Anatomie
topographique
Les reins sont des
organes pairs, rétropéri-
tonéaux, appliqués sur la
paroi abdominale posté-
rieure en regard des
fosses lombaires en avant
des muscles psoas et
carrés des lombes. Leur
axe longitudinal est obli-
que de haut en bas et de
dedans en dehors. Les
deux faces convexes, l’une
antérieure et l’autre posté-
rieure, le bord externe
convexe et le bord interne
échancré au niveau du hile
donnent aux reins une forme globalement
ovoïde, comparable à celle d’un haricot.
Le rein droit est en rapport en avant avec
le foie situé en haut et la deuxième portion
du duodénum qui croise la face antérieure
du pédicule rénal. L’angle colique droit
répond au pôle inférieur du rein. Le foie et
le rein sont séparés par un repli péritonéal
formant un cul-de-sac constituant l’espace
de Morisson ou recessus hépato-rénal. Le
rein gauche, plus haut que le droit, est
habituellement situé entre la onzième côte
et la seconde vertèbre lombaire. Sa face
postérieure répond surtout au diaphragme
et à la plèvre pariétale alors que sa face
antérieure est en rapport avec l’estomac
dont il est séparé par l’arrière cavité des
épiploons, la queue du pancréas au niveau
du hile et l’angle colique gauche en bas.
La rate est en haut et en dedans. En arrière,
les deux reins s’appliquent en haut sur le
diaphragme et en bas sur la paroi lombaire.
Les surrénales coiffent les reins en haut,
en dedans et en avant. Au niveau du hile
on trouve d’avant en arrière la veine, l’ar-
tère puis l’uretère situé dans un plan plus
postérieur et descendant en avant du
muscle psoas dans le rétropéritoine.
Technique d’examen
Le jeûne n’est habituellement pas nécessaire
pour l’exploration des reins. Une prépara-
tion digestive débutée 24 à 48 heures avant
l’examen (régime sans résidu destiné à limi-
ter le météorisme abdominal ; patient à
jeun depuis six heures) est cependant pré-
férable pour l’étude couplée des artères et
des veines rénales.
L’ e xamen, réalisé en temps
réel avec une sonde de 3,5
ou 5 MHz, est d’abord
effectué en décubitus dor-
sal puis en décubitus
semi-latéral ou complet
avec surélévation du bras.
Ces voies d’abord laté-
rales sont utiles pour obte-
nir des coupes bivalves (ou
coupes coronales). Les
reins doivent être complè-
tement explorés par des
coupes longitudinales et
transversales.
La voie postérieure en
procubitus ou sur un sujet
assis sur le plan d’examen,
courbé en avant, est égale-
ment possible lorsque les conditions dex-
ploration sont difficiles : superpositions
digestives, absence de fenêtre acoustique,
patient obèse. Le pôle supérieur du rein
est souvent mieux visualisé lors de l’ins-
piration profonde. D’une façon générale,
le rein droit est bien visible par voie anté-
rieure chez un sujet en décubitus dorsal et
en prenant alors le foie comme fenêtre
acoustique ou par les coupes passant par
le flanc droit. L’étude du rein gauche est
en revanche plus difficile, nécessite une
voie d’abord latérale et il est souvent utile
d’utiliser la rate comme fenêtre acous-
tique. L’étude des flux intraparenchyma-
teux requière une bonne coopération du
patient qui doit pouvoir maintenir une
apnée suffisamment longue pour per-
mettre un enregistrement correct des flux.
Résultats normaux
La taille des reins varie en fonction de la
morphologie du sujet et de son état d’hy-
dratation (10 x 4 cm en moyenne). Le dia-
215
L’exploration des artères ou des veines rénales par
l’examen Doppler n’est plus concevable aujourd’hui
sans l’étude conjointe du parenchyme rénal et de sa
vascularisation. Les renseignements fournis par cet
examen, qu’il s’intègre dans le cadre du bilan d’une
hypertension artérielle ou d’une insuffisance rénale
rapidement progressive, sont en effet souvent plus
contributifs que les données du simple Doppler. À titre
d’exemple, il est fréquent, notamment chez le sujet âgé,
de retrouver des arguments en faveur d’une néphropathie
lors d’un examen initialement motivé par la recherche
d’une sténose des artères rénales. Les reins sont
facilement accessibles à l’examen ultrasonore et quelques
principes simples régissent leur exploration.
* Service de médecine interne, hôpital Pitié-
Salpêtrière, Paris.
