EnvironnEmEnt dE taux bas/négatifs, stagnation séculairE… impact

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Amundi Discussion Papers Series
DP-15-2016
Avril 2016
Environnement de taux bas/négatifs,
stagnation séculaire…
Impact pour la gestion d’actifs
Philippe ITHURBIDE, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse
Réservé aux investisseurs professionnels
Résumé
N
ous vivons depuis de nombreuses années dans un environnement
de baisse des taux, courts et longs, un environnement lié à la baisse
de l’inflation, à la baisse de la volatilité économique, au fléchissement
des potentiels de croissance, à des politiques monétaires accommodantes…
Les métiers de la gestion d’actifs se sont adaptés graduellement, mais ces
dernières années, un nouveau cap a été franchi : la crise financière a conduit à
un nouveau tassement des potentiels de croissance, à des politiques monétaires
non conventionnelles dont le but avoué était de maintenir les taux d’intérêt courts
et longs à de faibles niveaux (voire même négatifs) afin de contrer les pressions
déflationnistes et de rendre de nouveau solvables des agents trop endettés, et à
une réglementation incitant à acheter et à conserver des obligations d’État. Il est
désormais question de s’adapter à un environnement – potentiellement – durable
de taux bas.
Cet article n’a pas vocation à expliquer pourquoi les taux sont si bas jusqu’à en
devenir négatifs, ni à montrer les effets néfastes des politiques monétaires qui
poussent les taux d’intérêt en territoire négatif, ni même à montrer en quoi les taux
négatifs ont refaçonné les marchés obligataires.
Pour ce faire, nous invitons le lecteur à se référer à nos publications Bertoncini —
Drut (2016), et Ithurbide (2016a, 2016b, 2016c) sur notre site web (www.researchcenter.amundi.com). L’objectif du présent article est triple :
Il s’agit d’abord d’évaluer les conséquences de cet environnement sur le modèle
d’affaires des sociétés de gestion. Celles-ci sont nombreuses :
–– Revoir la notion d’actif sans risque ;
–– Revoir la construction des portefeuilles et notamment le rôle et le poids
des titres gouvernementaux ;
–– Revoir le concept de diversification des portefeuilles ;
–– Revoir le nombre des fonds qu’il est possible et utile de porter ;
–– Revoir la structure des frais de gestion ;
–– Optimiser la qualité de l’exécution des transactions ;
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–– Mettre l’accent sur les activités de conseil, élément de différenciation.
L’environnement de taux bas a également poussé à revoir à la baisse les espoirs de
rendement des actifs de taux, et donc de l’ensemble des portefeuilles qui intègrent,
par construction ou par précaution, des actifs obligataires. Nous présentons
également dans cet article les différentes solutions permettant d’apporter du
rendement aux portefeuilles :
–– Allonger la duration des portefeuilles,
–– Accepter un risque de crédit plus grand (davantage de crédit, des notations
plus basses…),
–– Ajouter du levier,
–– Jouer les distorsions de courbes de taux,
–– Rechercher des actifs sous-valorisés car largement délaissés,
–– C hercher des actifs à plus haut rendement et à plus faible volatilité
(ABS, infrastructure, dette privée…),
–– Ajouter une composante change dans les portefeuilles,
–– Capter les primes de liquidité,
–– Revoir la construction des benchmarks suivis (approches « Smart Beta »),
–– Tirer parti des récents développements dans le big Data/SMART Data afin de
mieux capter informations et tendances,
–– Mieux évaluer les facteurs d’investissement (approches « factor investing »),
–– Investir davantage dans les actifs réels,
–– Accepter des portions plus grandes de rendement absolu.
Nous évaluons ensuite les possibilités de sortir de cet environnement de taux bas,
en analysant les facteurs critiques à la hausse des taux (croissance potentielle,
inflation, politiques de taux d’intérêt, politiques monétaires non conventionnelles,
politiques budgétaires, réduction des bilans des banques centrales, éclatement de
bulles…), ainsi que les risques de stagnation séculaire et les stratégies d’évitement.
Enfin, nous présentons quelques conséquences liées à l’environnement de taux
négatifs sur les « business models » des assureurs, des banques centrales, des
banques et des agences d’émission. Ces implications sont sans doute durables.
En somme, à certains égards, les taux négatifs sont en train de redessiner
l’environnement économique et financier.
Mots-clés : stagnation séculaire, taux bas, taux négatifs, gestion d’actifs
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Environnement de taux bas/négatifs,
stagnation séculaire…
Impact pour la gestion d’actifs (*)
Introduction
Quand on parle de taux d’intérêt, on peut en distinguer plusieurs types, fort différents :
des taux de marchés, des taux administrés, des concepts théoriques… :
• Le taux d’équilibre est le taux d’intérêt en ligne avec des fondamentaux ;
• Le taux de marché est celui qui découle des transactions effectives ;
• Les taux court terme et les taux long terme ;
• Le taux directeur est le taux (ou la gamme des taux) administré par la banque
centrale ;
• Le taux naturel est le taux d’intérêt qui équilibre épargne et investissement
quand la croissance est à son potentiel ;
• Le taux neutre : en rythme de croissance potentielle, le taux naturel nominal
neutre est égal au taux réel neutre, plus la cible d’inflation de la banque centrale ;
• Le taux nominal est le taux d’un contrat ou d’une transaction ;
• Le taux réel est le taux nominal défalqué d’un indicateur d’inflation ;
• Le taux d’actualisation est le taux d’intérêt qui sert, entre autres, à valoriser
les actifs.
Ce qui est remarquable dans la situation actuelle, c’est que tous ces taux ont
fortement baissé, pour des raisons cycliques, pour des raisons structurelles, pour
des raisons liées à la stratégie des banques centrales…
Parmi les facteurs « lourds », structurels, rappelons :
• L a baisse de la population en âge de travailler et/ou la baisse des taux
d’activité. On retrouve cela dans la plupart des pays avancés et en Chine,
pays qui est vieux avant d’être riche ;
(*) La première partie de ce Discussion Paper est issue d’une présentation faite avec Marie-Anne Allier
(Deputy Global Head, Fixed Income, Amundi) au Conseil Scientifique de l’AMF en février 2015. Elle
sera publiée dans la prochaine édition de la revue du Conseil Scientifique de l’AMF.
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• L e ralentissement du rythme du progrès technique, qui réduit les gains
de productivité. Il s’agit de thèmes (avec la démographie) souvent évoqués
par les tenants de la stagnation séculaire ;
• L’accroissement massif des inégalités qui pèse sur la croissance
économique potentielle, un thème développé par Robert Gordon notamment ;
• L a baisse ou à la stagnation du salaire réel disponible : on retrouve ici le
rôle des politiques de salaires et celui de la fiscalité ;
• L’impact du poids de la dette. L’excès de crédit avait boosté «  artificiellement  »
la croissance dans de nombreux pays (États-Unis, Espagne…) jusqu’à la
crise financière. Le « deleveraging » généralisé qui a suivi (encore incomplet)
pousse désormais la croissance à la baisse. Pire encore, les politiques
économiques, contraintes par les dettes, doivent améliorer la solvabilité
globale, y compris celle des États et ne peuvent plus contrer les cycles
économiques. Autrement dit, la dette maintient le taux naturel très bas. On
retrouve là aussi l’un des thèmes développés par les tenants de la thèse de
la grande stagnation.
La stabilité macrofinancière de ce nouveau régime requiert désormais des taux
d’intérêt plus bas, et sans doute pour longtemps car il s’agit de modifications
structurelles. À tout cela viennent s’ajouter les niveaux de dette accumulés qui
« interdisent » une forte remontée des taux.
Parmi les facteurs cycliques (dont certains peuvent désormais être considérés
comme durables), mentionnons :
• L’impact de la crise financière de 2008 : elle a été mondiale, et elle se
traduit par un effondrement généralisé du taux naturel et des taux d’équilibre ;
• Les baisses de taux directeurs des banques centrales, entamées dès la
crise financière de 2008, et le maintien à des niveaux ultra-bas, une situation
dont il est bien difficile de sortir, les États-Unis en étant l’exemple le plus flagrant ;
• L a mise en place de programmes non conventionnels d’achats d’actifs
et de « forward guidance », qui ont ancré les taux (tous les taux), les primes
de terme et les rendements obligataires à de faibles niveaux ;
• La baisse des anticipations d’inflation (court terme et long terme). Une
difficulté majeure pour les banques centrales parce que ces anticipations ne
sont plus ancrées sur la cible de la banque centrale ;
• L’augmentation de l’aversion au risque, qui accroît inévitablement l’épargne
de précaution (qui accepte même, désormais, de se porter sur des actifs à
taux négatifs !) et réduit l’investissement, un des grands absents de la reprise
économique actuelle.
Au total, nous vivons depuis de nombreuses années dans un environnement de
baisse des taux, courts et longs. Les métiers de la gestion d’actifs se sont adaptés
graduellement, mais ces dernières années, un nouveau cap a été franchi : la crise
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financière a conduit à un nouveau tassement des potentiels de croissance, à des
politiques monétaires non conventionnelles dont le but avoué était de maintenir
les taux d’intérêt courts et longs à de faibles niveaux (voire même négatifs) afin
de contrer les pressions déflationnistes et de rendre de nouveau solvables des
agents trop endettés, et à une réglementation incitant à acheter et à conserver
des obligations d’État. Il est désormais question de s’adapter à un environnement
– potentiellement – durable de taux bas, voire négatifs. Cet article n’a pas vocation
à expliquer pourquoi les taux sont si bas jusqu’à en devenir négatifs, ni à montrer
les effets néfastes des politiques monétaires qui poussent les taux d’intérêt en
territoire négatif, ni même à montrer en quoi les taux négatifs ont refaçonné les
marchés obligataires. Pour ce faire, nous invitons le lecteur à se référer à nos
publications Bertoncini — Drut (2016), et Ithurbide (2016a, 2016b, 2016c) sur notre
site web (www.research-center.amundi.com). L’objectif du présent article est triple :
Nous évaluons tout d’abord les conséquences de l’environnement de taux bas/
négatifs sur le modèle d’affaires des sociétés de gestion. L’environnement de taux
bas a poussé à revoir à la baisse les espoirs de rendement des actifs de taux, et donc
de l’ensemble des portefeuilles qui intègrent, par construction ou par précaution,
des actifs obligataires. Nous présentons également dans la première partie les
différentes solutions permettant d’apporter du rendement aux portefeuilles.
Nous évaluons ensuite les possibilités de sortir de cet environnement de taux bas,
en analysant les facteurs critiques à la hausse des taux (croissance potentielle,
inflation, politiques de taux d’intérêt, politiques monétaires non conventionnelles,
politiques budgétaires, réduction des bilans des banques centrales, éclatement de
bulles…), ainsi que les risques de stagnation séculaire et les stratégies d’évitement.
Enfin, nous présentons quelques conséquences liées à l’environnement de taux
négatifs sur les « business models » des assureurs, des banques centrales, des
banques et des agences d’émission. Ces implications sont sans doute durables.
En somme, à certains égards, les taux négatifs sont en train de redessiner
l’environnement économique et financier.
I. Les conséquences directes et indirectes
d’un environnement de taux bas pour la gestion d’actifs
Pour faire simple, un environnement de taux bas impacte la gestion d’actifs (fonds
de pension, asset managers, compagnies d’assurances…) via trois canaux :
• D’une part les effets sur les cash-flows : dans les mouvements de baisse
des taux, les papiers venant à maturité et les cash-flows réguliers sont
graduellement réinvestis à des taux plus bas, ce qui grève la performance.
Pour les assureurs, qui ont vendu des contrats à taux garantis, les rendements
deviennent proches (et parfois même plus bas) que les taux contractuels
négociés avec les clients et que les compagnies vont devoir payer. Autrement
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dit, au fur et à mesure de la baisse des taux, la marge des assureurs se
contracte. Évidemment, quand les taux deviennent négatifs ou même très
bas, les contrats négociés à taux garantis plus élevés ne sont plus viables.
La seule issue est de revoir à la baisse les taux garantis pour les futurs
contrats. À noter que pour les assureurs non-vie, la plus grande faiblesse des
rendements est à opposer à des activités assurantielles à risque inchangé.
Cela vulnérabilise les assureurs.
• Le risque de réinvestissement est la deuxième composante de la détérioration de
la situation des assureurs, fonds de pension et autres gérants de fonds. Les papiers
venant à maturité, mais aussi les cash-flows, sont forcément réinvestis à des taux
plus faibles. Plus encore, les nouveaux entrants dans un fonds tirent la performance
globale (et celle des premiers investisseurs) à la baisse. Non seulement cela a un
impact négatif sur le rendement total, mais cela expose également à des hausses
de taux à venir : une baisse exagérée des taux crée des risques asymétriques.
• Les effets de valorisation des passifs représentent le troisième impact, un
impact crucial pour les assureurs et les fonds de pension, dont le passif est un
élément clef de leur solvabilité. Les passifs sont d’autant plus élevés que les taux
sont bas, et satisfaire les contraintes de solvabilité des régulateurs devient un
exercice difficile. Les assureurs vie, par exemple, ont par nature une duration de
passif plus élevée que la duration de leur actif, mais toute baisse supplémentaire
des taux accroît cet écart de duration et dégrade la solvabilité, car la valeur
des passifs croît plus vite que celle des actifs. Même chose pour les fonds de
pension. Pour les sociétés de gestion, la baisse des taux et des rendements peut
poser le problème des passifs via des retraits de fonds massifs et brutaux, les
capitaux préférant choisir d’autres supports moins risqués ou plus rémunérateurs
(recherche de rendement, recherche de spreads, recherche de valeur…). Il ne
s’agit pas du même problème que pour les fonds de pension et assureurs, mais
les sociétés de gestion se doivent de bien modéliser leurs passifs pour faire face
à ce genre d’éventualité, sachant qu’un environnement de taux bas va fragiliser de
façon spécifique certains fonds au détriment d’autres fonds.
