Les maladies hépatobiliaires félines!
Lyanne Fifle, Diplomée ACVIM (médecine interne)!
Centre DMV"
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INTRODUCTION!
Les maladies hépatiques sont des conditions fréquemment rencontrées chez le chat.
Ces maladies sont aussi souvent accompagnées de pathologies pancréatiques et/ou
intestinales. Les signes cliniques associés aux maladies hépatobiliaires sont
malheureusement très peu spécifiques et ne permettent habituellement pas de
di#érencier entre une atteinte hépatique, pancréatique et/ou intestinale. L’ictère est
une trouvaille fréquente, mais son absence n’exclue pas la possibilité d’une telle
condition."
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CLASSIFICATION DES MALADIES HÉPATOBILIAIRES FÉLINES!
1- Lipidose hépatique (25%)!
La lipidose hépatique fait référence à l’accumulation de lipides dans le foie. Cette
maladie peut être primaire (ie idopathique) ou secondaire à une maladie entraînant des
insultes métaboliques, toxiques et/ou nutritionnelles au foie. La plupart des maladies
entrainant de l’anorexie et de la perte de poids peuvent entraîner une accumulation
lipidique au foie. Parmi les plus fréquente on note le diabète mellitus, la pancréatite et
les maladies inflammatoires intestinales (IBD)."
2- Cholangite (cholangiohépatite) (25%)"
Dans cette catégorie, nous regroupons les di#érentes maladies inflammatoires
hépatobiliaires, mais étant donné la présence de cellules inflammatoires principalement
au pourtour des canaux biliaires et des régions périportales, nous qualifions davantage
ce type de maladie sous le terme de cholangite. L’inflammation peut être décrites plus
spécifiquement selon le type d’infiltrat cellulaire (neutrophilique ou lymphocytaire), la
chronicité de la pathologie et l’association aux douves hépatiques. Les appellations
maintenant reconnues sont: la cholangite suppurative, la cholangite suppurative
chronique, la cholangite lymphocytaire et la cholangite associée aux douves
hépatiques)"
3- Néoplasie (20%)"
Contrairement au chien, les tumeurs hépatiques sont plus souvent de nature bénigne
(cystadénome). Parmi les tumeurs malignes les plus fréquemment rencontrées, on
retrouve le lymphome en première place, suivi de l’adenocarcinome des canaux
biliaires (cystadénocarcinome)."
4- Hépatopathie réactive secondaire (15%)"
Cette terminologie fait référence à une atteinte hépatique secondaire à une maladie
primaire non-hépatique tel que les maladies inflammatoires intestinales,
l’hyperthyroïdie, les maladies cardiaques et les inflammations systémiques graves."
5- Autres (15%)"
-Maladies entraînant une cholestase extra-hépatique.!
Les calculs biliaires (cholélithiases), l’inflammation de la vésicule biliaire (cholécystite),
les néoplasmes du pancréas et du duodénum ainsi que les pancréatites sont les
pathologies les plus fréquemment décrites dans cette catégorie."
-Amyloïdose chez les races Siamois et Orientales."
-Maladies infectieuses tel que la péritonite infectieuse féline (PIF) et la toxoplasmose."
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TESTS DE LABORATOIRE!
1- Biochimie!
Les premiers indices de maladies hépatobiliaires consistent en une élévation des
enzymes hépatiques et des bilirubines."
L’ALP (ALkaline Phosphatase) lorsqu’élevée indique habituellement la présence d’une
stase biliaire. La durée de vie de l’ALP féline est cependant beaucoup plus courte que
celle du chien (demie-vie d’environ 6 heures vs 72 heures) et sa concentration
hépatique est plus faible chez le chat que chez le chien (environ 1:3). Ceci explique en
partie pourquoi on observe habituellement un degré d’élévation plus faible de l’ALP en
présence de cholestase chez les félins comparativement aux canins. L’absence
d’induction enzymatique stéroïdienne de l’ALP chez le chat contribue aussi à cette
di#érence."
La GGT (Gamma Glutamyl Transferase) à un comportement similaire à l’ALP, c’est-à-
dire qu’elle tend à l’élévation lors de cholestase. Elle est cependant davantage
spécifique à une cholestase faisant suite à une atteinte du tractus biliaire (ex:
cholangite), contrairement à une stase biliaire secondaire à une atteinte hépatique (ex:
lipidose hépatique). Cette observation s’explique par une concentration supérieure de
la GGT dans le cellules bordants les canaux biliaires comparativement à celle des
hépatocytes, là où la concentration en ALP y est plus grande."
