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Projet Santé mentale pour les mineurs incarcérés au Rwanda
Mesdames et Messieurs membres de la Fondation Veillard-Cybulski,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec un infini plaisir que nous avons appris votre décision de distinguer la Fondation DiDé et son
projet de santé mentale pour les mineurs incarcérés au Rwanda. Au nom de son Conseil de fondation, je vous
remercie vivement. Ce prix 2012 constitue un très grand encouragement à poursuivre un travail difficile et
exigeant en faveur de jeunes privés de liberté et particulièrement vulnérables dans le contexte douloureux du
Rwanda d’après 1994.
Ainsi que vous le savez, ce projet de santé mentale a été initié par la Fondation humanitaire genevoise DiDé
(Dignité en Détention) créée en 1992 par des anciens délégués du CICR. Celle-ci travaille principalement en
Afrique selon 3 axes d’intervention en faveur des détenus les plus fragiles : construction, rénovation et
assainissement des infrastructures pénitentiaires, scolarisation et formation professionnelle, santé mentale
des mineurs.
Le projet récompensé d’accompagnement psycho-social proprement dit des jeunes détenus de la Prison
centrale de Gitarama et du Centre correctionnel de Nyagatare au Rwanda constitue l’épine dorsale d’un
projet plus général de réinsertion sociale des jeunes garçons et filles détenus à travers la mise à disposition de
quartiers confortables, équipés et séparés des adultes, la scolarisation et la formation professionnelle.
Quelque 450 mineurs absolus (12-18 ans) et jeunes adultes mineurs au moment des faits (18-22 ans),
bénéficiaires actuels de ce projet sont encadrés par 30 détenus adultes sélectionnés et formés pour travailler
avec eux au quotidien. Ce projet est conduit par 4 psychologues cliniciens rwandais et une psychologue
clinicienne expatriée bénévole.
Les mineurs qui arrivent en prison souffrent pour la plupart de traumatismes psychiques liés à l’enfance
(génocide, maltraitances familiales diverses…) et à l’incarcération, et manifestent fréquemment les troubles
suivants :
- agressivité envers leurs camarades, violence, rébellion, opposition systématique
- agressivité envers soi même, tendances suicidaires, pratiques mutilatoires
- manque d’intérêt aux autres, asthénie
- régression : énurésie, mutisme, prostration, insomnie
- toxicomanie
- hyperactivité ou manque de concentration
- refus du deuil entrainant colère et désir de vengeance
- culpabilité, honte, humiliation suite à des viols et abus commis par des codétenus ou commis par eux-
mes.
Médiateur thérapeutique de la relation ou media pour les jeunes en souffrance psychique (trouble de stress
post traumatique, dépression, troubles sévères du comportement, etc.) le théâtre forum et les groupes de
paroles encouragent l’expression personnelle des sentiments, des peurs, des souffrances… par le biais de
techniques qui permettent au psychologue clinicien de pénétrer dans le monde de l’adolescent afin de l’aider.
Les ateliers de danses, chants, musique, gymnastique et sports, de prévention Sida/MST complètent le
dispositif. S’y ajoutent le rétablissement du lien familial ou social par les visites régulières des proches qui
aident à la restructuration des jeunes détenus et la formation des formateurs encadreurs détenus et du
personnel pénitentiaire à la gestion de la violence et des conflits chez les adolescents, ancrée dans la tradition
rwandaise.
Ce dispositif et ses outils favorisent chez le jeune détenu :
l’extériorisation ou la décharge des tensions internes accumulées par le stress
la maîtrise des situations de souffrance psychique puisque c’est le jeune qui les joue, les représente.
En les mettant en situation, il ne subit plus, il agit en inversant les rôles, sur le plan de l’imagination
tout au moins
la prise de conscience qui permet de mieux se comprendre et se respecter soi-même au travers de
l’expression des tristesse, colère, violence, tension, espoir, désir, joie…
Fondation Di (Dignité en Détention)
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la reconnaissance de son identité narrative, car dans une médiation thérapeutique réussie, il est
écouté, entendu, reconnu et respecté par ceux à qui il s’adresse.
Les cas de jeunes en plus grande détresse psychique sont repérés par les encadreurs détenus, formés pour être
en mesure d’en identifier les signes et symptômes alarmants ou par les codétenus. Ils sont alors reçus par le
psychologue en consultation privée pour une thérapie individuelle. En cas de besoin, le jeune détenu est
transféré vers un hôpital de district.
Ce projet santé mentale constitue une initiative innovante dans le milieu pénitentiaire rwandais et
reconnu, fait école. Depuis 2006 quelque 1200 jeunes garçons et filles en ont bénéficié et le taux de
récidive constaté chez les mineurs libérés était inférieur à 2%, selon une étude universitaire de 2009.
Depuis 1998 DiDé poursuit un dialogue politique et une politique de plaidoyer pour la mise en place d’une
véritable justice juvénile avec le Ministère de la Sécurité intérieure, puis le Service national des prisons qui
est devenu depuis l’année dernière le Rwanda Correctionnal Service, doté de solides compétences (juristes,
médecins, psychologues, sociologues, universitaires autres …)
Les réformes du code pénal et du système pénitentiaire de ces dernières années ont fait évoluer positivement
le paysage juridique et judiciaire et d’une justice éminemment répressive, le Rwanda s’achemine vers une
approche correctionnelle visant à la réintégration sociale de l’ensemble des tenus adultes et mineurs par
l’éducation, la formation et le travail. Accélération de la justice juvénile, peines alternatives, peines moins
lourdes conformes aux normes internationales, formation de magistrats spécialisés, aide juridique, liberté
conditionnelle sont désormais à l’ordre du jour.
A court terme tous les mineurs prévenus seront rassemblés dans ce lieu de vie, d’éducation et de formation
que sont devenus les quartiers pour mineurs de la Prison centrale de Gitarama, projet de DiDé remis au RCS
en avril 2010. Les mineurs et jeunes adultes condamnés seront eux, tous rassemblés à Nyagatare où les
constructions et différents programmes mis en place par DiDé et le RCS permettront aux jeunes détenus de
se reconstruire puis lorsqu’ils seront libérés, de se réintégrer dans leur société.
Je souhaite vous remercier encore une fois de la reconnaissance témoignée par la Fondation Veillard
Cybulski à la Fondation DiDé en lui décernant ce prix et lui associer Madame Jeanne-Marie Egger.
fondatrice de DiDé, ancienne déléguée du CICR dont le parcours moigne d’un engagement inlassable en
faveur des détenus les plus vulnérables d’ici et d’ailleurs que sont les enfants privés de liberté et qui nous fait
l’honneur d’être avec nous ce soir pour partager cette distinction.
Je vous remercie.
MFR/9.10.12
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