Nous avons identifié de nombreuses conséquences directes ou indirectes de
l’environnement de taux bas.
– Conséquence # 1 : à duration de portefeuille identique,
performance plus faible
Une solution est évidemment d’aller plus loin en duration (y compris dans les
portefeuilles monétaires) afin de trouver du rendement… mais cela revient à ajouter
du risque dans le portefeuille. Ajoutons que les pentes des courbes sont faibles,
ce qui revient à dire que la rémunération pour le risque supplémentaire engagé (la
prime de terme) l’est également.
L’environnement de taux bas a conduit à revoir la gamme de produits monétaires et
notamment à ajouter des fonds de trésorerie longue, mieux adaptés.
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Govt debt yield as a % of outstanding amount
50
– Conséquence # 2 : à niveau de rating identique,
performance plus faible
as of 04/22/2016
45 solution est d’aller plus bas en qualité de crédit, mais cela devient également
La
40 compliqué, non seulement en termes de risques, mais aussi en termes
plus
35
d’opportunités : si l’on se réfère à l’indice BoA-ML, plus de 28 % de l’univers
30
de crédit de la zone euro (souverains, quasi-souverains, et entreprises) livrent
25
désormais
un rendement négatif, et 90 % livrent un rendement inférieur à 2 % (en
20
date
15 du 22 avril 2016, à comparer aux 40 % du début 2014). L’indice Barclays euroaggregate
est pire encore, avec près de 35 % de son univers en territoire négatif.
10
5
Govt debt
yield
as a % of outstanding amount
Taux de rendement des obligations gouvernementales »
0
below -0.3 (en %
-0.3des
to 0 montants
0 to 0.5existants)
0.5 to—
1 22 avril
1 to2016
1.5
above 1.5
50
Germany
France
Italy
as of
04/22/2016
Source: Bloomberg,
Amundi
Research
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
below -0.3
-0.3 to 0
0 to 0.5
0.5 to 1
1 to 1.5
Eur fixed income market Germany
Source: Bloomberg, Amundi Research
Yield distribution as of 04/22/2016
France
Italy
Spain
above 1.5
Spain
Univers du crédit en zone euro : taux de rendement (%) — 22 avril 2016
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
<0
Eur fixed income market
Yield >=0
distribution
as of 04/22/2016
<0.5
>=0.5 <1
>=1 <1.5
Covered bonds
Quasi bonds
Euro HY
Euro IG
30%
Source: BofAML Bond Indices, Bloomberg, Amundi Research
25%
>=1.5 <2
Periphery Govt
>=2
Core Govt
– Conséquence # 3 : Pour une même performance (au mieux),
on prend beaucoup plus de risque…
20%
15%
Pour apporter du rendement dans un environnement de taux très bas, il faut
10%
accepter
d’aller de plus en plus long en duration, et de plus en plus bas en termes
5%
0%
<0
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>=0 <0.5
>=0.5 <1
>=1 <1.5
>=1.5 <2
>=2
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de rating. Autrement dit, il faut accepter d’ajouter du risque dans les portefeuilles :
pour une même performance (au mieux), on doit donc prendre davantage de risque.
Cela signifie en clair qu’il faut revoir les seuils de tolérance au risque… ou revoir
à la baisse les espoirs de rendement. Le mouvement de baisse des taux a gagné
la majeure partie de la gamme des taux, une bonne nouvelle pour les entités
encore endettées… mais une mauvaise nouvelle pour les banques (opérations de
transformation), les assureurs (appariement actif – passif) et les gérants d’actifs
(rendement), les gérants d’actifs (rendement), les banques centrales (gestion des
réserves de change).
La situation de taux bas implique que tous (entreprises, assureurs, fonds de pension,
asset managers…) doivent effectuer un important travail de pédagogie, en externe,
vis-à-vis des clients, mais aussi en interne (management, département des risques…).
– Conséquence # 4 : à niveau de levier identique,
performance plus basse
En l’absence de rendement, l’environnement incite à ajouter du levier dans les
portefeuilles. Nombreux sont ceux qui se tournent vers des activités à levier…
ou qui mettent du levier dans les portefeuilles investis dans les classes d’actifs
plus traditionnelles. Il s’agit d’un « grand classique » en période de spreads faibles
et de taux bas. L’utilisation plus grande de dérivés, de stratégies de courbes,
de stratégies de spreads en est une des voies habituelles. Miser sur l’évolution
des spreads intra-courbes et inter-courbes est sans doute la meilleure façon de
jouer les divergences et les découplages : la divergence de cycles de politiques
monétaires et les découplages économiques (pays avancés vs. pays émergents)
ont ainsi été de réels moteurs de performance au cours de ces dernières années.
– Conséquence # 5 : il est devenu nécessaire de revoir la notion
même d’actif sans risque
Un actif sans risque a 3 caractéristiques bien distinctes :
• Caractéristique # 1 : c’est un actif dont le rendement anticipé est égal au
rendement effectif ; pas de risque de réinvestissement,
• Caractéristique # 2 : c’est un actif à très faible corrélation avec les actifs
risqués. Une corrélation négative est même habituelle,
• Caractéristique # 3 : un actif sans risque n’est supposé porter ni risque
spécifique, ni risque systémique ; pas de risque de défaut.
En théorie, l’actif sans risque le plus représentatif de ces caractéristiques est le
Bon du Trésor. En pratique, les obligations gouvernementales ont souvent été
considérées comme un bon proxy : aussi sûr que des bons du Trésor, avec un
spread et donc un portage attractif. En réalité, solvabilité et liquidité sont des
risques majeurs, et la courbe des taux représente elle-même un prix pour ces
risques. Difficile dans ces conditions de croire que les obligations souveraines
sont des actifs sans risque. Les crises de dette sont venues rappeler que ces titres
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portent en eux risque spécifique et risque systémique. Par ailleurs, les programmes
de Quantitative Easing ont entraîné une re-corrélation positive entre actifs risqués
et obligations souveraines, et ces classes d’actifs sont finalement exposées, pour
partie, aux mêmes facteurs de risque.
– Conséquence # 6 : le potentiel de baisse des taux étant devenu limité,
l’actif sans risque (censé protéger d’une éventuelle perte sur les actifs
risqués) n’offre plus aucune protection, ou si peu
Compte tenu des niveaux de taux courts actuels, l’actif sans risque (taux court) soustrait
de la valeur à la seconde même où s’effectue l’investissement. Autrement dit, pour se
prémunir de pertes éventuelles sur les actifs risqués, l’investissement dans les actifs
sans risque entraîne des pertes immédiates, ce qui n’est pas typique d’un actif sans
risque. Les « parkings de liquidités » livrant des taux négatifs, il s’agit non plus de
« Risk free » asset mais de « return-free » asset voire même de « return-free risky » asset.
– Conséquence # 7 : l’actif sans risque obligataire (censé protéger d’une
éventuelle perte sur les actifs risqués) n’offre plus aucune protection
Le potentiel de baisse des taux – les taux longs allemands, par exemple – étant
limité, l’actif sans risque obligataire (censé protéger d’une éventuelle perte sur les
actifs risqués) n’offre plus aucune protection, ou si peu. Le macro-hedging avec
des titres souverains obligataires est devenu bien moins efficace. En octobre 2014,
par exemple, en août 2015 ou début 2016, la hausse de l’obligataire (y compris sur
des maturités extrêmement longues) n’a pas compensé la – lourde – chute des
marchés d’actions.
Tout cela entraîne une plus grande volatilité, ce qui implique la nécessité de calibrer
différemment les positions, une patience moindre face aux pertes, et sans doute
l’utilisation plus grande de dérivés (qui sont des produits soumis à des appels de
marge, et peuvent donc faire l’objet de drains de liquidité importants…)
Attention : l’actif sans risque obligataire est devenu un concept «  subjectif  », variable
selon les pays. Le taux 10 ans espagnol est considéré comme étant un actif sans
risque pour les investisseurs espagnols, mais pas pour les investisseurs allemands
ou les investisseurs chinois.
– Conséquence # 8 : toute erreur sur un investissement en actif
risqué (actions et obligations d’entreprises) peut être fatale
sur la valorisation d’un portefeuille
Le fait que les parties les moins risquées des portefeuilles – l’obligataire –
rémunèrent peu incite à une plus grande prudence et/ou favorise une plus grande
volatilité sur les marchés financiers, actifs risqués en tête.
– Conséquence # 9 : la liquidité des portefeuilles est encore
plus importante qu’auparavant
La liquidité est une contrainte forte, car il en va parfois de la survie d’un fonds ou d’une
entité. Nous avons tous en mémoire la crise financière de 2008, durant laquelle des
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fonds de pension avaient été obligés de mettre en vente des portefeuilles afin d’assurer
une plus grande liquidité, afin de régler des appels de marge (portefeuilles de dérivés,
couverture de change…) ou de collatéral, en bref, pour éviter la faillite. Certains marchés
réputés ultra-liquides avaient également été touchés, comme le marché des changes.
Se préoccuper de la liquidité des portefeuilles reste essentiel, et cela est d’autant
plus vrai que depuis la crise, elle a été réduite du fait de la baisse des inventaires des
banques (-80 % depuis 2008), de leur faible activité de trading pour compte propre,
de la réduction des activités de market-making et du nombre de market makers, de
la perte de profitabilité sur ces activités, de la disparition ou moindre activité d’acteurs
majeurs, ou encore de la moins forte présence des hedge funds sur les marchés à
faible rendement. Ce n’est pas parce qu’il y a de la liquidité grâce aux actions des
banques centrales (taux bas, injections de liquidités, planche à billet, programmes de
quantitative Easing (QE), LTRO, TLTRO…) que les marchés et les portefeuilles sont
plus liquides. Le risque, c’est bien évidemment de faire face à d’importants retraits (de
fonds) ou de fortes ventes (d’actifs), et de ne pouvoir vendre sans entraîner une chute
des marchés. Le risque, c’est aussi de ne pas pouvoir investir ou réinvestir. Gérer le
passif des fonds devient encore plus important dans un environnement de taux bas à
plus faible liquidité, et stresser fortement les portefeuilles sur ce critère est inévitable.
La liquidité des portefeuilles n’est a priori pas un critère important pour des
investisseurs de long terme, sauf que la réglementation (pour ceux qui y sont
astreints comme les fonds de pension, les assureurs…) est devenue contraignante.
Il n’est pas question ici de nier la nécessité d’une régulation stricte, mais de rappeler
que le renforcement des réglementations — ainsi que les QE – ont conduit à un
transfert des risques de liquidité des activités « sell-side » vers le « buy side ».
Liquidité de marché : comment la mesurer ?
De nombreux facteurs pèsent sur la liquidité des portefeuilles. Certes, les banques centrales, BCE
et BoJ en tête ne manquent pas d’alimenter l’économie en liquidité via leurs programmes d’achats
d’actifs, mais ces achats massifs (la BCE va acheter 140 Mds de bunds alors que l’Allemagne ne
va émettre en net, sur cette période, « que » 1 milliard) réduisent la liquidité sur ces marchés. En
somme, il ne faut pas confondre liquidité macro et liquidité de portefeuilles. Selon une estimation de
la Banque d’Angleterre, il faudrait désormais 7 fois plus de temps pour fermer une position ou un
portefeuille que durant la période précédant la crise financière de 2008. Ce n’est dès lors nullement
surprenant de voir les asset managers et autres gérants de fonds accorder davantage d’importance
à la liquidité, au passif des fonds… comment mesurer la liquidité sous-jacente ? Les travaux de
recherche indiquent que la liquidité de marché s’apprécie au regard de 4 dimensions :
• La profondeur du marché : possibilité d’effectuer des transactions de grande taille sans
provoquer de modifications importantes du prix ;
• L‘étroitesse de la fourchette bid – offer ;
• La rapidité d’exécution ;
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• La résilience des prix : la capacité d’un marché à renouer avec les niveaux de prix qui prévalaient
avant une période de turbulence. Analyser les spreads bid – offer a jusqu’à présent été le moyen le plus simple d’analyser la liquidité,
un resserrement des spreads étant censé représenter une amélioration de la liquidité… mais c’est
un indicateur particulièrement trompeur. En effet, ce qui est important, c’est la quantité que l’on
peut traiter, la rapidité avec laquelle sont passés les ordres… Il faut d’autre part mettre en relation
le spread bid-offer et le niveau des taux. Avec des taux proches de zéro, on ne peut évidemment pas
avoir le même niveau de spreads bid-offer qu’avec des taux à 4 %. Autrement dit, le resserrement
des spreads n’est en rien une bonne mesure de la liquidité sous-jacente.
Il convient de rappeler également que lorsque la liquidité diminue, les prix deviennent beaucoup
moins puissants en termes d’information, car ils s’éloignent de leurs fondamentaux. Les risques
de contagion et de volatilité ont également tendance à s’amplifier, tandis que des marchés moins
liquides ont une capacité d’absorption des chocs moindre. Une plus faible liquidité signifie enfin une
capacité de manipulation plus grande. On voit bien, au total, l’enjeu de la liquidité.
Les programmes d’achats d’actifs des banques centrales ne sont pas les seuls responsables de la
baisse de liquidité : la régulation (qui incite à acheter et à détenir des obligations souveraines) en est
une deuxième cause, comme la recherche forcenée de rendement et de spreads.