Une élévation de l’ALT (ALanine Transferase) et/ou de l’AST (ASpartate
aminoTransferase) reflète habituellement la présence d’un dommage hépatocellulaire,
soit secondaire à une perte d’intégrité ou à une de nécrose cellulaire. Chez les chats,
l’élévation de ces deux enzymes lors de maladies hépatiques inflammatoires semble
moins prévisible (moins sensible) en comparaison à une hausse de l’ALP et GGT. La
raison principale de cette observation s’explique d’abord par la nature plutôt
cholestasique qu’hépatocellulaire des maladies hépatobiliaires félines. Tout comme
l’ALP, l’ALT et l’AST félines ont des demies-vies très courtes (6 heures pour l’ALT et 77
minutes pour l’AST). L’AST se retrouve aussi au niveau des cellules musculaires, donc
une élévation de l’AST sans élévation des autres enzymes hépatiques, devrait orienter le
clinicien vers la possibilité d’une atteinte musculaire et une évaluation de la créatinine
kinase (CK), une autre enzyme fréquemment augmentée lors de dommage musculaire.
Toutefois, lors de maladies hépatobiliaires, certains dérangements électrolytiques
(hypokaliémie, hypophosphatémie) peuvent entraîner une lyse des cellules musculaires
et par conséquent une élévation de la CK."
Les bilirubines totales sont fréquemment augmentées lors de maladies hépatobiliaires
et au dessus d’une certaine élévation (autour de 50 µmol/L), l’animal manifestera de
l’ictère cliniquement visible. L’hyperbilirubinémie n’est cependant pas spécifique à une
maladie hépatobiliaire. Une hémolyse intravasculaire importante (hématocrite<15%),
une endotoxémie, un processus inflammatoire très important ou un état de catabolisme
sévère peuvent être associés à une hausse des bilirubines totales sans évidence de
maladies hépatiques primaires. Chez le chat, le métabolisme normal des bilirubines
implique plusieurs étapes à l’intérieur des hépatocytes avant d’être excrété dans la bile.
Ce métabolisme peut être perturbé par di#érents facteurs (cytokines inflammatoires,
endotoxines, mobilisation d’acide gras libres, déficience protéique...). Une des
enzymes requises pour l’hydrosolubilisation des bilirubines, la glucuronyl transférase,
se retrouve aussi en très faible concentration chez le chat. Lors d’hépatopathies
secondaires réactives, l’augmentation des bilirubines demeure habituellement légère à
modérée (<50 µmol\L). Une élévation marquée des bilirubines (> 200 µmol\L) est la
plupart du temps associée à une obstruction biliaire extra-hépatique ou une lipidose
hépatique. En règle générale, plus l’hyperbilirubunémie est marquée (>100 µmol\L),
plus il y a d’inquiétudes pour la présence d’une obstruction biliaire, et plus l’évaluation
échographique de l’appareil biliaire devient critique."
D’importants dérangements électrolytiques sont présents chez les félins sou#rant de
maladies hépatobiliaires. Les principaux sont l’hypokaliémie, l’hypophosphatémie et
l’hypomagnesémie. Ces changements contribuent de façon importante à la mortalité et
la morbidité (hémolyse, faiblesse musculaire/myopathie, iléus,
hépatoencéphalopathie…) de ces maladies. La ré-alimentation des patients
anorexiques, suite à une relâche d’insuline, exacerbe les déficits électrolytiques."
2- Hématologie!
Une anémie légère à modérée, mais parfois pouvant nécessiter l’utilisation de
transfusion sanguine, est fréquemment observée lors du diagnostic, ou en court
d’hospitalisation, une fois la déshydratation corrigée. Cette anémie est habituellement
de causes multiples et peu spécifique aux di#érentes maladies hépatobiliaires. Les
pertes sanguines favorisées par les coagulopathies, les venoponctions répétées et
l’hémolyse secondaire aux dommages oxidatifs (corps de Heinz) ainsi qu’a
l’hypophosphatemie sont les causes principales de l’anémie chez ces patients."
La formule leucocytaire reflète habituellement la nature de la maladie sous-jacente."
3- Profil de coagulation!
Lors de perte de fonction hépatique importante ou en présence d’une stase biliaire, la
coagulation peut être déficiente. Chez le chat, les maladies hépatobiliaires étant
d’abord et avant tout de nature cholestasique, les coagulopathies associées à un déficit
de la vitamine K prédominent et sont fréquentes (jusqu’à 50% des cas). Les acides
biliaires facilitent la formation de micelles lipidiques, relativement essentiels à
l’absorption des vitamines liposolubles tel que la vitamine K. Une évaluation des temps
de coagulation (PIVKA, PT, PTT) est fortement recommandée en présence d’ictère, ainsi
qu’une utilisation précoce et routinière de vitamine K1 chez ces patients."
