’espace théâtral, la poésie, l’écriture. Identité mélancolique
-15’20 à 19’00 l’amitié= identité de choix , identité ondulatoire, ne regarder que les reflets
2. 19’00 à 20’07 Ecriture comme moyen de pouvoir vivre cette identité ondulatoire ?
-20’08 à 22’30 Mon prénom la seule chose qui me permettait d’exister qui veut dire ma vie, mon existence. (Observer l’écran, le prénom de Wajdi est mal orthographié !)
-22’30 à 26’10 La lecture, les mots. Ce qui m’a amené à écrire, c’est la lecture, ce qui m’a amené au théâtre, c’est le théâtre. C’est pas l’exil, c’est pas la guerre. L’art appelle l’art.
3. 26’10 à 26’47 La question de la langue
-26’47 à 29’10 Rapport aux langues arabe-français. Trou de mémoire de la période de passage entre français et arabe (Trou où je ne sais pas ce qu’il y a dedans !)
-29’10 à 31’19 Le Liban fantasmé
-31’20 à 32’13 Intégration sans compromis
4. 32’14 à 32’45 Le théâtre constitue votre véritable identité ?
-32’45 à 34’53 Le théâtre =chez moi, le temps de mon travail. Ce lieu = miroir de ce que je suis.
-34’54 à 36’24 Je suis Wajdi, c’est moi. Le silence (des bêtes), cette impossibilité de raconter, une piste de réflexion.
5. 36’24 à 36’32 C’est où chez vous ?
-36’34 à 38’34 L’espace occupé par mes pas, le seul endroit qu’un autre ne peut pas occuper. Je ne veux pas plus. Contre l’idée d’un état, d’un pouvoir.
6. 38’34 à 39’11 Impression du public d’être invité chez vous, par vous dans la cour d’honneur, espace que vous faites vôtre ?
-39’11 à 41’30 L’objet (Littoral, Incendies, Forêts,…) que l’on va raconter, n’est pas moi. Organiser (par le récit) ensemble l’incohérence du monde. Le lieu est irradié par ce travail collectif.
-41’30 à 43’00 Code de valeurs : dire bonjour au concierge, ranger son costume, ne pas hurler quand on travaille. Règles obligatoires. Le lieu finit par ressembler à cette ambiance. Etat d’esprit.
7. 43’42 à 44’50 Un chat sur le plateau lors de la première, comment avez-vous
interprété ce signe ?
- 44’50 à 46’27 Quand un événement imprévu comme ça arrive, on reste sans voix. Il
a fait exactement la bonne mise en place. Les chats existent pour qu’on puisse
caresser les tigres. Il disait aux acteurs : soyez sages et sauvage dans votre manière
de jouer (n’ayez crainte).
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8. 46’54 à 47’54 Vous avez pris la question de l’identité non par le théâtre, mais par
la sociologie. Quel travail, lecture en amont de la création ?
-47’54 à 52’00 (Wajdi explique comment il a créé Seuls) Au début comme une sorte de saignement. Je ne parviens pas à partir d’une réalité. Ce qui saigne vient d’une incompétence intellectuelle. Qu’est-ce que je connais de Rembrandt ? Rien. Qu’est-ce que c’est faire un doctorat ? Je ne sais pas. 3 ans avant le spectacle.
Donc je vais lire. Allez à des conférences, dans un hôpital pour travailler avec des comateux, interviewer,…. Hasard, rencontre (sociologie de l’imaginaire). Faire des liens entre tout ça. Un travail de rizome.
9. 52’00 à 52’37 Travail avec le groupe. Comment vis-tu la séparation à la fin d’un
travail ?
-52’40 à 58’15 Comparaison entre metteur en scène et dresseur de chiens. Vous êtes obéi. Votre vocabulaire change : « Je veux…, Il faut…., » ça peut devenir sectaire. Confusion entre travail et vie privée. Changer de vocabulaire.
« Est-ce que ce serait possible de… » Risque que les spectacles deviennent relativement gentils. Créer une distance avec les acteurs car j’écris pour eux et c’est très intime. Vide. Notion de partir est une raison d’être, le pli de ma vie.
10. 58’15 à 58’31 Faire du théâtre, c’est répéter ce qui vous est arrivé : partir, quitter
…?
-58’31 à 59’47 Je sais bien faire ça. Je sais pas trop rester. Et rester pour quoi exactement. Le metteur en scène n’a pas de place. Je ne sais pas où être. Donc je tourne en rond.