** Association hospitalière “Les Cheminots”,
Service de médecine,Draveil.
angio-technique
Angio-Technique
L’exploration ultrasonore du rein
J. Lajou *, M. Thiollet *
angio-technique
Angio-Technique
mètre longitudinal est compris entre 9,5 et
12 cm (figure 1) et son diamètre transver-
sal entre 3,5 et 6 cm (figure 2). L’épaisseur
moyenne du parenchyme périphérique est
de 1,5 cm (1 à 2 cm) mais celle-ci peut
atteindre 3 cm en regard de la rate (bosselu-
re splénique du rein qui lui donne une forme
triangulaire : rein dromadaire) (figure 3). À
l’inverse, il est fréquent d’observer une
diminution physiologique de l’épaisseur
du parenchyme, inférieure ou égale à 1 cm,
chez les sujets âgés. La différence de taille
entre les deux reins ne doit pas excéder
1,5 cm.
L’échogénicité du parenchyme rénal péri-
phérique (cortex) est homogène, un peu
inférieure à celle du foie (figures 1 et 2).
Au sein de celui-ci, les pyramides de la
médullaire apparaissent moins échogènes, de
forme arrondie ou conique et peuvent être
parfois distinguées des colonnes de Bertin
chez les sujets minces. La stéatose hépatique
en accentuant l’échogénicité du foie majore
le gradient hépatorénal (figure 4). La région
centrale hyperéchogène, ou sinus du rein,
est faite de tissu adipeux et de tissu
conjonctif au sein duquel on retrouve le
bassinet anéchogène ainsi que les struc-
tures vasculaires facilement reconnues par
le codage couleur du signal Doppler. Au
niveau du hile, les uretères ne sont visibles
que s’ils sont dilatés.
Les contours du rein sont habituellement
réguliers et entourés par la graisse périré-
nale très échogène et homogène. La pré-
sence d’encoches corticales sur le bord
externe du rein se projetant entre les
calices correspond à la persistance des
lobulations fœtales si l’échostructure du
parenchyme est par ailleurs normale.
Sinon, il peut s’agir d’une hypoplasie
rénale secondaire d’origine vasculaire ou
infectieuse ; le petit rein d’origine congé-
nitale restant bien proportionné, harmo-
nieux. Enfin, le rein en fer à cheval est
facilement reconnu grâce au pont fibreux
ou de parenchyme fonctionnel unissant les
deux pôles inférieurs.
Variantes anatomiques
L’agénésie rénale unilatérale est difficile à
affirmer et bien souvent il est nécessaire de
compléter l’échographie par l’urographie
intraveineuse ou la tomodensitométrie pour
éliminer une ectopie pelvienne surtout, mais
aussi sous-diaphragmatique ou lombaire.
L’ e xamen controlatéral permet d’éliminer un
rein double sigmoïde ou retrouve l’hypertro-
phie compensatrice d’une agénésie ou d’une
hypotrophie rénale.
Principales pathologies
On distingue schématiquement les masses
liquidiennes (anéchogènes) et les masses
solides (échogènes) mais toute masse ané-
chogène ne correspond pas obligatoire-
ment à un kyste simple. À l’inverse, toute
masse échogène n’est pas toujours solide.
On estime à 0,6 % dans une consultation
non spécialisée l’incidence des masses
rénales échogènes.
Masses liquidiennes
Les masses liquidiennes bénignes du rein
correspondent à une lésion parenchyma-
teuse non tumorale dont l’enveloppe, fine
et tapissée d’un épithélium, renferme un
contenu purement liquidien. Le kyste
simple présente les quatre critères écho-
graphiques suivants : formation arrondie,
anéchogène, homogène ; renforcement
216
Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 3, mars 2000
Figure 1 : Rein normal, coupe longitudi-
nale.
Figure 2 : Rein normal, coupe transversale.
Figure 3 : Rein gauche “dromadaire”.
Figure 4 : Rein normal. L’échogénicité
normale du cortex est en fait artificielle-
ment atténuée par rapport à celle du
parenchyme hépatique rendu hyperécho-
gène par la stéatose.
angio-technique
Angio-Technique
postérieur des échos ; contours réguliers
et bien définis ; paroi fine, non visible
(inférieure à 1 millimètre). Le doppler
couleur permet d’affirmer le caractère
avasculaire du kyste. Tout kyste ne répon-
dant pas à ces quatre critères est dit aty-
pique et doit être considéré comme sus-
pect et faire pratiquer un scanner. Le kyste
atypique est uni ou multiloculaire,
contient des échos internes, présente une
paroi individualisable ou des cloisons
épaisses, calcifiées, avec ou sans végéta-
tion. Il faut néanmoins connaître les
pièges classiques : artefact de répétition à
l’origine de fausses images de cloison
intrakystique ; artefact de bord avec
aspect de faux échos internes ; absence de
renforcement postérieur pour les petits
kystes de moins de quatre millimètres de
diamètre ; différenciation parfois très dif-
ficile avec les pyramides de Malpighi qui
peuvent être très hypoéchogènes. Enfin, le
volumineux kyste à développement exoré-
nal constitue un piège topographique clas-
sique du fait d’une zone de connexion
rénale parfois punctiforme difficile à
mettre en évidence.