– Conséquence # 10 : les marchés financiers sont entre les mains
des banques centrales
L’environnement de taux bas est « dicté » par les banques centrales, et la Banque du
Japon en est le meilleur (le pire ?) exemple. Certains compartiments sont devenus
de plus en plus administrés. Cela montre, si besoin était, à quel point les marchés
financiers sont entre les mains des banques centrales… Parfois pour le meilleur, au
moins temporairement (QE aux US, LTRO et QE en zone euro, QQE (Qualitative and
Quantitative Easing) au Japon…). Mais aussi parfois pour le pire (abandon du peg du
CHF contre EUR, abandon des programmes d’achats de la Fed…).
– Conséquence # 11 : le problème de la préservation du capital et des
produits garantis se pose désormais avec beaucoup plus d’acuité
Ce problème se pose évidemment encore plus pour les assureurs que pour les
sociétés de gestion. Selon des études d’agences de notation, les assureurs allemands
étaient déjà ceux qui, en Europe avaient l’écart de duration le plus élevé entre actif
et passif, ce qui les fragilise fortement. Réduire la part des produits à taux garantis
et réduire considérablement le niveau de ces taux est le challenge le plus important.
Cette tendance a été observée dans le cas du Japon. En effet, en l’espace de 20
ans, les taux des contrats garantis sont passés graduellement de plus de 6 % au
début des années 1990 à 1,50 % en 2010, accompagnant le mouvement de baisse
des taux directeurs, ceci pour compenser les effets négatifs des taux élevés sur leur
propre profitabilité. Tout cela est intervenu dans un environnement ayant bien intégré
les baisses de taux et le maintien inévitable des taux à de bas niveaux.
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– Conséquence # 12 : se pose la question du nombre de fonds à porter
L’environnement de taux bas et de faibles rendements pousse à une tendance
générale, celle de rationaliser (réduire) la gamme de fonds, afin de réduire les coûts.
– Conséquence # 13 : se pose la question des frais de gestion
Quid des frais de gestion compte tenu de la faiblesse du rendement du capital ?
Face à la baisse des taux de rendement, les sociétés de gestion se sont adaptées en
baissant les frais de gestion des produits de taux (et de toutes les classes d’actifs).
Quelques années après la crise financière, des études montraient que les frais de
gestion sur des fonds diversifiés pouvaient encore varier de 1 à 10. Selon les bases
de données des consultants, il apparaît que la baisse des frais de gestion a atteint
entre 30 et 35 % sur les années 2012-2014, et cette tendance est encore en cours.
– Conséquence # 14 : prêter attention à la qualité d’exécution
Elle devient également encore plus cruciale qu’avant. Toute erreur vient grever une
performance totale réduite par le niveau des taux.
– Conséquence # 15 : améliorer la qualité des services de conseil
La qualité du conseil ou plus généralement les activités de conseil (advisory)
devient un facteur de différenciation essentiel entre les maisons de gestion.
– Conséquence # 16 : des questionnements sur la valorisation
des actifs risqués
Les taux bas « justifient » des valorisations plus élevées, mais jusqu’à quel point peuton rester serein ? Il s’agit d’un véritable enjeu pour la valorisation des actifs risqués :
revoir les valeurs d’équilibre, revoir le coût du capital, revoir les métriques de bulle ?
–– La croissance potentielle est revue à la baisse,
–– Le taux d’équilibre est revu à la baisse (à long terme, le taux de croissance de
l’économie est égal au taux d’intérêt d’équilibre),
–– La prime de risque est revue à la baisse,
–– Au regard des perspectives de croissance et du taux d’équilibre long terme, le
coût du capital doit être revu à la baisse… à quelques nuances près : la baisse
des taux d’intérêt allemands ou américains et leur maintien à des niveaux en
moyenne plus bas qu’au cours des années passées ne veulent pas dire que
cela s’applique nécessairement à tous les pays. Pour les pays périphériques
européens, la composante spread est importante, et l’on peut penser qu’un
nouvel effondrement de croissance (qui justifie l’adoption de taux d’équilibre à
long terme bas) pèserait sur la solvabilité et sur les spreads. Autrement dit, la
baisse du coût du capital est généralisable tant que la situation reste apaisée.
Sinon, on assistera à une hausse du coût du capital dans certains pays. Chez
Amundi, nous avons d’une part réduit le coût du capital dans nos modèles
d’évaluation il y a près de quatre ans, ce qui justifie — toutes choses égales
par ailleurs — des valorisations plus élevées… mais nous avons aussi décidé
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de revoir à la baisse le potentiel de croissance à long terme… et de dissocier
pays du cœur de la zone euro et pays périphériques, avec un taux de capital
plus élevé pour le second groupe.
–– On notera que revoir à la baisse le coût du capital accroît — parfois
considérablement — la valorisation des actions alors que revoir à la baisse la
croissance potentielle la réduit – parfois considérablement. Or il est difficile de
revoir l’une sans revoir l’autre. Ceci explique pourquoi, avec des hypothèses
différentes (sur le couple taux de croissance – taux d’intérêt), mais avec une
méthode identique, on peut parvenir à des évaluations similaires… et peu
excessives ou peu « anormales ».
–– Une baisse des taux excessive crée inévitablement des valorisations
anormales, excessives. Dans les modèles de valorisation, les taux d’intérêt
sont une composante des dénominateurs et, mécaniquement, la baisse des
taux, qui réduit le coût du capital notamment, se traduit par des hausses de
valorisations. Dit autrement, il est normal d’avoir des valorisations élevées
en contexte de taux bas… sans conclure nécessairement en l’existence de
bulles. Mais tout est question de mesure ou de… démesure. Avec des taux
négatifs, les valorisations « classiques » n’ont plus grand sens, et cette entrée
en territoire inconnu n’a rien de rassurant non plus. La BCE doit-elle vraiment
accentuer ces inquiétudes, voire même les conforter ?
– Conséquence # 17 : la nécessité de revoir les allocations d’actifs
stratégiques, et les anticipations de rendements à long terme
est inévitable
Revoir le dispositif global d’allocation d’actifs, rééquilibrer les expected returns
long terme, et revoir les primes de risque est inévitable. Il faut par ailleurs revisiter
le concept de diversification. Les méthodes pour mesurer la diversification peuvent
être réparties en trois grandes catégories : (i) les indicateurs reposant sur les
pondérations du portefeuille ; (ii) les approches fondées sur les contributions au
risque ; (iii) les mesures axées sur les expositions à des facteurs fondamentaux. La
diversification, calculée sur la base des contributions au risque des actifs, dépend de
la volatilité et des corrélations. Ces dernières sont particulièrement déterminantes
dans la mesure où l’instabilité des corrélations est facteur d’instabilité pour
l’allocation d’actifs. En fait, les portefeuilles optimisés selon un critère rentabilité
moyenne-variance sont généralement faiblement diversifiés. Le niveau faible des
taux, qui a modifié les corrélations entre actifs, ajoute du risque. C’est pourquoi un
petit sacrifice au niveau du couple rendement-risque peut fortement améliorer la
diversification du portefeuille.
– Conséquence # 18 : revisiter les benchmarks
via des approches « Smart Beta »
Pour améliorer le faible rendement des classes d’actifs, taux et crédit notamment,
revoir la composition des benchmarks est une piste naturelle. Cette approche,
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bien connue des gérants obligataires s’est développée sur l’ensemble des
classes d’actifs. L’idée est d’améliorer le couple rendement/risque, d’améliorer
le rendement ou de réduire le risque via la recherche de benchmarks plus
performants que les traditionnels indices basés sur la capitalisation. On sait
en effet depuis longtemps combien les benchmarks traditionnels (basés sur
la capitalisation) peuvent être sous-optimaux. Les approches Smart beta
permettent de corriger ce biais de construction et d’apporter de la valeur de
façon systématique (Voir A. Russo (2014)).
Il existe trois stratégies courantes de smart beta fondées sur l’exposition au risque :
les stratégies Minimum variance, les stratégies de diversification maximale, et les
stratégies de parité des risques. Au total, il est assez aisé de montrer que les
stratégies fondées sur le smart Beta se révèlent plus efficientes que les stratégies
capi-pondérées, du point de vue du profil risque-rendement.
– Conséquence # 19 : revisiter les allocations d’actifs
via des approches « factor investing »
Miser sur les facteurs et non plus seulement sur les classes d’actifs est d’autant
plus judicieux que les QE des banques centrales, entre autres, ont perturbé
le comportement relatif des classes d’actifs, qui ont tendance, pour certaines
d’entre elles, à évoluer de concert. C’est pour cela que le factor investing
devient populaire, mais aussi parce que cette approche « traverse » l’ensemble
des classes d’actifs.
Les facteurs de risque sont les briques élémentaires expliquant les rendements
des actifs. Un certain nombre de facteurs, notamment sur les marchés d’actions,
(valeur, momentum, qualité, taille, dividende…) ont une capacité démontrée et
reconnue depuis longtemps à ajouter de la valeur. Construire une allocation
non plus seulement sur des classes d’actifs, mais surtout sur des facteurs
s’avère judicieux, notamment dans l’environnement actuel. On montre assez
aisément plusieurs choses, dont certaines sont particulièrement utiles dans un
environnement de taux bas (Voir A. Russo (2015)) :
•
L a diversification entre les différents facteurs est notamment cruciale
pour limiter la volatilité et la perte maximale d’un portefeuille d’actions
internationales.
• L a performance d’une stratégie de diversification naïve entre facteurs peut
encore être améliorée par une pondération dynamique de ces facteurs, en
fonction notamment de la position dans le cycle économique.
• C ertains facteurs subissent des cycles très longs et peuvent ne plus
fonctionner du tout pendant plusieurs années.
• L e recours aux facteurs macroéconomiques s’avère intéressant dans le cas
d’investisseurs dont l’actif et/ou le passif sont sensibles à certains chocs
économiques.
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L’approche par facteurs est une source d’enrichissement pour allouer un
portefeuille et analyser son risque. Le graphique ci-dessous synthétise l’utilisation
du smart beta et du factor investing chez Amundi.
Smart Beta et factor investing
Smart Beta:
Mono
Selection +
Investment Process
Mid cap
Momentum
Low volatility
Mono
Alternative
weighting scheme
Risk Factors
Stock Selection
Investment Process
Value
Min Variance
Risk Parity
Diversification
Quality
Multi
Multi
Dynamic allocation
based on market
signals
Market Signals
Market timing
Dynamic allocation
based on market
signals
Market regime
Market indicators
(Markov Process)
(volatility, correlation, turbulence)
– Conséquence # 20 : une façon de contourner l’environnement
de taux bas et de spreads bas est de redonner un plus grand rôle
aux approches de rendement absolu et d’allocation
Exit les benchmarks, et bienvenue aux processus d’investissement hautement
flexibles, permettant de mettre en place des contraintes différentes (maximum
drawdown, concentration…) de celles qui prévalent dans le cas de gestions
totalement indicielles (tracking error…) et d’autre part d’élargir l’univers
d’investissement afin de profiter d’opportunités de rendement plus nombreuses.
– Conséquence # 21 : rechercher des actifs à haut rendement
et faible volatilité
Quand on fait référence à de tels actifs, on pense immédiatement aux
infrastructures, à la dette privée, aux placements privés, aux ABS… Une nuance
cependant : certains de ces actifs ont une faible volatilité parce qu’ils ont une
valorisation peu fréquente. La faible volatilité est parfois un peu illusoire. C’est ce
que la crise financière de 2008 était venue rappeler à certains investisseurs, trop
chargés en actifs illiquides…
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
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– Conséquence # 22 : rechercher les actifs sous-valorisés
parce que largement délaissés
L’environnement de taux, entretenu par les programmes d’achats des banques
centrales notamment, entraîne des valorisations excessives de certaines classes
et sous-classes d’actifs, à la hausse comme à la baisse. Cela génère des
craintes de bulles financières, mais aussi des actifs « délaissés ». Ces derniers
ont généralement des valorisations attractives, et ils sont habituellement très
largement sous-pondérés dans les portefeuilles. Rebâtir des positions longues
sur ces actifs pourrait s’avérer intéressant à moyen terme.
– Conséquence # 23 : ajouter une composante change
dans la construction des portefeuilles
Cela a d’autant plus de sens que les ajustements de change se sont multipliés
dans cet environnement de taux bas, allant même jusqu’à générer des
valorisations extrêmes ; c’est le cas pour de nombreuses devises émergentes,
mais aussi pour le yen japonais, conséquence directe de la politique de taux
zéro et des programmes intensifs de QQE (Qualitative and Quantitative Easing).
En l’absence de fortes variations de taux d’intérêt, on peut même penser que les
devises vont dans certains cas jouer le rôle de variable d’ajustement.
– Conséquence # 24 : investir davantage dans les actifs réels
Il s’agit d’une opportunité intéressante dans le contexte actuel : la captation de
la prime de liquidité (Private equity vs. actions listées, dette privée vs. dette listée
et notée, immobilier…) permet d’ajouter de la valeur. Sacrifier un peu de liquidité
dans un portefeuille est un acte rémunéré. Attention toutefois : cette captation
s’effectue désormais dans un monde où ce qui est censé être liquide l’est
beaucoup moins. Cela montre bien l’intérêt des actifs peu liquides (une prime de
liquidité qui rémunère mieux certains actifs peu liquides que d’autres supposés
être liquides), mais aussi les dangers d’un excès d’illiquidité dans les portefeuilles.
– Conséquence # 25 : tirer parti des récents développements dans
le « Big Data/SMART Data » afin de mieux capter informations et
tendances
Le Big Data permet de mieux utiliser et de traiter plus rapidement des
ensembles de données et d’informations d’une granularité infinie et de détecter
des tendances en amont des grands indicateurs macroéconomiques et
financiers. Des algorithmes puissants permettent déjà de traiter des données
« micro » pertinentes (SMART Data) et de construire en temps réel des
batteries d’indicateurs de suivi de consommation, d’investissement, de risques
politiques… L’univers d’analyse est infini, et l’intégration de cette approche
devrait permettre de mieux comprendre des enjeux qui sont à la base même
de l’investissement financier. Le Big Data devrait devenir un élément clef de
l’analyse. Plus encore le big data permet de s’affranchir des hypothèses et des
contraintes de recherche de proxy (tout ou presque est mesurable avec le Big
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
Data) ou de corrélation (instables et parfois contre-intuitives et dangereuses)
et de créer des indicateurs ultra-fins précédant les indicateurs précurseurs.