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Annexe 2
Nous sommes des immeubles habités par un locataire dont nous ne savons rien. Nos façades ravalées
présentent bien. Mais quel est ce fou atteint d’insomnie, qui, à l’intérieur, reste des heures à tourner en
rond, éteignant et rallumant des lumières? Ce locataire qui nous habite accumule souvenirs et objets. Il
collectionne. S’encombre. Totalitarisme des biens vite achetés, vite montés, vite usés, vite descendus sur
le trottoir, vite brûlés.
Dépotoir des Villes urbaines.
Nous sommes des immeubles avec une infinité de pièces, de couloirs, corridors sombres, donnant sur des escaliers
qui montent et redescendent. Il y a, là, infinité de dédales auxquels mènent des ascenseurs donnant à des sousétages, véritables mondes insoupçonnés, pleins de colère, de sensualité, de sexualité, de fluides, d’hébétudes, de
balbutiements. Il y a, là, plein de cheminées qui n’ont pas été ramonées, plein de passages secrets, des pièces
liquides, organiques. Il y a, là, dans le noir des immeubles que nous sommes, des salles-aquariums ou flottent les
poissons les plus étranges, les plus carnivores, les plus effrayants ! Des Jardins intérieurs où vivent en liberté des
animaux sauvages, des fauves magnifiques : pumas. lions, guépards, caïmans et tigres à dents de sabre ! Infinité
d’oiseaux peuplant l’espace, nichant dans des lustres antiques, dans les renfoncements des portes et des frontons.
Mais tout cela, ce monde splendide, demeure inexploré, inconnu ; le locataire qui vit là, dans l’immeuble que nous
sommes, éprouve une frayeur profonde à l’idée de quitter la pièce où il se calfeutre : monde domestique où le
chauffage est agréable, petit salon de thé protégé de la douleur, petit intérieur rassurant qui se rapetisse sans crier
gare puisque moins on a mal, moins on veut avoir mal ; et moins on supporte d’avoir mal, plus les choses nous
font mal. Sans l’exercice d’être sa propre douleur, impossible de supporter la douleur, impossible donc d’agrandir
le monde. Impossible d’ouvrir la porte. Car où est la clé qui saurait ouvrir cette porte du domestique pour permettre
au locataire d’aller vers sa vie sauvage ? Comment trouver la clé ?
Nous sommes des Immeubles habités par un locataire dont nous ne connaissons rien.
L’ange qui arrête la main d’Abraham, tout comme celui qui arrêtera le geste de Harwan, en ce sens, déclenche
1’incendie pour interrompre l’irrécupérable. C’est l’ange pyromane ! Car qu’arrive-t-il lorsqu’un immeuble est
ravagé par l’incendie ? Les extincteurs se déclenchent, inondant tout le confort d’avant, brisant tout, ravageant
tout! Les vitres se brisent, les habitants ouvrent leurs portes et se mettent à courir partout ! On en voit, parfois, en
proie au désespoir, se jeter même par les fenêtres pour échapper à la chaleur intense des flammes !
Voilà ce qui doit arriver à Harwan !
Un incendie pour voir, bien voir, à côté de quoi il est sur le point de passer.
L’ange pyromane en s’abattant sur Harwan doit l’obliger à agir comme un guerrier qui engage un combat dont il
sera à la fois le terrain, l’ennemi, l’arme et le combattant.
Harwan doit entrer en guerre pour une guerre intérieure, une guerre civile.
Harwan doit entrer en guerre contre lui-même pour libérer les vautours et les hyènes qui sauront dévorer la
charogne vivante en lui, c’est-à-dire «la commodité de sa situation bien commode vivant à l’amère, grâce au sang
des autres*».
*Jan Patocka, Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire, Verdier, 1990
Wajdi Mouawad, Seuls : chemin, texte et peinture, Léméac/Actes Sud, 2008, page 115
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Annexe 3
Annexe 5
Le scarabée est un insecte qui se nourrit des excréments d’animaux autrement plus gros que lui. Les
intestins de ces animaux ont cru tirer tout ce qu’il y avait à tirer de la nourriture ingurgitée par l’animal.
Pourtant, le scarabée trouve, à l’intérieur de ce qui a été rejeté, la nourriture nécessaire à sa survie grâce
à un système intestinal dont la précision, la finesse et une incroyable sensibilité surpassent celles de
n’importe quel mammifère. De ces excréments dont il se nourrit, le scarabée tire la substance appropriée
à la production de cette carapace si magnifique qu’on lui connaît et qui émeut notre regard : le vert jade
du scarabée de Chine, le rouge pourpre du scarabée d’Afrique, le noir de jais du scarabée d’Europe et le
trésor du scarabée d’or, mythique entre tous, introuvable, mystère des mystères.