4- Autres!
Les acides biliaires sont habituellement dosées lorsque la fonction hépatique veut être
évaluée. En présence d’ictère, les acides biliaires seront élevées secondairement à la
cholestase. Dans ce contexte, elles n’apportent aucune information supplémentaire
valable. Chez le chat, elles sont surtout utilisées comme test de dépistage pour les
shunts portosystémiques."
Il est fréquent que la cobalamine (vitamine B12) soit déficiente lors de maladies
hépatobiliaires et/ou intestinales. "
Étant donné la présence concomitante fréquente d’une atteinte pancréatique, il est
aussi possible d’observer une élévation de PLI féline."
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AUTRES OUTILS DIAGNOSTIQUES !
Lors de maladies hépatiques, l’échographie abdominale demeure un outil essentiel à
l’approche diagnostique de ces maladies. Elle permet une évaluation du parenchyme
hépatique et nous donne la capacité de visualiser les autres organes abdominaux, tout
particulièrement le pancréas et les intestins, des organes fréquemment atteints lors de
maladies hépatobiliaires félines. L’examen échographique nous permet aussi d’infirmer
ou de confirmer la possibilité d’une obstruction biliaire extrahépatique, une exclusion
essentielle à faire lors d’ictère important."
Au même moment, une ponction à l’aiguille fine et une analyse cytologique du foie
peuvent être e#ectuées. Malgré que la technique soit facile et habituellement
sécuritaire (sauf en présence de coagulopathie), la sensibilité diagnostique en
comparaison avec l’analyse histolopathologique demeure faible, et ce tout
particulièrement pour les maladies inflammatoires. Un prélèvement de bile
(cholécystocenthèse) peut aussi être e#ectué pour culture bactériologique. "
Pour les maladies hépatobiliaires inflammatoires, l’examen histopathologique du foie
constitue la méthode diagnostique de choix. Il existe di#érentes méthodes à
l’obtention d’un échantillon hépatique: biopsie à l’aiguille, laparoscopie et via une
chirurgie abdominale. Malgré la simplicité opérationnelle et le faible le coût associé à
cette technique, la biopsie à l’aiguille demeure une procédure comportant des risques
non-négligeables chez le chat (vu sa petite taille). Avec l’accès grandissant à la
laparoscopie, cette procédure gagne en popularité vu la possibilité d’une évaluation
macroscopique des organes, tout en réduisant la nature invasive de la procédure."
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LES MALADIES !
1-La lipidose hépatique!
La lipidose hépatique demeure une des maladies hépatobiliaires la plus fréquemment
rencontrée en médecine féline, cependant l’incidence de la forme idiopathique reste
faible, car dans un bon nombre de cas, il existe une condition sous-jacente responsable
de l’inappétence (66%)."
Le métabolisme du félin domestique semble unique en sa capacité de former des
vacuoles lipidiques au niveau de foie. Malgré que ce phénomène soit observé
fréquemment chez les chats anorexiques et malades, l’étendu de l’accumulation
lipidique lors de lipidose hépatique reste nettement supérieure. E#ectivement, lors de
lipidose, plus de 80% des hépatocytes peuvent être a#ectés, aussi les lipides peuvent
contribuer jusqu’à 50% du poids hépatique et la taille du foie peut doubler avec la
présence de vacuoles de triglycéride au niveau des hépatocytes. "
Cette maladie peut a#ecter les chats de tout âge, cependant, vu la présence habituelle
d’une autre maladie, les chats d’âge moyen sont statistiquement plus souvent atteints.
L’historique des patients peut révéler un score corporel augmenté (4/5 et plus), de
l’inappétence (en moyenne de 2-7 jours) et une perte de poids corporel d’environ 25%
(score corporel et déshydratation). La perte de poids corporel est habituellement relié
à la perte de gras périphérique, tandis que que les gras abdominaux semblent
préservés. À part la présence de signes digestifs peu spécifiques, une grande majorité
des chats (environ 70%) démontrent de l’ictère clinique et une hépatomégalie lisse et
non-douloureuse à la palpation abdominale. La léthargie, pouvant dans certains cas
être très sévère, accompagne souvent le portrait clinique de ces patients. Cette
faiblesse peut s’expliquer par les débalancements électrolytiques, l’hypophosphatémie,
une défiance en thiamine, la présence hépatoencéphalopathie ou tout simplement par
la maladie primaire sous-jacente. "
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