L’intégration du big data dans l’allocation d’actifs et la construction de
portefeuilles va sans doute « ringardiser » certaines approches.
Au total, les conséquences pour le modèle d’affaires de la gestion d’actifs sont
claires :
–– Il faut revoir la notion d’actif sans risque,
–– Il faut revoir la construction des portefeuilles et notamment le rôle et le poids
des titres gouvernementaux,
–– Il faut revoir le concept de diversification des portefeuilles,
–– Il faut revoir le nombre des fonds qu’il est possible et utile de porter,
–– Il faut revoir la structure des frais de gestion,
–– Il faut optimiser la qualité de l’exécution des trades,
–– Il faut mettre l’accent sur les activités de conseil, élément de différenciation.
Cet environnement a également poussé à revoir à la baisse les espoirs de
rendement des actifs de taux, et donc de l’ensemble des portefeuilles qui
intègrent, par construction ou par précaution, des actifs obligataires. Pour
apporter du rendement aux portefeuilles, il convient d’être actif et nous avons
évoqué ci-dessus de nombreuses solutions :
–– Allonger la duration des portefeuilles,
–– Accepter un risque de crédit plus grand (davantage de crédit, des notations
plus basses…),
–– Ajouter du levier,
–– Jouer les distorsions de courbes de taux,
–– Rechercher des actifs sous-valorisés car largement délaissés,
–– Chercher des actifs à plus haut rendement et à plus faible volatilité (ABS,
infrastructure, dette privée…),
–– Ajouter une composante change dans les portefeuilles,
–– Capter les primes de liquidité,
–– Revoir la construction des benchmarks suivis (approches « SMART Beta »),
–– Mieux évaluer les facteurs d’investissement (approches « factor investing »),
–– Investir davantage dans les actifs réels,
–– Tirer parti des récents développements dans le big Data/SMART Data,
–– Accepter des portions plus grandes de rendement absolu.
Toutes ces solutions sont légitimes, mais elles peuvent être fort différentes
s’agissant de perspectives de rendement, de contraintes de liquidité, ou encore
de risque.
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
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II. L’environnement de taux bas actuel
est-il pérenne ?
L’environnement de taux bas a été très largement intégré dans le modèle d’affaires
de la gestion d’actifs et dans l’ensemble des portefeuilles. Cela ne veut pas dire
que cela est rassurant en termes de rendement. Dans le contexte actuel, il y a fort
à parier que les taux vont rester bas pendant encore quelques années.
L’année a démarré avec une nouvelle baisse des taux longs, désormais (le 15 avril)
à 0,15 % en Allemagne et à 1,78 % aux États-Unis. Rien ne semble arrêter la baisse
des taux longs, ou, à tout le moins, le maintien à de bas niveaux. Cet environnement
est-il pérenne… et est-il vraiment favorable ? Telle est la question qu’il convient de
se poser, car la baisse des taux longs peut provenir d’une montée des risques ou
de conditions monétaires et financières favorables… deux situations aux antipodes
pour les allocations d’actifs. Ajoutons également que cela fait plus de 4 ans que les
prévisions de marché se trompent sur les taux longs, tout le monde – ou presque
– ayant sous-estimé les forces laissant les taux longs à des niveaux historiquement
ultra-faibles. L’objet de cette section est d’analyser les facteurs susceptibles de
pousser les taux à la hausse (ou de les maintenir à un bas niveau).
Six facteurs essentiels sont susceptibles de modifier – ou de conforter –
l’environnement actuel. Pour une remontée des taux longs, il faudrait, soit une
remontée de la croissance potentielle, soit une hausse de l’inflation, soit un
changement d’attitude des banques centrales, soit une réduction drastique des
bilans des banques centrales, soit un important recours aux déficits budgétaires,
soit un krack obligataire, soit une combinaison de ces facteurs.
Une remontée de la croissance potentielle
Le monde fait face à une croissance potentielle affaiblie et à un excès d’épargne
mondiale. Autrement dit, le taux d’intérêt d’équilibre mondial a fortement décliné
au cours de ces dernières années. Difficile de conclure que les niveaux actuels
de taux sont excessifs, comme il est difficile de croire en un éclatement de bulle
obligataire. Que ce soit en Chine (où elle a sans doute été réduite de 50 % en
l’espace de 10 à 15 ans), au Japon, en Europe ou encore aux États-Unis, la
croissance potentielle a fortement baissé. Nous sommes donc entrés dans un
nouveau régime de croissance, avec des rythmes d’expansion beaucoup plus
faibles que par le passé. Pour que la croissance potentielle remonte, il faudrait
un renversement des tendances démographiques (à long terme par le taux de
natalité, à court terme par l’immigration) et une progression plus conséquente
des gains de productivité. Rien qui ne puisse se produire à très court terme.
La stabilité macrofinancière de ce nouveau régime requiert désormais des taux
d’intérêt plus bas, et sans doute pour longtemps car il s’agit de modifications
structurelles et non pas seulement conjoncturelles. À tout cela viennent s’ajouter
les niveaux de dette accumulés qui « interdisent » une forte remontée des taux.
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
Un regain d’inflation
Du fait de la chute des prix du pétrole et de l’absence d’inflation salariale dans la
plupart des économies avancées, un retour rapide de l’inflation vers les cibles des
banques centrales est hors de portée en 2016. Les politiques monétaires peuvent
donc rester très accommodantes. Au total, personne ou presque ne mise sur un
retour de l’inflation, d’une part parce que les indicateurs économiques ne plaident
pas en faveur de cela, mais aussi parce que les banques centrales qui le souhaitent
(Banque du Japon en particulier) n’y parviennent pas. Les tendances déflationnistes
(salaires, Chine, prix des matières premières, prix des biens industriels, commerce
mondial…) restent puissantes et les anticipations d’inflation restent sous contrôle,
parfois à l’excès.
Un changement radical dans l’attitude des grandes banques centrales
Pour qu’il y ait une remontée des taux courts et longs, il faudrait assister à une
remontée des taux directeurs des banques centrales. Certes, la Fed vient tout
juste d’entamer son cycle de resserrement monétaire, mais il ne s’agira ni d’une
« normalisation monétaire », ni d’un véritable cycle de resserrement. En fait, il faut
noter que la Réserve Fédérale procède à sa première hausse des taux alors que le
cycle économique est déjà bien entamé. La Fed a pris du retard du fait des risques
sur les grands équilibres financiers, et du fait de la – trop – forte appréciation du dollar.
Il n’y a pas actuellement un bloc de banques centrales en phase de resserrement
contre éventuellement un bloc de banques centrales désirant garder des taux bas
ou désirant resserrer plus tard, mais plutôt une banque centrale qui relève ses taux
(la Fed) face au reste du monde – ou presque – qui désire et va poursuivre les
assouplissements monétaires. Autant dire que cela limite les marges de manœuvre
de la Fed… et le potentiel de hausse des taux.
Une réduction drastique des bilans des grandes banques centrales
Les grandes banques centrales ont toutes procédé à la mise en place d’un
programme de Quantitative Easing (QE), certaines l’ont interrompu (Fed et Banque
d’Angleterre), d’autres l’ont entamé il y a un an et l’ont récemment amplifié (BCE),
et d’autres enfin n’ont pas d’autre choix que de le poursuivre (Banque du Japon
et sans doute Banque centrale chinoise). Dans tous les cas, cela s’est traduit
par d’importants achats de titres obligataires (souverains et autres) et par un fort
accroissement du bilan de la Banque centrale. Il apparaît également de façon
claire qu’une fois les QE terminés, les banques centrales comme la Fed n’ont
pas procédé à un dégonflement de leur bilan, et ont réinvesti les actifs venant
à maturité. Les risques sur la stabilité financière ne permettent pas qu’il en soit
autrement. Cela ne devrait pas changer dans l’immédiat.
Un nouveau – et important – recours aux déficits budgétaires
Le recours à des déficits budgétaires accrus serait un autre facteur pouvant
pousser à la hausse les taux longs. Attention toutefois : la relation entre ces
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
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déficits et taux longs ne fait pas l’unanimité parmi les économistes. Selon les
adeptes de l’effet d’éviction, une hausse des dépenses publiques se traduirait
par une baisse de l’investissement et de la consommation privée. Pour financer
les déficits, l’État se finance sur les marchés financiers, ce qui va mobiliser une
partie de l’épargne au détriment de l’investissement productif (effet volume),
et donc de la croissance (c’est pour cela que les politiques budgétaires
keynésiennes de relance de la demande globale sont contestées, et que les
libéraux sont plutôt favorables à une baisse des dépenses publiques). En
conséquence, l’action de l’État raréfie une épargne dont le prix s’accroît (effet
prix). Au total, les taux d’intérêt s’inscrivent à la hausse, toutes choses égales
par ailleurs. Il a cependant été abondamment démontré que la réalisation de
l’effet d’éviction ne se produit que sous des hypothèses très restrictives (pleinemploi, politique monétaire neutre). Par ailleurs, lorsque l’investissement public
intervient alors que l’investissement privé est défaillant, l’impact sur les taux est
peu probable. Au total, il est difficile de se prononcer : d’autres facteurs bien
plus puissants déterminent les taux d’intérêt et le taux d’intérêt n’est pas non
plus le seul élément déterminant de l’investissement.
Il est probable que la politique budgétaire américaine soit assouplie (maturité du
cycle de croissance, année électorale…) alors que l’austérité budgétaire en zone
euro cède du terrain… mais on ne pourra pas parler de relance budgétaire pour
autant. Au total, l’impact sur les taux, s’il existe, sera limité.
Des bulles obligataires qui éclatent
Pour que des bulles éclatent, encore faut-il qu’elles existent. Le niveau des
taux peut paraître excessif au regard des données passées, mais il n’est pas
cependant pas irrationnel au regard des conditions actuelles évoquées cidessus. Un krach peut intervenir sans pour autant que des bulles aient été
identifiées, mais les remontées potentielles de taux, si elles sont inévitables
compte tenu de la volatilité ambiante et des niveaux de taux, ne nous semblent
pas soutenables.
En conclusion, les taux longs sont bas, et ils devraient le rester. Mais il faut
bien distinguer des baisses de taux provenant d’une montée de l’aversion au
risque et des baisses de taux provenant de conditions monétaires et financières
amples. Le mouvement de l’été dernier et de ce début d’année, accompagné
d’une hausse de la volatilité et de chocs sur les devises, relève clairement du
premier cas de figure, et il incite à la prudence (adopter des stratégies de macrohedging est nécessaire dans un tel environnement : long obligations américaines,
long USD, long JPY, long cash en USD, long volatilité, et long or).
Nous vivons dans un monde de taux très bas, du fait de l’environnement d’inflation
ultra-faible, et de politiques monétaires ultra-accommodantes. Si l’orientation
des politiques monétaires semble claire, ce qui intrigue le plus depuis la crise
financière et la « grande récession », c’est la difficulté à renouer avec une plus
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
forte croissance de l’activité (et donc des salaires et de l’emploi), une situation
pouvant mener à une longue phase de faible croissance, voire même à ce que
l’on appelle une phase de grande stagnation ou de stagnation séculaire. Quels
en sont les principaux moteurs ?
III. Stagnation séculaire :
une fatalité ?
3.1. Stagnation séculaire : les principaux moteurs
Robert Gordon (2012) a identifié les facteurs venant peser sur l’activité économique,
dont certains sont transposables à bon nombre d’économies, avancées ou dites
« émergentes ». Ces « vents de face » sont :
1. La faiblesse de l’investissement et des innovations. Quand on
parle de « Grande stagnation », on fait effectivement référence aux
déficits d’innovations, à des investissements productifs insuffisants ou
insuffisamment porteurs en termes de croissance future, à des facteurs
fortement structurels et non pas seulement conjoncturels. Les réponses
doivent donc être structurelles, et non pas seulement conjoncturelles.
Le numérique, nouvelle révolution industrielle ? L’enjeu du progrès technique
Le spectre de décennies sans croissance est mis en avant par certains auteurs, qui mettent
l’accent sur l’incapacité de faire progresser les gains de productivité, la croissance étant également
affectée par des tendances démographiques défavorables, par le poids de la dette, la faiblesse de
l’investissement, les inégalités sociales, la crise environnementale… Le progrès technique, les
gains de productivité et l’investissement sont donc des éléments clefs de la croissance potentielle
et de la croissance effective, et ils sont, à ce titre, au centre des débats sur la stagnation séculaire.
Il convient ainsi de favoriser les investissements les plus prometteurs en termes d’innovation
et de croissance (les nouvelles technologies de communication, le développement d’énergies
alternatives, les biotechnologies, les nanotechnologies, la robotisation, le développement de
nouveaux matériaux, les technologies relatives à la santé…), ce que d’aucuns nomment déjà la
« quatrième révolution industrielle », ou encore l’« industrie 4.0 ».
Il est de ce fait légitime que la « révolution du numérique » apparaisse également au premier
plan comme le développement permettant d’éviter cette longue période sans croissance. Aussi
paradoxal que cela puisse paraître, les avis sont partagés sur le rôle et l’ampleur, voire sur
l’existence même de cette révolution. Où en sommes-nous exactement ?