Soit donc que vous composiez, soit que vous jouiez, ne pensez non plus au spectateur que s’il n’existait
pas. Imaginez sur le bord du théâtre un grand mur qui vous sépare du parterre. Jouez comme si la toile
ne se levait pas.
Un artiste est un scarabée qui trouve, dans les excréments mêmes de la société, les aliments nécessaires
pour produire les œuvres qui fascinent et bouleversent ses semblables. L’artiste, tel un scarabée, se
nourrit de la merde du monde pour lequel il œuvre, et de cette nourriture abjecte il parvient, parfois, à
faire jaillir la beauté.
WM.
© Wajdi Mouawad 2009 / 2017 http://www.wajdimouawad.fr/
Annexe 4
Un oiseau polyphonique nous a indiqué la voie à suivre, nous apprenant que Seuls est un spectacle
de théâtre qui repose sur une polyphonie d’écriture. Ce mot-là, polyphonie, a été prononcé, un jour,
en répétition, par la dramaturge du spectacle, Charlotte Farcer, alors que nous tentions de comprendre
pour quelle raison ce que nous construisions ne fonctionnait pas. Cc mot a été prononcé alors que nous
envisagions sérieusement d’annuler les représentations de Seuls prévues quelques mois plus tard. Huit
semaines de répétitions n’avaient conduit qu’à une série de propositions disparates faites de projections
vidéo, de montages sonores, de musique, de voix, que j’avais réalisés moi-même. Si chaque chose était
intéressante en elle-même, l’ensemble était morne. Mieux valait annuler que faire semblant.
Cc fut après un long et pénible silence que Charlotte a commencé à parler, disant à peu près ceci :
« En fait, je crois que nous nous trompons sur la nature de l’écriture du spectacle. L’écriture ici n’est
pas seulement «les mots écrits par Wajdi ; elle est aussi les projections vidéo qu’il a tournées, les sons
qu’il a captés, les voix qu’il a enregistrées. Tout cela est l’écriture du spectacle. L’écriture ici relève de la
polyphonie ct nous nous entêtons à travailler encore sur un rapport mot/ acteur en nous imaginant que
le reste relève de la scénographie, du son, de la musique qui viendront appuyer ce rapport. Nous nous
entêtons à mettre en scène d’abord le rapport texte/acteur, car nous croyons qu’il faut d’abord le trouver
avant d’ajouter le reste ! Nous nous trompons, puisque le reste est aussi de l’écriture. Ce n’est pas qu’un
appui. C’est de «l’écriture » et nous devons les voir comme de l’écriture textuelle. Nous devons les mettre
en scène tout de suite comme des répliques ; en ne travaillant que sur les mots, c’est comme si on ne
travaillait que sur une partie du matériau textuel.»
Polyphonie donc, et nous avons commencé à regarder autrement. Nous avons quitté cette clairière
miraculeuse pour pénétrer dans une forêt plus dense mais nouvelle pour moi. Polyphonie par :
•
•
•
•
•
•
•
•
les mots;
les images vidéo ;
les sons de situation (téléphone, répondeur, réacteur d’avion, etc.) ;
les sons atmosphériques (souffle, grésillement, tapotement, etc.) ;
la musique ;
la lumière ;
les costumes ;
le silence.
Le spectacle s’est construit millimètre par millimètre en nous posant toujours la question de
l’entrelacement des écritures. Tant que la bonne vidéo n’avait pas été trouvée, la scène ne fonctionnait
pas et nous restions là, à chercher obstinément la «bonne réplique vidéo». Ce travail a perduré jusqu’après
la première. Lorsque nous avons voulu recadrer certaines parties du spectacle, il nous a fallu retravailler
l’ensemble, il nous a fallu nous pencher sur la polyphonie de l’instant qui ne fonctionnait pas encore.