Masses liquidiennes bénignes
Le kyste cortical simple est très fréquent
et correspond à une formation anéchogène
liquidienne entraînant un renforcement
postérieur des échos (figure 5). De
contours nets mais sans paroi individuali-
sable ou parfois constitués d’une paroi très
fine et régulière, ces kystes sont uniques ou
multiples et ne nécessitent généralement
aucune exploration complémentaire. Les
autres formations kystiques ont une locali-
sation pararénale ou parapyélique et doivent
être différenciées dans ce dernier cas de
l’hydronéphrose (figure 6). La dysplasie
multikystique unilatérale ou la polykystose
rénale bilatérale sont plus rares et présen-
tent un aspect caractéristique (figure 7).
Enfin, il est fréquent d’observer une poly-
kystose rénale acquise chez l’hémodyalisé
(un tiers des cas).
Masses liquidiennes suspectes
Le bilan des kystes atypiques est fait par
le scanner. Certains kystes peuvent pré-
senter des remaniements à la suite d’hé-
morragies intrakystiques ou d’infections
mais on trouve également parmi ces
masses suspectes d’authentiques tumeurs
telles que le cancer kystique d’architectu-
re multiloculaire, le cancer nécrosé pseu-
dokystique ou le néphrome kystique
multiloculaire qui présente un potentiel
de malignité (20 % des cas).
Masse solide
Les tumeurs malignes du rein, qui repré-
sentent 90 % des formations solides, sont
en revanche le plus souvent isoéchogènes,
hypoéchogènes, hyperéchogènes ou rare-
ment hétérogènes et sont à l’origine d’un
syndrome de masse et de l’infiltration de
la graisse péri-rénale en cas d’envahisse-
ment de la capsule (figures 8). Leurs
caractéristiques ultrasonores justifient
l’aphorisme suivant : toute tumeur solide
d’un rein est un cancer jusqu’à preuve du
contraire. Il s’agit d’un adénocarcinome
trois fois sur quatre. Un piège classique
est constitué par l’hypertrophie rénale
compensatrice dun rein controlatéral non
fonctionnel et par l’hypertrophie dune
colonne de Bertin. Une fois ces pièges
écartés, c’est le scanner qui permettra de
trancher en fonction du caractère vascula-
risé ou non de la masse entre un authen-
tique cancer, un kyste atypique dense, une
tumeur bénigne (adénome ou fibrome), un
angiomyolipome ou une masse inflamma-
toire focale (abcès, néphrite, pyélonéphrite
xanthogranulomateuse focale).
L’angiomyolipome est la tumeur bénigne
la plus fréquente du rein et s’observe prin-
217
Figure 5 : Kyste cortical polaire inférieur.
Figure 6 : Hydronéphrose rénale.
Figure 7 : Polykystose rénale.
Figure 8 : Adénocarcinome à développe-
ment hilaire.
Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 3, mars 2000
angio-technique
Angio-Technique
cipalement chez la femme (figure 9). Il
s’agit le plus souvent d’une masse solide
hyperéchogène, homogène, bien délimitée
mais qui présente parfois des atypies
(masse hypoéchogène, hétérogène).
Grâce au codage couleur, l’échographie
permet enfin de mettre en évidence l’ex-
tension d’une tumeur rénale à la veine
rénale voire à la veine cave inférieure.
Processus inflammatoires
La plupart des lésions diffuses du paren-
chyme rénal susceptibles d’entraîner une
hypertension artérielle n’ont pas de carac-
tère spécifique en échographie et seule la
biopsie rénale permet de porter un dia-
gnostic de certitude.
Les processus parenchymateux diffus
inflammatoires aigus induisent parfois
une augmentation de taille homogène du
parenchyme rénal. Le rein conserve
cependant souvent une taille normale à ce
stade pour ne devenir hypotrophique
qu’aux stades chroniques de la maladie.
L’échogénicité du rein augmente habituel-
lement et s’associe alors à une dédifféren-
ciation corticomédullaire mais, dans cer-
tains processus aigus, le cortex rénal
devient franchement hypoéchogène par
rapport au parenchyme hépatique. Une
image de tonalité calcique avec ombre
acoustique évoquera une lithiase rénale.
Enfin, l’hypotrophie rénale congénitale
ou dorigine vasculaire conserve habituel-
lement des contours réguliers alors que le
petit rein secondaire à une pyélonéphrite
chronique est irrégulier.
218
Figure 9 : Masse solide discrètement
hyperéchogène, homogène et à contours
nets évoquant un angiomyolipome.
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