• Certaines études rejettent la fatalité de la stagnation séculaire et montrent que, y compris en
Europe, le progrès technique (productivité globale des facteurs) ne se porte pas aussi mal qu’on
le dit, même s’il y a de forts écarts entre pays ; la dualité de certaines économies et les écarts
entre régions/zones/pays masqueraient une réalité plus favorable qu’on le pense ;
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• D’autres considèrent que nous ne sommes pas encore en mesure d’évaluer correctement les
effets de la révolution industrielle sur la productivité, ceux-ci devant intervenir uniquement dans les
années à venir. Il faut rappeler que dans l’histoire, cela a en effet pris des décennies avant de voir
les nouvelles techniques/technologies se propager dans les économies. On notera cependant que la
propagation des outils/technologies/inventions est désormais bien plus rapide qu’autrefois, et qu’elle
accélère sans cesse : un des responsables de Google rappelait, dans une de ses conférences, que
pour toucher 50 millions d’utilisateurs, il aura fallu 75 ans pour le téléphone, 38 ans pour la radio,
13 ans pour la télévision, 4 ans pour internet, 3 ans pour l’Ipod, 2 ans pour Facebook, 1 an pour le
smartphone, 35 jours pour Angry birds !
• Selon certains auteurs, la difficulté actuelle n’est pas le ralentissement du progrès technique
(les entreprises les plus innovantes et les plus productives ne voient pas leur productivité globale
diminuer), mais plutôt la difficulté à intégrer les nouvelles formes de productivité dans les
économies et les entreprises.
• D’autres avancent à juste titre que nous ne sommes pas en mesure de mesurer les gains de
productivité parce que les phases post – récession se traduisent toujours par une phase de
destruction créatrice, pour reprendre l’expression de J. Schumpeter. Les effets positifs seraient
donc « masqués » pour partie par ces dommages inévitables. Une fois ces derniers effectués, les
effets positifs apparaîtront seuls au grand jour. • Pour d’autres, enfin, le constat est plus négatif. Robert Gordon, par exemple, n’anticipe pas une
baisse de la productivité globale des facteurs, mais le maintien à un bas niveau, les inégalités
et l’accès à l’éducation (désormais plus difficile dans bon nombre de pays développés dont les
États-Unis) étant deux facteurs négatifs importants. Les États-Unis gardent toutefois un avantage
par rapport à l’Europe, qui a vu, sur 15 ans, son niveau de productivité passer de 90 % à moins de
80 % de la productivité des États-Unis. Ce qui inquiète davantage cet auteur, c’est que les effets
de la troisième révolution industrielle liée aux NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de
la Communication), qui a débuté dans les années 60, seraient désormais (déjà) terminés : selon
lui, les effets de l’ère digitale ont été concentrés sur la décennie 1994-2004. Pour lui, le big data,
thème populaire actuellement, ne serait en fait qu’un atout marketing, permettant de prendre
des parts de marchés et constituant donc un jeu à somme nulle, rien de plus. Enfin, même si
des progrès ne sont pas comptabilisés dans la productivité et le PIB, la sous-évaluation actuelle
est bien plus faible que celle que nous avons connue au XX e siècle, comme la forte baisse de la
mortalité infantile.
Que faut-il en penser ? Il y a du vrai dans tout ce qui précède, ce qui complique la tâche. Au total,
l’excès d’épargne, la faiblesse de la demande, l’absence de marges de manœuvre des banques
centrales, le poids de la dette qui contraint les politiques budgétaires et fiscales et les difficultés
à intégrer rapidement les nouvelles formes de productivité sont autant de facteurs qui gênent
la croissance. L’industrie 4.0, (4 pour quatrième révolution industrielle) ou « numérisation de
l’entreprise », qui vise à développer de nouvelles organisations de production sur toute la chaîne
de valeur ne doit cependant pas être sous-estimée (pas plus que ne doit être sous-estimé le Big
Data). Certains pays comme l’Allemagne en ont fait un projet prioritaire.
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2. Le vieillissement de la population se traduit par une baisse du taux d’activité et
un déclin des gains de productivité. Les baby-boomers se retirent graduellement
de la vie active, les taux de natalité sont souvent trop faibles et l’allongement de
l’espérance de vie maintient l’effet dépressif sur l’activité économique. Le Japon
est sans aucun doute le meilleur exemple de cette situation néfaste. L’Allemagne
a un taux de natalité trop bas, mais bénéficie depuis la crise financière et la crise
de la dette d’une immigration forte, jeune, diplômée…
Démographie : quelques faits et chiffres
Quand on parle de croissance potentielle, on fait nécessairement référence à la croissance de la
population en âge de travailler et aux gains de productivité. Le thème de la « grande stagnation » s’est
également emparé de ces deux composantes, qui constituent, avec le poids de la dette (qui contraint
la politique économique) et l’impact de la crise environnementale, les facteurs explicatifs essentiels
du repli de la croissance mondiale. Certes, la situation varie fortement d’un pays à l’autre, mais les
tendances – lourdes – démographiques y sont pour beaucoup dans la croissance au Japon, en Chine,
en Espagne, en Pologne… Il y a quelques mois, L’ONU publiait une mise à jour des perspectives
d’évolution de la population mondiale (« World Population Prospects – the 2015 revision ; key
findings and advance tables », July 2015, United Nations). En voici les principales conclusions :
La population mondiale progresse. Elle a dépassé le seuil des 7,350 milliards d’habitants,
ce qui veut dire qu’elle a progressé d’un milliard en l’espace de 12 ans. L’âge moyen de la
population mondiale est de 29,6 ans, et 26 % des habitants de la planète ont moins de
15 ans, tandis que 12 % ont 60 ans ou plus. Il devrait y avoir 8,5 milliards d’habitants en 2030 et
9,7 milliards en 2050. Selon l’ONU, il y aura plus de 11 Mds avant la fin du siècle. Ces projections
semblent éloignées, mais il faut rappeler que prévoir la démographie est chose assez aisée tant
les tendances sont lourdes.
La population continue de vieillir : actuellement 900 millions, le nombre de personnes âgées de
plus de 60 ans va doubler d’ici à 2050 (2,1 Mds) et plus que tripler d’ici à 2100 (plus de 3,2 Mds).
8 % de la population mondiale actuelle ont plus de 65 ans, et ce chiffre passera à 13 % en 2030.
L’Asie est le continent de loin le plus peuplé : il y a désormais 4,4 Mds d’habitants en Asie,
et ce continent représente à lui seul 60 % de la population mondiale. L’Afrique compte 1,2 Md
d’habitants (16 % du total). L’Europe en compte « seulement » 738 M (10 % du total). Il y a
désormais 634 M d’habitants en Amérique latine et Caraïbes (9 %) et 358 M en Amérique du Nord
(5 %). L’Océanie représente 0,5 % du total (39 millions).
L’Inde dépassera bientôt la Chine. La Chine compte 1,4 Md d’habitants (19 %), et l’Inde 1,3 Md
(18 %) mais dès 2022, la population de l’Inde atteindra la barre de 1,4 Md et dépassera celle de
la Chine. Elle atteindra 1,5 Md en 2030 et 1,7 Md en 2050.
La croissance démographique ralentit inexorablement. Même si chaque année, la croissance
mondiale progresse de 83 M d’habitants (soit 1,18 % du total), la croissance démographique ralentit.
L’Afrique reste en pleine expansion démographique. On peut d’ores et déjà affirmer que plus
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de la moitié de la croissance démographique entre 2015 et 2050 aura lieu en Afrique (1,3 Md vs
2,4 Mds). L’Asie viendra en second, avec une croissance démographique de l’ordre de 900 millions.
Une forte concentration de la croissance de la population. Si l’on se réfère au document
des Nations Unies, la moitié de la croissance de la population mondiale entre 2015 et 2050 sera
concentrée dans 9 pays : l’Inde, le Nigeria, le Pakistan, la République Démocratique du Congo,
l’Éthiopie, la Tanzanie, les États-Unis, l’Indonésie et l’Ouganda (pays classés en ordre décroissant
quant à leur contribution à la croissance totale de la population). Jusqu’en 2050, 99 % de la
croissance de la population s’effectuera dans les pays actuellement considérés comme étant des
pays en développement.
Un clivage pays très important et sans doute durable. Selon l’ONU, 48 pays parmi les moins
développés vont connaître une croissance démographique excessive au regard de leur capacité,
dont 27 pays africains. En 2050, 25 % de la population mondiale vivra en Afrique. 48 pays (Japon
et certains pays européens) connaîtront en revanche une croissance démographique déclinante.
Certains d’entre eux perdront jusqu’à 15 % de leur population (Bosnie-Herzégovine, Bulgarie,
Croatie, Hongrie, Japon, Lettonie, Lituanie, Moldavie, Roumanie, Serbie et Ukraine), un frein
significatif sur leur croissance potentielle et effective.
L’espérance de vie continue de progresser. Elle a atteint 70 ans en 2015 (contre 67 ans 10 ans
plus tôt). La hausse la plus forte au cours de la décennie passée est intervenue en Afrique, où elle
a progressé de 6 ans. Désormais à 60 ans, elle reste néanmoins beaucoup plus basse qu’en Asie
(72 ans), en Europe (77 ans) ou en Amérique du Nord (79 ans).
Nous assistons à une forte montée des classes moyennes. En 2009, les classes moyennes
représentaient 27 % de la population mondiale, contre 60 % attendus en 2030.
L’urbanisation progresse encore. 58 % des classes moyennes résidaient dans les pays « en
développement » en 2010, 80 % en 2030. À cette date, plus de 60 % de la population mondiale
vivra dans des villes, avec les enjeux d’infrastructure que l’on imagine.
Nous assistons également à un basculement de la puissance économique. En 2030,
l’Asie sera plus puissante que les États-Unis et l’Europe, et la Chine aura déjà dépassé les
États-Unis.
Le rôle des femmes est également en constante évolution.
Au total, trois conséquences majeures :
1re conséquence : la croissance potentielle de bon nombre de pays va continuer de fléchir.
À moins de forts gains de productivité, la croissance potentielle des économies à démographie
déclinante (Chine en tête), rester faible/va s’affaiblir.
2e conséquence : les mouvements de population vont s’amplifier, et l’ONU estime que 80 %
de la croissance démographique des pays d’accueil seront directement liés à des flux de migrants.
Un enjeu démographique, mais aussi un enjeu d’intégration et de concurrence potentielle entre
les pays d’accueil, et un enjeu économique (impact sur la croissance potentielle et la croissance)
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
et financier (quel devenir pour les régimes d’aide sociale et les régimes de retraites de certains
pays ?). Entre 2015 et 2050, les pays qui recevront plus de 100 000 migrants par an seront les
États-Unis, le Canada, le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Australie, la Russie et l’Italie. Ces migrants
viendront d’Inde, du Bangladesh, de la Chine, du Pakistan et du Mexique.
3 e conséquence : l’avenir des régimes de retraite : des populations qui vieillissent, des taux
de natalité bas, des taux d’épargne bas et des niveaux d’endettement élevés, tels sont les grands
enjeux à venir.
3. La mondialisation exerce une pression à la baisse sur les salaires des
pays avancés, conséquence de la concurrence des pays émergents et
de la délocalisation industrielle. L’égalisation des prix des facteurs s’opère
inévitablement au détriment des pays aux salaires les plus élevés, i.e. les pays
avancés. On notera cependant que la mondialisation pousse les salaires à la
hausse dans les pays qui se développent. C’est ainsi que la Chine a vu ses salaires
passer au-dessus de bon nombre de concurrents asiatiques (et d’Amérique du
Sud), un handicap pour la compétitivité, et ce d’autant plus que bon nombre de
devises dites « émergentes » ont cédé du terrain contre yuan depuis 2013.
4. Le désendettement du secteur privé et la nécessaire stabilisation de la
dette publique réduisent revenu disponible et dépenses de consommation.
Le retour de l’endettement public sur une trajectoire soutenable pèse
inéluctablement sur le taux de croissance du PIB : comment en effet mener
des politiques de croissance quand les excès de dette publique et/ou privée
génèrent des situations de crise financière et poussent à la rigueur budgétaire
et fiscale ? Pire encore, les pays ne sont pas en mesure de réduire leur dette
rapportée au PIB (qui est censée représenter la capacité à rembourser).
Seuls cinq pays (Argentine, Roumanie, Arabie Saoudite, Israël et Égypte) ont
réussi à réduire leur ratio dette totale/PIB depuis la crise financière de 20072008. Pour tous les autres, certes à des degrés divers, ce ratio a progressé,
souvent de façon inquiétante. Le Japon est désormais à 400 %, l’Irlande à
390 %, le Portugal à 360 %, la Belgique à 330 %, les Pays-Bas à 325 %,
l’Espagne à 315 %, la France à 280 %… Pour sortir de cet engrenage, il
faut bien évidemment : des taux d’intérêt très bas, une forte croissance,
de la rigueur budgétaire menant à des excédents primaires, la poursuite
du désendettement du secteur privé, ou des restructurations/annulations
de dettes… à moins que, comme au Japon, la Banque centrale finance
directement le pays via des programmes ultra-agressifs d’achats de titres
obligataires. Réduire l’endettement public en assurant une croissance plus
élevée que le taux d’intérêt (du service de la dette) est parfois devenu une
gageure. La récession bilancielle non seulement des banques, mais aussi
de l’ensemble des agents économiques (« balance sheet recession ») ne
pouvait que réduire durablement les rythmes de croissance des économies.
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Poids de la dette et croissance : quelques faits et chiffres
Il est possible de calculer le niveau de croissance requise pour renverser des grands indicateurs
économiques, comme l’emploi ou la dette publique. On montre que pour maîtriser l’évolution du
ratio dette publique/PIB, on obtient des niveaux de croissance souvent totalement hors de portée.