Wajdi Mouawad, Seuls : chemin, texte et peinture, Léméac/Actes Sud, 2008, page 12-14
Denis Diderot, « Discours sur la poésie dramatique 1785, Ecrits sur le théâtre I. Le Drame, Paris, Pocket,
1995, p.201
La scène et la salle (…) sont remplacées par une sorte de lieu unique, sans cloisonnement, ni barrière
d’aucune sorte, et qui deviendra le théâtre même de l’action. Une communication directe sera rétablie
entre le spectateur et le spectacle, entre l’acteur et le spectateur, du fait que le spectateur placé au milieu
de l’action est enveloppé et sillonné par elle. »
Antonin Artaud :Le théâtre et son double, Gallimard, Paris, 1938, p148
Si le théâtre double la vie, la vie double le vrai théâtre. [...] la métaphysique, la peste, la cruauté, le
réservoir d’énergies que constituent les mythes, que les hommes n’incarnent plus, le théâtre les incarne.
Et par ce double, j’entends le grand agent magique dont le théâtre par ses formes n’est que la figuration,
en attendant qu’il en devienne la transfiguration.
C’est sur la scène que se reconstitue l’union de la pensée, du geste, de l’acte. Et le double du théâtre c’est
le réel inutilisé par les hommes de maintenant.
Antonin Artaud, Lettre à Jean Paulhan, 25 janvier 1936
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Annexe 7
Où va l’image quand le cadre ne l’arrête plus ?
Esthétique et clôture de la représentation
revue d’art en ligne : arts médiatiques & cyberculture
Marie-Joseph Bertini
Où va l’image quand le cadre ne s’arrête plus ? C’est une question entêtante parce que ses domaines
d’application sont infinis; si l’on décide de s’enquérir de son écho dans le domaine de l’art par exemple,
nous sommes renvoyés à l’art plastique aussi bien qu’au cinéma, à la photographie mais aussi aux
nouvelles technologies. Il faut tenter de trouver les éléments communs à ces formes d’expressions pour
apporter les premiers éléments de réponse à la simple mais essentielle question de savoir : qu’est-ce que
le cadre ?
L’un des plus impressionnants, et précoces, exemples nous en fut fourni par le cinéaste Abel Gance
avec son film muet Napoléon datant de 1926. L’auteur s’y positionnait en démiurge : il voulait tout
voir, tout donner à voir, tout enfermer dans l’image, être partout à la fois, épuiser la perception dans la
multiplication des points de vue. Inventeur de la polyvision, son cinéma emblématique célèbre à la fois la
folie du cadre total et la pulvérisation du cadre. Plus que toute autre, son œuvre s’empare des multiples
langages du cadre, assumant les déferlements d’une image libérée de la clôture de la représentation mais
toujours comme prise à revers par l’essence du cadre, un cadre dont elle ne peut durablement s’affranchir
qu’en l’accomplissant.
Tableau du Retour du fils prodigue de Rembrandt (1668), exposé au musée de l’Ermitage de St-Pertesbourg
http://doudou.gheerbrant.com/?p=21027
Pour mieux comprendre la nature et les fonctions singulières du cadre, prenons d’abord celui-ci au
sens large de bordure, de limite qui fut son premier sens. Considéré sous cet angle, on s’aperçoit que
la fin du support matériel de l’image, le papier de la photographie ou le châssis du tableau, constitue
un cadre à elle seule. Pourquoi le bord de cette table ne forme-t-il donc pas un cadre ? Pourquoi faut-il
parler à son propos de contour, de linéament ? Parce que la table appartient à la classe des objets et non
à celle des représentations. Cela nous mène à une première approche du cadre : le cadre a affaire avec
la dimension représentative. Par cadre, je dois donc entendre l’interface, le point de contact entre deux
mondes, le monde de la représentation d’un côté, le monde «réel» de l’autre. La première nature du
cadre est d’exprimer un rapport, de figurer un écart-type que l’on pourrait définir en disant que le cadre
manifeste à la fois une intention (la représentation de) et le lieu de la manifestation de cette intention.
D’où une nouvelle question surgissant à cet endroit : peut-on échapper au cadre ? Peut-on seulement
penser à lui échapper ? Si tel était le cas, si la chose était possible, quelle serait la particularité de ce
débordement du cadre ? Autrement dit, quelle serait la particularité de ce qui ne serait pas/plus dans
le cadre ? Par exemple, notre façon de réfléchir au cadre pourrait ne pas convenir aux intentions et aux
objectifs de tel ou tel lecteur de cette étude, voire à la ligne éditoriale même de la revue qui l’abrite.
