Antonin Artaud : trad-auctor
L’acte traductif à la lumière du « théâtre de la cruauté »
Alice Avci
Directeur : Salah Basalamah
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales
dans le cadre des exigences du programme de maîtrise ès arts en traductologie (M.A.)
Août 2014
École de traduction et d’interprétation
Faculté des études supérieures et postdoctorales
Université d’Ottawa
© Alice Avci, Ottawa, Canada, 2014
ii
Table des matières
Résumé ........................................................................................................................ iii
Abstract ........................................................................................................................ iv
Remerciements ...................................................................................................................... v
Avant-propos ........................................................................................................................ vi
Introduction ......................................................................................................................... 1
Chapitre 1 : Mise en contexte ............................................................................................. 9
1.1. Le parcours d’Artaud : de la poésie aux glossolalies ............................................ 9
1.1.1. Le surréalisme ................................................................................................. 11
1.1.2. Le cinéma ........................................................................................................ 14
1.1.3. La folie ............................................................................................................ 16
1.1.4. Résultat : l’effondrement du sens .................................................................... 18
1.2. État de la question ............................................................................................... 19
1.3. Méthodologie ....................................................................................................... 32
Chapitre 2 : Cadre théorique ............................................................................................. 38
2.1. La dialectique du maître et de l’esclave, selon Hegel ......................................... 38
2.1.1. La suprématie de l’auteur ................................................................................ 41
2.1.2. L’invisibilité « illusoire » du traducteur ......................................................... 42
2.2. Le rapport entre l’original et sa traduction .......................................................... 43
2.2.1. La survie .......................................................................................................... 44
2.2.2. La dette ............................................................................................................ 49
2.2.3. La mort de l’auteur .......................................................................................... 51
2.2.4. L’intertextualité ............................................................................................... 54
Chapitre 3 : L’acte traductif selon Artaud ........................................................................ 59
3.1. Sous le signe du double ....................................................................................... 62
3.2. Artaud et le théâtre .............................................................................................. 65
3.2.1. Le rejet de l’assujettissement au texte ............................................................. 71
3.2.2. Le renversement du rapport entre l’auteur et le metteur en scène .................. 74
3.2.3. Le rôle central du spectateur ........................................................................... 78
3.3. Artaud et la traduction ......................................................................................... 83
3.3.1. Le rejet de l’invisibilité du traducteur ............................................................. 86
3.3.2. Le renversement du rapport entre l’auteur et le traducteur ............................. 99
3.3.3. Le rôle central du lecteur .............................................................................. 102
3.4. Artaud, un poststructuraliste avant la lettre? ..................................................... 105
3.4.1. De la survie de l’original à la survie du nom d’auteur .................................. 109
3.4.2. De la « mort de l’auteur » à la mort de l’autre auteur ................................... 110
3.4.3. De l’ethnocentrisme à l’anthropophagie ....................................................... 111
Conclusion ..................................................................................................................... 114
Annexe ..................................................................................................................... 123
Bibliographie ..................................................................................................................... 125
iii
Résumé
La présente thèse a pour objet de porter un regard traductologique sur l’œuvre protéiforme
d’Antonin Artaud afin de dégager sa vision de l’acte traductif et du statut du traducteur. Le corpus
à l’étude comprend non pas les textes traduits ou adaptés par Artaud, mais plutôt les paratextes
qui les accompagnent (p. ex., préfaces, postfaces, notes, correspondance, manifestes). Nous
partons du postulat qu’Artaud considère la traduction comme une forme de réécriture, c’est-dire
un vecteur créatif dans lequel l’original et sa traduction sont deux entités interdépendantes. En
guise de cadre théorique, nous faisons un survol de l’évolution du rapport entre l’original et la
traduction. Il s’agit de montrer comment, dans le prolongement de la pensée poststructuraliste, ce
rapport s’est inversé pour faire de l’original un texte dérivé dont le sens est tributaire du regard
d’autrui. N’ayant pas laissé de « théorie » proprement dite sur la traduction, Artaud a pourtant
largement écrit sur le théâtre et le cinéma. Ces deux domaines ont peut-être ceci de comparable
avec la traduction qu’ils font appel à la représentation et mettent en jeu une triade quasi identique :
le dramaturge/l’auteur, le metteur en scène/le traducteur et le spectateur/le lecteur. Dans Le
théâtre et son double, Artaud souhaite mettre fin à l’assujettissement du metteur en scène à
l’auteur et au texte, revendication qui s’apparente beaucoup à sa démarche traductive. Cet
ouvrage nous sert donc d’appui pour brosser un portrait global de la vision « artaldienne » de
l’acte traductif. Après y avoir puisé des notions transposables à la traduction, comme le double, le
rapport subversif à l’auteur et le rôle central du spectateur, nous nous attardons sur le message qui
ressort des paratextes, afin de mieux saisir comment Artaud s’approprie le texte traduit. La mise
en parallèle entre les écrits d’Artaud sur le théâtre et ses paratextes sur l’acte traductif montre
qu’Artaud était un poststructuraliste avant la lettre, ayant prévu certains des principaux concepts
modernes liés à l’auctorialité. Notre analyse permet aussi de constater que le cas « Artaud » met
en évidence le potentiel traductif de l’écriture.
iv
Abstract
The purpose of this thesis is to explore Antonin Artaud’s protean work through the lens of
translation studies in order to understand how he conceives the act of translating and, more
specifically, the translator’s status. The focus here is not on the texts translated or adapted by
Artaud, but rather on the paratexts accompanying them (e.g., prefaces, postscripts, notes, letters,
and manifestos). Our premise is that Artaud considers translation to be a form of rewritinga
creative vector whereby the original and its translation are two inter-dependent entities. In support
of this statement, our theoretical framework explores how the relationship between original and
translation has evolved through time. In poststructuralist thinking, this dynamic is overturned
based on the view that any text derives from another text and that its meaning depends on the
reader’s interpretation. Although Artaud did not theorize about translation per se, he did write
abundantly on theatre and cinema. These two fields share with translation the concept of
representation and involve the same three “players”: the playwright/author, the stage
director/translator, and the spectator/reader. In Le théâtre et son double, Artaud wants to put an
end in theatre to the supremacy of the author and the text, a call which resembles greatly his
approach in translation. We draw upon notions from Artaud’s “theatre of crueltythat are
transposable to the field of translation, including the concept of the “double,” the subversive
posture towards the author, and the central role of the spectator. We then review paratexts
pertaining to Artaud’s translations in order to fully grasp how he takes ownership of the translated
text. The parallels between his writings on theatre and his paratexts on translation show that
Artaud was a poststructuralist before his time, having anticipated some of the key modern
concepts of authorship in relation to translation. In light of this analysis, Artaud can ultimately be
considered an author who harnessed the “translationalpotential underlying the act of writing.
v
Remerciements
Je tiens d’abord à exprimer mes plus chaleureux remerciements à la personne qui m’a
encadrée pendant ma recherche : mon directeur de thèse, le professeur Salah Basalamah. Je
le remercie pour sa disponibilité exceptionnelle, sa patience et sa grande générosité. C’est
grâce à ses bons conseils et à ses encouragements que j’ai pu mener à terme ce travail. Je lui
en suis infiniment reconnaissante.
Je remercie également Mme Brisset et Mme Foz, qui m’ont fait l’honneur d’évaluer
ma thèse et qui m’ont fourni des commentaires éclairants.
Enfin, je remercie tous ceux et celles qui, de près ou de loin, m’ont appuyée tout au
long de cette aventure.
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