Selon McKinsey (2015), il faudrait ainsi un taux de croissance réelle du PIB de 5,5 % pour l’Espagne,
4,7 % pour le Royaume Uni, 4 % pour la France, 3,9 % pour le Portugal, 3,6 % pour la Finlande…
Autrement dit, il y aurait, actuellement, un « déficit de croissance » de l’ordre de 2,5 % en France et
au Portugal, de 3,8 % en Espagne. L’Allemagne et les États-Unis seraient néanmoins parmi les rares
pays à avoir atteint le niveau de croissance requise pour renverser le ratio dette publique/PIB.
5. D
ans les conditions actuelles (gestion des ressources, réchauffement
climatique…), il est également fort probable que la gestion des enjeux
environnementaux et de la crise environnementale (actuelle et à
venir) soit de nature à réduire graduellement le budget que les ménages
consacrent aux autres postes de dépenses de consommation…
6. E
nfin, les frais d’éducation, devenus trop élevés dans des économies
de plus en plus inégalitaires, détourneraient de nombreux étudiants des
universités et grandes écoles, ce qui nuit à la richesse des pays et à leur
capacité future d’innovation.
Part des 1 % les mieux payés dans le revenu total
Pays
Années 1980
2012
Allemagne
9,06
13,89
Chine
2,65
5,87
Espagne
7,50
8,20
États-Unis
8,18
17,85
France
7,44
8,94
Irlande
6,65
10,50
Italie
6,90
9,38
Japon
7,16
9,51
Norvège
4,60
7,80
Pays-Bas
5,85
6,33
Portugal
4,32
9,77
Suède
4,05
7,24
Suisse
8,40
10,63
Source : World Wealth and Income Database
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
Au total, la « Grande Récession » a mis en exergue des changements importants
(rendements décroissants pour les facteurs de production, innovations
technologiques insuffisantes), conduisant aux craintes de voir l’économie mondiale
plonger dans une phase de « grande stagnation ». Rappelons toutefois que le
thème de la stagnation apparaît chaque fois que l’économie ralentit de façon
forte et durable. Ce thème fut ainsi extrêmement populaire dans les années 1930
(voir notamment Alvin Hansen, « Full recovery or stagnation ? » (1938)). Rappelons
également que le débat sur la stagnation séculaire est très présent aux États-Unis,
alors que les racines de ce mal sont bien plus vivaces en Europe (démographie,
contraintes de la dette sur la politique économique notamment).
Il faut noter que si les questions démographiques ou d’endettement sont
indiscutables actuellement, les capacités d’innovation ont souvent été, par le
passé, sous-estimées. C’est la raison pour laquelle les économies ont réussi à
éviter les périodes de stagnation séculaire.
Les conséquences d’une « grande stagnation » (ou plus simplement de danger de
grande stagnation) sont assez claires :
• Des taux courts bas.
• Des taux longs bas.
• Des prix d’actifs élevés.
• Une volatilité financière plus élevée.
Même si l’on n’adhère pas forcément au thème de la stagnation séculaire, il est
difficile de trouver d’où peut provenir une croissance économique suffisamment
forte pour enrayer ces conséquences. La période actuelle de faible croissance peut
encore durer longtemps. La « nouvelle normalité, c’est une situation de taux bas et
de prix d’actifs élevés, et ceux qui croient en une normalisation des taux d’intérêt
auront tort, c’est une quasi-certitude » (P. Krugman, juin 2014, Forum Amundi).
La grande stagnation se traduit par un environnement de taux bas, mais le
corollaire n’est pas nécessairement vrai. Rappelons que les partisans de la
stagnation ont le plus souvent sous-estimé la capacité d’innovation et de rebond
des investissements, et c’est assurément la plus importante leçon de l’histoire.
3.2. Comment éviter la stagnation économique ?
Voilà sans aucun doute la grande question de ces dernières années. Il nous semble
que six voies sont possibles. La première met l’accent sur la recherche du pleinemploi, la deuxième sur la réduction de la dette et sur le rôle étonnant des QE, la
troisième sur la recherche d’inflation, et la quatrième mise sur l’impact à moyen
terme des réformes structurelles. La cinquième insiste, elle, sur le rôle des PME
dans nos économies. La sixième repose sur la démographie et les flux migratoires.
Stratégie de sortie #1 : renouer avec le plein-emploi. Un taux d’activité plus
élevé est le garant d’une meilleure croissance et d’une amélioration, toutes
choses égales par ailleurs des finances publiques. Ces stratégies de plein-emploi
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nécessitent des réformes structurelles sur le marché de l’emploi et sur la fiscalité et
doivent être accompagnées de politiques ultra-accommodantes, pendant une
période de temps plus longue que nécessaire au besoin. Il faut bien noter que la
politique monétaire à elle seule ne peut pas résoudre les facteurs qui poussent à
la menace de stagnation séculaire. La question est de savoir jusqu’à quel point on
peut mener ce genre de politiques, le risque étant de favoriser des valorisations
extrêmes, et l’existence de bulles. Clairement suivie par Alan Greenspan autrefois,
cette stratégie avait conduit à des excès dévastateurs… il ne faudrait pas que les
marchés financiers associent J. Yellen ou encore Mario Draghi à de tels risques. En
tout cas, cette stratégie de reflation est favorable aux classes d’actifs risqués, et
elle maintient les taux d’intérêt – courts et longs – à de faibles niveaux.
Stratégie de sortie #2 : réduire le poids de la dette. Le rôle des QE a été
largement commenté depuis la mise en place du premier programme de la
Fed, en décembre 2008. D’autres pays ont emboîté le pas de la Fed, avec des
programmes similaires (programmes d’achats d’actifs domestiques), mais avec
des objectifs parfois différents :
• Volonté de racheter des actifs toxiques et de faciliter le deleveraging des
banques aux États-Unis,
• D ésir de restaurer la solvabilité d’entités cruciales (banques, entreprises,
ménages) en difficulté (partout, mais à des degrés divers),
• Volonté délibérée de déprécier le cours de change de façon affichée (Japon)
ou masquée (zone euro),
• Volonté de relancer les anticipations d’inflation ou l’inflation (États-Unis et zone
euro mais surtout Japon),
• Nécessité de casser les anticipations déflationnistes (partout).
Le Japon a franchi un cap supplémentaire : ses programmes d’achats de dette
gouvernementale sont colossaux et durables. Alors qu’il y a moins de 10 ans,
40 % des JGB étaient entre les mains des banques et plus de 20 % entre celles
des compagnies d’assurances, la Banque centrale est désormais, et de loin, la
principale détentrice d’obligations gouvernementales et elle est l’entité la plus
présente lors des émissions. Elle a par ailleurs racheté les obligations vendues
par le Government Pension Investment Fund (GPIF), lorsqu’il a été demandé
à ce dernier d’accroître la part d’actions et d’actifs internationaux dans ses
portefeuilles. Le marché des JGB est très administré, et il ne s’agit plus d’un
véritable marché depuis longtemps. Bref, les QE, lorsqu’ils sont poussés à
l’extrême, comme au Japon, sont devenus une façon d’éviter les défauts et
restructuration de dette, ou d’éviter que le poids de la dette ne contraigne la
politique budgétaire et fiscale. Autrement dit, il ne faut plus regarder la dette,
mais la façon dont elle est financée. La situation est identique en Europe :
qui se préoccupe de la dette des pays de la zone, quand on sait que la BCE
achètera bien plus que le montant des émissions nettes ?
30
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
Émissions des gouvernements centraux : le poids de la BCE
Émissions nettes
Achats BCE*
Solde
Allemagne
1
177
-176
France
66
141
-75
Italie
55
121
-66
Espagne
38
88
-50
Pays-Bas
7
78
-71
Belgique
14
36
-22
Autriche
9
24
-15
Finlande
6
18
-12
Irlande
2
16
-14
Portugal
14
13
1
TOTAL
212
712
-500
* E n faisant l’hypothèse que l’Eurosystème passe ses achats mensuels de 50 à 66 Mds €.
Cette fuite en avant a peut-être des côtés rassurants à court et moyen terme,
mais elle est plutôt inquiétante à long terme. Comment le Japon sortira-t-il de
cette situation : par une suppression de la dette et un dégonflement du bilan
de la BoJ ? La zone euro, voire les États-Unis vont-ils prendre la même voie ?
Stratégie de sortie #3 : favoriser le retour de l’inflation. Ce thème, évoqué
à de nombreuses reprises par O. Blanchard (FMI) et par P. Krugman, est
également l’un des chevaux de bataille de certaines banques centrales : le
vice-président de la Fed, S. Fisher a fréquemment évoqué ce sujet tandis que
la Banque du Japon en a délibérément fait un de ces objectifs. Dans le cas de
la zone euro, il s’agit « plus simplement » de lutter contre le cercle vicieux prix
– consommation – investissement que génèrent les pressions déflationnistes.
Si elle réussit, cette stratégie pousse les taux courts et longs à la hausse, et la
reprise de croissance favorise les actifs risqués.
Stratégie de sortie #4 : mener des réformes structurelles. La BRI et les banquiers
centraux en général ne manquent de rappeler régulièrement la nécessité de rendre
les économies moins dispendieuses et plus flexibles, seule façon de ne pas (stratégie
#1) créer de bulles financières ou, (stratégie # 2) de laisser déraper l’inflation (la
lutte contre l’inflation est un des objectifs cruciaux – sinon le seul pour certains –
des banques centrales). À court terme, cette stratégie pénalise les actifs risqués.
En périphérie de la zone euro, on trouve désormais des champions des réformes
structurelles. Selon l’OCDE (2013), « Les pays qui ont le plus réformé sont les pays
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sous assistance ». La Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne étaient dans le top 5
des pays réformateurs. À titre de comparaison, dans le même temps, le Japon se
situait au rang # 29, l’Italie au rang # 9, la France au rang # 25, les États-Unis au rang
# 26, l’Union européenne au rang # 17, et l’OCDE dans son ensemble au rang # 19.
Si l’on prend en compte la difficulté à mettre en place des réformes, et parmi les pays
de la zone OCDE, la Grèce était #1, l’Espagne #2, et le Portugal #3. Des champions
de la réforme certes, mais des champions encore en méforme.
Stratégie de sortie #5 : aider davantage les PME, notamment en Europe. Pour
éviter la stagnation, sauver l’existant est certes très important, mais se préparer
à l’avenir est vital. Il convient de favoriser les investissements porteurs à terme de
croissance et de gains de productivité. Selon un rapport rédigé pour la Commission
européenne (2010), les technologies les plus prometteuses en termes d’innovation
et de croissance sont :
• Les nouvelles technologies de communication ;
• Le développement d’énergies alternatives ;
• Les biotechnologies ;
• Les nanotechnologies ;
• La robotisation ;
• Le développement de nouveaux matériaux ;
• Les technologies relatives à la santé ;
• Le développement de technologies de stockage d’énergie ;
Ces technologies innovantes sont bien souvent développées par des PME,
dont il faut faciliter le financement et le développement, car elles sont le support
indispensable du redressement de l’industrie européenne. Plusieurs raisons à cela :
• Il faut tout d’abord rappeler qu’en 2012, les PME employaient 87 millions de
personnes en Europe (soit 67 % de la main-d’œuvre totale) et ont généré 58 %
de la valeur ajoutée globale. Elles représentent près de 80 % de la main-d’œuvre
et 70 % de la valeur ajoutée en Italie, en Espagne et au Portugal. Dans ces pays,
le secteur des PME est dominé par les toutes petites entreprises comprenant
moins de dix salariés. Plus encore, les PME ont assuré 85 % des créations
nettes d’emploi entre 2002 et 2010. Sans aide, sans investissement des PME,
difficile de croire en un quelconque redressement de l’emploi et de la croissance.
• En outre, quand on parle d’investissement, on parle de financement. Les
grandes entreprises et les entreprises cotées, notées et connues n’ont pas de
problème de financement. Elles peuvent lever des fonds sur les marchés d’actions
ou d’obligations. Par exemple, en l’espace de 3 ans, il y aura eu plus de 200
nouveaux émetteurs « high yield » en Europe. L’accès au financement est aisé
compte tenu du niveau des taux et de la recherche de rendement de la part des
investisseurs. Pour les PME, l’histoire est différente : elles dépendent à plus de
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
95 % du financement des banques, et certaines d’entre elles sont devenues
frileuses depuis la crise financière et la crise de la dette. La toute dernière enquête
de la BCE au sujet du financement des PME montre que le taux d’acceptation des
prêts bancaires aux PME reste faible dans les pays d’Europe du sud (Espagne,
Italie, Portugal, Grèce).
• L a troisième raison réside dans l’environnement actuel. ce n’est plus seulement
la lutte des « petits » contre les « gros », mais aussi et surtout dans certains
domaines d’innovations, la lutte entre les « rapides » et les « lents ». La PME, a
priori plus rapide et plus agile doit être mise en avant. Investir dans l’économie
pour la croissance de demain, c’est souvent investir dans des projets et dans
des entreprises de taille modérée.
Mener des stratégies qui impactent les PME et les secteurs d’avenir est donc
crucial. Au total, sortir de situations où les risques et craintes de déflation et de
stagnation séculaire prédominent est impératif, car ils sont susceptibles de modifier
en profondeur non seulement la profitabilité, mais les modes de fonctionnement
des agents économiques et financiers.
Stratégie de sortie # 6 : améliorer les tendances démographiques via les
flux migratoires. La démographie, et plus exactement la portion des personnes
en âge de travailler joue un rôle crucial dans la croissance potentielle. Il y a cinq
composantes majeures :
• L a natalité (passée et présente), qui détermine le flux (actuel et à venir) des
entrants sur le marché du travail. Les politiques de natalité peuvent à long
terme avoir des effets visibles ;
• L a mortalité des personnes en âge de travailler, qui détermine les flux de
sortants ;
• Les politiques de retraite, qui, en modifiant certains paramètres (âge de
retraite, niveau des pensions…) ont la capacité d’affecter les flux de sortie sur
le marché du travail ;
• Le taux de participation : une hausse du taux de participation (notamment
des femmes dans certains pays) serait également un facteur d’amélioration de
la croissance potentielle.