Donc, cette approche pourrait ne pas convenir à un contexte spécifique de production du sens. Une
autre définition du cadre se présente maintenant à nous. Le cadre montre ses liens avec la convention
et le contexte : il est une convention contextualisée. En tant que tel, il relève d’un choix, il est subjectif;
comme la loupe du collectionneur, il isole un ensemble d’éléments qu’il contribuera par là même à
rendre pertinents. Le cadre, au niveau où nous en sommes, tient donc un discours sur, un discours à
propos de ce qu’il contient. Dans les années 90, le groupe µu élaborait en ce sens une sémiotique et une
rhétorique du cadre. Dans son Traité du signe visuel il mettait en avant les fonctions efficientes du cadre
: indication, bornage, compartimentage, écho, signature, débordement ou suppression.
Le cadre s’avance donc vers nous sous la forme du commentaire au sens où il fonctionne comme une note
écrite en marge d’un texte dans le but de l’interpréter et de lui donner un éclairage. Au point où nous
en sommes, nous pouvons donc poser maintenant la nature doublement intentionnelle du cadre, en
précisant que par intention on ne désigne pas ici un processus cognitif ou un événement mental, mais un
contexte de production doublé d’un contexte de réception sachant que l’un et l’autre ne se superposent
jamais exactement l’un sur l’autre. Le cadre, c’est donc aussi la convention culturelle dominante, qui va
déborder le cadre d’une œuvre donnée et qui va lui octroyer une raisonnance, lui donner une raison d’être
et le légitimer.
Tableau One Number 31 de Jackson Pollock (1950), exposé au MoMa
http://moma.tumblr.com/post/135650151611/this-week-see-pollock-from-a-new-perspective
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C’est pourquoi la question du cadre constitue un lieu intéressant de questionnement de l’art, d’abord,
parce que l’histoire de l’art tout entière peut se décrire, voire s’écrire, comme l’épopée de la sortie du
cadre, comme une tentative de déborder constamment le cadre, de s’extraire de lui. Mais refuser la
notion même de cadre n’est-ce pas encore obéir à un cadre, c’est-à-dire demeurer sous l’emprise d’une
définition, d’un sens donné a priori ? Un art sans cadre par exemple est-il envisageable ? Est-ce une
proposition qui a un sens ? Est-ce que nos cadres théoriques, nos postures idéologiques ne nous prennent
pas toujours au piège du cadre ? On le comprend mieux ici : chercher à définir le cadre, c’est voir surgir
une infinité de cadres qui s’emboîtent très ingénieusement les uns dans les autres. Trois types de cadres
nous intéresseront tout particulièrement.
NOTE(S)
1 Jacques Aumont, L’image, Paris, Nathan, 1990.
2 Jacques Derrida, La Vérité en Peinture, Paris, Flammarion, 1978.
3 Jacques Derrida, L’écriture et la différence, Paris, Le Seuil, 1979, dernier chapitre.
4 C’est aussi le point de vue de Jean-Pierre Balpe : Contextes de l’art numérique, Paris, Hermès, 2000.
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Marie-Joseph BERTINI
Maître de Conférences Habilitée à Diriger des Recherches en Sciences de l’Information et de la
Communication. Co-Directrice du Master II Recherche Information Communication et Culture, Université
de Nice-Sophia Antipolis
Chercheure au Laboratoire I3M (Information, Milieux, Médiations, Médias), Équipe d’Accueil 3820 Ministère de la Recherche, Researches Centre on Technical Mediations of Culture
Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines
98 Boulevard Edouard Herriot, 06200 Nice - France
Annexe 8
Wajdi Mouawad, Seuls : chemin, texte et peinture, Léméac/Actes Sud, 2008, page 95
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Annexe 9
Comme tout auteur metteur en scène québécois de ma génération, l’influence de Robert Lepage est
majeure. Pas tant dans la manière de faire du théâtre, qui lui reste propre, mais dans l’esprit de liberté
qui caractérise sa démarche. A travers ses spectacles, Robert Lepage rappelle combien le théâtre est un
lieu d’expérimentation, une expérimentation qui se poursuit, au-delà des répétitions, tout au long des
représentations.
Cette liberté est une source d’encouragement.
J’ai vu quatre fois au moins chacun de ses spectacles solos :
Les Aiguilles ct l’Opium ;
La Face cachée de la lune ;
Le Projet Andersen.
Chaque fois, le spectacle avait changé, avait été transformé, des scènes avaient été coupées, d’autres
réécrites, certaines déplacées, toujours dans un souci de libérer la fluidité du récit. J’avais, de plus,
remarqué la présence récurrente, de solo en solo, d’un espace situé derrière le personnage, espace où
étaient projetées les images servant à faire apparaître la poésie du spectacle. Ce cadre pouvait être un
tulle, un miroir, un cyclo, mais toujours il était l’espace de l’écriture magique.