• Les politiques d’immigration, qui impactent le flux (actuel et à venir) des
entrants sur le marché du travail. Certains pays ont des politiques très sélectives
à l’entrée (niveau d’études, niveau de richesse, recherche de qualifications
particulières…), d’autres ont, pour des raisons culturelles ou politiques, des
politiques d’accueil extrêmement restrictives. Certains pays ont une capacité
« naturelle » à accueillir des migrants, d’autres s’y refusent…
On ne change pas (ou peu rapidement), dans les pays développés, les taux de
fertilité, et on ne change plus vraiment les taux de mortalité des travailleurs en
modifiant les conditions de travail. En revanche, il est possible de changer les
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
33
données démographiques du marché du travail via les politiques d’immigration.
L’exemple le plus flagrant au cours de ces dernières années est l’Allemagne. Il
y a encore 10 ans, ce pays « perdait » de la main-d’œuvre chaque année alors
que la France, par exemple, voyait sa force de travail progresser. Au total, ce qui
apparaissait à court terme favorable, i.e. l’impact sur le chômage, était finalement
un réel handicap à long terme, à savoir une plus faible croissance potentielle.
Depuis la crise de la dette de la zone euro, l’Allemagne a renversé ces tendances,
grâce notamment à l’accueil de jeunes diplômés des autres pays de la zone et
à une plus généreuse politique d’accueil de migrants. Alors que sa population
active déclinait chaque année, (déficit de 150 000 personnes par an en moyenne),
l’Allemagne est passée à un excédent (plus d’un million de migrants en 2014,
dont 429 000 en provenance de Syrie, 155 000 d’Afghanistan, 122 000 d’Irak,
70 000 d’Albanie, 33 000 du Kosovo et 295 000 du reste du monde). Selon les
estimations des Nations Unies, plus de 80 % de l’augmentation de la population
des grands pays avancés va provenir, d’ici à 2050, des flux migratoires. Un enjeu
de grande ampleur, celui d’accueillir/d’attirer des migrants capables de s’insérer
dans les marchés du travail local et de redonner un second souffle à la croissance
potentielle… et sans doute une compétition à venir entre les pays pour attirer les
migrants les plus jeunes, les plus diplômés, les plus adaptés à la demande locale…
Se posent évidemment les difficultés liées à l’accueil des réfugiés qui pousse à la
remise en question de l’espace Schengen en Europe ou à la propagation, un peu
partout, de murs anti-migrants ou des projets de murs : États-Unis — Mexique,
Autriche — Slovénie, Grèce — Turquie, Maroc — Algérie, Tunisie — Lybie, Israël
— Égypte, Égypte — Gaza, Botswana — Zimbabwe, Afrique du Sud — Zimbabwe
— Mozambique, Malaisie — Brunei, Chine — Hong Kong, Chine — Macao, Chine
— Corée du Nord, Inde — Bangladesh, Turkménistan — Ouzbékistan, Azerbaïdjan
– Haut-Karabagh, Bulgarie — Turquie, Serbie — Bulgarie — Roumanie, Hongrie —
Serbie – Croatie… tous ces projets relancent le débat sur les accords entre pays,
sur le rôle des organisations internationales, sur la différenciation souvent difficile
entre réfugié politique, réfugié climatique, réfugié économique…
Les effets des migrations sur les économies peuvent être très importants :
• U n rajeunissement des populations et une hausse de la productivité
globale ;
• U ne hausse de la croissance potentielle, allant de pair avec la croissance
de la population en âge de travailler ;
• U ne hausse de la croissance effective, liée à la hausse de la demande
interne ;
• U n meilleur financement des systèmes de santé, de retraite et
d’allocations-chômage. Rappelons que, en France par exemple, plus de
60 % des dépenses de protection sociale sont à destination des personnes
âgées de plus de 60 ans, tandis que 80 % de son financement proviennent
34
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
de la tranche des 25 — 59 ans. L’intégration des immigrants sur le marché
du travail permettrait donc, toutes égales par ailleurs, un plus grand équilibre
des systèmes de protection sociale.
Flux migratoires : un des grands enjeux des décennies à venir
250 millions : c’est le nombre de migrants internationaux en 2015, un record historique.
(175 millions en 2000 et 154 millions en 1990). Deux-tiers environ (150 millions) sont des
travailleurs migrants, selon les estimations de l’Organisation Internationale du Travail.
600 milliards de dollars : c’est le montant (estimé) envoyé en 2015 par les migrants
internationaux dans leur pays d’origine. L’Inde est le principal pays récepteur (72 milliards en
2015), suivi de la Chine (64 milliards) et des Philippines (30 milliards). Les transferts des migrants
internationaux sont 3 fois plus élevés que le total de l’aide internationale au développement.
L’épargne annuelle détenue par les migrants dépasse les 500 milliards de dollars.
440 milliards de dollars : c’est le montant estimé que les pays en développement ont reçu
en 2015 dans le cadre de ces transferts. Les États-Unis sont le principal pays expéditeur
(56 milliards en 2014), devant l’Arabie Saoudite (37 milliards) et la Russie (33 milliards).
L’immigration Sud — Sud est plus importante que l’immigration Sud — Nord : en
2013, près de 40 % des migrants ont quitté un pays en développement pour un autre pays en
développement, et 34 % ont quitté un pays en développement pour un pays avancé.
États-Unis, Arabie Saoudite, Allemagne, Russie, Émirats Arabes unis, Royaume-Uni, France, Canada,
Espagne, Australie : ce sont les 10 principaux pays de destination d’immigrants internationaux.
Inde, Mexique, Russie, Chine, Bangladesh, Pakistan, Philippines, Afghanistan, Ukraine, RoyaumeUni : ce sont les 10 principaux pays d’origine des migrants internationaux.
Principaux courants migratoires au monde : Mexique — États-Unis : le principal couloir
migratoire au monde (13 millions de migrants en 2013), devant les couloirs Russie — Ukraine,
Bangladesh — Inde, Ukraine — Russie.
14 millions de réfugiés en 2014 (hormis les 5,1 millions de réfugiés palestiniens), soit 6 %
des migrants internationaux. 85 % de ces réfugiés sont hébergés dans des pays en
développement : Turquie, Pakistan, Liban, Iran, Éthiopie, Jordanie, Kenya, Tchad et Ouganda.
Autrement dit, seuls 1,5 million de réfugiés sont hébergés dans des pays avancés. À noter que la
Turquie est devenue le principal pays d’accueil des réfugiés syriens.
Les chiffres les plus précis sur les flux migratoires, qui datent de 2013, montrent
clairement l’ampleur des enjeux économiques et financiers :
- 32 millions de migrants venant d’Asie du Sud, dont 20 % vivaient dans des pays de l’OCDE.
Principaux pays d’origine : Inde, Bangladesh, Pakistan, Afghanistan et Népal. Les envois de fonds
vers cette région (Asie du Sud) ont représenté plus de 120 milliards de dollars en 2015.
- 32 millions de migrants venant d’Europe de la région d’Asie centrale dont près de la moitié vivait dans
des pays d’OCDE. Principaux pays d’origine : Ukraine, Kazakhstan, Roumanie, Turquie, Ouzbékistan.
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Les envois de fonds vers cette région ont atteint plus de 35 milliards de dollars en 2015. - 32 millions de migrants venant d’Amérique latine et des Caraïbes, dont 85 % vivaient dans des
pays de l’OCDE. Principaux pays d’origine : Mexique, Colombie, Brésil, Costa Rica et Équateur.
Les envois de fonds vers cette région ont atteint plus de 65 milliards de dollars en 2015.
- 31 millions de migrants venant de la région Asie orientale — Pacifique. La moitié venant des
pays à revenu élevé de l’OCDE. Les principaux pays d’émigration étaient la Chine, les Philippines,
l’Indonésie, la Birmanie le Vietnam. Les migrants venaient principalement de Thaïlande, Malaisie,
Chine, Indonésie et Philippines. Cette zone (Asie orientale – Pacifique) a reçu près de 130 milliards
de dollars en 2015 au titre des transferts de migrants.
- 24 millions de migrants venant du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, dont 38 % vivaient dans
des pays de l’OCDE. Principaux pays d’origine : Cisjordanie, Gaza, Syrie, Égypte, Maroc et Irak.
La région a également accueilli près de 12 millions d’immigrants (Jordanie, Iran, Liban, Syrie et
Libye). Les envois de fonds ont atteint plus de 50 milliards de dollars en 2015. 98 milliards de
dollars ont été envoyés des pays du conseil de coopération du golfe (CCG — Bahreïn, Koweït,
Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Émirats arabes unis).
- 23 millions de migrants venant d’Afrique subsaharienne, dont 1/4 vivaient dans des pays de
l’OCDE. Principaux pays d’origine : Somalie, Burkina Faso, Soudan, république démocratique du
Congo, Nigeria et Côte d’Ivoire. Parmi les pays d’accueil, Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Nigeria,
Kenya et Éthiopie. Les envois de fonds vers la région d’Afrique subsaharienne ont atteint près de
35 milliards de dollars en 2015.
Source : World Bank (2016) « Migration and Remittances Factbook 2016 », World Bank Group’s
Global Knowledge Partnership on Migration and Development (KNOMAD) initiative.
IV. Taux négatifs et modèles d’affaires :
des transformations temporaires ou durables ?
Les taux courts, moyens et parfois longs sont désormais, dans certains pays,
en territoire négatif. Il est bien difficile de dire si les économies et les marchés
financiers peuvent rester longtemps dans un monde à taux négatif, tant cette
situation est inédite. Ce qui est sûr, en revanche, et même si cette situation
n’est que temporaire (quelques trimestres ou quelques années), c’est que cela
entraîne des changements radicaux dans les modèles d’affaires de bon nombre
d’activités.
• Concernant les fonds monétaires, le cas du Japon est emblématique. La
première phase de baisse des taux (dans les années 90) avait fortement réduit
la taille de ces fonds, alors les plus importants au monde. Il semble bien que le
passage à des taux négatifs soit le coup de grâce.
• Pour la gestion d’actifs, l’environnement de taux bas et, a fortiori de taux
négatifs a de multiples impacts : révision des espérances de rendements,
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
révision du rôle des obligations dans une construction de portefeuille, révision du
concept même d’actif sans risque, révision de la gamme de produits et de fonds,
recherche de benchmarks plus efficients, recherche de « nouvelles » stratégies
de rendement, révision des structures de coûts… Aucun des aspects liés au
« business model » des sociétés de gestion n’est épargné.
• S’agissant des assureurs vie, le constat est également inquiétant. Des taux
négatifs et même proches de zéro menacent la solvabilité et la stabilité de ce
secteur, ainsi que le montrait une récente étude de Moodys (European Insurers
face Credit-negative QE program, janvier 2015). La vulnérabilité du secteur est
d’autant plus grande que l’écart de duration entre actif et passif est élevé (un
écart élevé accroît le risque de réinvestissement) et qu’une grande partie des
contrats (logés au passif) a été négociée avec des taux garantis. Selon Moody‘s,
fin 2012, c’est en Allemagne que l’écart de duration est le plus élevé : il serait,
à 11 ans (incluant l’assurance santé), deux fois plus grand qu’en France ou aux
Pays-Bas. C’est également en Allemagne qu’ont été négociés le plus grand
nombre de contrats à taux garantis (plus de 92 % du total des contrats contre
60 % aux Pays-Bas, 79 % en Italie, 84 % en France) et aux taux les plus élevés
(entre 3 % et 3,5 % en Allemagne, entre 2 % et 3 % en Italie, autour de 1 % en
France et à taux révisables en Espagne). Comme dans le cas du Japon, on doit
s’attendre à une révision graduelle et importante des contrats à taux garantis, et
à une forte baisse de ces taux.
Exposition des assureurs aux taux d’intérêt bas
dans quelques pays d’Europe
ESPAGNE
FRANCE
ITALIE
SUISSE
NORVÈGE
PAYS-BAS
ALLEMAGNE
88 %
84 %
79 %
92 %
88 %
60 %
92 %
Revisable
~1 %
2 % to 3 %
2 % to 3 %
3 % to
3.5 %
3.5 % to 4 %
3 % to
3.5 %
Low
Medium
to high
Medium
Low
Medium
Low
Low
to Medium
~ 1 year
~ 5 years
~ 1 year
n/a
n/a
~ 5 years
~ 11 years***
Percent of guaranteed
products in balance
sheet*
Average guaranteed
rate in portfolio
Ability to reduce
rates credited to
policyholders
Duration mismatch**
Moody’s assessment
of exposure to low
interest rates
Notes : *Year-end 2012 data
** Duration of liabilities minus duration of assets : the higher the duration mismatch, the higher the reinvestment risk
*** Including health insurance
Sources : European Insurance and Occupational Pensions Authority, Insurance Europe, Gesamtverband der Deutschen
Versicherungswirtschaft e.V., Associazione Nazionale fra le Imprese Assicuratrici, De Nederlandsche Bank, companies’disclosures
and Moody’s Investors Service
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
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• Pour les banques, il faut bien admettre que la baisse des taux a été favorable
dans un premier temps : elles ont ainsi pu bénéficier instantanément de coûts
de financement très bas et, surtout, sans lien avec leur risque réel. Certaines
banques ont eu des difficultés de refinancement sur le marché interbancaire et
l’ensemble des banques ont vu leur cours de bourse s’effondrer, mais aussi bien
aux États-Unis qu’au Japon ou en Europe, les politiques non conventionnelles
ont tout d’abord amélioré la profitabilité des banques. La raison est simple : les
QE ont fait chuter les taux longs, et la duration des dépôts est par construction
bien plus courte que celles des actifs que les banques ont en portefeuille.