De manière plus personnelle, j’ai été frappé par le fait que les histoires racontées par Robert Lepage
mettaient toujours en scène un personnage qui, quittant sa maison, tentait de découvrir le monde ; cela
m’apparaissait comme l’exact opposé de mes propres histoires qui mettaient en scène un personnage
égaré, tentant de rentrer chez lui. Cela me rappela ces mots de Georges Banu lors d’une émission à
Radio-Canada :»La quête, c’est la tentative de découvrir le monde; l’odyssée, c’est la tentative de rentrer
chez soi.»
Depuis, une image toujours :
Robert Lepage et moi arpentant la même route, chacun dans un sens opposé.
Cette pensée, rêve d’un petit frère envers son aîné, elle m’a souvent donné force et courage pour raconter
ce que j’avais envie de raconter.
Wajdi Mouawad, Seuls : chemin, texte et peinture, Léméac/Actes Sud, 2008, page 44-45
Annexe 10
Les Aiguilles et l’Opium :
Fenêtre, porte, écran, ombre de fenêtre, diverses trappes, murs du « décor »…
La Face cachée de la Lune :
Tambour hublot, écran du tambour, tableau noir, écran (rectangulaire) et écran circulaire, aquarium,
horloge…
Le projet Andersen :
Trompe-l’œil de Pere Borrell del Caso (1874)
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cc/Escaping_criticism-by_pere_borrel_del_caso.png
Ecran, cadre blanc, cabines téléphoniques…
887 :
Immeuble miniature, cadre de bibliothèque à l’intérieur duquel apparaît un cadre de porte, cadre de
porte-fenêtre(avec ce gros plan sur une partie du visage du personnage), télévision, cadre de photo, cadre
de la cuisine, cadre du guichet du fast-food…
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Annexe 11
Annexe 12
Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch (1918), exposé au Moma
Victor ou les Enfants au pouvoir de Vitrac , mise en scène d’Antonin Artaud, Cliché anonyme, 29 décembre
1928
https://fr.wikipedia.org/wiki/Carr%C3%A9_blanc_sur_fond_blanc#/media/File:White_on_
White_(Malevich,_1918).png
Carré blanc sur fond blanc est le tableau le plus mystique de son auteur. Il atteint le monde de la non-représentation.
Il est tout et rien à la fois. Cela peut choquer ou plaire, on peut détester ou adorer, mais on ne peut rester indifférent
devant cette oeuvre. Jamais personne n’avait osé dépasser, contourner, braver les canons de l’art pictural à ce point là.
Le blanc représente l’infini, mais également le pur. On comprend mieux pourquoi c’est la couleur préférée des
suprématistes.
Mais intéressons-nous maintenant à la structure du tableau. C’est donc un tableau blanc qui représente un carré
blanc, d’une autre nuance, que le fond. Le carré semble flotter dans le tableau. Il semble appartenir à une quatrième
dimension. La quatrième dimension selon les suprématistes est la fusion du temps et de l’espace. La toile est
immobile dans les trois premières dimensions, mais dans la quatrième, elle prend tout son sens, elle bouge, les formes
se meuvent... et c’est cela que le spectateur doit voir lorsqu’il regarde une toile suprématiste. Il ne doit pas seulement
voir l’instant présent. Il doit s’imprégner, l’imaginer, dans le futur, dans le passé pour ainsi la voir s’exprimer.
Léo
http://arte.cowblog.fr/carre-blanc-sur-fond-blanc-de-kasimir-malevitch-3034793.html
« Artaud avait prévu pour Victor une mise en scène déconcertante : cadres vides suspendus, gâteau
d’anniversaire aux bougies démesurées, gestes et expressions outrés, autant d’éléments susceptibles de
provoquer l’étonnement et le malaise du spectateur. Avec ce décor et cette mise en scène, Artaud crée la
seule entreprise de théâtre surréaliste qui ait vraiment vu le jour et pose les bases de son théâtre de la
Cruauté. Dans le programme du spectacle, on pouvait lire : « On a voulu épuiser ici ce côté tremblant et
qui s’effrite, non seulement du sentiment, mais de la pensée humaine » (Lettre à Ida Mortemart, alias
Domenica, décembre 1928)
http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/artaud1.pdf
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Annexe 11
La Flûte enchantée imaginée par Jürgen Rose campe dans une boîte doublement inclinée, tant dans la largeur que dans
la profondeur. Présenté en décembre 2015 au Grand Théâtre. Image: DR Tribune de Genève 22.12.15
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