Comment ne pas croire que l’abondance de liquidités et le maintien des taux
bas n’ont pas retardé le nettoyage des bilans de certaines banques ? Cette
situation ne pouvait pas durer : avec la baisse des taux et l’aplatissement de la
courbe des taux, la marge d’intérêt s’est littéralement écroulée et la profitabilité
a décliné. Autrement dit, l’écart de taux d’intérêt entre les passifs (courts) et
les actifs (longs) a quasiment disparu. Ne pas ignorer non plus l’incertitude
liée au comportement des déposants. Les banques ont su depuis longtemps
modéliser ce comportement, ce qui est essentiel pour l’activité de banques
de détail. Mais il semble évident que le comportement des déposants ne
peut que changer face à des taux négatifs, une situation bien différente d’un
environnement de taux bas. Accepter de perdre de l’argent en le confiant à
une banque, ce n’est pas la même chose que d’accepter un rendement faible
mais sûr. Comment modéliser un tel comportement, a priori inconnu car relatif
à un environnement sans précédent ? Dernier point : les épargnants vont-ils
préférer détenir des billets de banques que des comptes bancaires ? Comment
les banques vont-elles s’adapter à un tel scénario ? Comment réagiront les
banques centrales et les gouvernements : en interrompant les politiques de
taux négatifs, en supprimant la monnaie papier ?
Taux négatifs et monnaie papier : chronique d’une mort annoncée ?
La suppression de la monnaie papier est un thème qui revient sur le devant de la scène, non
seulement parce que cela permettrait de mieux lutter contre l’économie souterraine et contre le
crime organisé, mais parce que cela permettrait également d’affranchir les banques centrales de
tout plancher sur le niveau des taux d’intérêt. En effet, le passage à des taux négatifs peut avoir une
conséquence directe sur la détention de pièces et de billets de banques : les ménages peuvent être
incités à ne plus déposer leur épargne dans les banques et à conserver l’argent liquide dans les bas
de laine. Non seulement cela a un impact sur la liquidité des banques, mais cela dessert également
l’économie réelle et la croissance. Poussée à l’extrême, une politique de taux négatifs pourrait
même être à l’origine d’une baisse de l’activité économique. Son rôle déflationniste pourrait être
réel. Il s’agit là d’une des limites naturelles et évidentes de la politique de taux négatifs. C’est pour
cela que certains auteurs (K. Rogoff, ancien chef économiste du FMI, et W. Buiter ancien membre
du comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre) préconisent la suppression des billets
de banques. Impossible de stocker des billets s’ils n’existent plus et si les paiements deviennent
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
exclusivement électroniques. Cette mesure, extrême, signifierait cependant la disparition du droit
de seigneuriage, un bénéfice actuel des États. La question est donc de savoir si la demande de
billets de banque a changé depuis la crise financière et depuis la mise en place de politiques de taux
d’intérêt ultra-bas, voire négatifs.
Que se passe-t-il dans les pays à taux bas/négatifs ? S’il est difficile d’établir une règle unique, une
tendance forte se dessine. Si l’on se réfère aux données les plus récentes de la Banque Nationale
Suisse, on voit bien la hausse de la demande de liquidité, et plus particulièrement la demande
de grosses coupures : le nombre de billets de 1000 CHF ne cesse d’augmenter, et il a doublé
depuis la crise financière. Dans le cas de la zone euro, c’est moins net : les données fournies par
la BCE indiquent néanmoins que la demande de coupures de 500 euros a progressé. En Suède,
qui pratique également les taux négatifs, on observe plutôt un repli de la demande de grosses
coupures. Autrement dit, il est difficile de trancher à ce stade. Certains pays ont néanmoins entamé
une politique de suppression de grosses coupures : la Fed a aboli le billet de 500 USD, tandis que
Singapour retire graduellement sa coupure de 10000 SGD, qui n’est d’ores et déjà plus imprimée.
D’autres se sont engagés dans la voie de la limitation des paiements en espèces : c’est notamment
le cas de la France, où il n’est plus possible, depuis le 1er septembre 2015, de payer en liquide toute
facture de plus de 1 000 euros (3 000 euros auparavant). Plus extrême encore, la banque nationale
danoise, qui a annoncé ne plus imprimer de nouveaux billets à partir de la fin 2016… et qui a
également annoncé que bientôt les commerçants et restaurateurs danois ne seront plus obligés
d’accepter les paiements en espèces… Les politiques de taux négatifs, le commerce électronique,
les nouveaux moyens de paiement et la volonté de lutter contre le blanchiment d’argent et le crime
organisé vont-ils signer l’arrêt de mort de la monnaie papier ?
• Si l’on en croit tous les commentaires, les banques centrales ont une réelle
part de responsabilité dans l’avènement de cet environnement. Nous avons
cependant vu plus haut que d’autres facteurs bien plus lourds ont poussé les taux
à la baisse et il serait injuste de prétendre que seules les banques centrales sont
responsables. Quoi qu’il en soit, elles doivent également s’y adapter, notamment
dans le cadre de la gestion de leurs réserves. On sait depuis longtemps que
c’est le triptyque « rendement – risque – liquidité » qui domine leurs décisions.
On sait aussi que, dans l’ordre d’importance décroissant avoué par les banques
centrales dans différentes enquêtes, on devrait plutôt dire « sécurité – liquidité
– rendement ». Autant dire que les commentaires sur les bulles éventuellement
créées par les programmes de QE ont de quoi perturber cette gestion. La
liquidité est également impactée par les vastes programmes d’achats d’actifs des
banques centrales… quant au rendement, il va sans dire que les taux négatifs
représentent de véritables enjeux, y compris pour les banques centrales.
• Pour les émetteurs gouvernementaux, la situation a un côté paradoxal.
La prime de terme faible (elle est au plus bas depuis les années 60 aux ÉtatsUnis) signifie tout simplement que l’investisseur n’est plus rémunéré pour le
risque de taux qu’il prend. En revanche, les émetteurs, y compris les États,
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
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sont récompensés lorsqu’ils s’endettent : en lieu et place du versement
d’un taux d’intérêt, ils perçoivent une rémunération. Autrement dit, « le taux
négatif comme le taux positif proche de zéro, équivaut à imposer une taxe sur
l’épargne et une subvention à l’accumulation de dettes » (Aglietta – Valla, in
Institut Messine (2016)), ce qui n’est pas réellement une incitation à maîtriser
sa dette. En clair, les États se financent à taux très bas voire même négatifs,
et les banques centrales achètent une très grande partie des émissions quand
les taux sont négatifs. Un bouclage parfait mais pas très sain. Comme pour les
banques dans un premier temps, le maintien de taux bas ou négatifs n’est pas
la meilleure incitation à la rigueur.
Conclusion
Nous vivons depuis de nombreuses années dans un environnement de baisse des
taux, courts et longs. Les métiers de la gestion d’actifs se sont adaptés graduellement,
mais ces dernières années, un nouveau cap a été franchi : la crise financière a conduit
à un nouveau tassement des potentiels de croissance, à des politiques monétaires
non conventionnelles dont le but avoué était de maintenir les taux d’intérêt courts et
longs à de faibles niveaux (voire même négatifs) et à une réglementation incitant à
acheter et à conserver des obligations d’État. Il est désormais question de s’adapter
à un environnement – potentiellement – durable de taux bas.
Les conséquences de cet environnement sur le modèle d’affaires des
sociétés de gestion sont nombreuses. Il convient de revoir la notion d’actif sans
risque, la construction des portefeuilles et notamment le rôle et le poids des titres
gouvernementaux, le concept de diversification des portefeuilles, le nombre des
fonds qu’il est possible et utile de porter, et de revoir enfin – à la baisse – la structure
des frais de gestion. Il convient également d’optimiser la qualité de l’exécution des
opérations et de mettre l’accent sur les activités de conseil, élément de différenciation.
L’environnement de taux bas a également poussé à revoir à la baisse les espoirs
de rendements des actifs de taux, et donc de l’ensemble des portefeuilles qui
intègrent, par construction ou par précaution, des actifs obligataires.
Différentes solutions permettent néanmoins d’apporter du rendement aux
portefeuilles :
–– Allonger la duration des portefeuilles,
–– Accepter un risque de crédit plus grand (davantage de crédit, des notations
plus basses…),
–– Ajouter du levier,
–– Jouer les distorsions de courbes de taux,
–– Rechercher des actifs sous-valorisés car largement délaissés,
–– Chercher des actifs à plus haut rendement et à plus faible volatilité (ABS,
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
infrastructure, dette privée…),
–– Ajouter une composante change dans les portefeuilles,
–– Capter les primes de liquidité,
–– Revoir la construction des benchmarks suivis (approches « Smart Beta »),
–– Mieux évaluer les facteurs d’investissement (approches « factor investing »),
–– Accepter des portions plus grandes de rendement absolu,
–– Investir davantage dans les actifs réels,
–– Tirer parti des récents développements dans le big Data/SMART Data afin de
mieux capter informations et tendances.
Il existe cependant diverses possibilités de sortir de cet environnement de
taux bas. Pour que les taux repartent à la hausse, il faudrait une inflexion majeure
de la croissance potentielle, de l’inflation, des politiques de taux d’intérêt, des
politiques monétaires non conventionnelles, des politiques budgétaires, des
bilans des banques centrales, un éclatement de bulles… La stagnation séculaire,
très présente dans les débats aux États-Unis, est sans conteste une plus grande
menace pour l’Europe : démographie, poids de la dette publique, poids de la
dette privée, faiblesse de l’investissement, intégration insuffisante de la zone
euro… Autant de facteurs qui gênent la diffusion de la croissance. Les voies de
sortie existent cependant, mais il faut accepter que la bonne santé de la zone
euro ne concerne pas seulement sa solvabilité financière. Elle passe également
par la capacité à s’installer dans les investissements représentant la croissance
et les emplois de demain, ce qui permettra de renouer avec de plus forts gains
de productivité et une croissance potentielle plus élevée, ce qui déterminera par
ricochet sa capacité à rembourser son endettement.
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
Liste des Discussion Papers
Pour plus d’information sur nos recherches,
rendez-vous sur http://research-center.amundi.com
DP-15-2016Environnement de taux bas/négatifs,
stagnation séculaire… impact pour la gestion d’actifs
ITHURBIDE Philippe, 04-2016
DP-14-2016Marché des changes :
la mécanique du facteur « CARRY »
Lezmi Edmond, 04-2016
DP-13-2016Marchés financiers et environnement de taux bas/négatifs :
réflexion sur les enjeux actuels
ITHURBIDE Philippe, 04-2016
DP-12-2015Les banques centrales :
premier pilier du cycle d’investissement
Mijot Éric, 11-2015
DP-11-2015Investir dans les facteurs de risque des actions en fonction
de l’environnement macroéconomique
RUSSO Alessandro, 11-2015
DP-10-2015Les cycles longs et les marchés d’actifs
MIJOT Éric, 05-2015
DP-09-2015Réallouer l’épargne à l’investissement :
le nouveau role des asset managers
PERRIER Yves, 02-2015
DP-08-2014Actifs alternatifs dans une allocation :
pourquoi, comment, combien ?
De LAGUICHE Sylvie, TAZÉ-BERNARD Éric, 11-2014
DP-07-2014Le cycle court de l’investissement :
feuille de route
MIJOT Éric, 10-2014
DP-06-2014Gérer l’incertitude avec le concept dams :
de la segmentation des actifs à la gestion de portefeuille
FACCHINATO Simone, POLA Gianni, 10-2014
DP-05-2014L’immobilier physique dans l’allocation d’actifs à long terme :
le cas de la France
BLANCHARD Cécile, De LAGUICHE Sylvie, RUSSO Alessandro, 05-2014
Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
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DP-04-2014Strategies smart beta :
diversification, investissement à faible risque et plus encore
RUSSO Alessandro, 05-2014
DP-03-2014ISR et performance :
impact des critères ESG dans les gestions actions et crédit
BERG Florian, De LAGUICHE Sylvie, LE BERTHE Tegwen,
RUSSO Alessandro, SORANGE Antoine, 03-2014
DP-02-2014Actif « sans risque » : quelle rentabilité normative à long terme ?
De LAGUICHE Sylvie, 03-2014
DP-01-2014Qui êtes-vous, Madame Yellen ?
ITHURBIDE Philippe, 01-2014
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Amundi Discussion Papers Series - DP-15-2016
éditeurs :
Pascal BLANQUÉ
Directeur Général Délégué
Directeur du Métier Institutionnels et Distributeurs Tiers
Chief Investment Officer Group
Philippe ITHURBIDE
Directeur Recherche, Stratégie et Analyse
Pia BERGER — Recherche, Stratégie et Analyse
Benoit PONCET — Recherche, Stratégie et Analyse
Amundi Discussion Papers Series
Avril 2016
Les destinataires de ce document sont en ce qui concerne l’Union Européenne, les investisseurs
« Professionnels » au sens de la Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 « MIF », les prestataires de
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règlementation locale et, dans la mesure où l’offre en Suisse est concernée, les « investisseurs
qualifiés » au sens des dispositions de la Loi fédérale sur les placements collectifs (LPCC), de
l’Ordonnance sur les placements collectifs du 22 novembre 2006 (OPCC) et de la Circulaire FINMA
08/8 au sens de la législation sur les placements collectifs du 20 novembre 2008. Ce document ne
doit en aucun cas être remis dans l’Union Européenne à des investisseurs non « Professionnels »
au sens de la MIF ou au sens de chaque réglementation locale, ou en Suisse à des investisseurs
qui ne répondent pas à la définition d’« investisseurs qualifiés » au sens de la législation et de la
réglementation applicable.
Le présent document ne constitue en aucun cas une offre d’achat ou une sollicitation de vente et
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